Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

REGIMES MATRIMONIAUX

1re Civ., 22 juin 2022, n° 20-20.202, (B), FRH

Cassation partielle

Communauté entre époux – Liquidation – Récompenses – Récompenses dues à l'un des époux – Profit subsistant – Evaluation – Modalités – Détermination

Il résulte de la combinaison des articles 1543, 1479, alinéa 2, et 1469, alinéa 3 du code civil, d'une part, que, lorsque les fonds d'un époux séparé de biens ont servi à acquérir ou améliorer un bien personnel de l'autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l'époux appauvri ont contribué au financement de l'acquisition ou de l'amélioration du bien personnel de son conjoint.

En présence de dépenses d'acquisition et d'amélioration du bien personnel de l'un des époux, la créance réclamée par l'autre au titre des dépenses d'acquisition doit être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d'amélioration.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 12 mai 2020), Mme [K] s'est marié sous le régime de la séparation de biens avec M. [Z].

2. Avant leur union, celui-ci avait acquis une maison.

3. Un jugement du 10 décembre 2009 a prononcé le divorce des époux et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [K] fait grief à l'arrêt de dire qu'elle détient une créance à l'égard de M. [Z] à hauteur de la seule somme de 51 644,46 euros et de renvoyer les parties devant le notaire, aux fins d'établissement de l'acte définitif de partage sur la base des énonciations du jugement, en rejetant le surplus de ses prétentions, alors « que la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir un bien propre de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'acquisition du bien immobilier propre de M. [Z] a été financée par moitié par Mme [K] par un emprunt bancaire de 200 000 francs, soit environ 30 490 euros, remboursé par le compte joint du couple et à hauteur de 80 000 francs, soit environ 12 195 euros, par un emprunt familial de 200 000 francs dont le reliquat (120 000 francs, soit environ 18 294 euros) a servi au financement des travaux d'amélioration, emprunt également remboursé par ce compte joint à raison de 400 euros par mois de janvier 2003 à octobre 2008 ; que la cour d'appel a constaté que la valeur réactualisée de la maison avant travaux, initialement acquise pour 42 685,72 euros, était de 115 000 euros ; que pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à 51 644,46 euros, la cour d'appel a retenu que le coût des travaux d'amélioration, partiellement financés par Mme [K], devait être considéré comme intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant de sorte que la créance de Mme [K] représentait le montant total de ses versements (soit 24 045 euros selon la cour d'appel) rapporté à la valeur actuelle de la maison avant travaux et multipliée par la valeur après travaux ; qu'en statuant ainsi, cependant que Mme [K] était fondée à revendiquer sa créance au titre de sa participation à l'acquisition de la maison, après chiffrage du prix réactualisé de la maison avant travaux, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés dont elle avait assuré le remboursement avaient contribué au financement de cette acquisition, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1543, 1479, alinéa 2, 1469, alinéa 3 du code civil :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que, lorsque les fonds d'un époux séparé de biens ont servi à acquérir un bien personnel de l'autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l'époux appauvri ont contribué au financement de l'acquisition du bien personnel de son conjoint.

6. Pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à la somme de 51 644,46 euros, après avoir rappelé que celle-ci faisait valoir une créance au titre de sa participation au financement de l'acquisition et des améliorations apportées à la maison, bien personnel de M. [Z], l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le montant total des crédits bancaire et familial, affectés au paiement de la maison et des travaux d'amélioration du bien, remboursé par le compte joint du couple s'élève à la somme de 58 090 euros, pour en déduire une participation de l'épouse de 24 045 euros. Il rapporte, ensuite, la contribution de Mme [K] à la somme de 115 000 euros représentant la valeur actuelle du bien sans les travaux, puis applique la proportion ainsi déterminée à la somme de 247 000 euros correspondant à la valeur actuelle du bien. Il ajoute, enfin, que, le coût des travaux d'amélioration ayant été intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant, la demande de Mme [K] au titre du financement desdits travaux doit être écartée.

7. En statuant ainsi, alors que la créance réclamée par Mme [K] au titre des dépenses d'acquisition du bien de M. [Z] devait être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d'amélioration, le calcul du profit subsistant s'effectuant en établissant la proportion de sa contribution au paiement du coût global de l'acquisition puis en l'appliquant à la valeur du bien au jour de la liquidation de la créance selon son état lors de l'acquisition, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Mme [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la créance personnelle que l'un des époux peut avoir à exercer contre l'autre, ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien propre de l'autre ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'acquisition du bien immobilier propre de M. [Z] a été financée par un emprunt bancaire de 200 000 francs, soit environ 30 490 euros, remboursé par le compte joint du couple et à hauteur de 80 000 francs, soit environ 12 195 euros, par un emprunt familial de 200 000 francs dont le reliquat (120 000 francs, soit environ 18 294 euros) a servi au financement des travaux d'amélioration, emprunt remboursé par ce compte joint à raison de 400 euros par mois de janvier 2003 à octobre 2008 ; qu'en retenant que la créance de Mme [K] représentait le montant total de ses versements (soit 24 045 euros selon la cour d'appel) rapporté à la valeur actuelle de la maison avant travaux et multipliée par la valeur après travaux et que la demande de Mme [K] au titre de sa contribution aux travaux d'amélioration du bien immobilier propre devait être écartée comme faisant double emploi avec sa créance au titre de l'acquisition du bien, cependant qu'en sus du paiement de sa créance au titre de cette acquisition, entièrement financée par les emprunts remboursés par le compte joint, Mme [K] était fondée à revendiquer sa créance au titre de sa participation aux travaux d'amélioration, après chiffrage de la plus-value procurée par les travaux, d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés dont elle avait assuré le remboursement avaient contribué au financement de ces travaux, la cour d'appel a violé les articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1543, 1479, alinéa 2, 1469, alinéa 3 du code civil :

9. Il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que, lorsque les fonds d'un époux séparé de biens ont servi à améliorer un bien personnel de l'autre, sa créance contre ce dernier ne peut être moindre que le profit subsistant ni moindre que le montant nominal de la dépense faite, d'autre part, que le profit subsistant, qui représente l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur, se détermine d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés au patrimoine de l'époux appauvri ont contribué au financement de l'amélioration du bien personnel de son conjoint.

10. Pour fixer la créance détenue par Mme [K] à l'égard de M. [Z] à la somme de 51 644,46 euros, après avoir rappelé que celle-ci faisait valoir une créance au titre de sa participation au financement de l'acquisition et des améliorations apportées à la maison, bien personnel de M. [Z], l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le montant total des crédits bancaire et familial, affectés au paiement de la maison et des travaux d'amélioration du bien, remboursé par le compte joint du couple s'élève à la somme de 58 090 euros, pour en déduire une participation de l'épouse de 24 045 euros. Il rapporte, ensuite, la contribution de Mme [K] à la somme de 115 000 euros représentant la valeur actuelle du bien sans les travaux, puis applique la proportion ainsi déterminée à la somme de 247 000 euros correspondant à la valeur actuelle du bien. Il ajoute, enfin, que, le coût des travaux d'amélioration ayant été intégré dans la valeur de la maison permettant de fixer le montant du profit subsistant, la demande de Mme [K] au titre du financement des-dits travaux doit être écartée.

11. En statuant ainsi, alors que la créance réclamée par Mme [K] au titre des dépenses d'amélioration du bien de M. [Z] devait être évaluée distinctement de celle réclamée au titre des dépenses d'acquisition, le calcul du profit subsistant s'effectuant en établissant la proportion de sa contribution au paiement des travaux puis en l'appliquant à la différence existant entre la valeur au jour de la liquidation du bien amélioré et celle qui aurait été la sienne sans les travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme [K] détient une créance à l'égard de M. [Z] à hauteur de 51 644,46 euros et renvoie les parties devant M. [H], notaire, aux fins d'établissement de l'acte définitif de partage sur la base des énonciations du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 27 septembre 2018, en rejetant le surplus de ses prétentions, l'arrêt rendu le 12 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin (président) - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SARL Corlay -

Textes visés :

Articles 1543, 1479, alinéa 2, et 1469, alinéa 3 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 mai 1992, pourvoi n° 90-18.931, Bull. 1992, I, n° 155 (rejet) ; 1re Civ., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.149, Bull., (rejet).

1re Civ., 9 juin 2022, n° 20-21.277, (B), FRH

Cassation partielle

Régimes conventionnels – Séparation de biens – Contribution aux charges du mariage – Exécution – Modalités – Apport en capital de fonds personnels de l'un des époux pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial (non)

Désistement du pourvoi incident

1. Il est donné acte à Mme [K] du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er septembre 2020), un arrêt du 16 juillet 2013 a prononcé le divorce de M. [M] et Mme [K], mariés sous le régime de la séparation de biens.

3. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance au titre du financement de l'appartement sis à [Localité 3], alors « que l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de l'acquisition du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Mme [K] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait.

7. Cependant, M. [M] soutenait, dans ses écritures, d'une part, que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d'une participation aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, d'autre part, que l'apport d'un capital pour financer un bien indivis n'est pas une contribution aux charges du mariage.

8. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 214 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de l'autre lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

10. Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement de [Localité 3], après avoir constaté que l'immeuble avait été financé pour partie au moyen d'un apport en capital provenant d'un compte courant d'associé de celui-ci, l'arrêt relève que le contrat de mariage des époux stipule que chacun sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, que l'importante disparité de revenus entre eux devait conduire M. [M] à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage, que Mme [K] alimentait aussi le compte commun par le versement de ses allocations chômage et familiales, que l'immeuble avait constitué le domicile conjugal et qu'ainsi les paiements effectués par M. [M] participaient de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sans dépasser une contribution normale.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance au titre de travaux d'édification de la maison sise à La Chambre, alors « que l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'édification d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de la construction et de l'édification du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. Mme [K] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait.

14. Cependant, M. [M] soutenait, dans ses écritures, d'une part, que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d'une participation aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, d'autre part, que l'apport d'un capital pour financer un bien indivis n'est pas une contribution aux charges du mariage.

15. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 214 du code civil :

16. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

17. Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre du financement d'une partie des travaux de la maison sise à La Chambre, après avoir constaté que celui-ci justifiait sa demande par la production de la copie d'un chèque tiré sur son compte bancaire au bénéfice du promoteur, l'arrêt retient que les explications données à propos de l'appartement de [Localité 3] doivent encore recevoir application.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de créances formées par M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement sis à Saint-Jean de Maurienne et au titre des travaux de construction de la maison sise à La Chambre, l'arrêt rendu le 1er septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 214 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.828, Bull., (cassation partielle) ; 1re Civ., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-21.463, Bull., (cassation partielle).

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