Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

REFERE

Com., 22 juin 2022, n° 19-25.434, (B), FS

Cassation sans renvoi

Applications diverses – Contrats de la commande publique – Référé contractuel – Recevabilité – Exclusion – Contrats de concession – Contrat d'attribution d'un service de dépannage

En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services visés à l'article L. 122-20, 2°, du code de la voirie routière, il est fait application, pour les marchés relevant du droit privé, des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.

Cette possibilité n'étant pas prévue pour les contrats de concession, les candidats à un appel d'offres pour un tel contrat ne peuvent donc saisir le juge du référé contractuel, ce qui ne les empêche pas de saisir le juge de droit commun pour faire valoir leurs droits et ne porte donc pas atteinte à leur droit d'accès à un tribunal.

Doit être cassée la décision d'un juge du référé contractuel qui, pour déclarer l'action recevable, qualifie de marché un contrat qui ne prévoyait aucune rémunération versée par le concessionnaire d'une autoroute à une entreprise de dépannage, la situation de monopole de l'entreprise de dépannage désignée pour accomplir la mission n'étant pas exclusive de l'existence d'un aléa susceptible d'affecter le volume et la valeur de la demande de dépannage sur la portion d'autoroute concernée.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal de grande instance de Bordeaux, 18 novembre 2019), rendue en la forme des référés, la société Atlandes, société concessionnaire d'autoroute, a publié au mois d'avril 2019 un appel d'offres pour l'attribution des opérations de dépannage des poids lourds sur une portion d'autoroute qu'elle exploite.

2. Deux offres ont été déposées, l'une par la société Bernard dépannage, précédemment chargée de ce service depuis l'année 2012, l'autre par le groupement d'intérêt économique DBF-DRB (le GIE DBF-DRB), constitué par les sociétés de dépannage DBF Cestas et Dépannage remorquage Bertrande.

3. La société Bernard dépannage, informée le 26 juin 2019 que sa candidature n'avait pas été retenue, a saisi le juge du référé contractuel en nullité du contrat au motif que la société Atlandes n'avait pas respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Examen des moyens

Le pourvoi incident discutant la recevabilité de la demande, son examen devrait être préalable. Toutefois, étant formé à titre éventuel, il ne sera examiné, conformément à la volonté du demandeur à ce pourvoi, que si la cassation est encourue sur le pourvoi principal.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société Bernard dépannage fait grief à l'ordonnance de rejeter ses demandes, alors « qu'elle faisait valoir que les documents de la consultation, qui prévoyaient un dépanneur agréé par secteur et interdisaient toute sous-traitance, faisaient obstacle à la candidature d'un groupement d'intérêt économique et qu'à tout le moins les membres du groupement attributaire auraient dû être agréés ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motif.

6. Pour rejeter les demandes de la société Bernard dépannage, l'ordonnance, après avoir énoncé que I'article R. 2142-22 du code de la commande publique dispose que I'acheteur ne peut exiger que le groupement d'opérateurs économiques ait une forme déterminée pour la présentation d'une candidature ou d'une offre, retient qu'il est constant que les groupements d'intérêt économique peuvent se voir attribuer des contrats de la commande publique, l'article R. 2142-3 du même code permettant à un opérateur économique candidat à I'attribution d'un marché de se prévaloir des capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui I'unissent à ces opérateurs.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Bernard dépannage qui faisait valoir que les documents de la consultation, qui prévoyaient un dépanneur agréé par secteur et interdisaient toute sous-traitance, faisaient obstacle pour le marché en cause à la candidature d'un groupement d'intérêt économique qui ne bénéficie pas de moyens propres, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

8. La cassation étant encourue sur le pourvoi principal, il y a lieu d'examiner le pourvoi incident éventuel.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

9. La société Atlandes fait grief à l'ordonnance de déclarer la société Bernard dépannage recevable en son action, alors :

« 2°/ qu'un contrat est un marché au sens du code de la commande publique lorsque l'attributaire accomplit une prestation au profit du pouvoir adjudicateur en contrepartie d'une rémunération reçue de ce dernier ; qu'au contraire, le contrat répond à la qualification de concession, ou de contrat d'exploitation s'il n'est pas conclu par un pouvoir adjudicateur, lorsqu'il est conféré au prestataire le droit d'exploiter l'ouvrage ou le service à l'effet d'obtenir une rémunération de la part des usagers ; qu'en retenant en l'espèce que le contrat consistant pour un concessionnaire d'autoroute à autoriser une société de dépannage à exploiter le secteur autoroutier concédé constituait un marché pour cette raison que l'agrément donné au dépanneur pour intervenir sur ce secteur avait pour contrepartie économique le prix facturé aux usagers, le président du tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique ;

4°/ que le fait de bénéficier d'une situation de monopole n'exclut pas l'existence d'un aléa d'exploitation, qui est tributaire des coûts d'exploitation et non de l'existence d'une concurrence ; qu'en affirmant que la qualification de marché, au lieu de celle de contrat de concession ou de contrat d'exploitation, pour cette raison que la société Bernard dépannage n'était pas exposée à un risque particulier en raison de sa situation monopolistique sur le secteur autoroutier concédé à la société Atlandes, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 122-20, 2° du code de la voirie routière, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019, l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et les articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique :

10. En application du premier de ces textes, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services, il est fait application pour les marchés relevant du droit privé, des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.

11. Aux termes du deuxième de ces textes, les personnes qui ont un intérêt à conclure l'un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de la présente ordonnance et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d'un recours en contestation de la validité du contrat.

La demande est portée devant la juridiction judiciaire.

12. Aux termes du troisième de ces textes, un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent.

13. Aux termes du quatrième de ces textes, un contrat de concession est un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix.

La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable.

Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, qu'il a supportés.

14. Pour déclarer l'action recevable, le juge du référé contractuel relève que si le concessionnaire ne verse aucun paiement au dépanneur pour l'exécution du contrat, I'agrément qu'il donne à celui-ci en lui permettant d'intervenir de façon exclusive sur un secteur d'autoroute déterminé a pour contrepartie économique le prix facturé aux usagers, sans l'exposer pour autant véritablement aux aléas du marché compte tenu de sa situation monopolistique.

15. Il déduit de ces éléments que malgré l'absence de définition de la notion de marché dans le code de la voirie routière, les contrats de dépannage et de remorquage sur les autoroutes, qui permettent à la société concessionnaire d'assurer une mission qui lui incombe en vertu du contrat de concession pour les travaux, fournitures ou services, doivent être qualifiés de marchés entrant dans le champ d'application de l'article L. 122-12 de ce code.

16. En statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat qui lui était soumis ne prévoyait aucune rémunération versée par le concessionnaire à l'entreprise de dépannage, la situation de monopole de l'entreprise de dépannage désignée pour accomplir la mission n'étant pas exclusive de l'existence d'un aléa susceptible d'affecter le volume et la valeur de la demande de dépannage sur la portion d'autoroute concernée, le juge du référé contractuel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

17. La société Atlandes fait le même grief à l'ordonnance, alors « qu'en l'absence de référé contractuel ou précontractuel devant le juge judiciaire, tout intéressé à une procédure d'appel d'offres dispose de la faculté de saisir le juge de droit commun statuant au fond ou en référé ; qu'en affirmant que toute solution qui consisterait à fermer la voie du référé contractuel prévue par l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 reviendrait à priver le candidat évincé de tout recours judiciaire, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 par fausse application, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit d'accès au juge. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 :

18. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

19. Pour déclarer l'action recevable, le juge du référé contractuel énonce qu'il résulterait de I'interprétation de l'article L. 122-12 du code de la voirie routière soutenue par la société Atlandes Ia privation pour les candidats évincés de tout recours judiciaire à raison de manquements commis par la société concessionnaire, contrairement à la volonté du législateur de soumettre la passation des contrats des sociétés concessionnaires d'autoroute, critiqués pour leur opacité, aux procédures de référés précontractuel et contractuel.

20. En statuant ainsi, alors que l'impossibilité de saisir le juge du référé contractuel n'empêche pas les candidats évincés d'un appel à concurrence de saisir le juge de droit commun pour faire valoir leurs droits et ne porte donc pas atteinte à leur droit d'accès à un tribunal, le juge du référé contractuel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

La cassation est encourue tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi incident. Ce dernier étant préalable, la cassation ne sera prononcée que sur ce pourvoi.

21. Sur la suggestion de la société Atlandes, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

23. Il appartient au seul législateur, en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution selon lesquelles la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, de rendre applicable à des contrats passés par des personnes privées le recours au juge du référé précontractuel et contractuel.

24. L'article L. 122-20, 2° du code de la voirie routière, qui prévoit l'application pour les marchés de droit privé des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés de travaux, fournitures ou services, réserve cette compétence aux marchés à l'exclusion des contrats de concession.

25. Il n'est pas contesté que le contrat conclu entre la société Atlandes, société privée concessionnaire d'une portion d'autoroute, et l'entreprise de droit privé sélectionnée à l'issue de l'appel d'offres pour accomplir les prestations de dépannage sur cette portion ne prévoyait ni rémunération versée par le concessionnaire d'autoroute ni mécanisme de compensation des pertes éventuelles. Il n'est pas contesté non plus que l'entreprise sélectionnée ne maîtrisait pas le nombre et le volume des prestations à accomplir, de sorte qu'elle supportait les risques liés à l'exploitation du service rendu. Dans ces conditions, le contrat en cause ne constitue pas un marché au sens des dispositions de l'article L. 1111-1 du code de la commande publique.

26. Il s'ensuit que les éventuels manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence relatifs à la passation de ce contrat ne relèvent pas de l'application des dispositions des articles 2 à 4 et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, de sorte que le juge du référé contractuel ne peut en connaître.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 novembre 2019, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable le recours formé par la société Bernard dépannage.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Michel-Amsellem - Avocat général : M. Douvreleur - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article L. 122-20, 2°, du code de la voirie routière ; articles 2 à 4, et 11 à 14 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.

3e Civ., 30 juin 2022, n° 21-20.127, (B), FS

Rejet

Provision – Attribution – Conditions – Obligation non sérieusement contestable – Applications diverses – Bail commercial – Restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire

Contestation sérieuse – Exclusion – Applications diverses – Bail commercial – Restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er juillet 2021), rendu en référé, M. [Z], aux droits duquel se trouvent M. et Mme [I] (les bailleurs), a donné à bail commercial à la société Odalys résidences (la locataire) deux lots d'une résidence de tourisme.

2. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a, du 14 mars au 2 juin 2020, cessé son activité dans la résidence.

3. Le 26 mars 2020, elle a informé les bailleurs de sa décision d'interrompre le paiement du loyer et des charges à compter du 14 mars 2020.

4. Les bailleurs ont assigné la locataire en paiement d'une provision correspondant à l'arriéré locatif.

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme au titre des loyers impayés, alors « que le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui apprécie si les circonstances ayant entraîné l'indisponibilité des lieux loués, qui ne pouvaient plus être utilisés conformément à leur destination contractuelle, justifient ou non la suspension du paiement des loyers ; que la société [Adresse 6] soutenait que son obligation au paiement du loyer était contestable, sur le fondement de l'exception d'inexécution, dès lors que les bailleurs avaient été dans l'impossibilité, pendant toute la période considérée, d'exécuter leur obligation de délivrance et d'assurer la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination prévue au bail ; qu'ils ajoutaient que l'impropriété des lieux à l'objet prévu au bail s'analysait en outre en perte partielle de la chose louée, et que les bailleurs avaient manqué à leur obligation de bonne foi en réclamant le paiement de loyers afférents à des périodes durant lesquelles les lieux loués ne pouvaient être utilisés conformément à leur destination contractuelle ; qu'en énonçant, pour dire que l'obligation au paiement des loyers n'était pas sérieusement contestable, qu'il ne pouvait être reproché aux bailleurs un manquement à leur obligation de délivrance, que les restrictions résultaient de mesures législatives et réglementaires concernant tous les bailleurs se trouvant dans la même situation, tandis qu'aucun texte ne dispensait les locataires du règlement des loyers, et que les locaux n'avaient subi aucune perte, le juge des référés, qui a apprécié la nature et l'étendue des obligations contractuelles et la gravité du manquement du preneur au regard des circonstances pouvant justifier qu'il cesse le règlement des loyers en l'état de l'indisponibilité avérée des lieux loués, a tranché des contestations sérieuses et violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Par application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.

8. En application de l'article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.

9. Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis.

10. Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.

11. L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.

12. Ayant relevé que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose, la cour d'appel, saisie en référé d'une demande en paiement d'une provision, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Andrich et M. David - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé ; décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020 ; article 1722 du code civil ; article 835 du code de procédure civile.

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