Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 15 juin 2022, n° 18-16.968, (B), FRH

Rejet

Clauses abusives – Définition – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Applications diverses – Clause illicite

En retenant que la clause d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur est illicite, une cour d'appel caractérise l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment du consommateur, ce dont elle déduit à bon droit qu'elle est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 avril 2018), le 11 mars 2013, soutenant que les contrats qu'elles proposaient aux consommateurs contenaient des clauses abusives ou illicites, l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (l'AAMOI) a assigné la société Ambition Isère Savoie, devenue l'AISH, et la société Ambition Loire Ain lyonnais, devenue l'ARIA, en suppression de ces clauses et en indemnisation.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. Les sociétés AISH et ARIA font grief à l'arrêt de rejeter leurs fins de non-recevoir, alors « qu'une association locale, départementale ou régionale ne peut agir en justice qu'aux fins d'assurer la défense des consommateurs situés dans le ressort géographique pour lequel elle a été agréée ; que les sociétés AISH et ARIA, qui ont respectivement leur siège social et leur activité dans les départements de l'Isère et du Rhône, faisaient valoir que l'AAMOI avait été agréée par arrêté du préfet de l'Essonne en qualité d'association locale, départementale ou régionale, n'avait dès lors pas qualité à agir à l'encontre des contrats qu'elles proposaient à leurs clients, sans les départements de l'Isère et du Rhône ; qu'en écartant cette fin de non-recevoir au motif que l'objet de l'association n'est pas limité à l'Essonne et que l'agrément qui lui a été délivré par le préfet de l'Essonne n'est pas limité à ce seul département, la cour d'appel a violé les articles L. 421-2, L. 421-6, R. 411-1 et R. 411-2, devenu L. 621-2, L. 621-7, R. 811-1 et R. 811-2, du code de la consommation, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Les associations régulièrement habilitées et déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs, si elles ont été agréées à cette fin, même par arrêté préfectoral, justifient d'une qualité et d'un intérêt à agir, qui n'est pas strictement local, pour faire cesser des agissements illicites ou supprimer des clauses illicites dans les contrats ou les types de contrat proposés aux consommateurs.

5. Après avoir relevé que l'AAMOI était régulièrement agréée, par arrêté du préfet de l'Essonne, pour exercer l'action civile, qu'elle avait pour objet statutaire d'assurer la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles, en particulier en leurs qualités de consommatrices, en tant que maîtres d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, que son objet n'était pas limité au territoire du département dans lequel elle avait reçu son agrément et que celui-ci n'avait pas été délivré pour la seule compétence de ce département, la cour d'appel a exactement retenu que l'AAMOI justifiait d'un intérêt et d'une qualité à agir.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. Les sociétés AISH et ARIA font le même grief à l'arrêt, alors « que la loi ne vaut que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; que la faculté pour les associations de défense des intérêts des consommateurs de demander à ce que soient réputées non écrites des clauses figurant même dans des contrats qui ne sont plus proposés aux consommateurs a été introduite aux articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 19 mars 2014 et n'ont pas été déclarées immédiatement applicables aux instances en cours ; qu'en déclarant recevables les demandes de l'AAMOI portant sur des clauses contractuelles que les sociétés AISH et ARIA justifiaient avoir supprimé des contrats qu'elle proposait aux consommateurs, sur le fondement de cette faculté nouvelle, la cour d'appel a méconnu les règles d'application de la loi dans le temps et a violé les articles L. 421-1 et L. 421-6 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, et l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article L. 421-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, alors applicable, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu en combinaison avec l'article 7, § 1 et 2, de cette directive, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt du 26 avril 2012, C-472/10), que les clauses des conditions générales d'un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel qui sont déclarées abusives, à la suite de l'action prévue par l'article L. 421-6, ne lient ni les consommateurs qui sont parties à la procédure ni ceux qui ont conclu avec ce professionnel un contrat auquel s'appliquent les mêmes conditions générales.

9. La cour d'appel a relevé que l'AAMOI contestait des clauses figurant dans des contrats proposés à l'heure actuelle et également dans des contrats proposés dans le passé mais concernant encore des consommateurs.

10. Il en résulte que les demandes de l'AAMOI étaient recevables.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

12. Les sociétés AISH et ARIA font grief à l'arrêt de déclarer abusifs et non écrits les articles 6, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 22, 23, 26, 27, 29, 31 et 33 dans leurs différentes versions, du contrat de construction de maison individuelle proposé par les sociétés AISH et ARIA, d'ordonner la suppression de ces clauses dans les contrats proposés par celles-ci et de les condamner à informer leurs clients par tous moyens des clauses déclarées abusives et à payer à l'AAMOI une somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors :

1°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en se bornant à affirmer que les articles 6, 11, 12, 14, 17, 22, 26, 27 et 29 du contrat de construction de maison individuelle établi par les sociétés AISH et ARIA présentaient un caractère abusif, sans constater que ces clauses créaient un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

2°/ que l'article 6 du modèle de contrat de construction d'une maison individuelle proposé actuellement par les sociétés AISH et ARIA à leurs clients énonce que « Les parties conviennent que les conditions suspensives seront réalisées dans un délai de 12 mois suivant la date du dépôt du permis de construire.

La demande de permis de construire sera déposée dans un délai de 6 semaines suivant la date de signature du contrat de construction.

Les travaux commenceront dans un délai de 2 mois à compter de la réalisation des conditions suspensives.

La durée d'exécution des travaux sera de... à compter du démarrage effectif des travaux. » (prod. 8) ; que la mention de la durée d'exécution des travaux, qui varie d'une construction à l'autre, est précisée lors de la signature du contrat (prod. n° 9 et 10) ; qu'il résulte de ces dispositions que le constructeur est contractuellement tenu de commencer les travaux dans un certain délai, qui est au maximum de quatorze mois et six semaines suivant la conclusion du contrat, et qu'il doit respecter un délai de livraison, variable d'un dossier à un autre, qui est fixé dès la signature du contrat ; qu'en affirmant, pour en déduire leur caractère abusif, que ces stipulations permettraient au constructeur de décider de ne pas démarrer les travaux et ainsi de ne pas faire courir le délai de livraison, la cour d'appel les a dénaturées et a violé l'article 1192 du code civil ;

3°/ que, dans un contrat de construction de maison individuelle conclu sous diverses conditions suspensives, il doit seulement être précisé le délai maximum de réalisation de ces conditions ainsi que la date d'ouverture du chantier, déterminée à partir de l'expiration de ce délai, ainsi que le délai d'exécution des travaux qui commence à courir à compter de cette date ; que pour déclarer abusif l'article 6 du contrat de construction de maison individuelle proposé par les sociétés AISH et ARIA, dans sa rédaction actuelle, la cour d'appel a retenu que cet article prévoyait un délai de six semaines pour le dépôt de la demande de permis de construire, prétendument excessif, et que la clause fixe le point de départ du délai de livraison au jour du démarrage des travaux, ce qu'elle juge anormal ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres tant à établir une irrégularité du contrat au regard des articles L. 231-2 et L. 231-4 du code de la construction qu'à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment des clients des sociétés AISH et ARIA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susivisées, ensemble l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

4°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la cour d'appel a déclaré abusif l'article 10 au motif qu'il n'informe pas suffisamment l'acquéreur quant aux coûts susceptibles d'être engagés par lui pour la réalisation des travaux de viabilisation du terrain, l'article 11 au motif qu'il ne précise pas à l'acquéreur les « contraintes du terrain », l'article 22 au motif qu'il vise l'article L. 231-4 du code de la construction sans en préciser la teneur et n'informe pas suffisamment l‘acquéreur sur les conditions dans lesquelles la consignation est faite, et l'article 26, en ce qu'il fait référence à l'assurance que le maître de l'ouvrage doit souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du code des assurances plutôt qu'à « l'assurance de responsabilité décennale », et a ordonné leur suppression ; qu'en statuant ainsi, sans préciser en quoi cette insuffisance dans l'information de l'acquéreur était, à elle seule, de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment de l'acquéreur, et en quoi la suppression de ces clauses pouvait rétablir l'équilibre, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

5°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que pour déclarer abusif l'article 22, qui énonce qu' « à défaut de justification de la garantie de remboursement, un dépôt de garantie au plus égal à 3 % du prix convenu pourra être sollicité à la signature des présentes (dans les conditions prévues par l'article L. 231-4 du CCH) », la cour d'appel a relevé que cette clause ne précise pas le contenu de l'article L. 231-4 et ne précise quelles sont les conditions, prévues par cet article, pour le versement du dépôt de garantie ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

6°/ que, pour être déclarée abusive une clause doit avoir pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que pour déclarer abusif l'article 26, qui énonce que le constructeur justifiera à l'ouverture du chantier de « l'assurance qu'il est légalement tenu de souscrire en vertu de l'article L. 241-1 du Code des Assurances », la cour d'appel retient que cette clause ne précise pas qu'il s'agit de l'assurance de responsabilité décennale et que le renvoi à l'article L. 241-1 qui n'est pas reproduit apparaît obscur pour le cocontractant ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

7°/ que les sociétés ARIA et AISH faisaient valoir que l'article 10 du contrat excluait du coût de la construction les travaux d'extension des réseaux publics en vue de la desserte du terrain, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne leur imposait d'évaluer le coût de tels travaux, s'agissant de travaux financés par les autorités publiques et non par le maître de l'ouvrage, et qu'elles étaient tout bonnement dans l'impossibilité de procéder à une telle évaluation, celle-ci ne pouvant être réalisée que par les personnes publiques compétentes ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, »

8°/ que, si, dans un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans, le prix est fixé forfaitairement pour la réalisation de la construction telle que définie au contrat et dans la notice descriptive, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit aux parties de modifier, par avenant, le montant du forfait en cas de modification de la construction initialement convenue ; qu'en déclarant abusif comme portant atteinte au caractère forfaitaire du prix l'article 12 du contrat, prévoyant qu'un avenant pourrait être conclu en cas de modification de la construction et du prix en raison d'une prescription imposée par l'administration, la cour d'appel a violé l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation et l'article L. 132-2 devenu L. 212-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

13. Après avoir relevé que l'article 12 des conditions générales stipulait que « le constructeur constitue en autant d'exemplaires qu'il est besoin le dossier de permis de construire et le dépose dès sa signature par le maître de l'ouvrage auprès de l'autorité compétente », la cour d'appel a retenu que ce texte donnait mandat aux constructeurs pour l'accomplissement des démarches nécessaires à l'obtention du permis de construire sans prévoir de délai pour le dépôt du permis de construire, de sorte qu'elle laissait ceux-ci seuls à même de faire avancer ou non l'étude du permis de construire sans recours pour les maîtres d'ouvrage.

14. En retenant que, combiné à ce texte, l'article 6, qui stipulait que « la durée d'exécution des travaux sera de... à compter du démarrage des travaux », permettait aux constructeurs, dans l'hypothèse où ils décidaient de ne pas démarrer les travaux, de ne pas faire courir le délai dans lequel ils étaient tenus de livrer l'ouvrage, la cour d'appel a, sans dénaturation et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs, de sorte qu'elle a déclaré à bon droit cette clause abusive.

15. Ayant relevé que l'article R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation prévoyait que devait être annexée au contrat une notice descriptive conforme à un modèle type indiquant le coût des éléments non compris dans le prix, mentionnant les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, en distinguant ceux qui étaient inclus dans les prix et ceux dont le coût restait à la charge du maître de l'ouvrage, qui devait porter, de la main de celui-ci, une mention signée par laquelle il précisait et acceptait le coût des travaux à sa charge non compris dans le prix convenu, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, en retenant que la clause figurant à l'article 10 des conditions générales du contrat proposé avant, mais également après 2014, qui prévoyait, en termes similaires, que le maître de l'ouvrage se chargeait personnellement des démarches nécessaires auprès des services compétents pour la réalisation des travaux de viabilité du terrain (eau, gaz, électricité, téléphone, assainissement) et que ces dépenses seraient payées directement par lui aux services concernés, dès lors qu'elle ne permettait pas au consommateur de connaître suffisamment le coût total de l'extension du réseau et de distinguer clairement les coûts restant à sa charge, alors qu'il appartenait aux constructeurs de s'adresser aux concessionnaires désignés pour les consulter et permettre d'indiquer au consommateur le coût qu'il aurait à supporter à ce titre, a caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs et en a déduit, à bon droit, que celle-ci était abusive.

16. En retenant que l'article 11 du contrat stipulant que le maître de l'ouvrage fournissait, sous son entière responsabilité, tous renseignements concernant le terrain, notamment le certificat d'urbanisme, le cahier des charges et le règlement du lotissement, le plan de masse, les servitudes, les mitoyennetés et tous éléments constitutifs d'une étude de sol, était illicite dès lors qu'il méconnaissait les exigences des dispositions combinées des l'articles L. 231-2 et R. 231-5 du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles le prix doit comprendre le coût du plan et, s'il y a lieu, les frais d'études du terrain pour l'implantation du bâtiment, la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs.

17. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'article 12 du contrat, qui stipule que toute prescription imposée par l'administration fera l'objet d'un avenant à la charge financière du maître d'ouvrage, avait pour effet de mettre à la charge de celui-ci les modifications exigées par l'administration pour une mise en conformité des travaux à prévoir avec les règles de l'urbanisme, alors que le constructeur, en sa qualité de professionnel, était la seule partie à avoir la main sur l'élaboration du permis de construire et qu'il lui appartenait de l'établir au regard des critères exigés, la cour d'appel, qui en a justement déduit que ces dispositions portaient atteinte au caractère forfaitaire et définitif du prix du contrat dont le principe était de protéger le cocontractant des coûts imprévisibles, a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs et a décidé à bon droit qu'elle constituait une clause abusive.

18. Après avoir retenu que la clause 17, qui stipule que « d'un commun accord et de manière ferme et définitive, les parties conviennent que toutes les consignations devant avoir lieu à l'issue de la réception conformément à l'article 22 seront effectuées sur le compte signataire mentionné à l'article 4 des conditions particulières », lequel compte étant choisi par le constructeur alors que les dispositions de l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation prévoient qu'en cas de désaccord le consignataire doit être désigné par le président du tribunal de grande instance, sans que les conditions relatives à la conservation et à la libération des fonds soient portées à la connaissance du maître d'ouvrage, la cour d'appel en a déduit que cette clause, qui ne mentionnait pas l'existence du recours possible en cas de désaccord au président du tribunal de grande instance, était de nature à porter atteinte au libre recours au juge et a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateurs.

19. Ayant retenu que l'article 22, en ne précisant pas que le dépôt de garantie ne devait pas être remis au constructeur mais devait être effectué sur un compte spécial ouvert au nom du maître de l'ouvrage lui-même et ce, en contrariété avec les dispositions de l'article L. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, de sorte qu'elle ne permettait pas une information suffisante du maître de l'ouvrage, lequel risquait d'être induit en erreur sur la destination de ces fonds, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment des consommateurs, en a justement déduit que cette clause était abusive.

20. Ayant retenu qu'en ne faisant pas mention du régime de l'assurance de responsabilité décennale que le constructeur était tenu de souscrire, alors que les autres types d'assurance, tels que la garantie d'achèvement, étaient visés par leur nom, la clause 26 ne permettait pas une information suffisante du consommateur sur l'étendue de ses droits, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs, a retenu, à bon droit, que cette clause était abusive.

21. Aprés avoir relevé que la clause 27 stipulait que « le maître de l'ouvrage déclare ne pas bénéficier actuellement d'emprunts susceptibles de remettre en cause l'endettement maximum accepté par l'organisme de crédit permettant l'obtention du ou des prêts indispensables à la réalisation de l'opération », la cour d'appel, en retenant que la notion d'« endettement maximum accepté par l'organisme de crédit » n'était pas précisément déterminable par le maître d'ouvrage et obligeait celui-ci à donner des informations au constructeur sur sa situation financière alors que celui-ci ne s'engageait pas en contrepartie à informer son cocontractant de sa solvabilité, a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment du consommateur.

22. En retenant que la clause 29 permettait au constructeur, en toute hypothèse, de réclamer, à titre de clause pénale, une indemnité égale à 15 % du montant du contrat si le maître d'ouvrage utilisait sans l'accord du constructeur les plans, études et avants-projets, alors qu'en cas d'annulation du contrat, l'anéantissement du contrat entraîne celui de cette clause pénale, la cour d'appel a ainsi caractérisé l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties créé par cette clause au détriment du consommateur.

23. Contrairement a ce que soutient le moyen, la cour d'appel n'a pas déclaré abusive la clause n° 14.

24. Le moyen ne contient aucune critique de l'arrêt en ce qu'il a déclaré abusives les clauses n° 31 et 33 et accueilli les demandes indemnitaires de l'AAMOI.

25. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

26. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger abusive et non écrite l'article 14 du contrat en sa version 2014 et 2016, alors « que la clause qui se réfère à un texte de loi sans le citer est abusive en ce qu'elle ne permet pas au consommateur de connaître ses droits et obligations et en ce qu'elle est susceptible, dès lors, de l'induire en erreur ; qu'en retenant, pour écarter le caractère abusif de la nouvelle version de l'article 14 selon laquelle « le délai de construction, et la date de fin du délai contractuel de construction, sont prorogés de plein droit dans les conditions prévues aux articles L. 231-1 et R. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation », que le renvoi aux dispositions légales et réglementaires apparaît conforme aux dispositions de l'article L. 133-2 du code de la consommation qui imposent la rédaction du contrat en termes rigoureux et compréhensibles, cependant que la simple mention d'un texte de loi ne permet pas l'information du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1. »

Réponse de la Cour

27. Ayant relevé que la clause n° 14, stipulant que le délai de construction et la date de fin du délai contractuel de construction seront prorogés de plein droit dans les conditions prévues aux articles L. 231-1 et R. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, prévoyait une information suffisante du consommateur et n'était pas contraire à l'article L. 133-2 du code de la consommation qui impose la rédaction du contrat en termes rigoureux et compréhensibles, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que, bien que ne reproduisant pas le texte de ces articles, cette clause n'était pas abusive.

28. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Avel - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

1re Civ., 29 juin 2022, n° 21-11.690, (B), FRH

Cassation partielle

Crédit immobilier – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Acquisition – Délai de quatre mois à compter de l'acceptation de l'offre de prêt – Respect – Effets – Condition résolutoire du prêt – Réalisation (non)

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-31 du 14 mars 2016, que, lorsque les coemprunteurs souscrivent un emprunt en vue de l'acquisition d'un immeuble et que cette acquisition se réalise dans les quatre mois, la condition résolutoire ne peut produire effet, peu important qu'un seul des emprunteurs ait procédé à cette acquisition.

Crédit immobilier – Interdépendance du contrat principal et du crédit accessoire – Acquisition – Délai de quatre mois à compter de l'acceptation de l'offre de prêt – Respect – Effets – Condition résolutoire du prêt – Réalisation (non) – Acquisition au nom d'un seul des emprunteurs – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 novembre 2020), suivant offres acceptées le 26 octobre 2009, M. [X] et Mme [I] (les coemprunteurs) ont souscrit plusieurs prêts auprès de la Société générale (la banque) afin de financer une acquisition immobilière par M. [X].

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a assigné les coemprunteurs en paiement. Mme [I] a sollicité, à titre reconventionnel, des dommages-intérêts pour manquement de celle-ci à son devoir de mise en garde.

3. Le 3 août 2020, au cours de l'instance d'appel, la banque a cédé sa créance au fonds commun de titrisation Castanea.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

4. Mme [I] conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient, d'une part, que, par l'effet de la cession de créance, la banque ne justifie ni d'un intérêt, ni d'une qualité pour former un pourvoi en cassation contre une décision qui concerne une créance dont elle n'est plus titulaire, d'autre part, que la compensation légale intervenue entre la créance de la banque et la sienne a emporté l'extinction simultanée des obligations réciproques, de sorte qu'elle ne reste plus débitrice que d'un reliquat cédé au fonds commun de titrisation Castanea, venant aux droits de la banque, qui ne justifie plus d'un intérêt, ni d'une qualité lui permettant de former un pourvoi.

5. Cependant, selon l'article 609 du code de procédure civile, en matière contentieuse, le pourvoi est recevable si son auteur était partie devant les juges du fond dont la décision est attaquée.

6. Il en résulte que, nonobstant la cession de sa créance résultant des prêts intervenue en cours d'instance, la banque est recevable à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui la condamne à payer à Mme [I] une certaine somme en raison d'un manquement à son devoir de mise en garde à l'occasion de l'octroi de ces prêts, peu important que celle-ci, si elle n'a pas accepté la cession de créance, puisse opposer au cessionnaire la compensation avec cette créance connexe à l'égard du cédant.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable

Enoncé du moyen

7. Mme [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mise hors de cause et de la condamner solidairement avec M. [X] à payer à la banque le solde des prêts, alors :

« 1°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien, celui qui s'abstient d'acheter n'est pas engagé par le prêt qui est considéré comme résolu à son égard ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme [I] n'ait pas conclu le contrat de vente en considération duquel elle avait contracté un emprunt avec M. [X] qui s'est seul porté acquéreur du terrain et a seul fait construire une maison sur les seuls deniers prêtés par la banque ; qu'en considérant cependant que Mme [I] n'était pas fondée à soutenir que le prêt était résolu, dès lors que l'opération principal avait été finalement réalisé par son compagnon qui était l'un des deux coemprunteurs, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ;

2°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il s'ensuit qu'en l'état d'un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien, celui qui s'abstient d'acheter n'est pas engagé par le prêt qui est considéré comme résolu à son égard, peu important que la résolution du prêt à l'égard d'un seul des coemprunteurs modifie l'équilibre économique de l'opération en réduisant le nombre de coobligés à la dette ; qu'en refusant de constater la résolution du prêt à l'égard de Mme [I] pour la seule raison que l'équilibre économique de l'opération serait modifié à l'égard de la banque et créerait un aléa incompatible avec l'application des règles d'ordre public prises en faveur des particuliers emprunteurs, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ;

3°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il ne peut être fait échec à ce principe qu'en cas de renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de cette règle, laquelle ne peut résulter que d'un acte positif de nature à la caractériser sans équivoque ; que la juridiction du second degré a retenu, par adoption des motifs du jugement entrepris, que Mme [I] aurait implicitement mais nécessairement renoncé à la résolution de l'offre de prêt pour avoir été convoquée et participé aux réunions d'expertise, pour avoir épousé M. [X] sous le régime de la séparation de biens, en présence d'un notaire qui les a nécessairement conseillés, et parce que les échéances du remboursement du prêt avaient été honorés jusqu'au 7 mai 2013 ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser des actes positifs de nature à caractériser sans équivoque la volonté de l'emprunteur de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats de vente et de prêts, quand à défaut de conclusion de l'acte de vente par Mme [I] et de réalisation par ses soins de l'opération de construction pour lesquelles le prêt a été conclu, l'offre de prêt était résolue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation ;»

4°/ que l'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé ; qu'il ne peut être fait échec à ce principe qu'en cas de renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de cette règle, laquelle ne peut résulter que d'un acte positif de nature à la caractériser sans équivoque ; que Mme [I] a soutenu dans ses conclusions, qu'elle ne s'était pas acquittée des échéances du contrat de prêt mais qu'il ressort des stipulations du contrat de prêt que les échéances étaient prélevées sur le compte de M. [X] ; qu'en retenant, par adoption des motifs du jugement entrepris, que Mme [I] aurait implicitement mais nécessairement renoncé à la résolution de l'offre de prêt dès lors que les échéances du remboursement du prêt avaient été honorées jusqu'au 7 mai 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les paiements provenaient d'elle plutôt que de son compagnon, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser des actes positifs de nature à caractériser sans équivoque la volonté de l'emprunteur de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats de vente et de prêts ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'ancien article L. 312-12 devenu l'article L. 313-36 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-31 du 14 mars 2016, que, lorsque les coemprunteurs souscrivent un emprunt en vue de l'acquisition d'un immeuble et que cette acquisition se réalise dans les quatre mois, la condition résolutoire ne peut produire effet, peu important qu'un seul des emprunteurs ait procédé à cette acquisition.

9. Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que le bien en vue desquels les prêts avaient été consentis avait été acquis le 2 novembre 2009 par M. [X], la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la condition résolutoire ne s'était pas réalisée.

10. Le moyen, inopérant en ses deuxième à quatrième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à l'égard d'un des coemprunteurs, alors « que lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces emprunteurs, peu important que ces derniers soient ou non mariés ; qu'en jugeant que pour apprécier l'existence d'un risque d'endettement excessif qui serait né pour Mme [I] de l'octroi par la banque de deux prêts immobiliers à cette dernière et à M. [X] en octobre 2009, il convenait d'examiner les ressources et charges de Mme [I] seule puisque les emprunteurs n'étaient pas mariés, et en déduisant le manquement de la banque à son devoir de mise en garde de la disproportion entre la charge des crédits et les ressources de Mme [I], sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des coemprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Mme [I] conteste la recevabilité du moyen. Elle fait valoir que la banque n'a pas exposé que le risque d'endettement excessif devait être apprécié au regard des capacités de remboursement globales de coemprunteurs solidaires.

13. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la banque a soutenu avoir demandé les pièces justificatives des coemprunteurs afin d'apprécier le risque d'endettement excessif en considération de la globalité de leurs revenus et charges.

14. Le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est par conséquent recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

15. Selon ce texte, lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs.

16. Pour condamner la banque à payer à Mme [I] des dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il appartenait à la banque d'examiner les ressources et charges de celle-ci, puisque les emprunteurs n'étaient pas mariés, retient que les échéances des deux prêts souscrits représentaient, pour la première année d'amortissement, 68 % de ses revenus, qu'il existait un risque d'endettement et que la banque ne démontre pas avoir exécuté son devoir de mise en garde.

17. En statuant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des coemprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Demande de mise hors de cause

18. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause le Fonds commun de titrisation Castanea dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société générale à payer des dommages-intérêts à Mme [I], l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Met hors de cause le Fonds commun de titrisation Castanea.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Boullez ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

1re Civ., 15 juin 2022, n° 21-11.747, (B), FRH

Rejet

Information des consommateurs – Obligation générale d'information – Délai d'exécution des différentes obligations – Précision – Applications diverses

Ayant relevé qu'au verso d'un bon de commande figurait la mention pré-imprimée selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu dans un délai maximum de 120 jours, une cour d'appel retient exactement que cette indication est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations, de sorte que la nullité du contrat principal est encourue.

Information des consommateurs – Obligation générale d'information – Délai d'exécution des différentes obligations – Manquement – Sanction – Nullité du contrat principal

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 décembre 2020), le 7 septembre 2016, M. [E], à la suite d'un démarchage à domicile, a conclu avec la société Groupe éco habitat (le vendeur) un contrat de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau thermodynamique financé par un crédit souscrit la veille avec Mme [E], son épouse (les acquéreurs), auprès de la société Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis (la banque).

2. Invoquant diverses irrégularités du bon de commande, les acquéreurs ont assigné le vendeur et la banque en annulation des contrats de vente et de crédit.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

3. Le vendeur et la banque font grief à l'arrêt de prononcer l'annulation du contrat de vente, de constater en conséquence l'annulation du contrat de crédit et de condamner le vendeur à restituer le prix de vente, à déposer les matériels et à remettre en état la toiture, alors « que l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, prévoit, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, que le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, pour prononcer la nullité de la vente litigieuse, la cour d'appel, après avoir relevé qu'« au verso du bon de commande figure la mention pré-imprimée suivante :

La livraison du ou des matériaux et la pose auront lieu dans un délai maximum de 120 jours », a énoncé que « cette indication est trop vague pour être conforme aux dispositions [...] de l'article L. 111-1-3° du code de la consommation, puisqu'elle ne distinguait pas entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, et que le délai global de 4 mois ne permettait pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations » et que « le point de départ de ce délai n'était pas indiqué, alors qu'il pouvait s'agir soit de la date de signature du bon de commande, soit de l'expiration du délai de rétractation » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la disposition susvisée, qui exige seulement l'indication par le professionnel du délai auquel il s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, indication dont elle a elle-même relevé la présence au verso du bon de commande, a violé ladite disposition. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé qu'au verso du bon de commande figurait la mention pré-imprimée selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu dans un délai maximum de 120 jours, la cour d'appel a exactement retenu que cette indication était insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'était pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permettait pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations.

5. Elle n'a pu qu'en déduire que la nullité du contrat principal était encourue.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

7. Le vendeur fait les mêmes griefs à l'égard de l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que la cour d'appel a elle-même constaté que, le 29 septembre 2016, les acquéreurs ont signé une attestation de livraison et d'installation avec demande de financement, que le 29 novembre 2016, la banque a versé le montant du capital entre les mains du vendeur et que, le 13 septembre 2017, les acquéreurs ont conclu avec la société Seolis un contrat d'achat d'énergie électrique avec effet au 28 novembre 2016, date de raccordement de l'installation au réseau public, ce dont il se déduisait qu'ils avaient exécuté le contrat argué de nullité, et, en l'absence de toute réserve, nécessairement renoncé à se prévaloir de l'irrégularité retenue par l'arrêt quant à l'indication du délai d'exécution de ses obligations par la venderesse ; qu'en énonçant cependant, pour refuser d'admettre la confirmation de l'acte irrégulier, que la preuve n'était pas rapportée que les acquéreurs avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer, étant ajouté que leur volonté de confirmer l'acte nul ne saurait résulter de la simple exécution de ses obligations contractuelles par la société venderesse et qu'il ne pouvait être tiré aucune conclusion de la signature de documents concomitants à la commande, ni d'actes ne révélant de la part des consommateurs aucune volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 1338, devenu 1182, du code civil ;

2°/ que l'acquéreur qui exécute en connaissance de cause le contrat conclu avec un professionnel renonce à se prévaloir de l'irrégularité entachant le bon de commande relativement à l'insuffisance de l'information donnée quant à la date ou au délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; que, dans ses conclusions d'appel, la société Groupe Eco habitat a fait valoir que les acquéreurs avaient, notamment, accepté l'installation et signé un procès-verbal de réception de travaux ne mentionnant aucune réserve, signé une enquête de satisfaction de l'installation jugée en tous points satisfaisante, signé une attestation de livraison et d'installation et de demande de financement, non équivoque, n'avaient formulé aucune réclamation après l'installation et avaient réglé les premières mensualités du crédit affecté, étant précisé qu'ils avaient pu prendre connaissance des exigences prévues au code de la consommation rappelées dans leur intégralité dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, et ainsi se convaincre de l'existence d'éventuelles causes de nullité lors de la conclusion du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en énonçant, notamment, que la preuve n'était pas rapportée que « les acquéreurs avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation et qu'ils avaient eu l'intention de le réparer », sans s'expliquer sur ces chefs de conclusions, faisant valoir, outre l'exécution sans réserve du contrat, que le rappel des dispositions applicables du code de la consommation au verso du bon de commande établissait la connaissance que les acquéreurs avaient de l'irrégularité affectant le bon de commande quant au délai de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338, devenu 1182, du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Ayant souverainement estimé, par motifs adoptés, que le vendeur et la banque ne rapportaient pas la preuve de ce que les acquéreurs avaient eu connaissance du vice affectant l'obligation critiquée et avaient eu l'intention de le réparer et, par motifs propres, que leur volonté de confirmer l'acte nul ne pouvait résulter de la signature de documents concomittants à la commande, aucun acte ultérieur ne révélant, leur volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'a pu qu'en déduire que le contrat de vente devait être annulé.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Champ - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 111-1, 3°, du code de la consommation.

1re Civ., 15 juin 2022, n° 20-16.070, (B), FS

Cassation partielle

Intérêts – Taux – Taux effectif global – Calcul – Eléments pris en compte – Intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement – Conditions – Détermination – Portée

Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu'ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt.

Intérêts – Taux – Taux effectif global – Calcul – Eléments pris en compte – Exclusion – Cas – Intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de la période de préfinancement

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2020), suivant offre acceptée le 23 juillet 2012, la société Crédit immobilier de France d'Île-de-France, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme [O] (les emprunteurs) un prêt à l'accession sociale destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction de leur résidence principale, ce prêt comprenant une période d'anticipation de trente-six mois maximum, suivi d'une période d'amortissement progressif de trois cent vingt-quatre mois.

2. Les emprunteurs ont assigné la banque aux fins de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour inexactitude du taux effectif global mentionné dans l'offre.

3. Devant la cour d'appel, ils ont invoqué le caractère abusif de la clause stipulant que le montant des échéances sera porté à leur connaissance à l'issue de la période d'anticipation.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, la durée de la période de franchise et les intérêts s'y rapportant relèvent des intérêts, frais, commissions et rémunérations de toute nature qui sont une condition de l'octroi du prêt aux conditions acceptées par l'emprunteur ; que les exposants faisaient valoir qu'en l'espèce, l'amortissement proposé à l'emprunteur est de 300 mois, précédé d'une période de différé de 36 mois, période au cours de laquelle des intérêts sont facturés mensuellement à l'emprunteur au taux conventionnel de 4,30 %, sur la base de 137.866 euros, capital emprunté, et que le coût de la période différé est parfaitement déterminable (36 x 494,02 euros), ajoutant que pour calculer le taux effectif global, le prêteur a procédé comme si le différé n'existait pas ; qu'en énonçant qu'il ressort de l'offre de prêt que le crédit fonctionnait en compte courant et que les emprunteurs étaient redevables du capital majoré des intérêts non payés pendant le différé d'amortissement ; que les emprunteurs ne peuvent pas reprocher à l'offre de n'avoir pas fait figurer, dès son émission, le coût correspondant à la période de préfinancement puisque, ainsi que le souligne à juste titre la banque, ledit coût était affecté d'un élément de variabilité qui allait dépendre du rythme des déblocages de fonds au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et que les intérêts dus au cours de la période de préfinancement par anticipation sont calculés sur les sommes débloquées tout au long de cette période, de sorte que les frais induits par la période de préfinancement n'étaient dès lors pas déterminables d'emblée et avec certitude au moment de la détermination du taux effectif global, quand il résultait du contrat que la période de préfinancement était d'une durée de 36 mois, ce dont il résultait que le montant des frais et intérêts dus au titre de cette période était déterminable, comme le faisaient valoir les exposants, la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

5. Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu'ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt.

6. Ayant relevé que l'offre de prêt prévoyait un déblocage progressif des fonds au cours de la période de préfinancement, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les intérêts dus au titre de la phase de préfinancement n'étaient pas déterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt, de sorte qu'ils n'avaient pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que la Cour de justice de l'union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que constituait une clause abusive la fixation unilatérale par le prêteur des échéances et des modalités d'amortissement, qu'aux termes des conditions générales de l'offre de crédit (p. 10, clause B " Période d'amortissement ") il est stipulé que le montant des échéances sera porté à la connaissance de l'emprunteur à l'issue de la période d'anticipation, laquelle précède un mécanisme d'amortissement par cinq paliers, l'emprunteur n'ayant lors de l'acceptation de l'offre aucune idée du coût final de sa dette ni des modalités de son apurement ; qu'en ajoutant qu'un tel appareil dans son ensemble résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, la cour d'appel se prononce par un motif inopérant insusceptible d'exclure la qualification de clause abusive, et partant elle a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

9. Le premier alinéa de ce texte dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

10. Pour rejeter la demande des emprunteurs tendant à voir déclarer abusive la clause du contrat prévoyant que le montant des échéances sera porté à leur connaissance à l'issue de la période d'anticipation, l'arrêt retient qu'une telle stipulation ne saurait caractériser une clause abusive, aucun déséquilibre n'existant au détriment des emprunteurs puisqu'un tel appareil dans son ensemble permet de prendre en considération les éléments de la situation particulière d'emprunteurs candidats à un prêt à l'accession sociale et qu'il résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, que la progressivité de l'amortissement est une des caractéristiques du prêt à l'accession sociale.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un déséquilibre significatif que la clause litigieuse aurait pour objet ou pour effet de créer au détriment des emprunteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il exclut le caractère abusif de la clause prévoyant que le montant des échéances sera porté à la connaissance des emprunteurs à l'issue de la période d'anticipation, l'arrêt rendu le 12 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-10.272, (B), FRH

Cassation

Surendettement – Déchéance – Causes – Paiement illicite – Extinction d'une dette par compensation – Exclusion

L'article L. 722-5, alinéa 1er, du code de la consommation ne fait pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine.

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Décision de la commission – Effets – Interdiction de paiement des dettes – Exclusion – Extinction d'une dette par compensation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 8 décembre 2020) et les productions, M. [R] a été condamné, par un jugement du 29 mai 2013, à payer à la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin une somme de 209 372,65 euros outre intérêts et capitalisation, créance ensuite cédée à la société Intrum Debt Finance AG (la société).

2. Le 5 mai 2017, M. [R] a obtenu la condamnation de cette société à lui payer une somme de 158 350,84 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'absence de notification de la cession de créance.

3. Le 3 août 2017, M. [R] a été déclaré recevable à la procédure de traitement du surendettement des particuliers.

4. Par jugement du 3 mars 2020, un juge de l'exécution a débouté la société de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 8 octobre 2019 à la requête de M. [R] en exécution du jugement du 5 mai 2017, confirmé par arrêt du 10 octobre 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de son recours contre le commandement aux fins de saisie-vente délivré à l'initiative de M. [O] [R] le 8 octobre 2019, alors :

« 1° / que le jugement confère immédiatement à la partie gagnante la qualité de créancier, dès lors que l'arrêt rendu par la suite est confirmatif ; qu'en affirmant, par adoption de motifs, que la créance de M. [R] n'était devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom du 10 octobre 2018, de sorte que la compensation n'avait pu s'opérer à cette date en raison de l'ouverture d'une procédure de surendettement à l'égard de M. [R] au mois d'août 2018, cependant que le droit de créance de ce dernier était acquis dès le 5 mai 2017, date du jugement frappé de recours, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile ;

2°/ que la compensation s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies ; qu'en considérant que la compensation ne pouvait s'opérer au jour du jugement du 5 mai 2017, lequel reconnaissait le droit de créance de M. [R], au motif que « selon l'article 1347 du code civil, désormais applicable puisqu'issu de la réforme du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies », cependant qu'à l'inverse, selon le texte nouveau, la compensation s'opère à la date où ses conditions se trouvent réunies, soit en l'occurrence au 5 mai 2017, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 539 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement, le recours exercé dans le délai étant également suspensif.

7. Ayant relevé, par motifs adoptés, d'une part, qu'en matière indemnitaire, les décisions de justice ont un effet constitutif et non simplement déclaratif, d'autre part, que le jugement du 5 mai 2017 ayant arrêté le premier la créance indemnitaire de M. [R] avait été régulièrement frappé d'appel de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme étant née et liquide et exigible qu'à compter de l'arrêt confirmatif du 8 octobre 2019, et énoncé que selon l'article 1347 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la compensation n'opère plus de plein droit mais doit être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les conditions de la compensation étaient réunies à la date de l'arrêt confirmatif de la créance indemnitaire.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société fait le même grief à l'arrêt, alors qu'« en toute hypothèse, l'ouverture d'un plan de surendettement ne fait pas obstacle à la compensation entre les créances des parties ; qu'en jugeant le contraire, par motifs adoptés du jugement qu'elle confirmait (p. 4, alinéa 10), la cour d'appel a violé l'article L. 722-5 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 722-5, 1er alinéa, du code de la consommation :

10. Selon ce texte, la suspension et l'interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur emportent interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire, y compris les découverts mentionnés aux 10° et 11° de l'article L. 311-1, née antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale du patrimoine.

11. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la dette d'un débiteur admis à une procédure de surendettement soit éteinte par l'effet de la compensation, lorsqu'elle est invoquée par le créancier, cette opération n'aggravant pas l'insolvabilité de ce débiteur et ne constituant ni un paiement, mais l'extinction simultanée d'obligations réciproques, ni un acte volontaire de disposition de son patrimoine.

12. Pour confirmer le jugement ayant débouté la société de son opposition au commandement de saisie vente fondée sur la compensation des dettes réciproques, la cour d'appel, par motifs adoptés, retient en substance que le paiement par compensation n'a pu s'opérer en raison de la situation de surendettement du débiteur.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : Me Balat -

Textes visés :

Article L. 722-5 du code de la consommation.

2e Civ., 9 juin 2022, n° 19-26.230, (B), FRH

Rejet

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel – Ouverture – Conditions – Pouvoirs du juge – Subordination du rerdressement personnel à la vente par le débiteur d'un immeuble

Il résulte des articles L. 733-7 et L. 733-13 du code de la consommation.que la commission de surendettement des particuliers, comme le juge, peuvent subordonner les mesures de redressement à la vente par le débiteur surendetté de son immeuble.

Surendettement – Commission de surendettement – Redressement judiciaire civil – Mesures de redressement – Adoption sous condition – Vente du logement principal du débiteur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 octobre 2019), le 6 juin 2017, M. et Mme [Z], ont déposé un dossier de surendettement.

La commission a déclaré leur demande recevable le 14 juillet 2017 et, le 6 avril 2018, a élaboré des mesures imposées.

2. Le 10 mai 2018, M. [Z] a contesté ces mesures.

3. Par jugement du 26 mars 2019, un tribunal d'instance a déclaré irrecevable sa contestation, jugement dont les débiteurs ont relevé appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'effacement partiel de leurs dettes et de rééchelonner tout ou partie des créances sur une durée de 24 mois et de dire que, dans ce délai, ils devront vendre à l'amiable le bien immeuble situé [Adresse 9], alors :

« 2°/ que le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 du code de la consommation prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7, parmi lesquelles ne figure pas l'injonction adressée aux débiteurs de vendre amiablement leur bien immobilier ; qu'en disant que dans le délai de 24 mois, les époux [Z] devront vendre le bien immobilier situé au [Adresse 9], la cour d'appel a violé l'article L. 733-13 du code de la consommation ;

3°/ en toute hypothèse, que chacun a droit au respect de ses biens ; qu'en imposant aux époux [Z] de vendre amiablement leur bien immobilier dans un délai de 24 mois, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ en tout état de cause, que l'injonction d'avoir à vendre amiablement le bien immobilier constituant le domicile familial constitue une ingérence dans l'exercice du droit des intéressés au respect de leur domicile, laquelle ne peut être envisagée que pour autant qu'elle est prévue par la loi, qu'elle poursuit un but légitime et qu'elle est proportionnée avec l'objectif recherché ; qu'en imposant aux époux [Z] de vendre amiablement leur bien immobilier dans un délai de 24 mois, sans procéder, au besoin d'office, à un examen de la proportionnalité de cette mesure, la cour d'appel a méconnu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, selon l'article L. 733-7 du code de la consommation, par renvoi de l'article L. 733-13 du même code, le juge, saisi d'une contestation des mesures imposées, peut imposer que les mesures prévues aux articles L. 733-1 et L. 733-4 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

7. Il en résulte que la commission, comme le juge, peuvent subordonner les mesures de redressement à la vente par le débiteur surendetté de son immeuble.

8. Le moyen, pris en sa deuxième branche, manque, dès lors, en droit.

9. D'autre part, après avoir relevé que le bien immobilier de M. [Z] situé à [Localité 21] est évalué à 250 000 euros et que l'endettement total des époux [Z] s'élève à 135 129 euros dont 76 584 euros dus à la succession de Mme [I], et que M. et Mme [Z] disposent à leurs dires d'une capacité de remboursement de 1 126 euros voire de 1 608 euros, c'est sans méconnaître l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en procédant à la recherche prétendument omise, que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, l'arrêt retient que les époux [Z], qui contestent la capacité de remboursement de 1 929,79 euros retenue par la commission de surendettement des particuliers, ne sont pas fondés à refuser la vente de ce bien dont le prix permettra de rembourser rapidement l'intégralité de leurs créanciers et que compte tenu de la valeur élevée du bien et du montant des créances, il subsistera un solde revenant aux débiteurs qui leur permettra de se reloger, qu'aucun motif ne justifie par ailleurs un effacement même partiel des créances dès lors que les débiteurs ne se trouvent pas dans une situation irrémédiablement compromise et que la vente du bien immobilier est la seule mesure propre à faciliter leur désendettement et le désintéressement des créanciers.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SARL Corlay ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles L. 733-7 et L. 733-13 du code de la consommation.

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