Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT

3e Civ., 29 juin 2022, n° 21-17.502, (B), FS

Rejet

Installations classées – Arrêt définitif de l'exploitation – Obligation de remise en état du site – Limite – Coût de la dépollution résultant d'un changement d'usage – Charge – Détermination

Si le dernier exploitant d'une installation classée mise à l'arrêt définitif a rempli l'obligation de remise en état qui lui incombe, au regard à la fois de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de l'usage futur du site défini conformément à la réglementation en vigueur, le coût de dépollution supplémentaire résultant d'un changement d'usage par l'acquéreur est à la charge de ce dernier.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2021), la société SH2, devenue SH2 HEM, propriétaire d'un groupe d'immeubles, a vendu le fonds de commerce de fabrication de peintures et de savons industriels qu'elle exploitait sur le site, l'activité, qui relevait de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, étant transférée dans l'usine de l'acquéreur située sur un autre site.

2. Le 17 juillet 2008, la société SH2 HEM a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de mise en demeure lui enjoignant de transmettre la copie de la proposition de l'usage futur du site conformément à l'article R. 512-75 du code de l'environnement, ainsi qu'un échéancier pour sa mise en sécurité conformément à l'article R. 51274 du même code.

3. Elle a obtenu un permis de construire le 5 octobre 2009, et a chargé la société Socotec environnement (la société Socotec) d'effectuer une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) qui lui a été remise en 2010, le plan d'occupation des sols alors en vigueur affectant la zone à l'activité industrielle et commerciale.

4. Le 28 février 2011, la société SH2 HEM a vendu les immeubles aux sociétés JML, Matt et Lorel.

5. Postérieurement à l'adoption d'un nouveau plan d'urbanisme rendant possible l'usage exclusif de la zone en logements, ces sociétés, par acte authentique du 4 août 2011, ont revendu les biens à la société civile immobilière [Adresse 4] (la SCI).

6. Cette dernière a assigné la société SH2 HEM en paiement de dommages-intérêts pour refus de dépolluer le site, ainsi que les sociétés venderesses JML, Matt et Lorel sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés, et la société Socotec au titre de sa responsabilité délictuelle pour erreur manifeste d'appréciation des risques sanitaires.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le quatrième moyen, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société SH2 HEM, alors :

« 1°/ que la délégation de pouvoirs conférée par l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) à un tiers, à l'effet de se substituer à lui pour réaliser les travaux de réhabilitation du site, confère à ce tiers une simple faculté ; qu'une telle convention ne fait pas obstacle à la responsabilité contractuelle encourue par l'exploitant au titre de son engagement contractuel de prise en charge partielle des coûts afférents ; qu'en retenant, pour dire que la société SH2 HEM n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de remise en état, que la décision de la SCI du [Adresse 4] de ne pas exercer sa faculté de substitution prévue par la délégation de pouvoirs concomitante à l'acte de vente, était « purement potestative », et que la SCI ne pouvait, en conséquence, se prévaloir de sa « carence » déclarative à cet égard, quand cette circonstance était indifférente à l'application de la clause de garantie de l'acte de vente du 28 février 2011 prévoyant la prise en charge, par la société SH2 HEM, des travaux de dépollution excédant un certain coût, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ;

2°/ que lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en retenant que les rapports produits par la SCI du [Adresse 4] « pour démontrer que le budget de gestion de la dépollution du projet de 2009 était de même importance que celui de son projet de 2012 », établis « unilatéralement » et bien que « contradictoirement discutés », ne voyaient « leurs conclusions (...) corroborées par aucune autre preuve de sorte que ces rapports [étaient] dénués de valeur probante », sans rechercher comme elle y était invitée, si ces rapports étaient concordants entre eux et ainsi, se corroboraient l'un l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que le rapport de l'inspection des installations classées du 24 août 2011, loin de valider les conclusions de l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) du 19 mai 2010, soulignait que cette évaluation « ne constitua[ait] pas un mémoire tel que prévu à l'article R. 512-39-3 I » du code de l'environnement et qu'elle « ne prenait pas en compte d'opérations de dépollution, alors qu'une zone polluée [était] clairement identifiable au droit de l'implantation des cuves » ; qu'en se bornant à retenir que selon ledit rapport de l'inspection des installations classées, l'EQRS n'envisageait pas de mesures de réhabilitation particulières, considérant que le risque était acceptable eu égard à l'usage futur du site, sans rechercher comme l'y invitait la SCI du [Adresse 4] si compte tenu des réserves émises par ce rapport de l'administration sur l'EQRS, et de la mise en demeure subséquente adressée par l'autorité préfectorale à la société SH2 HEM, cette dernière avait manqué à son obligation de dépollution du site au regard de l'usage tertiaire initialement prévu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l'article L. 511-1 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

9. Selon les premier et deuxième alinéas de l'article L. 512-17 du code de l'environnement, en vigueur à la date des faits et visé dans l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2008, notifié à la société SH2 HEM, le dernier exploitant d'une installation classée mise à l'arrêt définitif doit placer son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code et qu'il permette un usage futur du site déterminé conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.

10. L'article R. 512-39-4 de ce code dispose, en son deuxième alinéa, qu'en cas de modification ultérieure de l'usage du site, l'exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage, sauf s'il est lui-même à l'initiative de ce changement d'usage.

11. Il en résulte que, si le dernier exploitant a rempli l'obligation de remise en état qui lui incombe, au regard à la fois de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de l'usage futur du site défini conformément à la réglementation en vigueur, en l'espèce un usage déterminé avec le maire de la commune, le coût de dépollution supplémentaire résultant d'un changement d'usage par l'acquéreur est à la charge de ce dernier.

12. En premier lieu, la cour d'appel a retenu que le nouvel usage du site voulu par la SCI dans son opération immobilière consistant en la démolition de l'existant et la construction d'un immeuble de quatre-vingt-quatre logements, seize locaux à usage d'habitation et quatre bureaux sur deux niveaux de sous-sols, pour laquelle elle avait déposé une demande de permis de construire en juin 2011, était différent de celui prévu par le permis de construire du 5 octobre 2009 relatif à la seule réhabilitation des bâtiments existants pour des activités essentiellement de bureaux, ateliers et stockage.

13. En second lieu, elle a constaté, par motifs propres et adoptés, que, le 16 novembre 2009, la préfecture avait notifié à la société SH2 HEM qu'après instruction par ses services techniques, le site était considéré comme mis en sécurité et retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que c'était au regard du nouveau projet envisagé par la société Novaxia, gérante de la SCI, que l'EQRS, établie par la Socotec en mai 2010, ne pouvait constituer un mémoire de réhabilitation au sens de l'article R. 512-39-3, I, du code de l'environnement.

14. En troisième lieu, elle a relevé que la clause figurant dans l'acte de vente du 28 février 2011, selon laquelle la société SH2 HEM s'engageait, si une dépollution était nécessaire, à supporter les coûts qui seraient supérieurs à 200 000 euros, s'appliquait au titre du permis de construire du 5 octobre 2009.

15. Elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à la délégation de pouvoir et aux budgets de gestion de la dépollution, qu'il n'était pas démontré que la société SH2 HEM avait manqué à ses obligations légales de remise en état du site conformément à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et à son usage futur validé par la mairie en 2009 et que la réhabilitation du site avait été rendue nécessaire par le changement d'usage opéré par la SCI, de sorte que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée.

16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

17. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre les sociétés JML, Matt et Lorel sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le délai de deux ans dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit être intentée court à compter de la découverte du vice dans son ampleur réelle ; qu'en faisant courir de délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés de la SCI [Adresse 4] contre les sociétés JML, Matt et Lorel, venderesses, à compter du 31 mai 2011, date du rapport établi par la société Novaxia, tout en constatant pourtant que ledit rapport ne permettait pas d'évaluer le coût des travaux de dépollution nécessaires à la réhabilitation des terrains litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1648 du code civil. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel a souverainement retenu que le diagnostic approfondi de pollution, établi le 31 mai 2011, avant la vente, par la société Géotechnique appliquée Ile-de-France à la demande de la gérante de la SCI avait révélé l'ampleur de la pollution au regard du nouvel usage que le candidat acquéreur voulait donner au lieu, et qu'il avait été corroboré par un rapport du 12 septembre 2011 de la société HPC Envirotec, également missionnée par la SCI.

19. Elle en a exactement déduit que, les vices invoqués par la SCI étant connus d'elle dès ces rapports, l'action engagée le 22 septembre 2014 contre les venderesses était irrecevable, dès lors que la connaissance du vice n'est pas conditionnée par la connaissance du coût des travaux nécessaires pour y remédier.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Articles L. 511-1, L. 512-17 et R. 512-39-4 du code de l'environnement ; article 1648 du code civil.

3e Civ., 22 juin 2022, n° 20-20.844, n° 21-11.168, (B), FS

Cassation partielle

Installations classées – Arrêt définitif de l'exploitation – Travaux de dépollution – Charge – Portée

L'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement, doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé. Dès lors, méconnaît cette règle une cour d'appel qui inclut dans les indemnités accessoires dues à un locataire évincé les frais liés à la dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-20.844 et 21-11.168 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juillet 2020), l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat (l'EPIC) a notifié, le 29 mai 2009, à la société Total marketing services, devenue la société Total énergie marketing services (la locataire), un congé à effet au 31 décembre 2009, avec refus de renouvellement du bail commercial consenti à compter du 1er décembre 1970 pour l'exploitation d'une station-service de distribution de produits pétroliers et vente d'accessoires automobiles.

3. La locataire a assigné l'EPIC en paiement d'une indemnité d'éviction par acte du 30 décembre 2011, remis au tribunal le 9 janvier 2012.

4. La société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen (la SEMISO), qui a acquis les locaux commerciaux donnés à bail, le 31 août 2016, est intervenue à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° 21-11.168 et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction due par l'office à la société locataire, outre les frais de licenciement des salariés sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, alors « que seule la saisine du tribunal par l'enrôlement de l'assignation peut interrompre le délai imparti au preneur pour agir en paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'en l'état d'un congé en date du 31 décembre 2009, la seule délivrance d'une assignation signifiée le 30 décembre 2011 n'a pas interrompu le délai imparti au preneur pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction, dès lors que le tribunal n'en a été saisi que par sa remise au greffe, le 9 janvier 2012, soit après l'expiration du délai ayant commencé à courir le 31 décembre 2009 ; qu'en décidant, à l'inverse, que le délai de prescription a été valablement interrompu par la seule délivrance d'une assignation dans les délais de deux ans de la délivrance du congé par le bailleur, depuis que l'article 45 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a décidé que le délai biennal n'est plus imparti au preneur à peine de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, ensemble l'article 757 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 2241 du code civil, applicable en matière de bail commercial, que la délivrance d'une assignation interrompt le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable au litige.

8. Ayant relevé que le délai pour agir qui avait commencé à courir le 31 décembre 2009, date d'effet du congé, avait été interrompu par la délivrance de l'assignation au bailleur, le 30 décembre 2011, la cour d'appel, en a exactement déduit que l'action de la locataire n'était pas prescrite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité d'éviction, outre les frais de licenciement des salariés de la locataire sur justificatifs et les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, et d'écarter leurs demandes tendant à ce que la locataire soit condamnée à respecter ses obligations de dépollution, alors « que l'obligation légale de dépollution pesant sur l'exploitant d'une installation classée à la cessation de l'activité sur un site est liée aux conditions d'exercice de cette activité ; qu'il s'ensuit qu'en cas de délivrance d'un congé avec refus de renouvellement au preneur exploitant une installation classée dans un local commercial, le coût de la dépollution et de la remise en état ne constitue pas un préjudice imputable à son éviction, de sorte que le preneur ne peut en demander le remboursement au bailleur au titre des indemnités accessoires qui pourraient lui être alloués en application de l'article L. 145-14 du code de commerce ; qu'en décidant que les frais de mise en sécurité ou de dépollution, et éventuellement de retrait des réservoirs et de remise en état figurent au nombre des préjudices que l'indemnité d'éviction a pour objet de réparer, au titre des indemnités accessoires, par cela seul qu'ils « sont directement liés à l'éviction avec arrêt d'exploitation », après avoir constaté qu'il avait été mis fin à l'exploitation de la station-essence par la délivrance par le bailleur d'un congé portant refus de renouvellement, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article L. 512-12-2 du code de l'environnement, l'article R. 512-66-1 du même code, l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 512-12-1 du code de l'environnement, 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables ou combustibles et de leurs équipements annexes, et 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations service relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement :

11. Il résulte de ces textes que le preneur à bail dont le renouvellement est refusé, dernier exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement, est tenu de prendre, en application de l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement, toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site et, s'agissant des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes, de les neutraliser conformément aux dispositions de l'article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 et de l'article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010.

12. L'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé.

13. Pour retenir que les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, seront dus à la locataire évincée sur justificatifs, au titre des indemnités accessoires, l'arrêt énonce que les frais de mise en sécurité ou de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs sont directement liés à l'éviction avec arrêt de l'exploitation.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 20-20.844

Enoncé du moyen

15. La SEMISO et l'EPIC font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation, alors « que la juridiction du second degré est saisie des demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties, même si leurs prétentions ne sont étayées par aucun moyen figurant dans la partie « discussion » des conclusions ; que la société Semiso et l'Epic Saint-Ouen habitat public-Office public de l'habitat avaient présenté plusieurs demandes relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation dans le dispositif de leurs dernières conclusions ; qu'en décidant qu'elle n'en était pas saisie, pour la raison qu'elles n'étaient étayées par aucun développement dans la partie « discussion » des dites conclusions, la cour d'appel a déduit un motif inopérant, en violation de l'article 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 1er et 2, du code de procédure civile :

16. Il résulte de ce texte que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée, et que la cour ne statue que sur les prétentions récapitulées énoncées sous forme de dispositif.

17. Pour rejeter le surplus des demandes dont celles relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation, l'arrêt retient que la cour d'appel, en application de l'article 954 du code de procédure civile, n'est pas saisie de ces demandes figurant au dispositif des conclusions du bailleur dans la mesure où elles ne sont pas développées dans la partie discussion des écritures.

18. En statuant ainsi, tout en rejetant ces demandes, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de sa saisine, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-20.844, pris en sa première branche

19. La portée de la cassation prononcée sur ce moyen, qui ne conteste que l'inclusion des frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs, sur justificatifs, dans le calcul du préjudice réparable de la locataire, doit être limitée à cette seule inclusion et à la disposition rejetant les demandes en condamnation de la société Total marketing services à respecter ses obligations de dépollution qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

 - ajoute au montant de l'indemnité d'éviction calculé et fixé à la somme de 1 072 170 euros, due par l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat à la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, les frais de diagnostics, d'études et de travaux de dépollutions et éventuellement de retrait des réservoirs ;

 - rejette les demandes de l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat et de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen en condamnation de la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, à respecter ses obligations de dépollution ;

 - rejette les demandes de l'établissement public à caractère industriel et commercial Saint-Ouen habitat public - office public de l'habitat et de la société d'économie mixte de construction et de rénovation de la ville de Saint-Ouen en condamnation de la société Total marketing services, devenue Total énergie marketing services, relatives à l'indexation annuelle de l'indemnité d'occupation, aux intérêts au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle et à la compensation ;

l'arrêt rendu entre les parties, le 8 juillet 2020, par la cour d'appel de Paris ;

Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 145-9 du code de commerce ; article L. 512-12-1 du code de l'environnement ; article 18 de l'arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables ou combustibles et de leurs équipements annexes ; article 2.10 de l'annexe I de l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations service relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 1435 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 10 novembre 1993, pourvoi n° 91-16.659, Bull. 1993, III, n° 142 (rejet) ; 3e Civ., 1er février 2012, pourvoi n° 11-10.482, Bull. 2012, III, n° 19 (cassation). 3e Civ., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-15.255, Bull. 2010, III, n° 101 (rejet), et les arrêts cités.

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