Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-23.688, (B), FRH

Cassation partielle

Mesures d'exécution forcée – Avis à tiers détenteur – Absence de paiement du tiers saisi – Titre exécutoire à l'encontre du tiers saisi – Domaine d'application – Saisie des rémunérations

Il résulte des articles L. 262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, et L. 263, alors applicable, du livre des procédures fiscales que si la procédure d'avis à tiers détenteur peut porter sur les rémunérations du débiteur, elle demeure distincte de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Il résulte de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution que l'administration peut, en cas de refus de paiement par le tiers saisi auquel un avis à tiers détenteur a été notifié, solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre, dans la limite de son obligation envers le débiteur, procédure elle-même distincte de celle prévue par les articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail lorsque l'employeur s'abstient de faire une déclaration ou omet d'effectuer les versements en exécution de la saisie des rémunérations.

Viole ces dispositions et excède ses pouvoirs la cour d'appel qui ordonne la saisie des rémunérations du gérant d'une société, alors que le comptable public avait engagé, à l'encontre de la société, une action en paiement sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et non une procédure tendant à la saisie des rémunérations de son gérant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 avril 2019) et les productions, le comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube (le comptable public) a notifié à la société GBTP développement (la société), dont le gérant est M. [F], deux avis à tiers détenteur à fin de recouvrer les sommes dues par ce dernier puis l'a assignée en paiement, devant un juge de l'exécution, sur le fondement des articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, L. 123-1, L. 211-2 et R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution.

2. Par jugement du 5 septembre 2017, le juge de l'exécution, d'une part, s'est déclaré incompétent, au profit d'un tribunal d'instance, pour connaître de la demande tendant à la condamnation de la société, en sa qualité de tiers saisi défaillant pris en sa qualité d'employeur de M. [F], à lui verser les sommes dues au titre de ses rémunérations, d'autre part, a condamné la société à payer au comptable public une certaine somme au titre des avis à tiers détenteurs.

3. Par jugement du 16 avril 2018, le juge du tribunal d'instance a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société, rejeté la contestation élevée par cette dernière, constaté que la créance du comptable public s'élève à la somme de 1 026 846 euros, ordonné la saisie des rémunérations de M. [F] à concurrence de cette somme, dit que la créance cause de la saisie produirait à compter de l'autorisation de la saisie des intérêts au taux légal sans majoration, dit que la somme retenue sur les rémunérations de M. [F] s'imputera en priorité sur le capital et dit que, conformément aux dispositions des articles R. 3252-21 et R. 3252-23 du code de travail, l'acte de saisie serait dressé par les soins du greffe dans les huit jours suivant l'expiration des délais de recours contre le jugement.

Sur le moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, du livre des procédures fiscales, L. 263, alors applicable, du même code, R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que si la procédure d'avis à tiers détenteur peut porter sur les rémunérations du débiteur, elle demeure distincte de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

7. Il résulte du troisième de ces textes que l'administration peut, en cas de refus de paiement par le tiers saisi auquel un avis à tiers détenteur a été notifié, solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre, dans la limite de son obligation envers le débiteur, procédure elle-même distincte de celle prévue par les articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail lorsque l'employeur s'abstient de faire une déclaration ou omet d'effectuer les versements en exécution de la saisie des rémunérations.

8. L'arrêt confirme le jugement ayant ordonné la saisie des rémunérations de M. [F].

9. En statuant ainsi, alors que le comptable public avait engagé, à l'encontre de la société, une action en paiement sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et non une procédure tendant à la saisie des rémunérations de son gérant, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société GBTP développement, l'arrêt rendu le 26 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Ghestin ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales ; article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ; articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail.

2e Civ., 9 juin 2022, n° 21-12.941, (B), FRH

Rejet

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Mainlevée – Demande – Demande de retrait litigieux – Office du juge – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 2021), par arrêt du 28 juin 2016, devenu irrévocable, la société La Grande Brasserie a été condamnée à payer une certaine somme à la société Chai 34, à laquelle une société Agence CB, cessionnaire de la créance, avait rétrocédé cette créance.

2. Le 20 décembre 2016, la société La Grande Brasserie a initié une procédure de retrait litigieux, laquelle a été refusée par la société Chai 34.

3. En exécution de l'arrêt du 28 juin 2016, la société Chai 34 a fait procéder, le 22 février 2018, à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la société La Grande Brasserie.

4. Cette dernière a contesté la créance et saisi un juge de l'exécution en mainlevée de la mesure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société Chai 34 fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018 initiée à l'encontre de la société La Grande Brasserie, alors « que le juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution ; que le juge de l'exécution n'a donc pas compétence pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre dans son principe ou la validité des droits et obligations qu'il constate ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Montpellier, dans son arrêt irrévocable du 28 juin 2016, a condamné la société La Grande Brasserie à payer à la société Chai 34 la somme principale de 170 000 euros, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 5 octobre 2012, après avoir relevé, concernant les cessions de créances des 15 février 2013 et 5 novembre 2015, signifiées à la société La Grande Brasserie les 21 mars 2013 et 2 décembre 2015, d'une part que « l'efficacité et l'opposabilité de ces actes de cession signifiés au débiteur ne peut être contestée par la société La Grande Brasserie, qui a encaissé le chèque de 170 000 euros le 15 juin 2011 et ne justifie pas, par les pièces versées aux débats, avoir remboursé cette somme à qui que ce soit, avant le 2 décembre 2015 », d'autre part que « la Sarl La Grande Brasserie, qui ne détenait aucune créance sur les diverses parties à la promesse de cession des parts sociales (?) n'a donc reçu la somme de 170 000 euros de la part de la Sarl Chai 34 que par erreur et sans dette », de sorte qu'« en application des dispositions de l'article 1235 du code civil, invoquées à titre subsidiaire par la Sarl La Grande Brasserie doit restituer ce paiement indu » ; qu'en retenant, pour décider que le retrait opéré par la société La Grande Brasserie était parfaitement régulier, et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 22 février 2018, que « l'objet de la présente instance n'est pas de rejuger ce qui l'a été dans le cadre de la procédure au fond, mais exclusivement de constater que la créance reconnue par l'arrêt du 28 juin 2016 était désormais éteinte par l'effet du retrait litigieux, privant ainsi la décision de condamnation à paiement de toute force exécutoire, procédé qui relève incontestablement des pouvoirs dévolus à cette juridiction », la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée.

8. L'article R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.

9. Aux termes de l'article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.

10. L'arrêt relève que l'objet de l'instance relatif à la contestation d'une saisie-attribution n'était pas de juger à nouveau ce qui l'avait été dans le cadre de la procédure au fond, mais exclusivement de constater que la créance, reconnue par l'arrêt irrévocable du 28 juin 2016, était désormais éteinte par l'effet du retrait litigieux.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'il entrait dans les pouvoirs du juge de l'exécution de statuer sur le retrait litigieux et son incidence sur la créance.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Richard -

Textes visés :

Article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

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