Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-12.720, (B), FRH

Rejet

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Applications diverses – Déclaration d'appel – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 janvier 2021), la société JMD immobilier (la société), ainsi que M. et Mme [E], ont relevé appel, le 7 juin 2019, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans un litige les opposant à la société Allianz Iard (l'assureur).

2. L'assureur a saisi la cour d'appel d'un incident tendant à dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif, la déclaration d'appel n'énonçant pas les chefs critiqués du jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société et M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de constater que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs du jugement critiqués, qu'aucun effet dévolutif d'appel ne s'exerce et que la cour n'est donc pas saisie du litige, alors :

« 1°/ qu'une déclaration d'appel irrégulière ou incomplète peut être régularisée par l'appelant, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe, qui en accuse réception, d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués et enregistré sous le libellé « Complément DA » ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 748-3 de ce code ;

2°/ qu'en toute hypothèse, interdire la régularisation par l'appelant de sa déclaration d'appel, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués, enregistré sous le libellé « Complément DA » et dont il est accusé réception par le greffe, quand une régularisation dans ce même délai par une nouvelle déclaration d'appel est possible, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en refusant, pour conclure à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, de prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que, dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que c'était en raison d'un dysfonctionnement technique du RPVA que les chefs du jugement critiqués, qu'ils avaient renseignés lors de l'enregistrement de la déclaration d'appel dans la rubrique « Commentaires », n'avaient pas été retranscrits dans le document récapitulatif attestant de la réception de la déclaration d'appel par le greffe (conclusions, p. 12, § 3 et p. 15, § 6) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que l'irrégularité qui entachait la déclaration d'appel trouvait sa cause dans un problème purement technique de transmission des chefs de dispositif au greffe, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que, dans leurs conclusions, les appelants faisaient valoir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 avait été immédiatement régularisée par un message RPVA du 7 juin 2019, adressé au greffe moins d'une demi-heure après cette déclaration d'appel (conclusions, p. 12, § 2 et s.) ; qu'en se bornant à retenir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 n'avait pu être régularisée par le second message RPVA adressé par les appelants au greffe le 3 juillet 2019, sans répondre aux conclusions des appelants fondées sur le premier message rectificatif daté du jour même de la déclaration d'appel, dont il s'évinçait que l'irrégularité affectant la déclaration d'appel avait été immédiatement corrigée par les appelants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que, dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que le message du 7 juin 2019 comme le message du 3 juillet 2019 étaient inscrits sur la fiche détaillée du dossier RPVA, qu'ils versaient aux débats, sous le libellés « Complément DA » (conclusions, p. 13, § 5) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que ces messages RPVA et leur contenu faisaient corps avec la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. Selon l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

6. Il résulte de ces textes que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, de sorte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

7. La déclaration d'appel qui ne mentionne pas expressément les chefs critiqués du jugement ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

8. Un message électronique de l'avocat de l'appelant ne peut, quel que soit son libellé et même adressé au greffe dans le délai requis, valoir régularisation de la déclaration d'appel.

9. Ces règles, qui encadrent les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

10. Ayant constaté que la déclaration d'appel contenait pour seule mention « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et que le conseil des appelants avait alerté le greffe, par message RPVA du 7 juin 2019, pour lui demander de tenir compte des chefs critiqués du jugement non pris en compte et dont il récapitulait l'énoncé, la cour d'appel, retenant à bon droit que les appelants pouvaient procéder à une nouvelle déclaration d'appel afin de régulariser un appel conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, en a exactement déduit que le message adressé au greffe le 3 juillet 2020 (lire 2019) par RPVA, sous l'intitulé « Complément DA », accompagné d'explications circonstanciées et assorti du message précédent du 7 juin 2019 sous format numérique, ne pouvait être qualifié de nouvelle déclaration d'appel régularisée.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel, qui a pris en considération les deux messages réceptionnés par le greffe le 7 juin 2019 et le 3 juillet 2019 et qui n'avait pas à répondre à de simples allégations, a, à bon droit, décidé qu'à défaut d'effet dévolutif, elle n'était pas saisie.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 9 juin 2022, n° 21-12.738, (B), FRH

Rejet

Actes de procédure – Nullité – Preuve – Appréciation – Modalités

Si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 décembre 2020) et les productions, la société Victor Heinrich a commandé à la société Dam, assurée auprès de la société Groupama assurances (la société Groupama), l'étude et la réalisation d'un moule permettant la fabrication en série de lampadaires avec réflecteurs aluminisés.

2. La société Bertrandt, assurée auprès de la société Axa France Iard (la société Axa), a été désignée comme sous-traitant concepteur du produit, tandis que l'aluminisation des réflecteurs a été réalisée par la société Orphel, postérieurement en liquidation judiciaire et représentée par la société MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur.

La fabrication des réflecteurs de pré-série a été confiée à la société Sarplast, aux droits de laquelle est venue la société SP Trading, assurée auprès de la société Allianz Iard (la société Allianz).

3. La production de pièces conformes à la commande n'a pas été possible et la société Victor Heinrich n'a pas été en mesure d'honorer ses commandes.

4. Des expertises judiciaires ont été ordonnées, la société Heinrich éclairage étant intervenue volontairement à l'instance.

5. Par assignations des 1er, 2, 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017, la société Victor Heinrich éclairage a recherché la responsabilité des sociétés Dam, Bertrandt, Sarplast et de leurs assureurs respectifs, ainsi que celle de la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orphel, devant un tribunal de grande instance.

6. Le juge de la mise en état de ce tribunal a, par ordonnance du 6 août 2019, notamment rejeté les exceptions de nullité de l'assignation du 11 janvier 2017 et déclaré valable cette assignation délivrée par la société Heinrich éclairage dénommée à tort Victor Heinrich éclairage.

7. La société Axa a interjeté appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

9. La société Heinrich éclairage fait grief à l'arrêt de déclarer nulles les assignations délivrées les 1er, 2 et 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017 par la société Victor Heinrich éclairage, alors :

« 1°/ que les conditions de validité de fond d'une assignation non susceptibles de régularisation, telles que l'existence légale de son auteur et partant, sa capacité d'ester en justice, doivent être appréciées au jour de sa délivrance, et non au vu des écritures ultérieures des parties ; qu'en se fondant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, insusceptible de régularisation, à raison de l'inexistence légale de la société Victor Heinrich Eclairage, et de son incapacité d'ester en justice, sur les conclusions des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile ;

2°/ que la cour d'appel statue exclusivement au vu des prétentions et des moyens, fussent-ils nouveaux, énoncés dans les dernières conclusions d'appel des parties, de sorte qu'elle ne peut se fonder sur les moyens soulevés par celles-ci dans leurs conclusions de première instance ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, que les conclusions de première instance des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017 ne faisaient aucune mention de l'erreur matérielle invoquée à hauteur de cour selon laquelle la société Heinrich Eclairage aurait été à l'origine de l'assignation, de sorte que seul l'ajout du terme « Victor » à sa raison sociale aurait constitué une irrégularité, la cour d'appel qui s'est fondée sur les conclusions de première instance de l'intimée pour statuer sur l'exception de nullité qui lui était soumise a violé les articles 563 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte.

11. L'arrêt retient que l'assignation initiale, délivrée au nom de la société Victor Heinrich éclairage, l'a été au nom d'une société n'existant pas sous cette raison sociale précise. Il ajoute que, comme le soutiennent les défenderesses, les conclusions de première instance remises par la demanderesse le 19 décembre 2017 établissent que cette assignation n'est pas seulement affectée d'un seul vice de forme, le fait que la société Victor Heinrich y soit présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich éclairage, au nom de laquelle l'assignation a été prise, et que la société Heinrich éclairage soit intervenue volontairement, alléguant explicitement agir distinctement de la société Victor Heinrich éclairage, établissant que l'assignation, selon la propre présentation des intéressées, a été délivrée au nom d'une société distincte.

12. La cour d'appel, qui s'est déterminée au vu des dernières conclusions remises par la société Heinrich éclairage, lesquelles reprenaient en partie le contenu et les arguments développés devant le premier juge, a exactement déduit que les assignations étaient nulles.

13. Le moyen, qui pour partie manque en fait et n'est pas fondé pour le surplus, ne peut, dès lors, pas être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP L. Poulet-Odent ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Ohl et Vexliard -

2e Civ., 9 juin 2022, n° 19-21.798, (B), FS

Cassation

Conciliation – Médiation – Obligation de confidentialité – Office du juge – Obligation d'écarter du débat les pièces produites par le demandeur sans l'accord de l'adversaire – Portée

Il résulte des articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile, qu'en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l'atteinte à l'obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l'accord de la partie adverse soient, au besoin d'office, écartées des débats par le juge.

Viole ces textes, le juge qui, dans un litige ayant été soumis à une procédure préalable de médiation, statue au vu des pièces versées aux débats sans écarter, au besoin d'office, celles couvertes par l'obligation de confidentialité qui étaient produites par le demandeur sans l'accord de l'adversaire.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal d'instance de Marseille, 26 juin 2019), M. [R], se plaignant de la mauvaise exécution d'un contrat de location de véhicule conclu avec la société Auto escape, l'a assignée devant un tribunal d'instance à fin d'être indemnisé de ses préjudices matériel et moral, après l'échec d'une médiation.

2. Au soutien de son assignation, M. [R] a produit une déclaration au greffe exposant ses demandes et moyens, ainsi que différentes pièces relatives à la procédure de médiation.

3. Devant le tribunal, la société Auto escape, se fondant sur l'inobservation d'une formalité d'ordre public tirée du non respect du principe de la confidentialité de la médiation, a soulevé, à titre principal, la nullité de la déclaration au greffe et de l'assignation, et, à titre subsidiaire, a demandé que soient écartées des débats les pièces n° 1 à n° 6 produites par le demandeur, couvertes par la confidentialité, et que M. [R] soit condamné à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du principe de confidentialité.

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, L. 612-3 du code de la consommation et 9 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, auquel renvoie le deuxième, sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité.

6. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties. Il est fait exception aux alinéas précédents dans les deux cas suivants :

a) En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne ;

b) Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en ?uvre ou son exécution.

7. Lorsque le médiateur est désigné par un juge, il informe ce dernier de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord.

8. Aux termes du troisième de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

9. Il en résulte qu'en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l'atteinte à l'obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l'accord de la partie adverse, soient, au besoin d'office, écartées des débats par le juge.

10. Pour rejeter la demande de nullité formée par la société Auto escape et la condamner à payer à M. [R] certaines sommes, le tribunal a statué au vu des pièces versées aux débats.

11. En statuant ainsi, le tribunal, qui aurait dû, au besoin d'office, écarter des débats celles des pièces produites par M. [R], issues de la procédure de médiation, qui étaient couvertes par l'obligation de confidentialité, en l'absence d'accord de la société Auto escape, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 juin 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Marseille ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; Me Occhipinti -

Textes visés :

Articles 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ; article L. 612-3 du code de la consommation ; article 9 du code de procédure civile.

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-22.588, (B), FS

Annulation sans renvoi

Conclusions – Conclusions d'appel – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 7 octobre 2020), Mme [L] a relevé appel, le 28 juillet 2017, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Taxis Mario.

2. La société Taxis Mario a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté l'incident de caducité qu'elle avait soulevé, tiré de ce que le dispositif des premières conclusions de l'appelante ne contenait aucune demande d'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, de sorte qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 908 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [L] fait grief à l'arrêt de déclarer caduc l'appel du 28 juillet 2017, alors « qu'aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ; qu'il résulte d'un arrêt du 17 septembre 2020 de la Cour de cassation que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; que cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; que dès lors, ne saurait être prononcée la caducité d'une déclaration d'appel antérieure au 17 septembre 2020, au motif que l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, dès lors que la caducité de l'instance, qui prive le justiciable de tout recours, y compris en cassation, prive a fortiori l'appelante du droit à un procès équitable ; qu'il en résulte que la cour d'appel, en décidant que l'appel était caduc dès lors que les conclusions d'appelant ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.

5. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

6. À défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

7. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15-766, publié).

8. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

9. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d'appel par Mme [L], énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule indiquant qu'elle sollicite l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 28 juillet 2017, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver Mme [L] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Portée et conséquences de l'annulation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 10 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société Taxis Mario de son incident de caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société Taxis Mario de son incident de caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-22.316, Bull., (annulation) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-13.210, Bull., (annulation).

2e Civ., 3 juin 2022, n° 22-60.130, (B), FRH

Cassation

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Elections – Liste éléctorale – Radiation – Recours – Tribunal judiciaire statuant sans audience

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué, rendu par un tribunal judiciaire statuant en dernier ressort (Strasbourg, 14 avril 2022), et les productions, par requête du 14 avril 2022, Mme [E] a sollicité, en application de l'article L. 20,II, du code électoral, sa réinscription sur les listes électorales de la commune de Strasbourg, dont elle soutenait avoir été radiée en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 18 du même code.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 20, II, du code électoral et 14 du code de procédure civile :

3. Selon le second de ces textes, auquel le premier ne déroge pas, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

4. Il ne résulte ni des mentions du jugement, ni des pièces de la procédure, qu'avant de rejeter la requête dont il avait été saisi le jour même, le tribunal ait tenu une audience dont la requérante aurait été avisée ou qu'il a été fait application des dispositions des articles L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, 828 et 829 du code de procédure civile.

5. En statuant dans ces conditions, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, autrement composé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin -

Textes visés :

Articles 14, 828 et 829 du code de procédure civile ; article L. 20, II, du code électoral ; article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 décembre 2019, pourvoi n° 19-60.203 (cassation).

2e Civ., 9 juin 2022, n° 21-10.724, (B), FRH

Cassation partielle

Procédure de la mise en état – Conseiller de la mise en état – Ordonnance du conseiller de la mise en état – Voies de recours – Déféré – Pouvoirs – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant notamment à prononcer la caducité de l'appel.

Selon l'article 916, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel.

Il en découle que la cour d'appel, saisie sur déféré, ne peut statuer que dans le champ de compétence d'attribution du conseiller de la mise en état et ne peut connaître de prétentions ou d'incidents qui ne lui ont pas été soumis.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 septembre 2020), par acte du 23 mai 2007, [N] [L] et Mme [M] [O] ont cédé une parcelle située au [Adresse 9] à M. [K] [T] [E], aux droits duquel est venue la SCI C2JM (la SCI).

La SCI a assigné les consorts [L], ayants droit de [N] [L], décédé, pour les voir condamner notamment au paiement de diverses sommes du fait d'une servitude sur le fonds tandis que les consorts [L] ont soutenu que l'acte de vente était un faux et conclu à la nullité de la vente.

La société E Lebrère-Montalban et L Montalban (la SCP), notaire instrumentaire, est intervenue volontairement à l'instance aux fins de juger notamment que l'acte de vente ne constitue pas un faux.

2. Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a dit que l'acte authentique n'était pas un faux, prononcé la nullité pour dol de la vente consentie le 23 mai 2007 et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La SCI a relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2018 en intimant neuf des consorts [L] ainsi que la SCP. Une seconde déclaration d'appel du 30 avril 2018 a intimé M. [U] [C] [L], omis de la première déclaration ; les deux déclarations ont été jointes le 14 mai 2018.

4. Le 14 septembre 2018, les consorts [L] ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident de caducité de la déclaration d'appel et ont déféré à la cour d'appel son ordonnance du 25 mars 2019 ayant rejeté leur demande.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel remise au greffe le 28 [en réalité 26] avril 2018 en ce qu'elle est dirigée contre la SCP Lebrère-Montalban, ainsi que la déclaration d'appel remise au greffe le 30 avril 2018, enrôlées après jonction sous le numéro 18/562 et de dire que sa décision mettait fin à l'instance numéro 18/562, alors « que la cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, ne peut connaître de prétentions ou soulever d'office des incidents qui n'ont pas été soumis au conseiller de la mise en état ; qu'en l'espèce, la cour d'appel était saisie d'un déféré à l'encontre d'une ordonnance du conseiller de la mise en état se bornant à statuer sur un incident soulevé par les seuls consorts [L], intimés, tiré de la caducité de la déclaration d'appel du 28 avril 2018 ; qu'en retenant que la déclaration d'appel du 28 avril 2018 était caduque à l'égard de la SCP Lebrère-Montalban, qui n'avait pas soumis un tel incident au conseiller de la mise en état, et que la déclaration d'appel du 30 avril 2018 était également caduque, la cour d'appel, qui a statué sur des incidents non soumis au conseiller de la mise en état, a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile :

7. Il résulte du premier de ces textes que les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant notamment à prononcer la caducité de l'appel.

8. Selon le second, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel.

9. Il en découle que la cour d'appel, saisie sur déféré, ne peut statuer que dans le champ de compétence d'attribution du conseiller de la mise en état et ne peut connaître de prétentions ou d'incidents qui ne lui ont pas été soumis.

10. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 26 avril 2018 en ce qu'elle est dirigée notamment contre la SCP Lebrère-Montalban et celle du 30 avril 2018 dirigée contre M. [U] [C] [L], la cour d'appel, saisie du déféré formé contre une ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant rejeté un incident de caducité de l'appel soulevé par un seul des intimés, relève d'office que le litige est indivisible à l'égard de l'ensemble des intimés.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est prononcée sur des incidents qui n'avaient pas été soumis au conseiller de la mise en état, a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

12. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause les consorts [L] dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

REJETTE la demande de mise hors de cause de Mme [M] [O] veuve [L], Mme [P] [L] épouse [W], Mme [J] [L], M. [H] [L], M. [N] [L], M. [X] [L], M. [U] [C] [L], Mme [F] [L] épouse [A], Mme [R] [L] épouse [S], Mme [Y] [L] ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré caduque la déclaration d'appel du 26 avril 2018 à l'égard de la société E Lebrère-Montalban et L Montalban et en ce qu'il a déclaré caduque la déclaration d'appel du 30 avril 2018 à l'égard de M. [U] [C] [L], l'arrêt rendu le 14 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SARL Corlay -

Textes visés :

Articles 914 et 916 du code de procédure civile.

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-12.190, (B), FRH

Cassation partielle

Procédure orale – Pièces – Production – Défaut de production – Office du juge – Principe de la contradiction

En procédure orale sans représentation obligatoire, le juge, qui est garant du respect du principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie, dont le versement aux débats était mentionné dans des conclusions écrites soutenues oralement à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer.

Procédure orale – Pièces – Versement aux débats – Respect du principe de la contradiction – Office du juge – Etendue – Détermination – Portée

Pièces – Production – Défaut – Invitation préalable des parties à s'expliquer sur cette carence – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 3 décembre 2019), Mme [I] (l'avocat) a saisi le bâtonnier de son ordre à fin de fixation des frais et honoraires que restait lui devoir Mme [B], qu'elle avait assistée dans une procédure de divorce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

2. Mme [B] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires de l'avocat à la somme de 5 580 euros HT, soit 6 696 euros TTC, dont à déduire la somme déjà versée de 3 000 euros, et de la condamner à payer à l'avocat la somme de 3 696 euros au titre du solde de ses honoraires, alors « que le juge doit inviter les parties à s'expliquer, le cas échéant, sur l'absence au dossier des pièces mentionnées dans les conclusions et figurant parmi les pièces annexées, et dont la communication n'est pas contestée ; qu'en relevant, d'office, l'absence de production de la copie du chèque de 4 701,28 euros tiré sur la BRED et du relevé bancaire justifiant du débit cependant que cette production n'avait donné lieu à aucune contestation de la part de Mme [I], le premier président de la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

3. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

4. Après avoir fixé à 6 696 euros TTC le montant des honoraires dus à l'avocat, l'ordonnance retient que si, à titre d'acomptes, il est justifié du règlement par deux chèques d'une somme globale de 3 000 euros, le paiement allégué d'une somme supplémentaire de 4 701,28 euros n'est pas établi, dès lors que, contrairement aux affirmations de Mme [B] dans ses écritures, ni la copie du chèque évoqué de la Bred n° 9144076, ni le relevé bancaire justifiant du débit ne sont versés aux débats.

5. En statuant ainsi, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces invoquées, dont la communication était mentionnée dans l'en-tête des observations écrites, soutenues oralement à l'audience par Mme [B], et n'était pas contestée par la partie adverse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [B] formule le même grief, alors « que méconnaît les termes du litige la cour d'appel qui tient pour inexistante une pièce visée et annexée aux conclusions d'appel et dont la production n'est pas contestée par l'adversaire ; qu'en énonçant, pour fixer les honoraires restant dus par Mme [B], que contrairement à ses affirmations dans ses écritures, la copie du chèque et le relevé bancaire justifiant de son débit n'étaient pas versés aux débats, cependant qu'ils étaient annexés aux écritures de Mme [B] et que Mme [I] ne contestait pas, dans ses conclusions, l'existence de cette production, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

8. Pour écarter l'argumentation par laquelle Mme [B] soutenait avoir versé à l'avocat, outre la somme globale de 3 000 euros à titre d'acomptes, une somme supplémentaire de 4 701,28 euros, l'ordonnance retient que ni la copie du chèque évoqué à cet effet, ni le relevé bancaire justifiant du débit, n'ont été versés aux débats.

9. En statuant ainsi, alors que, dans ses observations écrites soutenues oralement à l'audience, Mme [B] invoquait le versement aux débats d'une copie du chèque et du relevé de compte en question et qu'il ressort du dossier de la procédure suivie devant lui que, d'une part, cette copie était annexée aux écritures produites par l'intéressée, d'autre part, selon le procès-verbal d'audience, le représentant de l'avocat indiquait ne pas contester l'encaissement, le 18 décembre 2013, du chèque litigieux de 4 701,28 euros, le premier président, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle fixe le solde des honoraires dus par Mme [B] à Mme [I], après déduction d'une somme de 3 000 euros déjà versée, à la somme de 3 696 euros TTC, condamne Mme [B] à payer cette somme à Mme [I] ainsi qu'aux dépens, et rejette la demande de Mme [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance rendue le 3 décembre 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Talabardon - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Rapprochement(s) :

A rapprocher, avec le principe applicable en procédure écrite : 2e Civ., 11 janvier 2006, pourvoi n° 03-18.577, Bull. 2006, II, n° 10 ; 2e Civ., 11 janvier 2006, pourvoi n° 03-18.984, Bull. 2006, II, n° 11 ; 2e Civ., 11 janvier 2006, pourvois n° 03-18.412 et n° 03-17.381, Bull. 2006, II, n° 12 ; 2e Civ., 11 janvier 2006, pourvoi n° 04-11.129, Bull. 2006, II, n° 13 ; Com., 27 juin 2006, pourvoi n° 02-19.089, Bull. 2006, IV, n° 154 ; 1re Civ., 14 novembre 2006, pourvoi n° 05-12.102, Bull. 2006, I, n° 487 ; 3e Civ., 6 juin 2007, pourvoi n° 06-13.996, Bull. 2007, III, n° 99.

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