Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

PARTAGE

1re Civ., 9 juin 2022, n° 20-20.688, (B), FS

Cassation partielle

Action en partage – Demande relative à l'établissement de l'actif et du passif – Nature – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), [G] [J] et [K] [D] sont décédés respectivement les 2 juin 2014 et 6 juin 2016, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [K], [P] et [T].

2. Des difficultés se sont élevées au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, alors « que sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

5. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

6. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

7. Pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans ses conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, l'arrêt retient qu'en l'absence de survenance ou de révélation d'un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile, ne sont recevables que les prétentions formées par Mme [L] dans ses conclusions du 26 novembre 2018 formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtent à l'irrecevabilité édictée par l'article 910-4 du même code.

8. En statuant ainsi, alors que les prétentions formées par Mme [L] dans ses dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] et avaient donc trait au partage de l'indivision successorale, de sorte qu'elles devaient s'analyser en une défense aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019,prétentions nouvelles formées par de Mme [L], l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 910-4, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.280, Bull. 2013, I, n° 187 (cassation partielle).

1re Civ., 9 juin 2022, n° 19-24.368, (B), FRH

Cassation partielle

Action en partage – Demande relative à l'établissement de l'actif et du passif – Nature – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2019), le 14 mai 2009, M. [P] et Mme [U] ont conclu un pacte civil de solidarité, enregistré le 19 juin suivant.

Le 7 septembre 2009, ils ont acquis en indivision un bien immobilier.

2. Le 6 décembre 2013, M. [P] a signifié à Mme [U] sa décision unilatérale de dissolution du pacte civil de solidarité, qui a été enregistrée le 31 décembre suivant.

3. Le 5 décembre 2014, il a assigné Mme [U] devant le juge aux affaires familiales en vue du règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, excepté en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parties sont irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Thomas, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

4. Mme [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à sa charge la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], de déclarer irrecevable la demande visant à voir juger qu'elle dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, de déclarer irrecevable sa demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et de rejeter sa demande d'attribution préférentielle, d'ordonner, préalablement la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3], de fixer l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation de ce bien immobilier indivis à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois, de fixer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 euros par mois, de dire que la somme dont elle est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, et de dire que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposés pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros qui devra être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les premières conclusions d'appel doivent présenter l'ensemble des prétentions sur le fond, à peine d'irrecevabilité ; que le fait de demander, dans le dispositif de ses premières conclusions d'appel, la confirmation du jugement sur certains chefs de dispositif, « l'infirmation du jugement sur le surplus », et le débouté de la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ne restreint pas la saisine initiale formulée dans la déclaration d'appel qui énumère expressément chaque chef du jugement critiqué ; qu'en déclarant pourtant irrecevables les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros, correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], visant à ce qu'il soit jugé que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et les demandes relatives aux indemnités d'occupation, aux motifs que « le dispositif de ses premières conclusions ne comporte aucune demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle a été fixée en première instance. Il ne comporte pas non plus de demande concernant la sur-contribution aux dépenses de la vie commune invoquée par Mme [U]. Il s'ensuit que, par ses premières conclusions, Mme [U] a restreint la saisine de la cour à ce qui est expressément demandé dans le dispositif de celles-ci » et au motif que « Mme [U] n'a formulé, dans le dispositif de ses conclusions aucune demande relative à l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le jugement déféré », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant les articles 4, 910-4 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la combinaison des articles 4, 562 et 954 du code de procédure civile que, si l'étendue de l'effet dévolutif est fixée par la déclaration d'appel, la portée d'un appel est déterminée par les conclusions des parties, par lesquelles elles peuvent restreindre les prétentions qu'elles soumettent à la cour d'appel.

6. Ces prétentions sont, en application de cet article 954, alinéa 3, fixées par le dispositif des conclusions des parties et il résulte de l'article 910-4, alinéa 1er, du même code que, sous les réserves prévues à l'alinéa 2 de ce texte, sont irrecevables les prétentions qui ne sont pas présentées par les parties dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code.

7. La cour d'appel ayant relevé que ne figuraient pas dans le dispositif des premières conclusions de Mme [U] les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne pouvait être mis à sa charge une certaine somme correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], qu'elle disposait d'une créance à l'encontre de ce dernier au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, ainsi qu'une demande relative à une estimation immobilière de M. [S], et que ne figurait pas non plus dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante de demande relative à des indemnités d'occupation, c'est sans encourir les critiques du moyen qu'elle a déclaré irrecevables les trois premières demandes et qu'elle a confirmé le jugement ayant statué sur la quatrième demande.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parties sont irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation

Enoncé du moyen

9. Mme [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale, en ce compris celles qui ont trait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, et, par conséquent, de rejeter sa demande d'attribution préférentielle, alors :

« 2°/ que le juge aux affaires familiales connaît du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et concubins ; qu'il connaît également des actions liées à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; que le juge aux affaires familiales, saisi d'une demande de partage entre personnes anciennement liées par un pacte civil de solidarité et d'une demande d'indemnité d'occupation au titre d'un bien immobilier occupé par un ex-partenaire d'un pacte civil de solidarité et de l'enfant commun doit se prononcer, dès lors qu'il y est invité, sur la question de l'occupation gratuite de ce bien comme constituant une modalité d'exécution, par l'autre parent, de son obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, peu importe que les demandes relatives au partage et que les demandes relatives à la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant obéissent à un régime procédural distinct ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [I] et qu'il soit statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que pour refuser de trancher cette question et déclarer ces demandes irrecevables, la cour d'appel a estimé que le fait que le juge aux affaires familiales soit matériellement compétent pour statuer sur ces demandes n'empêchait pas ces dernières d'être irrecevables dès lors qu'elles étaient soumises à un régime procédure distinct de celles relatives à la demande de partage des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter sa compétence, la cour d'appel a violé l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre ; que cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant ; qu'elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation qui peut, dès lors, venir diminuer ou supprimer une indemnité d'occupation ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] se rattachait à la demande principale en partage de l'indivision liant les ex-partenaires relativement au bien immobilier situé à Boulogne, par un lien suffisant ; qu'en jugeant le contraire pour déclarer la demande de Mme [U] irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 373-2-2 du code civil, dans sa rédaction application au litige, l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige et l'article 70 du code de procédure civile ;

4°/ que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] visait donc à compenser la créance pouvant être mise à sa charge au titre de l'indemnité d'occupation ; qu'en jugeant pourtant cette demande irrecevable sans rechercher si la demande de Mme [U] ne visait pas à opposer la compensation aux créances réclamées par M. [P] au titre de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Contrairement aux énonciations du moyen, Mme [U] ne demandait pas, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant commun soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation de l'immeuble indivis, ni ne réclamait une compensation, mais sollicitait qu'il soit dit que celui-ci devra abandonner partie de sa soulte sur la maison à une certaine hauteur sauf à parfaire, en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant.

11. Le moyen manque donc en fait.

Mais sur le moyen relevé d'office

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, dans les conditions précédemment exposées.

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

13. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

14. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

15. Pour déclarer irrecevables la demande de Mme [U] visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à sa charge une somme correspondant au surcoût de travaux dirigés par M. [P], sa demande relative à une estimation immobilière de M. [S] et sa demande visant à voir dire et juger qu'elle dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, l'arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, relève que, par ses premières conclusions, Mme [U] demandait à voir débouter M. [P] de l'ensemble de ses moyens, demandes et fins, de rejeter des débats une pièce communiquée par ce dernier, de lui attribuer un immeuble indivis moyennant le versement d'une soulte à déterminer en fonction de sa valorisation et des droits respectifs, de fixer une contribution mensuelle de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, de dire que M. [P] devrait abandonner une partie de sa soulte sur l'immeuble en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant et de le condamner au paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt précise que Mme [U] sollicitait enfin la confirmation du jugement déféré pour le surplus.

16. L'arrêt en déduit que le dispositif de ces conclusions ne comportait ni demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle avait été fixée en première instance, ni demande relative à l'estimation immobilière de M. [S], de sorte que, par ces conclusions, Mme [U] avait restreint la saisine de la cour d'appel à ce qui était expressément demandé dans le dispositif de celles-ci et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, qui ne constituaient pas davantage une défense à une prétention adverse.

17. En statuant ainsi, alors que les dernières conclusions d'appel de Mme [U] comportaient, selon les constatations de la cour d'appel, ces trois prétentions, lesquelles avaient trait au partage de l'indivision liant les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant irrecevables les trois demandes formulées par Mme [U] dans ses dernières conclusions entraîne la cassation des chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, rejetant la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [U], ordonnant, préalablement et pour parvenir au partage, la licitation des droits et biens immobiliers dépendant de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 3], fixant l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier, fixant le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel, décidant que la somme dont Mme [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire et que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposés pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, mais seulement en ce qu'il :

 - déclare irrecevable la demande visant à voir dire et juger que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune,

 - déclare irrecevable la demande visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P],

 - déclare irrecevable la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S],

 - rejette la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [U],

 - ordonne, préalablement et pour parvenir au partage, sur les poursuites et diligences de M. [Z] [P] et en présence de l'autre indivisaire, ou celui-ci dûment appelé, la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] sur la commune de [Localité 5] (92), cadastré section 0 n°[Cadastre 1] lieu-dit [Adresse 4] pour une contenance de 00 ha 1 a 54 ca constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à un usage professionnel ou d'habitation,

 - fixe l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier indivis sis, [Adresse 3] (92) à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois,

 - fixe le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 euros par mois,

 - décide que la somme dont Mme [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, à charge pour le notaire de la parfaire au jour où interviendra le partage ou la libération effective des lieux,

 - décide que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposée pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros qui devrait être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 910-4, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.280, Bull. 2013, I, n° 187 (cassation partielle).

1re Civ., 22 juin 2022, n° 20-22.712, (B), FRH

Cassation partielle

Partage judiciaire – Notaire commis – Remplacement – Désignation par le tribunal ou le juge commis – Nécessité – Accord des copartageants sur le choix du remplaçant – Absence d'influence

Il résulte de la combinaison des articles 1364 et 1371, alinéa 2, du code de procédure civile que, si les copartageants peuvent choisir d'un commun accord le remplaçant du notaire initialement désigné, celui-ci ne peut poursuivre les opérations de partage sans être désigné par le tribunal ou le juge commis.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 9 octobre 2020) et les productions, [X] et [C] [V] sont décédés respectivement les 19 avril et 14 décembre 2006, en laissant pour leur succéder leurs deux filles, Mmes [D] et [G].

2. Un jugement du 12 mai 2010 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision en résultant et désigné M. [Z], notaire, pour y procéder.

3. Le 5 juin 2014, M. [M], successeur de M. [Z], a établi un acte comportant projet d'état liquidatif, propositions d'allotissement et dires des parties, signé par les copartageantes, puis dressé, le 20 novembre 2014, un procès-verbal de carence dans le partage des successions, Mme [D] ne s'étant pas présentée à une convocation ultérieure.

4. Mme [G] a alors assigné sa soeur en homologation du projet de partage.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [D] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de désignation d'un nouveau notaire, alors « que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage ; que, dans le cas où le notaire est empêché, il est pourvu à son remplacement par le juge désigné à cette fin ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rappelé que le 12 mai 2010, le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a ordonné l'ouverture des opérations de partage et désigné M. [W] [Z], notaire à [Localité 3], pour y procéder, prévoyant qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du vice-président chargé de la chambre civile, sur requête de la partie la plus diligente » ; qu'elle a également constaté qu'à la suite de la cessation de ses fonctions par M. [Z], aucune partie n'a sollicité la désignation d'un nouveau notaire » ; qu'en rejetant la demande de Mme [D] en désignation d'un notaire en remplacement de M. [Z], quand il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été pourvu au remplacement de M. [Z] par une décision du juge désigné, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1364 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1364 et 1371, alinéa 2, du code de procédure civile :

7. Le premier de ces textes dispose :

« Si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations.

Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal. »

8. Selon le second, le juge commis peut, même d'office, procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal.

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si les copartageants peuvent choisir d'un commun accord le remplaçant du notaire initialement désigné, celui-ci ne peut poursuivre les opérations de partage sans être désigné par le tribunal ou le juge commis.

10. Pour rejeter la demande de Mme [D] tendant à la désignation d'un nouveau notaire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage des successions de ses parents, l'arrêt retient, d'une part, que, par arrêté du garde des sceaux du 9 novembre 2011, publié le 23 novembre 2011, MM. [M] et [S] ont été nommés notaires associés en remplacement de M. [Z] et qu'ils ont prêté serment en cette qualité devant le tribunal le 7 décembre 2011, d'autre part, qu'aucune partie n'a sollicité la désignation d'un nouveau notaire en novembre 2011 et qu'il apparaît que Mmes [D] et [G] ont considéré que M. [M], successeur de M. [Z], poursuivrait les opérations de partage avec tous les documents dont disposait celui-ci.

11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses propres constatations qu'il n'avait pas été pourvu au remplacement du notaire initialement désigné par une décision du tribunal ou du juge commis à la surveillance des opérations de partage, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant rejeté la demande de Mme [D] tendant à la désignation d'un notaire en remplacement de M. [Z] entraîne la cassation du chef de dispositif homologuant le projet de partage établi le 5 juin 2014 par M. [M], visé par le deuxième moyen, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme [D] tendant à la désignation d'un notaire en remplacement de M. [Z] et homologue le projet de partage établi le 5 juin 2014 par M. [M], l'arrêt rendu le 9 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 1364 ; Article 1371, alinéa 2, du code de procédure civile.

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