Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

MARIAGE

1re Civ., 9 juin 2022, n° 20-21.277, (B), FRH

Cassation partielle

Devoirs et droits respectifs des époux – Contribution aux charges du mariage – Obligation – Exécution – Modalités – Apport en capital de fonds personnels de l'un des époux pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial (non)

Il résulte de l'article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

Désistement du pourvoi incident

1. Il est donné acte à Mme [K] du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er septembre 2020), un arrêt du 16 juillet 2013 a prononcé le divorce de M. [M] et Mme [K], mariés sous le régime de la séparation de biens.

3. Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance au titre du financement de l'appartement sis à [Localité 3], alors « que l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de l'acquisition du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Mme [K] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait.

7. Cependant, M. [M] soutenait, dans ses écritures, d'une part, que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d'une participation aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, d'autre part, que l'apport d'un capital pour financer un bien indivis n'est pas une contribution aux charges du mariage.

8. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 214 du code civil :

9. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de l'autre lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

10. Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement de [Localité 3], après avoir constaté que l'immeuble avait été financé pour partie au moyen d'un apport en capital provenant d'un compte courant d'associé de celui-ci, l'arrêt relève que le contrat de mariage des époux stipule que chacun sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux, que l'importante disparité de revenus entre eux devait conduire M. [M] à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage, que Mme [K] alimentait aussi le compte commun par le versement de ses allocations chômage et familiales, que l'immeuble avait constitué le domicile conjugal et qu'ainsi les paiements effectués par M. [M] participaient de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sans dépasser une contribution normale.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. M. [M] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de créance au titre de travaux d'édification de la maison sise à La Chambre, alors « que l'apport en capital provenant de deniers personnels effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de son conjoint lors de l'édification d'un bien indivis affecté à l'usage familial ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu'en jugeant que l'apport réalisé par l'exposant lors de la construction et de l'édification du logement familial participait de l'exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage, alors même qu'elle constatait qu'il s'agissait là de deniers personnels, la cour d'appel a violé l'article 214 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. Mme [K] conteste la recevabilité du moyen comme étant nouveau et mélangé de fait.

14. Cependant, M. [M] soutenait, dans ses écritures, d'une part, que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d'une participation aux charges du mariage au sens de l'article 214 du code civil, d'autre part, que l'apport d'un capital pour financer un bien indivis n'est pas une contribution aux charges du mariage.

15. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 214 du code civil :

16. Il résulte de ce texte que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.

17. Pour rejeter la demande de créance de M. [M] au titre du financement d'une partie des travaux de la maison sise à La Chambre, après avoir constaté que celui-ci justifiait sa demande par la production de la copie d'un chèque tiré sur son compte bancaire au bénéfice du promoteur, l'arrêt retient que les explications données à propos de l'appartement de [Localité 3] doivent encore recevoir application.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de créances formées par M. [M] au titre de l'acquisition de l'appartement sis à Saint-Jean de Maurienne et au titre des travaux de construction de la maison sise à La Chambre, l'arrêt rendu le 1er septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 214 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.828, Bull., (cassation partielle) ; 1re Civ., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-21.463, Bull., (cassation partielle).

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