Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

JUGEMENTS ET ARRETS

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-10.229, (B), FS

Cassation

Exécution – Conditions – Arrêt d'appel – Signification de l'arrêt et du jugement – Nécessité

En application de l'article 503, alinéa 1, du code de procédure civile, l'exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement.

Exécution – Conditions – Notification – Signification de l'arrêt d'appel et du jugement – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2020), sur le fondement d'un jugement d'un tribunal de grande instance du 18 novembre 2013, et d'un arrêt confirmatif d'une cour d'appel du 17 septembre 2015, par lesquels M. et Mme [X] ont été notamment condamnés à payer au cabinet D. Nardi et à la société Cabinet Lafage transactions diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, cette dernière a fait signifier, le 8 février 2016, à M. et Mme [X], un commandement de payer à fin de saisie-vente, puis, le 18 février 2016, elle a ensuite fait pratiquer une saisie-attribution sur des comptes de M. [X].

2. A la suite de la dénonciation de cette dernière saisie le 22 février 2016, M. et Mme [X] ont, le 10 mars 2016, saisi le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de la saisie-attribution et du commandement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, le deuxième et le troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de déclarer valides le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 8 février 2016, pour la somme globale de 2 815,16 euros, et le procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016 pour la somme globale de 2 916,06 euros, alors « que s'ils n'ont pas été signifiés, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'arrêt du 17 septembre 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait confirmé partiellement le jugement du 18 novembre 2013 du tribunal de grande instance de Nice pouvait être exécuté en l'absence de signification de ce jugement dès lors que l'arrêt avait été signifié ; qu'en statuant ainsi, bien que le commandement aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de saisie attribution aient été délivrés pour recouvrement de condamnations prononcées dans ces deux décisions de justice, si bien que la signification du jugement était impérative, la cour d'appel a violé les articles 503 du code de procédure civile, R. 221-1 et R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 503, alinéa 1, du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

6. L'exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement.

7. Pour confirmer le jugement du juge de l'exécution en ce qu'il a déclaré valides le commandement de payer du 8 février 2016 et le procès-verbal de saisie-attribution du 18 février 2016, l'arrêt, après avoir constaté que le jugement du 18 novembre 2013 n'avait pas été signifié aux débiteurs saisis, mais que l'arrêt du 17 septembre 2015 l'avait été, retient que ce dernier arrêt constituait le titre exécutoire de l'intimée lui permettant de poursuivre le recouvrement des sommes allouées par le jugement du 18 novembre 2013, sans que M. et Mme [X] ne puissent valablement opposer l'absence de signification de la décision de première instance non revêtue de l'exécution provisoire.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 503 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n° 13-16.899, Bull. 2014, II, n° 154 (cassation).

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-12.792, (B), FRH

Rejet

Interprétation – Requête – Rejet – Nouvelle demande en rectification d'erreur matérielle – Fin de non-recevoir – Autorité de la chose jugée – Exclusion

Interprétation ou rectification – Causes et régimes différents des actions en interprétation et en rectification – Effets – Absence autorité de chose jugée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 18 décembre 2020), par acte authentique du 11 janvier 2008, la société Caidar a acquis de la société Holdar l'ensemble des actions qu'elle détenait de la société Confo Réunion alors qu'un jugement d'un tribunal mixte de commerce du 20 avril 2005 avait prononcé le plan de redressement et d'apurement du passif de cette société.

2. Par requête du 23 juin 2011, le mandataire liquidateur de la société Confo Réunion a saisi ce tribunal en interprétation du jugement du 20 avril 2005 et, par un arrêt du 16 octobre 2013, devenu irrévocable, une cour d'appel a rejeté la requête au motif qu'elle ne relevait pas de l'interprétation mais de l'erreur matérielle.

3. Par requête du 31 mars 2014, la société Caidar et la société Hirou, mandataire liquidateur de la société Confo Réunion, ayant sollicité la rectification de l'erreur matérielle affectant le dispositif du même jugement, un arrêt du 28 septembre 2016 d'une cour d'appel a été cassé en toutes ses dispositions, par la Cour de cassation (2e Civ., 7 juin 2018, pourvoi n° 16-28.539) qui a renvoyé l'affaire devant la même cour d'appel, autrement composée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. La société Holdar fait grief à l'arrêt d'ordonner la rectification du dispositif du jugement du tribunal mixte de commerce du 20 avril 2005 et de dire que la formule « Incorporation du compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance » doit remplacer la formule « Incorporation en compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », alors :

« 1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en considérant que « la requête en rectification d'erreur matérielle ne se heurt[ait] pas au principe de l'autorité de la chose jugée sur la requête en interprétation de jugement déposée le 31 mars 2014 » cependant que, comme le soutenait la société Holdar, dans le cadre des deux actions en justice engagées en 2011 et 2014, la société Caidar et le liquidateur de la société Conforeunion ont formulé une demande ayant le même objet, sur deux fondements juridiques différents dès lors que, dans la requête en interprétation du 23 juin 2011, comme dans la requête en rectification d'erreur matérielle du 31 mars 2014, ils ont en substance demandé que le dispositif du jugement du 20 avril 2005 soit corrigé comme suit : « Incorporation du compte courant associé à hauteur de 8.000.000 d'euros et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », de sorte que la demande en rectification d'erreur matérielle se heurtait à l'autorité de ce qui avait déjà été jugé par arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 16 octobre 2013 dans le cadre de la requête en interprétation, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en rejetant le moyen de la société Holdar, motifs pris que « l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation retient que le principe de concentration des moyens, qui a trait à la fin de non-recevoir liée à l'autorité de la chose jugée, n'est pas applicable aux demandes en interprétation et en rectification d'erreur matérielle d'une décision de justice obéissant à des régimes procéduraux distincts et ayant des objets différents » (p. 6, § 3,4 arrêt), cependant que dans son arrêt du 7 juin 2018 (n° 16-28.539), la Cour de cassation ne s'est pas référée au principe de concentration des moyens et a considéré, au terme d'un moyen relevé d'office, que « la requête en rectification d'erreur matérielle (...) n'est pas soumise à un délai de prescription », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 7 juin 2018, en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 461 et 462 du code de procédure civile que les demandes en interprétation d'un jugement et celles tendant à la réparation d'une erreur ou omission matérielle qui l'affecte, ayant des causes différentes et obéissant à des régimes juridiques qui leur sont propres, aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la demande en rectification d'erreur matérielle formée par une partie précédemment déboutée d'une demande en interprétation de la même décision.

6. L'arrêt a retenu à bon droit que la requête en rectification d'erreur matérielle ne se heurte pas au principe de l'autorité de la chose jugée sur la requête en interprétation du jugement déposée le 31 mars 2014.

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

7. La société Holdar fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu'en outre, l'interprétation erronée d'un document ne relève pas de la procédure de rectification des erreurs matérielles ; qu'en appréciant le contenu du rapport complémentaire des organes de la procédure collective, relevant à cet égard que la solution qui a résulté de ce rapport, « sans constituer un abandon des comptes courants d'associés, ne révèle nullement l'intention des associés de renforcer les fonds propres de la société Confo Réunion à hauteur de 8.000.000 » ainsi que les termes du procès-verbal des délibérations du conseil de surveillance du 18 février 2005 de la société Holdar et des rapports des commissaires aux comptes de la société Conforeunion pour les exercices 2007 et 2008, la cour d'appel, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, s'est livrée à une nouvelle appréciation du contenu des documents produits et de la volonté des parties, et a modifié profondément les droits et obligations des parties, en particulier ceux de la société Holdar, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ;

4°/ au surplus, qu'en réformant ainsi le jugement du 22 avril 2005, sous couvert de rectification d'erreur matérielle, la cour d'appel a méconnu l'étendue du pouvoir conféré au juge de la rectification d'erreur matérielle et commis un excès de pouvoir, en violation de l'article 462 du code de procédure civile ;

5°/ en tout état de cause, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans prendre en compte, comme il lui était demandé par la société Holdar (concl. p. 14, 17 et 24), la circonstance que la nouvelle formule proposée par la société Caidar, selon laquelle le tribunal de commerce avait visé l'« incorporation du compte courant associé et cession d'antériorité au profit des autres créanciers pour le surplus de la créance », constituait une demande impossible dès lors que le tribunal de commerce ne pouvait imposer au débiteur en liquidation des modifications du capital social non visées par le plan et non soumises au vote de l'assemblée des actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 462 du code de procédure civile. »

8. C'est sans méconnaître les dispositions de l'article 462 du code de procédure civile et sans avoir à mieux s'en expliquer, que la cour d'appel, en se fondant sur ce que le dossier de la procédure collective révélait, a retenu que, par une erreur manifeste de plume, le dispositif du jugement avait mentionné l'incorporation en compte courant associé au lieu de l'incorporation du compte courant.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 461 et 462 du code de procédure civile.

2e Civ., 23 juin 2022, n° 21-11.399, (B), FRH

Annulation

Mentions obligatoires – Composition de la juridiction – Composition lors du délibéré – Mention révélant l'inobservation de l'imparité – Effets – Nullité – Exception – Preuve par tout moyen du respect de l'imparité – Cas

Aux termes de l'article 459 du code de procédure civile, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

Encourt la censure l'arrêt qui mentionne que la cour d'appel était composée, lors des débats, de quatre magistrats qui en ont délibéré, dès lors que la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l'arrêt attaqué à l'avocat du défendeur au pourvoi n'est pas de nature à établir le respect de la règle de l'imparité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 2019), par deux décisions du 16 décembre 2015, la maison départementale des personnes handicapées des Yvelines a rejeté la demande de Mme [K] (la bénéficiaire) tendant à bénéficier de la prestation de compensation du handicap « aides humaines à domicile » et lui a accordé la prestation de compensation du handicap « aides techniques » pour la période du 15 mai 2014 au 31 mai 2020.

2. La bénéficiaire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La bénéficiaire fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que les arrêts des cours d'appel sont, à peine de nullité, rendus par des magistrats délibérant en nombre impair ; que l'arrêt attaqué énonce que l'affaire a été débattue « devant la cour composée de M. Olivier Fourmy, président, Mme Marie José Bou, présidente suppléante, Mme Carine Tasmadjian, conseiller, Mme Caroline Bon, vice présidente placée, qui en ont délibéré » ; que l'arrêt ainsi rendu au terme d'un délibéré tenu en méconnaissance du principe de l'imparité, viole les articles L. 121-2, L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire et doit être annulé. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire, 430, 447, 458 et 459 du code de procédure civile :

4. A peine de nullité, les arrêts de cour d'appel sont rendus par des magistrats délibérant en nombre impair.

5. L'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

6. L'arrêt mentionne que la cour d'appel était composée, lors des débats, de quatre magistrats qui en ont délibéré.

Le dossier de procédure ne permet pas de constater que trois magistrats seulement ont délibéré de l'affaire, et la copie du courriel adressé par le président de chambre signataire de l'arrêt à l'avocat du défendeur au pourvoi n'est pas de nature à établir que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

7. En raison de l'inobservation de l'imparité de la formation de jugement, révélée postérieurement aux débats, l'arrêt doit être annulé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Nicolaý, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article 459 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Ch. mixte, 11 décembre 2009, pourvoi n° 08-13.643, Bull. 2009, Ch. mixte, n° 3 (rejet).

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-15.827, (B), FS

Cassation partielle

Notification – Effets – Etendue – Détermination – Litige indivisible – Caractérisation – Office du juge

L' indivisibilité du litige, au sens des articles 529 et 905-2, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, nécessite l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige. Il appartient aux juges du fond de caractériser une telle impossibilité d'exécution.

Notification – Effets – Etendue – Détermination – Litige indivisible – Définition – Impossibilité d'exécution simultanée de plusieurs chefs de dispositif

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 décembre 2018 et 25 octobre 2019)

la SCI du [Adresse 3] (la SCI) a donné à bail commercial le lot n° 23 d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, à la société Groupe WS (la société) ayant pour objet social la location meublée avec prestations de service para-hôtelière en loueur meublé.

2. Pour exercer cette activité, la société a procédé à des transformations de locaux comprenant une dizaine de bureaux mitoyens en onze appartements-bureaux, tous équipés de salles d'eau et de toilettes.

3. Se prévalant de l'existence d'un trouble manifestement illicite, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] (le syndicat) a, en référé, assigné la société et la SCI aux fins de voir cesser l'activité dans le lot n° 23 et leur condamnation à le remettre dans son état d'origine.

4. Une ordonnance du 29 janvier 2018 du juge des référés a notamment ordonné à la société de cesser son activité de location de chambres meublées et l'a condamnée in solidum avec la SCI à procéder, sous astreinte, aux travaux de remise en état.

5. La société ayant fait appel de l'ordonnance, un avis de fixation de l'affaire a été transmis aux parties le 17 mai 2018. A cette même date, la société a notifié ses conclusions et le 14 juin 2018, la SCI a notifié les siennes, formant un appel incident.

Le syndicat a notifié ses conclusions le 13 juillet 2018.

6. La société et la SCI ayant soulevé l'irrecevabilité des conclusions du syndicat à leur égard, sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile, le magistrat désigné par le premier président a rejeté cette fin de non-recevoir, par une ordonnance du 25 octobre 2018 déférée à la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen des deux pourvois, pris en sa première branche, rédigé en termes identiques, dirigés contre l'arrêt du 13 décembre 2018, réunis

Enoncé du moyen

7. La société et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat ainsi que la communication de pièces, alors « que dans l'hypothèse où l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, dans le cadre d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal ; qu'en retenant néanmoins que, dès lors que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] avait conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI du [Adresse 3], ses conclusions était recevables, y compris à l'égard de la société Groupe WS, quand elle constatait qu'elles avaient été notifiées plus d'un mois après la notification des conclusions d'appelant principal de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 905-2 du code de procédure civile :

8. Selon l'alinéa 2 de ce texte, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Aux termes de l'alinéa 3, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

10. Il en résulte que lorsque l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, à l'occasion d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal.

11. Pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la tardiveté des conclusions du syndicat, l'arrêt retient qu'elles visent à titre principal à l'infirmation de l'ordonnance en ce que celle-ci a ordonné sous astreinte à la société de cesser son activité de location dans le local pris à bail et l'a condamnée in solidum avec la SCI à procéder sous astreinte aux travaux de remise en état de ce local, que ces conclusions constituent un appel incident dirigé contre le syndicat qui a obtenu gain de cause en première instance, lequel a conclu dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet appel incident, imparti à l'article 905-2, alinéa 3 du code de procédure civile.

12. En statuant ainsi, alors que la circonstance que le syndicat a conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI n'avait pas pour effet de rendre recevables, à l'égard de l'appelant principal, ses conclusions notifiées à ce dernier par le syndicat, passé le délai prévu à l'article 905-2, alinéa 2, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le même moyen des deux pourvois, pris en sa deuxième branche, rédigé en termes identiques, dirigés contre l'arrêt du 13 décembre 2018, réunis

Enoncé du moyen

13. La société et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat ainsi que la communication de pièces, alors « que l'indivisibilité procédurale suppose une impossibilité d'exécuter simultanément les dispositions d'une ou plusieurs décisions se rapportant au même litige ; qu'en retenant qu'il existait une indivisibilité procédurale relativement à la situation susceptible d'être créée par un arrêt confirmant l'ordonnance en ses dispositions relatives à la société Groupe WS et un arrêt l'infirmant en ses dispositions relatives à la SCI du [Adresse 3], quand la condamnation de la seule SCI du [Adresse 3] à remettre en état les lieux pouvait être exécutée sans que l'absence de condamnation de la société Groupe WS à cesser son activité de sous-location et à procéder elle-même à une telle remise en état des lieux, soit susceptible d'y faire échec, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 529 et 905-2, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile :

14. L'indivisibilité du litige nécessite l' impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige.

15. Pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la tardiveté des conclusions du syndicat, l'arrêt énonce que l'ordonnance entreprise crée une situation indivisible entre la SCI et sa locataire, tant il est vrai qu'il y aurait incompatibilité entre des décisions qui, l'une, confirmerait l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné à la société de cesser son activité de sous-location dans le local pris à bail et, l'autre, l'infirmerait de ce chef, et qu'il s'en déduit que les conclusions du syndicat doivent être déclarées recevables tant à l'encontre de la SCI que de la société.

16. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

17. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation partielle de l'arrêt du 13 décembre 2018 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 25 octobre 2019 qui en est la suite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par la société Groupe WS tendant à ce que soient déclarées irrecevables, à son égard, les conclusions du syndicat des copropriétaires signifiées le 13 juillet 2018, l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Paris.

CONSTATE l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Paris.

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 529 et 905-2, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile.

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