Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

EXPERT JUDICIAIRE

2e Civ., 16 juin 2022, n° 22-60.074, (B), FRH

Annulation partielle

Liste de la cour d'appel – Inscription – Conditions – Indépendance nécessaire à l'exercice des missions judiciaires d'expertise

Le fait, pour un candidat à l'inscription sur la liste des experts d'une cour d'appel dans la rubrique « bâtiment et travaux publics », d'être salarié d'une société entretenant des relations commerciales avec de nombreux fournisseurs de ce secteur ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, au sens de l'article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

Faits et procédure

1. M. [G] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Lyon dans les rubriques « enduits » (C-01.08), « revêtement intérieur » (C-01.22) et « isolation thermique, frigorifique » (C-01.26.04).

2. Par décision du 3 décembre 2021, contre laquelle M. [G] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande.

Examen des griefs

Sur le premier grief

Exposé du grief

3. M. [G] fait valoir que la lettre de notification lui a été envoyée à son adresse professionnelle, ce qui n'est pas approprié s'agissant d'une candidature s'inscrivant dans un projet personnel.

Réponse de la Cour

4. Seules les décisions prises par l'autorité chargée de l'établissement des listes d'experts judiciaires pouvant donner lieu à recours, les modalités de leur notification sont sans incidence sur leur validité.

5. Le grief est, dès lors, inopérant.

Mais sur le second grief

Exposé du grief

6. M. [G] fait valoir qu'en application de l'article 2, 8°, du décret du 23 décembre 2004, il est nécessaire pour tout candidat à l'inscription sur une liste d'experts d'exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de la cour d'appel concernée, qu'il justifie lui-même d'une expertise technique des enduits et peintures en bâtiment après dix ans d'expérience, que la société Keim France où il travaille est une PME et non un grand groupe et que ni cette société ni lui-même ne sont membres d'un quelconque groupement les reliant aux autres fournisseurs du secteur, ce qui garantit ses complètes indépendance et impartialité, lesquelles sont en outre confortées par ses activités passées de réserviste au sein de la gendarmerie. Il ajoute qu'il a sollicité son inscription également dans la rubrique « isolation thermique » qui ne relève pas de son activité en tant que salarié.

Réponse de la Cour

Vu l'article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 :

7. Selon ce texte, une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts dressée par une cour d'appel que si elle n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise.

8. Pour rejeter la demande de M. [G], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient que l'activité salariée du candidat dans un grand groupe, en lien avec tous les fournisseurs du secteur, ne garantit pas son indépendance.

9. En statuant ainsi, alors que le fait d'être salarié d'une société entretenant des relations commerciales avec de nombreux clients ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise dans la spécialité considérée, l'assemblée générale des magistrats du siège a méconnu le texte susvisé.

10. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne M. [G].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Lyon en date du 3 décembre 2021, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [G].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : Mme Nicolétis -

Textes visés :

Article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

2e Civ., 16 juin 2022, n° 21-60.198, (B), FRH

Rejet

Liste de la cour d'appel – Inscription – Conditions – Limite d'âge fixée par l'article 2, 7°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 – Dérogation à titre exceptionnel (non)

Il résulte de l'application combinée des dispositions des articles 2, 7°, et 18, alinéa 4, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 qu'une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts judiciaires dressée par une cour d'appel si elle est âgée de plus de 70 ans, aucune disposition ne prévoyant, y compris pour un expert inscrit sur la liste nationale, de possibilité de déroger, à titre exceptionnel, à cette condition.

Dès lors, c'est par une exacte interprétation des textes applicables que l'assemblée générale des magistrats du siège, constatant que le candidat avait atteint la limite d'âge de 70 ans au 1er janvier de l'année suivant celle de présentation de sa demande, a retenu qu'il ne remplissait pas la condition d'âge prévue par l'article 2, 7°, sus visé, pour être réinscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel.

Liste de la cour d'appel – Inscription – Assemblée générale des magistrats du siège – Décision – Refus – Motivation – Grand âge du candidat – Critère – Candidat agé de plus de 70 ans

Faits et procédure

1. M. [J] a sollicité sa réinscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans la rubrique « bâtiment - travaux publics », spécialités « génie civil » (C-01.10) et « gros oeuvre-structure » (C-01.12).

2. Par décision du 19 novembre 2021, contre laquelle M. [J] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande en raison de la limite d'âge des experts judiciaires, fixée à moins de 70 ans à l'article 2, 7°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

Examen des griefs

Exposé du grief

3. M. [J] fait valoir, d'une part, que la décision attaquée fait une interprétation erronée des dispositions de l'article 18 du décret du 23 décembre 2004, en ce qu'elles permettent à un expert inscrit sur la liste nationale de conserver le bénéfice de son inscription sur une liste dressée par une cour d'appel et, en conséquence, de solliciter sa réinscription, nonobstant l'article 2 dudit décret fixant, au niveau des cours d'appel, à moins de 70 ans la limite d'âge des experts judiciaires.

4. Il se prévaut, d'autre part, d'une violation des dispositions des articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales au regard des disparités de nature discriminatoire résultant des divergences de décisions rendues sur la question par les cours d'appel.

Réponse de la Cour

5. C'est par une exacte interprétation des textes applicables que l'assemblée générale, constatant que M. [J] avait atteint la limite d'âge de 70 ans au 1er janvier de l'année suivant celle de présentation de sa demande, a retenu qu'il ne remplissait pas la condition d'âge prévue par l'article 2, 7°, du décret du 23 décembre 2004 pour être réinscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel, aucune disposition ne prévoyant, y compris pour un expert inscrit sur la liste nationale, de possibilité de déroger à titre exceptionnel à cette condition pour l'inscription ou la réinscription sur les listes dressées par les cours d'appel.

6. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le recours.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : Mme Nicolétis -

Textes visés :

Articles 2, 7°, et 18, alinéa 4, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

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