Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 15 juin 2022, n° 21-10.802, n° 21-12.358, (B), FRH

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action ne tendant pas à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent – Action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent

Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire.

Liquidation judiciaire – Jugement – Créance née après le jugement d'ouverture – Créance non éligible au paiement préférentiel – Applications diverses – Résolution d'un contrat conclu antérieurement au jugement d'ouverture – Inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent – Créance de restitution

Il résulte des articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 641-3 et L. 641-13 du code de commerce que lorsqu'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure collective est résolu, après l'ouverture de cette procédure, pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période. En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions des articles L. 624-2 et L. 641-14 du code de commerce, le créancier, après l'avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire.

Liquidation judiciaire – Jugement – Créance née après le jugement d'ouverture – Créance non éligible au paiement préférentiel – Procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-10.802 et n° 21-12.358 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), suivant un acte authentique dressé le 8 décembre 2006 par [U] [H], notaire, M. et Mme [V] ont acquis de la SCI Les Gaudinelles un bien en l'état futur d'achèvement, dont le prix d'acquisition était financé au moyen d'un prêt consenti par la société Caisse méditerranéenne de financement (la société Camefi).

3. Le 11 février 2009, en réponse à un appel de fonds faisant état d'un niveau d'achèvement du bien de 93 %, M. et Mme [V] ont payé à la SCI Les Gaudinelles la somme de 68 502,54 euros.

4. La SCI Les Gaudinelles a été mise en liquidation judiciaire le 26 novembre 2012, sans que le bien ait été livré.

5. Reprochant aux différents intervenants d'avoir manqué à leurs obligations, M. et Mme [V] ont assigné, entre mai et juillet 2016, le liquidateur de la SCI Les Gaudinelles, le notaire et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances (les sociétés MMA), le maître d'oeuvre, la société Atelier l'échelle, venant aux droits de la société Cabinet d'architecture Blevin et Pryen, et son assureur, la société Mutuelle des architectes français, ainsi que la société Camefi, en résolution de la vente et en indemnisation.

6. [U] [H] étant décédé, ses héritières, Mmes [Z], [L] et [K] [H] (les consorts [H]), sont intervenues volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi n° S 21-12.358 et les premier et second moyens du pourvoi principal n° A 21-10.802, ces derniers en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer recevables les actions de M. et Mme [V] contre la SCI Les Gaudinelles, la société Atelier l'échelle et les consorts [H] et l'action en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision, de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, de condamner les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, de rejeter les demandes de M. et Mme [V] dirigées contre la société Atelier l'échelle et la société Mutuelle des architectes français et le surplus des demandes de M. et Mme [V] dirigées contre les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, de condamner les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées contre elle au profit de M. et Mme [V] et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par la société Atelier l'échelle, la société Mutuelle des architectes français, les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal n° 21-12.358, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. et Mme [V] en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière

Enoncé du moyen

8. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. et Mme [V] en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière, alors :

« 1°/ que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tout créancier dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'est soumise à cette interdiction des poursuites l'action tendant à la résolution d'un contrat pour manquement du vendeur à ses obligations ainsi qu'à la restitution subséquente du prix de vente ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire, que cette action, déclenchée après l'ouverture de la procédure collective de la SCI Les Gaudinelles, tendait à la résolution de cette vente pour manquement à l'obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, quand cette action tendait également à la restitution du prix de la vente, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce ;

2°/ que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire, et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ;

3°/ qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, M. et Mme [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

10. Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire.

11. Ayant relevé que M. et Mme [V] demandaient la résolution du contrat de vente conclu avec la SCI Les Gaudinelles pour manquement de celle-ci à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel en a exactement déduit que cette action, qui n'était pas interdite, était recevable, peu important que M. et Mme [V] aient demandé, en outre, à la cour d'appel de dire que la SCI Les Gaudinelles devait leur restituer les fonds déjà payés.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° 21-12.358, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente

Enoncé du moyen

13. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, alors :

« 2°/ que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; qu'à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ;

3°/ qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, M. et Mme [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

14. Vu les articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, L. 641-13 et L. 641-14 du code de commerce :

15. Il résulte du premier, du deuxième, du quatrième et du cinquième de ces textes que lorsqu'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure collective est résolu, après l'ouverture de cette procédure, pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

16. En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions du troisième et du sixième de ces textes, le créancier, après l'avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire.

17. Pour condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, après avoir jugé que le manquement de cette société à son obligation de livrer le bien en cause justifiait la résolution du contrat, l'arrêt retient que la créance de restitution est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal n° 21-10.802, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

19. La société Camefi fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'en condamnant la société Camefi, in solidum avec les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts sans se prononcer, dans ses motifs comme dans son dispositif, ainsi qu'elle y était invitée, sur la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame [V] contre la société Camefi, qui avait été retenue par le jugement entrepris, dont la société Camefi sollicitait la confirmation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

20. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.

21. Pour condamner la société Camefi, in solidum avec les consorts [H] et l'assureur du notaire, à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle a commis une faute qui est à l'origine du préjudice subi par M. et Mme [V].

22. En statuant ainsi, sans se prononcer sur la fin de non-recevoir, tirée de la prescription de cette demande d'indemnisation, qu'invoquait la société Camefi dans ses conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident n° 21-10.802

Enoncé du moyen

23. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros correspondant à la créance de restitution de la partie du prix qu'ils ont réglée, alors « que la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable et le notaire ne peut être condamné à en garantir le remboursement qu'en cas d'insolvabilité du vendeur ; qu'en se contentant de relever, pour condamner les consorts [H] et les MMA, que la société venderesse était en liquidation judiciaire sans pour autant rechercher, comme elle y était invitée, si cette seule circonstance la rendait insolvable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

24. M. et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

25. Cependant, les sociétés MMA soutenaient dans leurs conclusions d'appel que seule la SCI Les Gaudinelles devait rembourser le prix de vente, en se référant à un jugement d'un tribunal ayant retenu que, dans le litige qui lui était soumis, aucune des parties n'alléguait que la procédure collective de cette société était impécunieuse, les demandeurs n'ayant pas versé le jugement clôturant cette procédure pour insuffisance d'actifs.

26. Le moyen, qui n'est dès lors pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

27. Si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n'est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l'insolvabilité démontrée du vendeur.

28. Pour condamner les consorts [H] et leurs assureurs à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, l'arrêt retient que cette somme correspond à la créance de restitution de la partie du prix que ceux-ci ont réglée et qu'ils ont perdu toute possibilité de recouvrer en raison de l'insolvabilité de la SCI Les Gaudinelles, placée en redressement puis liquidation judiciaires.

29. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Les Gaudinelles était insolvable, ce qu'elle ne pouvait déduire du seul fait que cette société avait été mise en liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

30. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la société Camefi et les consorts [H] et leurs assureurs à indemniser M. et Mme [V] entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les consorts [H] et leurs assureurs à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V], condamnant la société Camefi à garantir les consorts [H] et leurs assureurs à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [V] et statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre les consorts [H], leurs assureurs, la société Camefi et M. et Mme [V], qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Mise hors de cause

31. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Atelier l'échelle et Mutuelle des architectes français, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il condamne la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, condamne in solidum les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, condamne les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurance IARD à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V], condamne la société Camefi à garantir les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [V] et en ce qu'il statue, dans les rapports entre les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD, la société Camefi et M. et Mme [V], sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Met hors de cause les sociétés Atelier l'échelle et Mutuelle des architectes français.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Blanc - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Leduc et Vigand ; SARL Le Prado - Gilbert ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce ; articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, 641-13 et L. 641-14 du code de commerce ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 7 octobre 2020, pourvoi n° 19-14.422, Bull., (cassation). 3e civ. 18 février 2016, pourvoi n° 15-12.719, Bull. 2016, III, n° 30 (rejet).

Com., 9 juin 2022, n° 21-10.309, (B), FRH

Cassation

Liquidation judiciaire – Patrimoine – Revendication – Action en revendication – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Demande de restitution présentée avant le jugement d'ouverture

Il résulte de la combinaison des articles L. 624-9 et L. 622-23 du code de commerce que la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire n'est pas soumise aux dispositions du premier relatives à la revendication et se poursuit selon celles du second relatives aux instances qui ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent.

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Instance en cours – Interruption – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action ne tendant pas au paiement d'une somme d'argent – Applications diverses – Demande de restitution présentée avant le jugement d'ouverture

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 novembre 2020), la société Les Pitchounes a conclu avec la société Jill un contrat d'affiliation pour la distribution de vêtements d'enfants, selon lequel elle avait le droit d'utiliser la marque, propriété de la société Jill (Marèse) à titre d'enseigne et de disposer d'un stock de marchandises laissées en dépôt jusqu'à ce qu'elles soient vendues et payées par les clients, la société Les Pitchounes devant alors en régler le prix à la société Jill sous déduction d'une commission.

La société Jill avait également donné en dépôt du matériel et du mobilier. Constatant le non-paiement de factures, la société Jill a, le 17 novembre 2016, assigné la société Les Pitchounes en paiement et en restitution des marchandises, du matériel et du mobilier.

2. La société Les Pitchounes a été mise en liquidation judiciaire le 17 janvier 2017, la société François Legrand, devenue la société Ekip', étant désignée en qualité de liquidateur. Après la déclaration de sa créance par la société Jill, le liquidateur est intervenu à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La société Jill fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution, alors « que la demande en restitution de biens meubles présentée avant la mise en liquidation judiciaire de leur détenteur par le propriétaire mobilier non titulaire d'un contrat publié n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce et se poursuit selon les dispositions de l'article L. 622-23 du même code ; qu'en retenant que la société Jill ne pouvait « valablement soutenir qu'elle était dispensée de l'action en revendication en raison d'une instance en cours au moment du placement en liquidation judiciaire », aux motifs que « seul l'article L. 624-10 prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture » et qu'il était constant que le contrat d'affiliation n'avait « pas fait l'objet d'une publicité », quand l'action en restitution introduite par la société Jill l'avait été avant la mise en liquidation du dépositaire, et que les articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce ne lui étaient dès lors pas applicables, la cour d'appel les a violé par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-9 et L. 622-23 du code de commerce :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire n'est pas soumise aux dispositions du premier et se poursuit selon celles du second.

5. Pour rejeter la demande de restitution de la société Jill, l'arrêt retient qu'en l'absence de dispositions légales à cet égard, celle-ci ne peut valablement soutenir qu'elle est dispensée de l'action en revendication alors que seul l'article L. 624-10 du code de commerce prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture, ce qui n'est pas le cas du contrat d'affiliation.

6. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'assignation en paiement des factures et restitution des biens mis en dépôt était antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Les Pitchounes, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application, le second par refus d'application.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Articles L. 624-9 et L. 622-23 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 30 juin 2004, pourvoi n° 02-17.771, Bull. 2004, IV, n° 138 (rejet).

Com., 9 juin 2022, n° 20-22.650, (B), FRH

Cassation

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Absence d'indivisibilité avec la demande d'admission – Portée – Examen préalable par les juges du fond

Lorsqu'une cour d'appel retient exactement que le tribunal, désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur des contestations opposées à une déclaration de créance, a excédé ses pouvoirs en prononçant l'admission de cette créance et annule le jugement de ce chef, elle se trouve saisie, par l'effet dévolutif, de la connaissance des contestations soulevées et ne peut refuser de statuer sur la recevabilité et, le cas échéant, le bien-fondé de ces dernières, qui sont l'objet même sa saisine, à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et ne présentent aucune indivisibilité avec la demande d'admission, de sorte qu'elles doivent faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission.

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Tribunal statuant sur la contestation – Décision d'admission – Excès de pourvoir – Portée

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Admission ou rejet des créances déclarées – Compétence exclusive – Juge commissaire – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 octobre 2020, RG n° 18/06217), la société Les Oeufs Nature a été mise en redressement judiciaire le 15 janvier 2014, la société Philippe Delaere étant désignée mandataire judiciaire.

Le 24 février 2014, le Crédit mutuel de Blain (la banque) a déclaré des créances au titre de prêts consentis les 10 novembre 2003 et 22 avril 2010. Ces créances ont été contestées par la débitrice.

2. Par une ordonnance du 28 septembre 2015, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour connaître des contestations formées par la société débitrice, relatives notamment au taux effectif global des prêts, a ordonné le sursis à statuer et invité la banque à saisir le tribunal de commerce de Saint-Nazaire dans les conditions de l'article R. 624-5 du code de commerce.

La banque a assigné la société débitrice et le mandataire judiciaire devant ce tribunal qui, par un jugement du 27 juin 2018, a dit la société Les Oeufs Nature et la société Philippe Delaere, ès qualités, irrecevables et mal fondées en leurs contestations relatives à l'admission des créances du CIC, a ordonné l'admission de ces créances au passif du redressement judiciaire et a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société débitrice contre la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement, de décider que la cour d'appel n'a pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective, ni les demandes indivisibles de cette prétention, alors « que l'indivisibilité entre plusieurs chefs de demandes, qui a pour conséquence, en cas d'annulation de la décision sur un chef de demande, l'annulation consécutive de la décision ayant statué sur les chefs de demandes indivisibles, suppose que les demandes en cause ne puissent faire l'objet d'un traitement ou d'une exécution séparée ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le tribunal saisi d'une contestation portant sur la créance de la banque Crédit Mutuel à l'égard de la société Les Oeufs Nature n'avait pas le pouvoir d'ordonner, une fois la contestation tranchée, l'admission de la créance au passif de la société, ce pouvoir n'appartenant qu'au juge-commissaire ; que ce faisant, la cour d'appel a caractérisé la divisibilité entre la demande portant sur la contestation de la créance et celle sur l'admission de cette créance au passif de la société ; qu'en décidant cependant l'annulation du jugement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances de la banque au passif de la société Les Oeufs Nature et l'annulation des chefs de dispositif sur les autres demandes, plus particulièrement celle afférente à la contestation de la créance de la banque sur la société Les Oeufs Nature, au motif que ces demandes étaient indivisibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, R. 624-5 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, et l'article 562 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.

5. Pour annuler l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur les contestations de la société débitrice, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que le tribunal a excédé ses pouvoirs en statuant sur l'admission des créances déclarées, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces admissions encourent l'annulation, retient que les demandes portant sur l'admission sont indivisibles des autres demandes présentées au tribunal.

6. En statuant ainsi, alors que les contestations de la débitrice relatives au taux effectif global des prêts sur lesquelles le juge-commissaire s'était déclaré incompétent au profit du juge du fond n'étaient pas indivisibles des demandes d'admission, mais constituaient l'objet même de la saisine du tribunal à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et devaient faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces contestations n'encouraient aucune nullité, la cour d'appel, saisie de leur connaissance par l'effet dévolutif, qui ne pouvait refuser de statuer sur leur recevabilité et, le cas échéant, leur bien fondé, a méconnu ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 18/06217 rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Doumic-Seiller -

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