Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

EMPLOI

Soc., 29 juin 2022, n° 21-10.111, (B), FS

Cassation partielle

Travailleurs privés d'emploi – Garantie de ressources – Allocation d'assurance – Bénéfice – Conditions – Salarié involontairement privé d'emploi – Définition – Contrat d'apprentissage – Cessation d'un commun accord – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mai 2020), Mme [O] a été engagée par l'établissement public centre hospitalier [3] en qualité de préparatrice en pharmacie hospitalière par trois contrats à durée déterminée successifs du 3 septembre 2012 au 31 août 2013. Puis, le 2 septembre 2013, elle a conclu avec cet établissement public un contrat d'apprentissage d'une durée d'un an, qui a été rompu par une convention de rupture amiable à effet au 28 février 2014.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de condamnation du centre hospitalier [3] en paiement de rappels de salaire, congés payés et compléments de salaire au titre du contrat d'apprentissage ainsi qu'au versement de l'allocation d'assurance-chômage.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que le juge prud'homal était incompétent pour connaître de ses demandes relatives aux allocations d'assurance-chômage et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, alors « que les contrats d'apprentissage sont des contrats de droit privé ; que les litiges relatifs à l'indemnisation du chômage consécutifs à la rupture d'un tel contrat relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la loi du 16-24 août 1790, ainsi que l'article L. 6221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et l'article 19 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail :

4. Selon le dernier de ces textes, le contrat d'apprentissage conclu par une personne morale de droit public dont le personnel ne relève pas du droit privé est un contrat de droit privé.

En conséquence, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ces contrats relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Il en va de même des litiges relatifs à l'indemnisation du chômage consécutif à cette rupture ou à cette échéance, alors même que l'employeur n'a pas adhéré, sur le fondement de l'article L. 5424-2 du code du travail, au régime particulier d'assurance chômage prévu par l'article L. 5422-13 du même code.

5. Tel est également le cas si le salarié, titulaire du contrat d'apprentissage, a antérieurement, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2 du code du travail, travaillé pour le même employeur dans le cadre de contrats de droit public.

6. Pour déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître de la demande de versement de l'allocation d'assurance-chômage, l'arrêt retient que l'établissement public centre hospitalier de quatre villes n'a pas un objet industriel ou commercial, que ses décisions sont par nature des décisions administratives et qu'il assure lui-même la charge et la gestion de l'allocation d'assurance-chômage de ses agents.

7. En statuant ainsi, alors que le litige, qui opposait la salariée, titulaire d'un contrat d'apprentissage, à l'établissement public centre hospitalier [3], était relatif à l'indemnisation du chômage consécutif à la rupture de ce contrat, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé par Mme [O] à l'encontre du jugement en date du 7 juillet 2017, l'arrêt rendu le 18 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs ; loi des 16-24 août 1790 ; article 19 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992, portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail ; articles L. 5422-2, L. 5422-13 et L. 5424-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence du juge judiciaire s'agissant des litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de contrats de droit privé conclus avec un employeur personne publique, à rapprocher : Soc., 26 mars 2014, pourvoi n° 12-25.455, Bull. 2014, V, n° 90 (cassation partielle), et la décision citée. Sur la compétence du juge judiciaire quant au droit à indemnisation du chômage dû par un employeur personne publique, dans le même sens que : Tribunal des conflits, 15 décembre 2008, Bull. 2008, T. conflits, n° 36, et la décision citée.

2e Civ., 23 juin 2022, n° 20-21.534, (B), FRH

Cassation

Travailleurs privés d'emploi – Garantie de ressources – Allocation d'assurance – Retenue sur les échéances à venir – Conditions

Il résulte des dispositions des articles L. 5426-8-1 et L. 5426-8-2 du code du travail que Pôle emploi ne peut légalement récupérer les sommes indument versées à un allocataire en procédant par retenues sur des échéances à venir lorsque le débiteur conteste le caractère indu des sommes ainsi recouvrées et que seule la mise en oeuvre de la procédure prévue par le second texte est alors possible.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lyon, 4 septembre 2020), rendu en dernier ressort, Pôle emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes (Pôle emploi) a notifié à M. [F] (l'allocataire) un trop-perçu d'allocation d'aide au retour à l'emploi pour le mois de décembre 2018 puis a opéré des retenues sur les échéances de février et d'avril 2019.

2. L'allocataire a saisi d'un recours un tribunal judiciaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'allocataire fait grief au jugement de le débouter de ses demandes, alors « que, pour le remboursement des allocations, aides et autres prestations qu'il a indûment versées, Pôle emploi ne peut procéder par retenue sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit si le débiteur en a contesté le caractère indu ; que l'allocataire faisait valoir qu'il avait contesté le caractère indu des allocations versées en formant un recours gracieux le 27 mars 2019 contre la décision lui notifiant qu'il avait perçu une indemnité indue d'un montant de 1 108,25 euros, de telle sorte que Pôle emploi ne pouvait procéder à une retenue sur les échéances à venir de l'allocation ; qu'en se bornant à retenir que le prélèvement des sommes indues, alors que l'allocataire avait formé un recours gracieux, ne faisait pas obstacle au remboursement des sommes indûment payées, quand il résultait de ses constatations que l'allocataire ayant formé un recours gracieux à l'encontre de la décision de Pôle emploi notifiant le trop-perçu, ce dernier ne pouvait procéder à une retenue sur les échéances à venir et devait procéder selon la procédure de recouvrement prévue par l'article L. 5426-8-2 du code du travail, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 5426-8-1, L. 5426-8-2 du code du travail, ensembles les articles R. 5426-18 et R. 5426-19 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 5426-8-1 et L. 5426-8-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le premier de ces textes, pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi, pour son propre compte, pour le compte de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, Pôle emploi peut, si le débiteur n'en conteste pas le caractère indu, procéder par retenues sur les échéances à venir dues à quelque titre que ce soit, à l'exclusion des allocations qu'il mentionne en son deuxième alinéa.

5. Selon le second de ces textes, pour le remboursement des allocations, aides ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne en son sein, peut, dans les délais et conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur, devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

6. Il résulte de ces dispositions que Pôle emploi ne peut légalement récupérer les sommes indûment versées à un allocataire en procédant par retenues sur des échéances à venir lorsque le débiteur conteste le caractère indu des sommes ainsi recouvrées et que seule la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 5426-8-2 du code du travail est alors possible.

7. Pour débouter l'allocataire de ses demandes, au titre de rappel de prélèvement de trop-perçu et de dommages-intérêts, le jugement retient essentiellement que l'allocataire a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi pour le mois de décembre 2018 bien qu'il ait travaillé partiellement pendant ce mois et que le prélèvement des sommes indues alors que l'allocataire avait formé un recours gracieux ne fait pas obstacle au remboursement des sommes indûment payées.

8. En statuant ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que l'allocataire avait contesté le caractère indu des sommes recouvrées par retenues, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 septembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon autrement composé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 5426-8-1 et L. 5426-8-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

CE, 26 avril 2018, n° 408049.

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