Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 8 juin 2022, n° 20-20.100, (B), FS

Cassation

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Effets – Reclassement du salarié – Reclassement en fonction de l'emploi occupé – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 juillet 2020), Mme [K] a été engagée à compter du 6 janvier 1988 par l'association Marie Ange Mottier, soumise à la convention collective des établissements privés d'hospitalisation du 31 octobre 1951. Elle a occupé, à compter du 1er janvier 2014, un emploi d'éducatrice coordinatrice.

2. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2015 à l'association Anaïs, aux droits de laquelle vient la fondation Anaïs, soumise à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, et la salariée a été, à l'issue de la période prévue par l'article L. 2261-14 du code du travail, reclassée dans l'emploi d'animateur de première catégorie, coefficient 679.

3. Revendiquant le bénéfice du coefficient 762, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de rappel de salaire pour la période arrêtée au 28 février 2018, et de dire que la salariée était fondée à se voir appliquer le coefficient 762 à compter de cette date, alors « que le reclassement d'un salarié au sein d'une grille de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 est prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont bénéficiait l'intéressé dans son précédent classement ; qu'en déterminant le coefficient de salaire de Mme [K] par rapport à son ancienneté depuis son engagement dans l'association Marie-Ange Mottier le 6 janvier 1988, pour en déduire un coefficient de 762, cependant que la salariée, par l'effet de la cession de la maison d'accueil spécialisée « La Forêt » et de la mise en cause de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, avait été reclassée dans la grille « animateur 1ère catégorie », de sorte que son nouveau coefficient devait être déterminé en fonction du salaire perçu jusqu'à l'application de la convention de 1966, et non en fonction de son ancienneté, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail, ensemble l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. »

Réponse de la Cour

Vu la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 :

5. Aux termes de l'article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, l'embauchage à chacun des emplois définis en annexes à la présente convention est prononcé, en principe, sur la base du salaire de début.

Quand il résultera d'une mesure d'avancement, il sera tenu compte obligatoirement de la majoration d'ancienneté acquise par le salarié, conformément aux dispositions de l'article 39 ci-après.

Le classement dans le nouvel emploi sera alors prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi.

En outre, lorsque cet avancement ne lui procurera pas une augmentation supérieure à celle résultant de l'avancement normal dans l'ancien emploi, l'intéressé conservera dans son nouvel échelon de majoration d'ancienneté l'ancienneté qu'il avait acquise dans l'échelon de son ancien emploi, à concurrence de la durée moyenne exigée.

6. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

7. Il résulte des dispositions précitées, et de l'article L. 1224-1 du code du travail, que le reclassement du salarié dont le contrat de travail a été transféré doit se faire à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi.

8. Pour dire que la salariée était fondée à se voir appliquer le coefficient 762 à compter du 28 février 2018, et condamner l'employeur à lui payer un rappel de salaire à ce titre, l'arrêt retient qu'il résulte de la grille de déroulement de carrière de la convention de 1966, qui reçoit application à partir de 2016, qu'au bout de 28 ans d'ancienneté, le coefficient est de 762.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 09 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Laplume - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Poulet-Odent -

Textes visés :

Article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ; article L. 1224-1 du code du travail.

Soc., 29 juin 2022, n° 21-11.437, (B), FS

Cassation partielle

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de sécurité – Domaine d'application – Prévention des agissements de harcèlement moral ou sexuel – Modalités – Enquête interne – Validité – Détermination – Portée

Harcèlement – Harcèlement moral – Preuve – Charge – Détermination – Cas – Salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 décembre 2020), M. [D], engagé le 23 juillet 1990 en qualité de conseiller clientèle par le Crédit mutuel Arkéa (la société), occupant en dernier lieu le poste de directeur de caisse, a été mis à pied à titre conservatoire le 21 janvier 2015. Convoqué à un entretien préalable au licenciement s'étant tenu le 12 février 2015, il a sollicité la réunion du conseil de discipline qui a eu lieu le 10 mars 2015. Il a été licencié le 11 mars 2015 pour faute grave à raison de faits de harcèlement sexuel ainsi que de faits de harcèlement moral tenant à un management agressif.

2. Le salarié a saisi le 26 octobre 2015 la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner le remboursement par la société à tout organisme financier intéressé des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois, alors :

« 1°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que l'enquête interne réalisée par l'employeur pour établir l'existence des faits de harcèlement sexuel et moral reprochés à un salarié n'est soumise à aucun formalisme et ne peut être écartée des débats comme déloyale au prétexte de prétendus dysfonctionnements dans son déroulement ; qu'en l'espèce, il était constant entre les parties qu'à la suite de la dénonciation par deux salariées du Crédit de faits de harcèlement moral et sexuel de la part de leur supérieur hiérarchique, la société exposante a mené une enquête interne et interrogé les salariés en relation directe avec ces faits, en l'occurrence, M. [D] et Mmes [W] et [K] et que, dans le cadre de cette enquête, le salarié licencié a admis la matérialité des faits fautifs ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé et écarter l'existence d'une faute grave de sa part, la cour d'appel a néanmoins estimé que l'enquête interne menée par l'exposante aurait été déloyale dès lors qu'elle s'était déroulée sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits litigieux, que les salariées ayant dénoncé les faits ont été entendues ensemble, que le compte-rendu n'était pas signé et que la durée de « l'interrogatoire » de M. [D] n'était pas précisée, pas plus que les temps de repos ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter cet élément de preuve pour déloyauté, la cour d'appel, qui a subordonné l'enquête interne à un formalisme que la loi n'exige pas, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°/ qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que les faits de harcèlement moral et sexuel peuvent en conséquence être démontrés par l'employeur par tous moyens ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les moyens dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties ; qu'en l'espèce, afin d'établir la matérialité des faits de harcèlement reprochés à M. [D], la société Crédit faisait valoir qu'à la suite de la révélation des faits litigieux, et parallèlement à l'enquête interne menée auprès des salariées ayant dénoncé les faits, des entretiens avaient été réalisés avec les autres collaborateurs de M. [D] ; qu'étaient ainsi versés aux débats les comptes rendus de ces entretiens, au cours desquels de nombreux salariés de l'entreprise avaient fait état des propos déplacés et des méthodes de management agressives de M. [D] ; que pour juger que le comportement fautif de M. [D] n'était pas caractérisé, la cour d'appel s'est bornée à considérer que l'enquête interne menée par l'exposante était déloyale en l'absence d'audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés et d'information ou de saisine du CHSCT ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les autres pièces versées aux débats par la société Crédit, dont il ressortait que d'autres salariés de l'entreprise avaient été entendus et témoignaient des faits de harcèlement moral et sexuel reprochés à M. [I]'h dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-4, L.1152-5, L. 1153-5, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, du code du travail et les articles L. 1153-6 et L. 1234-1 du même code :

4. D'une part, la règle probatoire, prévue par l'article L. 1154-1 du code du travail, n'est pas applicable lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement sexuel ou moral.

5. En matière prud'homale, la preuve est libre.

6. D'autre part, selon l'article L. 1153-5 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre fin et de les sanctionner.

Selon l'article L. 1152-4 du même code, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral.

7. Il résulte des textes susvisés et du principe de liberté de preuve en matière prud'homale qu'en cas de licenciement d'un salarié à raison de la commission de faits de harcèlement sexuel ou moral, le rapport de l'enquête interne, à laquelle recourt l'employeur, informé de possibles faits de harcèlement sexuel ou moral dénoncés par des salariés et tenu envers eux d'une obligation de sécurité lui imposant de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'y mettre fin et de sanctionner leur auteur, peut être produit par l'employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié. Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties.

8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate que, selon le rapport de l'inspection générale en date du 26 janvier 2015, une salariée a décrit « des propos récurrents à connotation sexuelle » tels que des propos « graveleux et déplacés sur son physique, ses tenues vestimentaires ou celles de collègues, sur les seins de sa femme », qu'une autre salariée dénonce une pression quotidienne et des reproches permanents, M [D] lui ayant notamment « avoué être contre sa titularisation » lors de son entretien annuel d'appréciation en 2013 et qu'elle évoque également une réflexion du salarié sur son décolleté.

L'arrêt retient toutefois que la durée de l'interrogatoire de M. [D] n'est pas précisée, pas plus que le temps de repos, que seules les deux salariées qui se sont plaintes de son comportement ont été entendues, que cette audition a été commune, que l'ensemble de ces éléments et notamment le caractère déloyal de l'enquête à charge réalisée par l'inspection générale, sans audition de l'ensemble des salariés témoins ou intéressés par les faits dénoncés par les deux salariées, sans information ou saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ne permet pas d'établir la matérialité des faits dénoncés et de présumer d'un harcèlement sexuel ou d'un harcèlement moral.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter des débats le rapport d'enquête interne dont elle constatait qu'il faisait état de faits de nature à caractériser un harcèlement sexuel ou un harcèlement moral de la part du salarié licencié, sans examiner les autres éléments de preuve produits par l'employeur qui se prévalait dans ses conclusions des comptes-rendus des entretiens avec les salariés entendus dans le cadre de l'enquête interne ainsi que d'attestations de salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [D] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, l'arrêt rendu le 11 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1234-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-6 et L. 1153-5, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, du code du travail ; principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale.

Rapprochement(s) :

Sur l'enquête interne effectuée par l'employeur à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral ou sexuel, à rapprocher : Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 18-25.597, Bull., (cassation). Sur l'exclusion de l'application des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral ou sexuel, dans le même sens que : Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-17.393, Bull. 2012, V, n° 56 (rejet). Sur le principe qu'en matière prud'homale la preuve est libre, dans le même sens que : Soc., 27 mars 2001, pourvoi n° 98-44.666, Bull. 2001, V, n° 108 (1) (rejet) ; Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.342, Bull. 2013, V, n° 245 (cassation).

Soc., 8 juin 2022, n° 20-22.564, (B), FS

Cassation partielle

Maladie – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude au travail – Obligation de reclassement – Obligation de l'employeur – Mise en oeuvre – Modalités – Obligation pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP) d'inviter le salarié à présenter une demande de reclassement – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2020), M. [L], engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 1er août 2005 par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), a été en arrêt de travail à compter du 14 mars 2015 à la suite d'un accident du travail.

2. Selon avis du médecin du travail du 16 mars 2016, il a été déclaré inapte à son emploi statutaire.

3. L'agent a demandé le 16 mars 2016 sa réforme médicale en application de l'article 50 du statut du personnel et après avis favorable de la commission médicale du 12 mai 2016, la RATP lui a notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer nulle la rupture de son contrat de travail par mise à la retraite par réforme médicale à titre principal et s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes hormis celle d'annulation de la sanction disciplinaire du 18 novembre 2009, alors « que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié, agent de la RATP, se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail par la réforme de l'agent ; que les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande ; que l'exposant avait fait valoir que le 16 mars 2016, il avait été déclaré inapte définitif à l'emploi statutaire (au poste d'agent de sécurité) par le médecin du travail et que le 30 mai 2016, la RATP lui avait notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date, sans qu'aucune recherche ni proposition de reclassement n'ait été préalablement effectuée par la RATP ; qu'en retenant pour débouter l'exposant de toutes ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, que M. [L] a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la SNCF, que l'employeur explique qu'il s'agit d'un mode de rupture spécifique aux agents RATP qui entraîne la liquidation d'une pension immédiate quelle que soit la durée de services accomplis par l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions à la régie, que l'employeur rappelle qu'en application de l'article 98 du statut « l'inaptitude à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la Commission médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné » et en ajoutant que « ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement », la cour d'appel qui a ainsi, à tort, écarté toute obligation de reclassement à la charge de la RATP, employeur préalablement à la mise à la retraite par réforme de l'agent atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi médicalement constatée a violé les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail et 50 du chapitre IV et 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 :

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail.

Les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande, lorsque le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son emploi statutaire, en application de l'article 97 du même statut, et ce avant que la commission médicale ne se prononce, en application des articles 94 et 98, sur l'inaptitude à tout emploi dans la RATP.

8. Pour débouter l'agent de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient qu'aucune des dispositions légales ou statutaires applicables ne prévoit la mention de la procédure de reclassement et des voies de recours dans la lettre de réforme, que l'agent a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la RATP et que ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'agent n'avait pas été invité à présenter une demande de reclassement avant que soit mise en oeuvre la procédure de réforme, ce dont il résultait que la décision de réforme n'avait pas été régulièrement prise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

10. Le second moyen ne formulant que des critiques contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter M. [L] de ses demandes d'indemnité pour nullité de la rupture du contrat de travail à titre principal et licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, la cassation sera limitée à ces dispositions et ne peut s'étendre aux autres dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de ses demandes d'indemnité pour nullité de la rupture du contrat de travail à titre principal et licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1211-1 et L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ; articles 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 relative à la réorganisation et à la coordination des transports de voyageurs dans la région parisienne.

Rapprochement(s) :

Sur l'articulation entre les dispositions du code du travail et celles du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) en cas d'inaptitude du salarié, à rapprocher : Soc., 16 septembre 2015, pourvoi n° 14-14.530, Bull. 2015, V, n° 167 (cassation partielle).

Soc., 1 juin 2022, n° 20-16.404, (B), FS

Rejet

Salaire – Participation aux résultats de l'entreprise – Réserve spéciale de participation – Accord de participation – Répartition de l'intéressement – Montant – Calcul – Assiette – Cas – Salarié titulaire d'un congé de reclassement – Portée

Il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords de participation ou d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation ou de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation.

Selon le premier alinéa de l'article L. 3314-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, la répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires.

Aux termes de l'article 4 de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013, le salaire servant de base à la répartition est égal au total des sommes perçues par chaque bénéficiaire au cours de l'exercice considéré et répondant aux règles fixées à l'article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires. En application des articles L. 1233-72 et L. 5123-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'est pas soumise aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires.

Il en résulte que l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'entre pas dans l'assiette de la répartition de l'intéressement prévue par l'accord d'intéressement.

Aux termes de l'article R. 3314-3 du code du travail, lorsque la répartition de l'intéressement est proportionnelle aux salaires, les salaires à prendre en compte au titre des périodes de congés, de maternité et d'adoption ainsi que des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent.

Il en résulte que la période du congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif.

Ayant constaté que l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 prévoit une répartition de l'intéressement, à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'exercice de référence et que l'accord précise que les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d'ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et syndicale, des heures de délégation, de la maternité, de l'accident du travail et du trajet et d'une façon générale des périodes légalement ou conventionnellement assimilées au travail effectif n'ont aucune incidence sur le droit à répartition, une cour d'appel juge à bon droit qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif et que la simple prise en compte par l'employeur de la prime d'ancienneté pour calculer la répartition de l'intéressement à l'expiration de la période de préavis n'était pas contraire aux règles légales et conventionnelles applicables.

Salaire – Participation aux résultats de l'entreprise – Réserve spéciale de participation – Accord de participation – Bénéficiaires – Salarié titulaire d'un congé de reclassement

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), Mme [I] a été engagée le 24 juin 1980 en qualité de technicienne filière électronique par la société Alcatel Lucent International qui relève de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.

Le 29 mars 2013, une convention de rupture d'un commun accord pour motif économique a été signée entre les parties à effet au 1er avril 2013.

La salariée a été en congé de reclassement jusqu'au 31 décembre 2016.

2. Le 28 juillet 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale en sollicitant notamment un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement et une certaine somme au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en faisant valoir que la société n'avait pas fait une application régulière de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 s'agissant de l'intéressement versé au titre de l'année 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement, alors :

« 1°/ que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que pour leur indemnité de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres, tout en ajoutant, dans un paragraphe distinct et autonome, que l'indemnité de licenciement des personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30 % ; qu'il en résulte que l'accord d'entreprise excluait l'application du plafond de 18 mois prévu dans la convention de branche ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991.

2°/ qu'il résulte de l'article L. 2251-1 du code du travail et du principe fondamental, en droit du travail, qu'en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application ; que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que l'indemnité de licenciement allouée aux personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30 % ; que l'article 29 de la convention collective nationale dispose que les ingénieurs et cadres âgés d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise bénéficient d'une indemnité majorée de 30 % avec un plancher minimal de 6 mois et un plafond de 18 mois ; qu'en s'abstenant de déterminer si l'accord d'entreprise n'était pas plus favorable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de faveur et des articles L. 2251-1 et L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et du titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991.

3°/ que l'accord d'entreprise du 31 janvier 1991 dispose que pour leur indemnité de licenciement, les personnes d'échelon V2 et V3 âgés de plus de 55 ans bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres, tout en ajoutant dans un paragraphe distinct et autonome que l'indemnité de licenciement des personnes d'échelon V2 et V3 âgées de plus de 55 ans sera majorée de 30 % ; que l'exposante avait fait valoir que lors de la réunion des délégués du personnel du mois de mai 2016, la direction avait confirmé l'application sans condition ni plafonnement de la disposition litigieuse ; qu'en se dispensant d'examiner ce point, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-9 du code du travail dans sa version applicable aux faits, ensemble l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et le titre III de l'accord d'entreprise relatif à certaines mesures destinées à faciliter le développement de carrières des techniciens en date du 31 janvier 1991. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que l'accord du 31 janvier 1991 prévoyait que les techniciens d'échelon V2 et V3 « bénéficieront des mêmes règles que celles prévues à l'article 29 », sans exclure aucune de ces règles ou poser aucune restriction et que cet accord renvoyait à l'article 29 de la convention collective de branche pour la détermination des modalités de calcul de l'indemnité de licenciement et pour les dispositions ne faisant pas l'objet de dispositions spéciales, la cour d'appel a exactement retenu, en l'absence de concours entre les accords collectifs également applicables, que le plafond de dix-huit mois de traitement prévu par la convention collective de branche s'appliquait à l'indemnité déterminée par l'accord d'entreprise.

5. Il s'ensuit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le montant des dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail à la somme de 200 euros, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, sans vérifier son appartenance aux effectifs de l'entreprise durant le congé de reclassement, alors qu'il s'agissait de la seule condition d'éligibilité à l'accord d'intéressement, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013.

2°/ qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, au motif que les sommes versées au titre de l'intéressement ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congé de reclassement, alors que ladite assiette est sans incidence sur les conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013.

3°/ qu'il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la répartition de celui-ci ; qu'en jugeant que la salariée ne répondait pas aux conditions d'éligibilité à l'accord d'intéressement, au motif que le congé de reclassement ne fait pas partie des périodes assimilées par l'article L. 3141-5 du code du travail à du temps de travail effectif et qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif, la cour d'appel a statué par des motifs tout aussi erronés qu'inopérants, en violation des articles L. 1233-72 et L. 3342-1 du code du travail, ensemble les articles 3 et 4 de l'accord d'intéressement en date du 28 juin 2013. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords de participation ou d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation ou de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation.

8. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 3314-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, la répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires.

L'accord peut également retenir conjointement ces différents critères. Ces critères peuvent varier selon les établissements et les unités de travail. A cet effet, l'accord peut renvoyer à des accords d'établissement.

Sont assimilées à des périodes de présence :

1° Les périodes de congé de maternité prévu à l'article L. 1225-17 et de congé d'adoption prévu à l'article L. 1225-37 ;

2° Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle en application de l'article L. 1226-7.

9. Aux termes de l'article 4 de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013, le salaire servant de base à la répartition est égal au total des sommes perçues par chaque bénéficiaire au cours de l'exercice considéré et répondant aux règles fixées à l'article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires.

10. En application des articles L. 1233-72 et L. 5123-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'est pas soumise aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires.

11. Il en résulte que l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'entre pas dans l'assiette de la répartition de l'intéressement prévue par l'accord d'intéressement du 28 juin 2013.

12. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 3314-3 du code du travail, lorsque la répartition de l'intéressement est proportionnelle aux salaires, les salaires à prendre en compte au titre des périodes de congés, de maternité et d'adoption ainsi que des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent.

13. Il en résulte que la période du congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif.

14. L'arrêt constate que l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 prévoit une répartition de l'intéressement, à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'exercice de référence et que l'accord précise que les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d'ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et syndicale, des heures de délégation, de la maternité, de l'accident du travail et du trajet et d'une façon générale des périodes légalement ou conventionnellement assimilées au travail effectif n'ont aucune incidence sur le droit à répartition.

15. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif et que la simple prise en compte par l'employeur de la prime d'ancienneté pour calculer la répartition de l'intéressement à l'expiration de la période de préavis n'était pas contraire aux règles légales et conventionnelles applicables.

16. Par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié.

17. Le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Huglo - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1233-72, L. 3342-1, R. 3314-3, L. 3314-5, alinéa 1, et L. 5123-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ; accord d'intéressement du 28 juin 2013 au sein de la société Alcatel-Lucent International.

Rapprochement(s) :

Sur le droit pour les salariés titulaires d'un congé de reclassement de bénéficier de la répartition des résultats de l'entreprise, à rapprocher : Soc., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-18.936, Bull., (rejet), et les arrêts cités.

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