Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

AVOCAT

2e Civ., 16 juin 2022, n° 20-21.473, (B), FS

Cassation partielle

Honoraires – Contestation – Convention d'honoraires – Absence d'acte ou de décision juridictionnelle irrévocable – Clause prévoyant les modalités de rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement – Contribution de l'avocat au résultat obtenu – Portée

Il résulte des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 que si l'avocat ne peut réclamer un honoraire de résultat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de sa rémunération en cas de dessaisissement avant l'obtention d'une telle décision. Il appartient alors au juge de l'honoraire de rechercher si l'avocat a contribué au résultat obtenu et de réduire cet honoraire s'il présente un caractère exagéré au regard du résultat obtenu ou du service rendu.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse, 2 septembre 2020), le 15 octobre 2010, M. [L] a confié à M. [C], avocat, la défense de ses intérêts dans un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice corporel.

2. Une convention d'honoraires a été conclue prévoyant un honoraire de résultat, notamment en cas de dessaisissement.

3. M. [L], débouté de sa demande en première instance, a confié à un autre avocat le soin de former appel et de suivre l'instance d'appel, au terme de laquelle il a obtenu la condamnation du défendeur à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice.

4. Le 14 novembre 2018, M. [C] a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation d'honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme de 70 815,33 euros TTC le montant qu'était en droit de solliciter la société [D] [C] de sa part au titre de l'honoraire de résultat et de dire que, compte tenu de ce qu'il n'avait versé aucune provision, il restait devoir à la société [D] [C] la somme de 70 815,33 euros TTC, alors « que n'est pas en soi illicite la clause d'une convention prévoyant le paiement d'un honoraire de résultat dans sa totalité en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'une décision irrévocable, cet honoraire pouvant faire l'objet d'une réduction s'il présente un caractère exagéré au regard du service rendu ; que l'honoraire de résultat doit être mesuré à la contribution de l'avocat au résultat obtenu ou au service rendu au client ; qu'en l'espèce, M. [L] contestait fermement que M. [C] ait contribué au résultat obtenu en cause d'appel, quatre ans après son dessaisissement, après qu'il eut fait part de ses vives réserves sur les chances de succès d'un tel recours et alors que le tribunal, soulignant la faiblesse de son argumentation sur la faute, avait conclu à l'absence de faute et que le nouveau conseil mandaté par M. [L] en cause d'appel avait développé un nouveau moyen sur la faute médicale qui avait permis l'infirmation du jugement ; qu'en allouant à M. [C] la totalité de l'honoraire de résultat prévu, sans préciser quelle avait été la contribution de ce dernier au résultat obtenu, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles déontologiques de la profession d'avocat, tel que modifié par le décret n° 2017-1226 du 2 août 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 :

7. Il résulte de ces textes que si l'avocat ne peut réclamer un honoraire de résultat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d'honoraires peut prévoir les modalités de sa rémunération en cas de dessaisissement avant l'obtention d'une telle décision. Il appartient alors au juge de l'honoraire de rechercher si l'avocat a contribué au résultat obtenu et de réduire cet honoraire s'il présente un caractère exagéré au regard du résultat obtenu ou du service rendu.

8. Pour fixer l'honoraire complémentaire de l'avocat au regard du résultat obtenu en appel, l'ordonnance relève qu'aux termes de la convention d'honoraires, « dans l'hypothèse où M. [L] viendrait à retirer son dossier à M. [C] pour une raison quelconque à l'issue de la procédure de première instance clôturée par un jugement frappé d'appel, jugement assorti en tout ou partie de l'exécution provisoire, ou à n'importe quel moment de la procédure, M. [C] est autorisé à conserver sur son compte CARPA la moitié de l'honoraire complémentaire défini aux présentes jusqu'à ce qu'intervienne la décision au second degré » et que la convention ajoute que « dans la même hypothèse, mais en présence d'un jugement non assorti de l'exécution provisoire et en cas de décision favorable rendue par la cour d'appel, M. [C] sera également en droit de percevoir la moitié de l'honoraire complémentaire. »

9. L'ordonnance relève encore que, bien qu'en première instance la décision ait été défavorable à M. [L], M. [C] a accompli un certain nombre de diligences dont 14 rendez-vous, l'échange de nombreuses correspondances, la rédaction de deux assignations en référé et une assignation au fond, l'assistance de son client lors de deux réunions d'expertise, la rédaction d'un dire à expert, ou encore l'assistance lors de l'audience de référé et de l'audience au fond.

10. L'ordonnance retient que le paiement, malgré le dessaisissement anticipé de l'avocat, de l'honoraire de résultat convenu entre les parties à hauteur de 10 % HT des sommes effectivement perçues, réduit de moitié, ne présente pas de caractère exagéré au regard du service rendu.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si M. [C] avait contribué au résultat obtenu, le premier président a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare nulle la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulouse du 6 septembre 2019 et déclare recevable la demande de la Selarl [D] [C] en taxation de son honoraire de résultat, l'ordonnance rendue le 2 septembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Montpellier.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005.

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