Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

APPEL CIVIL

2e Civ., 9 juin 2022, n° 21-11.401, (B), FS

Rejet

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige – Absence d'effet dévolutif

Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique, lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

La cour d'appel, qui constate que la déclaration d'appel est « limité aux chefs de jugement expressément critiqués » sans les détailler, en a exactement déduit qu'en l'absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige dans la déclaration d'appel, l'effet dévolutif n'avait pas opéré.

Effet dévolutif – Décision sur l'absence d'effet dévolutif – Indivisibilité de l'objet du litige – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 novembre 2020), Mme [P] a relevé appel, le 6 février 2019, d'un jugement du 17 décembre 2018 rendu par un tribunal d'instance l'ayant condamnée à se séparer de deux coqs sous astreinte et à payer à M. [B] et à Mme [W] une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [P] fait grief à l'arrêt de dire que n'étaient pas déférés à sa connaissance les chefs du jugement frappé d'appel, alors « que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que les deux chefs de dispositif du jugement ayant condamné un propriétaire à se séparer de ses coqs sous astreinte pour anormalité du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sont unis de manière indivisible par un lien de dépendance et de subordination ; que dès lors en énonçant, pour dire que l'objet du litige ne pouvait être qualifié d'indivisible et, par suite, en déduire que l'effet dévolutif de l'acte d'appel, « limité aux chefs de jugement expressément critiqués », ne s'était pas opéré, que le recours de Mme [P] pouvait porter sur l'une de ses condamnations, plusieurs d'entre elles, et ou non le rejet de sa demande pour procédure abusive, la cour d'appel a violé l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 901-4° du même code. »

Réponse de la Cour

3. Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

4. Aux termes de l'article 901-4° du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant notamment les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

6. Ayant constaté que la déclaration d'appel de Mme [P] mentionne que l'appel est « limité aux chefs de jugement expressément critiqués », sans les détailler, la cour d'appel, en l'absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige dans la déclaration d'appel, en a exactement déduit que l'effet dévolutif n'avait pas opéré.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Didier et Pinet -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-20.936 (rejet).

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-20.936, (B), FS

Rejet

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Absence de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige – Cas – Appel total – Effet – Absence d'effet dévolutif

Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

La cour d'appel, qui relève que la déclaration d'appel se borne à mentionner en objet que l'appel est total, sans référence à l'indivisibilité de l'objet du litige, en déduit donc exactement qu'elle n'est saisie d'aucun chef de dispositif du jugement.

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 juillet 2020), M. [F], se plaignant de problèmes d'infiltration d'eau sur sa propriété, a assigné M. et Mme [D], propriétaires de la parcelle voisine, afin de voir constater son préjudice et d'ordonner une expertise.

2. Un tribunal d'instance a déclaré irrecevables ses demandes en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt d'une cour d'appel.

3. M. [F] ayant interjeté appel de cette décision, M. et Mme [D] ont soutenu que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, faute pour l'appelant d'avoir indiqué dans la déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l'arrêt de constater que sa déclaration d'appel du 15 janvier 2019 ne dévolue à la cour aucun chef du jugement critiqué du tribunal d'instance de Boulogne-sur-Mer du 19 novembre 2018 et qu'elle n'a été ainsi saisie par l'appelant d'aucune demande régulière d'infirmation de ce jugement, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 771 devenu 789 et 907 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure survenues jusqu'à son dessaisissement ; qu'en l'espèce, saisi d'une demande de nullité de la déclaration d'appel pour défaut de mention des chefs du jugement critiqués, par ordonnance en date du 19 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident formé par les époux [D] à l'encontre de la déclaration d'appel de M. [F] en date du 15 janvier 2019 à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de Boulogne-sur-Mer en date du 19 novembre 2018 ; que cette ordonnance n'a pas fait l'objet d'un déféré ; qu'au fond, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de mention dans la déclaration d'appel des chefs attaqués du jugement attaqué, elle n'était saisie d'aucune demande ; qu'en examinant ainsi une seconde fois la régularité de la déclaration d'appel, quand l'irrégularité de la déclaration d'appel au regard des mentions des chefs attaqués du jugement, avait été invoquée devant le conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'il résulte des articles 775 devenu 794 et 907 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état ont, au principal, l'autorité de la chose jugée lorsqu'elles statuent sur les exceptions de procédure ; qu'en retenant qu'en l'absence de mention dans la déclaration d'appel des chefs de jugement attaqué, elle n'était saisie d'aucune demande, la cour d'appel, qui a statué une seconde fois sur la régularité de la déclaration d'appel au regard de la mention des chefs attaqués du jugement, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance sur incident en date du 19 décembre 2019 et a ainsi violé les textes susvisés, l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

6. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

7. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel fondée sur ce même grief aurait été rejetée.

8. En application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir de statuer sur cette absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile.

9. Dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que la déclaration d'appel se bornait à mentionner en objet que l'appel était « total » et qu'elle n'avait jamais été régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, en a exactement déduit, sans méconnaître ni les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant statué sur la nullité de la déclaration d'appel, qu'elle n'était saisie d'aucun chef de dispositif du jugement.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. M. [F] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que dans l'hypothèse où le jugement dont appel ne contient que des chefs de dispositifs faisant griefs indivisibles, la déclaration d'appel qui mentionne « appel total » répond aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile et opère l'effet dévolutif pour tous les chefs de dispositifs défavorables ; qu'en retenant qu'« en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; qu'en outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; qu'il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; que par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel », pour en déduire que « la déclaration d'appel de M. [I] [F] se bornait à mentionner en objet que l'appel était « total » et n'a jamais été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel, et qu'en conséquence, il convient de conclure que la cour n'a été saisie d'une demande d'infirmation de ce jugement », quand le jugement dont appel ne contenait que deux chefs de dispositif défavorables indivisibles, à savoir une déclaration d'irrecevabilité des demandes de M. [F] en raison de l'autorité de la chose jugée et une condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'en conséquence la déclaration d'appel mentionnant « appel total » était régulière et entraînait l'effet dévolutif pour tous les chefs de dispositif défavorables, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

12. Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

13. Aux termes de l'article 901-4° du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant notamment les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

14. Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité.

15. Ayant relevé que la déclaration d'appel de M. [F] se bornait à mentionner en objet que l'appel était total et n'avait jamais été rectifiée par une nouvelle déclaration d'appel, la cour d'appel, en l'absence, dans cette déclaration, de référence à l'indivisibilité de l'objet du litige, en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'était saisie d'aucun chef de dispositif du jugement.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de référence à l'indivisibilité du litige : 2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 21-11.401 (rejet). Sur l'absence d'effet dévolutif : 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954 (rejet).

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-12.720, (B), FRH

Rejet

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée – Applications diverses

Ne méconnaît pas l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et décide à bon droit qu'en l'absence d'effet dévolutif, elle n'est pas saisie, la cour d'appel qui constate que la déclaration d'appel contient pour seule mention « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et que l'énoncé des chefs critiqués sont récapitulés dans un message électronique, et non dans une nouvelle déclaration d'appel régularisée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond.

Acte d'appel – Validité – Conditions – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Portée – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 janvier 2021), la société JMD immobilier (la société), ainsi que M. et Mme [E], ont relevé appel, le 7 juin 2019, du jugement d'un tribunal de commerce rendu dans un litige les opposant à la société Allianz Iard (l'assureur).

2. L'assureur a saisi la cour d'appel d'un incident tendant à dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif, la déclaration d'appel n'énonçant pas les chefs critiqués du jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société et M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de constater que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs du jugement critiqués, qu'aucun effet dévolutif d'appel ne s'exerce et que la cour n'est donc pas saisie du litige, alors :

« 1°/ qu'une déclaration d'appel irrégulière ou incomplète peut être régularisée par l'appelant, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe, qui en accuse réception, d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués et enregistré sous le libellé « Complément DA » ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 748-3 de ce code ;

2°/ qu'en toute hypothèse, interdire la régularisation par l'appelant de sa déclaration d'appel, dans le délai pour conclure, par l'envoi au greffe d'un message RPVA mentionnant les chefs du jugement critiqués, enregistré sous le libellé « Complément DA » et dont il est accusé réception par le greffe, quand une régularisation dans ce même délai par une nouvelle déclaration d'appel est possible, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en refusant, pour conclure à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, de prendre en compte la régularisation de la déclaration d'appel qui avait été effectuée à deux reprises par les appelants, par un premier message du 7 juin 2019 reçu par le greffe moins d'une demi-heure après la déclaration d'appel, et par un second message du 3 juillet 2019, lesquels figuraient au dossier RPVA sous le libellé « Complément DA », la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que, dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que c'était en raison d'un dysfonctionnement technique du RPVA que les chefs du jugement critiqués, qu'ils avaient renseignés lors de l'enregistrement de la déclaration d'appel dans la rubrique « Commentaires », n'avaient pas été retranscrits dans le document récapitulatif attestant de la réception de la déclaration d'appel par le greffe (conclusions, p. 12, § 3 et p. 15, § 6) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que l'irrégularité qui entachait la déclaration d'appel trouvait sa cause dans un problème purement technique de transmission des chefs de dispositif au greffe, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que, dans leurs conclusions, les appelants faisaient valoir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 avait été immédiatement régularisée par un message RPVA du 7 juin 2019, adressé au greffe moins d'une demi-heure après cette déclaration d'appel (conclusions, p. 12, § 2 et s.) ; qu'en se bornant à retenir que la déclaration d'appel du 7 juin 2019 n'avait pu être régularisée par le second message RPVA adressé par les appelants au greffe le 3 juillet 2019, sans répondre aux conclusions des appelants fondées sur le premier message rectificatif daté du jour même de la déclaration d'appel, dont il s'évinçait que l'irrégularité affectant la déclaration d'appel avait été immédiatement corrigée par les appelants, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que, dans leurs conclusions, les appelants soutenaient que le message du 7 juin 2019 comme le message du 3 juillet 2019 étaient inscrits sur la fiche détaillée du dossier RPVA, qu'ils versaient aux débats, sous le libellés « Complément DA » (conclusions, p. 13, § 5) ; qu'en concluant à l'absence d'effet dévolutif de l'appel, sans répondre aux conclusions des appelants sur ce point, dont il s'évinçait que ces messages RPVA et leur contenu faisaient corps avec la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

5. Selon l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

6. Il résulte de ces textes que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, de sorte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

7. La déclaration d'appel qui ne mentionne pas expressément les chefs critiqués du jugement ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

8. Un message électronique de l'avocat de l'appelant ne peut, quel que soit son libellé et même adressé au greffe dans le délai requis, valoir régularisation de la déclaration d'appel.

9. Ces règles, qui encadrent les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

10. Ayant constaté que la déclaration d'appel contenait pour seule mention « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » et que le conseil des appelants avait alerté le greffe, par message RPVA du 7 juin 2019, pour lui demander de tenir compte des chefs critiqués du jugement non pris en compte et dont il récapitulait l'énoncé, la cour d'appel, retenant à bon droit que les appelants pouvaient procéder à une nouvelle déclaration d'appel afin de régulariser un appel conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, en a exactement déduit que le message adressé au greffe le 3 juillet 2020 (lire 2019) par RPVA, sous l'intitulé « Complément DA », accompagné d'explications circonstanciées et assorti du message précédent du 7 juin 2019 sous format numérique, ne pouvait être qualifié de nouvelle déclaration d'appel régularisée.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel, qui a pris en considération les deux messages réceptionnés par le greffe le 7 juin 2019 et le 3 juillet 2019 et qui n'avait pas à répondre à de simples allégations, a, à bon droit, décidé qu'à défaut d'effet dévolutif, elle n'était pas saisie.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 9 juin 2022, n° 21-12.974, (B), FRH

Cassation partielle

Appel incident – Forme – Conclusions – Signification – Exclusion – Assignation – Absence de nécessité

Il résulte des articles 909 et 911 du code de procédure civile que l'appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n'a pas à revêtir la forme d'une assignation.

Appel incident – Appel incident formé par l'intimé – Appel incident formé à l'encontre d'un co-intimé non constitué – Notification – Modalités – Détermination

Appel incident – Formation – Mode de formation – Dépôt de conclusions – Signification – Exclusion – Absence de nécessité d'une assignation

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 avril 2020) et les productions, la Caisse nationale des barreaux français a interjeté appel, le 22 août 2019, des chefs du jugement ayant ordonné la mainlevée de la saisie attribution effectuée le 5 décembre 2018, par la société d'huissiers de justice [L]-[V]-Bedes (la société [H]) devenue la SCP [Z] [L] - [U] [V], sur les comptes ouverts au nom de M. [R] et l'ayant condamnée à payer à ce dernier diverses sommes.

3. La Caisse nationale des barreaux français a signifié ses conclusions aux intimés le 15 octobre 2019. M. [R], constitué le 17 octobre 2019, a formé appel incident par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019 et signifiées à la société [H] le 18 novembre 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel incident formé contre le chef du jugement qui l'avait débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société [H], alors « que les conclusions exigées par les articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; qu'il résulte des productions et des constatations de l'arrêt qu'après avoir remis au greffe ses conclusions comportant appel incident, M. [R], intimé, les a signifiées à la société [H] qui, régulièrement intimée par la Caisse nationale des barreaux français, appelante principale, n'avait pas constitué avocat ; qu'en retenant que l'appel incident formé par M. [R], dirigé contre la société [H], devait être déclaré irrecevable dès lors que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient que l'appel incident ou provoqué doit être formé par voie d'assignation lorsqu'il est dirigé contre une partie défaillante, la cour d'appel a violé ces textes, par fausse application, et l'article 911, alinéa 1er, du code de procédure civile, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 909 et 911 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour former le cas échéant appel incident.

Aux termes du second, les conclusions sont signifiées, au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, aux parties qui n'ont pas constitué avocat. Cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à avocat.

6. Il en résulte que l'appel incident formé par un intimé contre un co-intimé défaillant est valablement formé par la signification de conclusions et n'a pas à revêtir la forme d'une assignation.

7. Pour déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. [R] contre le chef du jugement l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la société [H], l'arrêt retient que les articles 68 et 551 du code de procédure civile prévoient, à peine d'irrecevabilité, que l'appel incident ou provoqué doit être formé par voie d'assignation lorsqu'il est dirigé contre une partie défaillante, que la société [H], partie intimée dans l'acte d'appel principal, a constitué avocat le 9 décembre 2019 et que l'appel incident dirigé contre elle, partie défaillante à l'appel incident, et formé par conclusions remises au greffe le 14 novembre 2019, doit être déclaré irrecevable.

8. En statuant ainsi, alors que la société [H] avait été régulièrement intimée par l'appelant, et que M. [R], qui formait un appel incident contre elle, n'était donc tenu que de lui signifier ses conclusions d'appel incident dans les délais requis et non de l'assigner à comparaître, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel incident formé par M. [I] [R] contre le chef du jugement critiqué l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre la SCP [L]-[V]-Bedes et condamné M. [I] [R] à verser à la SCP [L]-[V]-Bedes huissiers de justice la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 909 et 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-24.606, Bull., (cassation partielle sans renvoi).

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-22.588, (B), FS

Annulation sans renvoi

Appelant – Conclusions – Dispositif – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Interprétation par la Cour de cassation – Application dans le temps

Il résulte des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies.

Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull.), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

Il s'ensuit que l'arrêt, par lequel une cour d'appel, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, qui avait rejeté l'incident de caducité dont il était saisi, déclare caduque la déclaration d'appel au motif que les premières conclusions de l'appelante ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, fait une exacte application de la règle de droit.

Mais la déclaration d'appel étant antérieure au 17 septembre 2020, l'arrêt doit être annulé dès lors que la portée donnée aux articles 542, 908 et 954, instaurant la nouvelle charge procédurale, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, de sorte que l'appelante se trouve privée d'un procès équitable au sens de l'article 6,§ 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Appelant – Conclusions – Dispositif – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 7 octobre 2020), Mme [L] a relevé appel, le 28 juillet 2017, d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Taxis Mario.

2. La société Taxis Mario a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté l'incident de caducité qu'elle avait soulevé, tiré de ce que le dispositif des premières conclusions de l'appelante ne contenait aucune demande d'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, de sorte qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 908 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [L] fait grief à l'arrêt de déclarer caduc l'appel du 28 juillet 2017, alors « qu'aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ; qu'il résulte d'un arrêt du 17 septembre 2020 de la Cour de cassation que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ; que cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; que dès lors, ne saurait être prononcée la caducité d'une déclaration d'appel antérieure au 17 septembre 2020, au motif que l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, dès lors que la caducité de l'instance, qui prive le justiciable de tout recours, y compris en cassation, prive a fortiori l'appelante du droit à un procès équitable ; qu'il en résulte que la cour d'appel, en décidant que l'appel était caduc dès lors que les conclusions d'appelant ne comportait aucune formule indiquant qu'elle sollicitait l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée, a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.

5. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

6. À défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

7. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15-766, publié).

8. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

9. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions, déposées dans le délai de trois mois suivant la déclaration d'appel par Mme [L], énonce diverses demandes mais ne comporte aucune formule indiquant qu'elle sollicite l'infirmation ou la réformation de la décision critiquée.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 28 juillet 2017, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver Mme [L] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Portée et conséquences de l'annulation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour de cassation statue au fond.

13. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 10 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société Taxis Mario de son incident de caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société Taxis Mario de son incident de caducité de la déclaration d'appel et débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull., (rejet) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-22.316, Bull., (annulation) ; 2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 20-13.210, Bull., (annulation).

2e Civ., 9 juin 2022, n° 19-11.671, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Conclusions de l'appelant – Délai – Effet suspensif – Exclusion – Cas – Radiation de l'instance d'appel – Portée

Il résulte des articles 377, 526, 908 et 911-2 du code de procédure civile, ces trois derniers textes dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la radiation de l'instance d'appel, fût-ce pour inexécution du jugement frappé d'appel, n'entraîne pas la suspension du délai imparti à l'appelant pour conclure.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2018), la société Simtech, domiciliée en Belgique, a interjeté appel le 25 février 2015 à l'encontre d'un jugement rendu dans un litige l'opposant aux sociétés Pronal et Strucflex.

2. La société Simtech a déposé et notifié à la société Pronal ses premières conclusions d'appel le 17 juillet 2015.

3. L'affaire a été radiée le 17 juillet 2015 en raison de l'inexécution du jugement par l'appelante.

4. La société Strucflex a constitué avocat le 10 août 2015.

5. L'affaire ayant été rétablie au rôle le 19 avril 2017, la société Simtech a notifié ses conclusions d'appel à la société Pronal et à la société Strucflex le 21 avril 2017.

6. Les sociétés intimées ont déféré devant la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté leur incident de caducité de la déclaration d'appel fondé sur l'article 908 du code de procédure civile, tant à l'égard de la société Pronal que de la société Strucflex.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Pronal et Strucflex font grief à l'arrêt de rejeter le déféré et de dire que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 septembre 2017 sortira son plein et entier effet, alors « que la radiation prononcée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile n'emporte ni suspension ni interruption du délai imparti à l'appelant par les articles 908 et 911-2 du code de procédure civile ; qu'en jugeant que la radiation prononcée le 17 juillet 2015 avait eu pour effet d'interrompre ce délai, la cour d'appel a violé ces dispositions. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 377, 526, 908 et 911-2 du code de procédure civile, ces trois derniers textes dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

8. Il résulte de ces textes que la radiation de l'instance d'appel, fût-ce pour inexécution du jugement frappé d'appel, n'entraîne pas la suspension du délai imparti à l'appelant pour conclure.

9. Pour rejeter l'incident de caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient qu'en l'état du droit antérieur à l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2017, du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la radiation de l'affaire pour inexécution du jugement, en application de l'article 377 du code de procédure civile et en l'absence de texte contraire, a entraîné la suspension de l'instance et des délais prévus aux articles 908 et 911-2 du code de procédure civile, de sorte que l'instance, suspendue le 17 juillet 2015 du fait de la radiation prononcée sur le fondement de l'article 526 du même code, a repris son cours le 19 avril 2017.

10. L'arrêt en déduit que la notification de ses conclusions par la société Simtech aux sociétés Pronal et Strucflex le 21 avril 2017 est intervenue avant l'expiration du délai de cinq mois résultant des articles 908 et 911-2, qui avait couru du 25 février 2015 au 17 juillet 2015, et qui a recommencé à courir à compter du 19 avril 2017.

11. En statuant ainsi, alors que la radiation de l'instance d'appel prononcée le 17 juillet 2015 n'avait pas pour effet de suspendre le délai pour conclure imparti à la société Simtech, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 8 et 11 que le délai pour conclure imparti à la société Simtech, non suspendu par la radiation de l'instance, qui courait à compter du 25 février 2015, expirait, à l'égard de la société Pronal, le 25 juillet 2015, et, à l'égard de la société Strucflex, alors non constituée, le 25 août 2015.

Les conclusions ont, par conséquent, été déposées et notifiées dans le délai requis, le 17 juillet 2015, à l'égard de la société Pronal, tandis qu'à l'égard de la société Strucflex, qui a reçu notification des conclusions de l'appelante postérieurement au 25 août 2015, la caducité de la déclaration d'appel était encourue.

15. En l'absence d'indivisibilité des condamnations au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive prononcées à l'encontre de la société Pronal, d'une part, et de la société Strucflex, d'autre part, la caducité de la déclaration d'appel, en tant que formée contre la société Strucflex, n'atteint pas la déclaration d'appel en tant que formée contre la société Pronal.

16. Il y a, dès lors, lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 25 février 2015, en tant seulement qu'elle est dirigée contre la société Strucflex.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'incident de caducité de la déclaration d'appel en tant que dirigée contre la société Strucflex, l'arrêt rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME partiellement l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 septembre 2017 en ce qu'elle a rejeté l'incident de caducité de la déclaration d'appel de la société Strucflex ;

Statuant à nouveau :

PRONONCE la caducité de la déclaration d'appel du 25 février 2015 en tant que dirigée contre la société Strucflex.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Articles 377, 526, 908 et 911-2 du code de procédure civile dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

1re Civ., 9 juin 2022, n° 20-20.688, (B), FS

Cassation partielle

Demande nouvelle – Recevabilité – Conditions – Défense à une prétention adverse – Applications diverses – Demande en matière de partage

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), [G] [J] et [K] [D] sont décédés respectivement les 2 juin 2014 et 6 juin 2016, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [K], [P] et [T].

2. Des difficultés se sont élevées au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, alors « que sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

5. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

6. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

7. Pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans ses conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, l'arrêt retient qu'en l'absence de survenance ou de révélation d'un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile, ne sont recevables que les prétentions formées par Mme [L] dans ses conclusions du 26 novembre 2018 formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtent à l'irrecevabilité édictée par l'article 910-4 du même code.

8. En statuant ainsi, alors que les prétentions formées par Mme [L] dans ses dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] et avaient donc trait au partage de l'indivision successorale, de sorte qu'elles devaient s'analyser en une défense aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019,prétentions nouvelles formées par de Mme [L], l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 910-4, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.280, Bull. 2013, I, n° 187 (cassation partielle).

1re Civ., 9 juin 2022, n° 19-24.368, (B), FRH

Cassation partielle

Demande nouvelle – Recevabilité – Conditions – Défense à une prétention adverse – Applications diverses – Demande en matière de partage

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2019), le 14 mai 2009, M. [P] et Mme [U] ont conclu un pacte civil de solidarité, enregistré le 19 juin suivant.

Le 7 septembre 2009, ils ont acquis en indivision un bien immobilier.

2. Le 6 décembre 2013, M. [P] a signifié à Mme [U] sa décision unilatérale de dissolution du pacte civil de solidarité, qui a été enregistrée le 31 décembre suivant.

3. Le 5 décembre 2014, il a assigné Mme [U] devant le juge aux affaires familiales en vue du règlement de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, excepté en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parties sont irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Thomas, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

4. Mme [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à sa charge la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], de déclarer irrecevable la demande visant à voir juger qu'elle dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, de déclarer irrecevable sa demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et de rejeter sa demande d'attribution préférentielle, d'ordonner, préalablement la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3], de fixer l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation de ce bien immobilier indivis à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois, de fixer le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 euros par mois, de dire que la somme dont elle est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, et de dire que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposés pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros qui devra être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les premières conclusions d'appel doivent présenter l'ensemble des prétentions sur le fond, à peine d'irrecevabilité ; que le fait de demander, dans le dispositif de ses premières conclusions d'appel, la confirmation du jugement sur certains chefs de dispositif, « l'infirmation du jugement sur le surplus », et le débouté de la partie adverse de l'ensemble de ses demandes ne restreint pas la saisine initiale formulée dans la déclaration d'appel qui énumère expressément chaque chef du jugement critiqué ; qu'en déclarant pourtant irrecevables les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros, correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], visant à ce qu'il soit jugé que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S] et les demandes relatives aux indemnités d'occupation, aux motifs que « le dispositif de ses premières conclusions ne comporte aucune demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle a été fixée en première instance. Il ne comporte pas non plus de demande concernant la sur-contribution aux dépenses de la vie commune invoquée par Mme [U]. Il s'ensuit que, par ses premières conclusions, Mme [U] a restreint la saisine de la cour à ce qui est expressément demandé dans le dispositif de celles-ci » et au motif que « Mme [U] n'a formulé, dans le dispositif de ses conclusions aucune demande relative à l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le jugement déféré », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant les articles 4, 910-4 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la combinaison des articles 4, 562 et 954 du code de procédure civile que, si l'étendue de l'effet dévolutif est fixée par la déclaration d'appel, la portée d'un appel est déterminée par les conclusions des parties, par lesquelles elles peuvent restreindre les prétentions qu'elles soumettent à la cour d'appel.

6. Ces prétentions sont, en application de cet article 954, alinéa 3, fixées par le dispositif des conclusions des parties et il résulte de l'article 910-4, alinéa 1er, du même code que, sous les réserves prévues à l'alinéa 2 de ce texte, sont irrecevables les prétentions qui ne sont pas présentées par les parties dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code.

7. La cour d'appel ayant relevé que ne figuraient pas dans le dispositif des premières conclusions de Mme [U] les demandes visant à ce qu'il soit jugé qu'il ne pouvait être mis à sa charge une certaine somme correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P], qu'elle disposait d'une créance à l'encontre de ce dernier au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, ainsi qu'une demande relative à une estimation immobilière de M. [S], et que ne figurait pas non plus dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante de demande relative à des indemnités d'occupation, c'est sans encourir les critiques du moyen qu'elle a déclaré irrecevables les trois premières demandes et qu'elle a confirmé le jugement ayant statué sur la quatrième demande.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les parties sont irrecevables en toutes leurs demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur né de leurs relations, en ce compris celles qui ont trait aux modalités de la contribution à son entretien et à son éducation

Enoncé du moyen

9. Mme [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes relatives à l'exercice de l'autorité parentale, en ce compris celles qui ont trait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, et, par conséquent, de rejeter sa demande d'attribution préférentielle, alors :

« 2°/ que le juge aux affaires familiales connaît du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et concubins ; qu'il connaît également des actions liées à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ; que le juge aux affaires familiales, saisi d'une demande de partage entre personnes anciennement liées par un pacte civil de solidarité et d'une demande d'indemnité d'occupation au titre d'un bien immobilier occupé par un ex-partenaire d'un pacte civil de solidarité et de l'enfant commun doit se prononcer, dès lors qu'il y est invité, sur la question de l'occupation gratuite de ce bien comme constituant une modalité d'exécution, par l'autre parent, de son obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, peu importe que les demandes relatives au partage et que les demandes relatives à la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant obéissent à un régime procédural distinct ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [I] et qu'il soit statué sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que pour refuser de trancher cette question et déclarer ces demandes irrecevables, la cour d'appel a estimé que le fait que le juge aux affaires familiales soit matériellement compétent pour statuer sur ces demandes n'empêchait pas ces dernières d'être irrecevables dès lors qu'elles étaient soumises à un régime procédure distinct de celles relatives à la demande de partage des intérêts patrimoniaux des ex-partenaires ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter sa compétence, la cour d'appel a violé l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige ;

3°/ que les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre ; que cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant ; qu'elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation qui peut, dès lors, venir diminuer ou supprimer une indemnité d'occupation ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] se rattachait à la demande principale en partage de l'indivision liant les ex-partenaires relativement au bien immobilier situé à Boulogne, par un lien suffisant ; qu'en jugeant le contraire pour déclarer la demande de Mme [U] irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 373-2-2 du code civil, dans sa rédaction application au litige, l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige et l'article 70 du code de procédure civile ;

4°/ que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; que toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ; qu'en l'espèce, Mme [U] demandait à ce qu'il soit statué sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant [I] et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; que Mme [U] demandait à ce que la contribution de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de l'enfant soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation qui était de nature à diminuer la créance de M. [P] à l'encontre de Mme [U], de sorte que cette dernière était en mesure de payer la soulte qui serait due à M. [P] en cas d'attribution préférentielle du logement ; que la demande de Mme [U] relative à la contribution à l'entretien et l'éducation de [I] visait donc à compenser la créance pouvant être mise à sa charge au titre de l'indemnité d'occupation ; qu'en jugeant pourtant cette demande irrecevable sans rechercher si la demande de Mme [U] ne visait pas à opposer la compensation aux créances réclamées par M. [P] au titre de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Contrairement aux énonciations du moyen, Mme [U] ne demandait pas, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, que la contribution de M. [P] à l'entretien et l'éducation de l'enfant commun soit servie sous la forme d'un droit d'usage et d'habitation de l'immeuble indivis, ni ne réclamait une compensation, mais sollicitait qu'il soit dit que celui-ci devra abandonner partie de sa soulte sur la maison à une certaine hauteur sauf à parfaire, en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant.

11. Le moyen manque donc en fait.

Mais sur le moyen relevé d'office

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, dans les conditions précédemment exposées.

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

13. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

14. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

15. Pour déclarer irrecevables la demande de Mme [U] visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à sa charge une somme correspondant au surcoût de travaux dirigés par M. [P], sa demande relative à une estimation immobilière de M. [S] et sa demande visant à voir dire et juger qu'elle dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune, l'arrêt, après avoir rappelé les termes des articles 910-4, alinéa 1er, et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, relève que, par ses premières conclusions, Mme [U] demandait à voir débouter M. [P] de l'ensemble de ses moyens, demandes et fins, de rejeter des débats une pièce communiquée par ce dernier, de lui attribuer un immeuble indivis moyennant le versement d'une soulte à déterminer en fonction de sa valorisation et des droits respectifs, de fixer une contribution mensuelle de M. [P] à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, de dire que M. [P] devrait abandonner une partie de sa soulte sur l'immeuble en usufruit pour l'entretien et l'éducation de leur enfant et de le condamner au paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt précise que Mme [U] sollicitait enfin la confirmation du jugement déféré pour le surplus.

16. L'arrêt en déduit que le dispositif de ces conclusions ne comportait ni demande relative à la créance de M. [P] telle qu'elle avait été fixée en première instance, ni demande relative à l'estimation immobilière de M. [S], de sorte que, par ces conclusions, Mme [U] avait restreint la saisine de la cour d'appel à ce qui était expressément demandé dans le dispositif de celles-ci et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, qui ne constituaient pas davantage une défense à une prétention adverse.

17. En statuant ainsi, alors que les dernières conclusions d'appel de Mme [U] comportaient, selon les constatations de la cour d'appel, ces trois prétentions, lesquelles avaient trait au partage de l'indivision liant les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant irrecevables les trois demandes formulées par Mme [U] dans ses dernières conclusions entraîne la cassation des chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, rejetant la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [U], ordonnant, préalablement et pour parvenir au partage, la licitation des droits et biens immobiliers dépendant de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 3], fixant l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier, fixant le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel, décidant que la somme dont Mme [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire et que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposés pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, mais seulement en ce qu'il :

 - déclare irrecevable la demande visant à voir dire et juger que Mme [U] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P] au titre de sa sur-contribution aux dépenses de la vie commune,

 - déclare irrecevable la demande visant à ce qu'il soit dit et jugé qu'il ne peut être mis à la charge de Mme [U] la somme de 172 289,61 euros correspondant au surcoût des travaux dirigés par M. [P],

 - déclare irrecevable la demande relative à l'estimation immobilière de M. [S],

 - rejette la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [U],

 - ordonne, préalablement et pour parvenir au partage, sur les poursuites et diligences de M. [Z] [P] et en présence de l'autre indivisaire, ou celui-ci dûment appelé, la licitation à la barre des droits et biens immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] sur la commune de [Localité 5] (92), cadastré section 0 n°[Cadastre 1] lieu-dit [Adresse 4] pour une contenance de 00 ha 1 a 54 ca constitué d'une maison à usage d'habitation, de deux studios ainsi que d'un local indépendant situé au rez-de-chaussée à un usage professionnel ou d'habitation,

 - fixe l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance de la partie réservée à usage d'habitation du bien immobilier indivis sis, [Adresse 3] (92) à compter du mois d'août 2012 et jusqu'à ce qu'intervienne le partage ou la libération effective des lieux à la somme de 2 100 euros par mois,

 - fixe le montant mensuel de l'indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du local à usage professionnel à 640 euros par mois,

 - décide que la somme dont Mme [U] est redevable envers l'indivision au titre de ces indemnités d'occupation doit être inscrite à l'actif de l'indivision à partager et au passif du compte d'indivision de l'ex-partenaire, à charge pour le notaire de la parfaire au jour où interviendra le partage ou la libération effective des lieux,

 - décide que M. [P] dispose d'une créance contre l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement du bien immobilier indivis qu'il a exposée pour une somme d'un montant de 636 329,08 euros qui devrait être évaluée conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 910-4, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.280, Bull. 2013, I, n° 187 (cassation partielle).

1re Civ., 9 juin 2022, n° 20-22.793, (B), FS

Rejet

Effet dévolutif – Portée – Appel limité – Appel limité aux mesures accessoires du divorce – Effets – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2020), un jugement du 6 septembre 2019 a prononcé le divorce de Mme [G] et de M. [N].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à sixième branches, les troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [G] fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y a pas lieu à prestation compensatoire à son profit, alors « que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge doit se placer à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ; que, lorsque l'appel est expressément limité aux conséquences du divorce et en l'absence d'appel incident portant sur le prononcé du divorce, celui-ci devient irrévocable à la date de dépôt des dernières conclusions de l'intimé ; qu'en retenant que le divorce était devenu définitif à la date des premières conclusions de l'intimé, la cour d'appel a violé les articles 260 et 270 du code civil et 550 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 260 et 270 du code civil que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée.

5. Selon l'article 909 du même code, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident.

6. Il s'en déduit que, lorsque ni l'appel principal ni, le cas échéant, l'appel incident ne portent sur le prononcé du divorce, celui-ci acquiert force de chose jugée à la date du dépôt des conclusions de l'intimé mentionnées à l'article 909 du code de procédure civile.

7. Ayant constaté que Mme [G] n'avait pas relevé appel du prononcé du divorce et que les conclusions déposées par M. [N], intimé, dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile n'avaient pas étendu sa saisine, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le chef du jugement prononçant le divorce avait acquis force de chose jugée à la date de ces conclusions et que c'est à cette date que devait être appréciée la demande de prestation compensatoire.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Duval - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Articles 260 et 270 du code civil ; articles 808 et 809 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-15.235, I, n° 263 (cassation partielle) ; 1re Civ., 23 mai 2012, pourvoi n° 11-12.813, I, n° 111 (cassation partielle).

Com., 9 juin 2022, n° 20-22.650, (B), FRH

Cassation

Effet dévolutif – Portée – Applications diverses – Redressement judiciaire – Contestation d'une créance

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 octobre 2020, RG n° 18/06217), la société Les Oeufs Nature a été mise en redressement judiciaire le 15 janvier 2014, la société Philippe Delaere étant désignée mandataire judiciaire.

Le 24 février 2014, le Crédit mutuel de Blain (la banque) a déclaré des créances au titre de prêts consentis les 10 novembre 2003 et 22 avril 2010. Ces créances ont été contestées par la débitrice.

2. Par une ordonnance du 28 septembre 2015, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour connaître des contestations formées par la société débitrice, relatives notamment au taux effectif global des prêts, a ordonné le sursis à statuer et invité la banque à saisir le tribunal de commerce de Saint-Nazaire dans les conditions de l'article R. 624-5 du code de commerce.

La banque a assigné la société débitrice et le mandataire judiciaire devant ce tribunal qui, par un jugement du 27 juin 2018, a dit la société Les Oeufs Nature et la société Philippe Delaere, ès qualités, irrecevables et mal fondées en leurs contestations relatives à l'admission des créances du CIC, a ordonné l'admission de ces créances au passif du redressement judiciaire et a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société débitrice contre la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement, de décider que la cour d'appel n'a pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective, ni les demandes indivisibles de cette prétention, alors « que l'indivisibilité entre plusieurs chefs de demandes, qui a pour conséquence, en cas d'annulation de la décision sur un chef de demande, l'annulation consécutive de la décision ayant statué sur les chefs de demandes indivisibles, suppose que les demandes en cause ne puissent faire l'objet d'un traitement ou d'une exécution séparée ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que le tribunal saisi d'une contestation portant sur la créance de la banque Crédit Mutuel à l'égard de la société Les Oeufs Nature n'avait pas le pouvoir d'ordonner, une fois la contestation tranchée, l'admission de la créance au passif de la société, ce pouvoir n'appartenant qu'au juge-commissaire ; que ce faisant, la cour d'appel a caractérisé la divisibilité entre la demande portant sur la contestation de la créance et celle sur l'admission de cette créance au passif de la société ; qu'en décidant cependant l'annulation du jugement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances de la banque au passif de la société Les Oeufs Nature et l'annulation des chefs de dispositif sur les autres demandes, plus particulièrement celle afférente à la contestation de la créance de la banque sur la société Les Oeufs Nature, au motif que ces demandes étaient indivisibles, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014, R. 624-5 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014, et l'article 562 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.

5. Pour annuler l'ensemble des dispositions du jugement du tribunal désigné compétent par le juge-commissaire pour statuer sur les contestations de la société débitrice, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que le tribunal a excédé ses pouvoirs en statuant sur l'admission des créances déclarées, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces admissions encourent l'annulation, retient que les demandes portant sur l'admission sont indivisibles des autres demandes présentées au tribunal.

6. En statuant ainsi, alors que les contestations de la débitrice relatives au taux effectif global des prêts sur lesquelles le juge-commissaire s'était déclaré incompétent au profit du juge du fond n'étaient pas indivisibles des demandes d'admission, mais constituaient l'objet même de la saisine du tribunal à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire et devaient faire l'objet par le juge du fond d'un examen préalable à la décision finale du juge-commissaire sur l'admission, de sorte que les dispositions du jugement relatives à ces contestations n'encouraient aucune nullité, la cour d'appel, saisie de leur connaissance par l'effet dévolutif, qui ne pouvait refuser de statuer sur leur recevabilité et, le cas échéant, leur bien fondé, a méconnu ses pouvoirs et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 18/06217 rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Doumic-Seiller -

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-16.239, (B), FS

Cassation partielle

Effet dévolutif – Portée – Chefs de jugement expressément critiqués – Lien de dépendance avec d'autres chefs de jugement – Effets – Détermination

Selon l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

Il appartient à la cour d'appel de rechercher s'il existe un lien de dépendance entre les chefs de jugement et dont l'appelant invoque l'existence.

Dès lors, encourt la cassation un arrêt qui retient que ce moyen est inopérant, dès lors que l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré.

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Lien de dépendance avec d'autres chefs de jugement – Définition

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Lien de dépendance avec d'autres chefs de jugement – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 mars 2020), mandaté par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] pour effectuer certains travaux, M. [Z], gérant de la Sarl TP Est, a été blessé à la suite d'une chute survenue depuis une nacelle, prise en location auprès de la société Most Location devenue MBBC, qui s'est déséquilibrée au moment de son intervention sur le parking d'un membre de la copropriété du [Adresse 7].

2. M. [Z] a assigné devant un tribunal de grande instance les deux syndicats des copropriétaires et la société Allianz, assureur du syndicat de la copropriété du [Adresse 7], aux fins de les condamner, sur le fondement de leur responsabilité civile, à réparer les préjudices subis.

La société Axa IARD, assureur du second syndicat des copropriétaires, est intervenue volontairement à l'instance.

3. Par jugement du 16 juillet 2019, le tribunal a notamment dit que la demande de M. [Z] est recevable et fondée, mais sur les articles 1 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, mis hors de cause les sociétés d'assurance, Axa France IARD et Allianz, fixé l'assiette des préjudices, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonné la réouverture des débats en invitant M. [Z] à justifier de tous éléments sur l'indemnisation éventuellement perçue par l'assureur de la nacelle ou des actions entreprises à son encontre.

4. Par déclaration du 28 août 2019, M. [Z] a formé un appel puis, par acte du 22 octobre 2019, a assigné en intervention forcée la société Kiloutou, venant aux droits de la société MBBC, et son assureur, la société Axa France IARD.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le dire irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux et, en conséquence, de confirmer le jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon, en ce qu'il a mis hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 7] et mis hors de cause la société Allianz en sa qualité d'assureur de responsabilité civile immeuble et propriétaire d'immeuble du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 7], alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel limité de M. [Z] a critiqué le dispositif du jugement rendu le 16 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Axa France et Allianz en leurs qualités respectives d'assureurs des syndicats de copropriétaires des [Adresse 7] ; que cette critique, comme l'a soutenu M. [Z], impliquait nécessairement celle du chef de dispositif du jugement qui a dit sa demande recevable exclusivement sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; qu'en effet, la mise hors de cause des assureurs n'a résulté que du choix de ce fondement, la garantie qu'ils apportaient aux syndicats ayant pour objet de couvrir, non des sinistres résultant d'un accident de la circulation, mais des accidents résultant de la « responsabilité civile immeuble et propriétaires d'immeuble » ; qu'en jugeant dès lors que la demande de M. [Z] tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige était irrecevable, au seul motif que le chef du dispositif du jugement ayant retenu l'application de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas visé par son acte d'appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, et comme la loi le lui imposait, s'il n'existait pas un lien de « dépendance » nécessaire entre le chef du jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs, dont il était fait appel, et le chef du jugement ayant décidé que l'indemnisation de M. [Z] reposait sur la seule loi susvisée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 alinéa 1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

8. Pour dire irrecevable M. [Z] en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige, l'arrêt constate qu'il a expressément limité son appel à la mise hors de cause des sociétés Allianz et Axa France IARD en qualité d'assureurs des syndicats des copropriétaires.

9. L'arrêt relève que M. [Z] invoque à son bénéfice l'alinéa 1er de l'article 562 et prétend qu'en critiquant la seule mise hors de cause des assureurs, il a nécessairement critiqué l'application de la loi du 5 juillet 1985.

10. Il retient que cet argument est inopérant puisque l'appelant s'est abstenu de critiquer la disposition du jugement déféré disant que la demande de M. [Z] est recevable et fondée mais sur les articles 1 et suivant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il existait un lien de dépendance entre les chefs de jugement portant sur la mise hors de cause des assureurs et le chef de jugement ayant tranché le régime de responsabilité applicable, la cour d'appel qui, au surplus, ne pourrait que constater l'absence d'effet dévolutif sur ce point, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. M. [Z] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, alors « que les juges du fond doivent inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'ils relèvent d'office un moyen, quel qu'il soit ; qu'en l'espèce, la cour, après avoir constaté qu'aucun transfert de garde de l'engin loué n'était intervenu en sa faveur et qu'il n'avait commis aucune faute inexcusable dans son usage, a néanmoins débouté M. [Z] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la société Kiloutou et son assureur, la société Axa France, au motif qu'il ne versait pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établissait pas qu'elle fût venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontrait pas que la société Axa France fût l'assureur de l'engin ; qu'en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, pas même d'ailleurs la société Kiloutou dans ses écritures jugées irrecevables, sans les inviter préalablement à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations.

14. Pour débouter M. [Z] de ses demandes, l'arrêt retient qu'il ne verse pas aux débats de contrat de location avec la société Kiloutou, qu'il n'établit pas qu'elle soit venue aux droits du loueur d'origine, et qu'il ne démontre pas que la société Axa France IARD soit l'assureur de l'engin.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur un moyen relevé d'office, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 7], la société Allianz, en sa qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. [Z] irrecevable en ses demandes tendant à remettre en cause le régime juridique applicable au litige et les modalités de fixation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, en ce qu'il confirme le jugement ayant mis hors de cause les sociétés Axa France IARD et Allianz en leurs qualités d'assureurs des syndicats de copropriétaires du [Adresse 7], et en ce qu'il déboute M. [Z] de ses demandes formées à l'encontre de la société Kiloutou et de la société Axa France IARD, intervenante forcée, prise « en sa qualité présumée » d'assureur de la société Kiloutou, l'arrêt rendu le 10 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Axa France IARD, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété du [Adresse 7], la société Allianz, en qualité d'assureur du syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 7], et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-13.387 (cassation).

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-13.490, (B), FRH

Cassation partielle

Effet dévolutif – Portée – Chefs de jugement expressément critiqués – Lien de dépendance avec d'autres chefs de jugement – Effets – Détermination

Selon l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui retient que n'est pas dévolu à la cour d'appel le chef du jugement non critiqué condamnant l'appelante à payer des travaux de réfection de toiture alors que l'appel relatif au chef du jugement la déboutant de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle n'était pas tenue au paiement de ces frais de réfection s'étendait à la disposition du jugement la condamnant à payer cette somme, qui en dépendait.

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Lien de dépendance avec d'autres chefs de jugement – Définition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 octobre 2020), la société Selectinvest 1 a, par acte du 8 novembre 2013, donné en location à la société CFPL Sports des locaux commerciaux.

2. En 2017, la société CFPL Sports a saisi un tribunal de grande instance pour contester devoir régler une quote-part des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble loué, réclamée par son bailleur.

3. La société Selectinvest 1 a sollicité reconventionnellement la résiliation judiciaire du bail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La société CFPL Sports fait grief à l'arrêt, après avoir constaté que le chef du jugement entrepris ayant reconventionnellement « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », n'était pas expressément critiqué dans la déclaration d'appel de la société CFPL Sports, de dire que ce chef du jugement non critiqué ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et d'écarter en conséquence d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour d'appel, tous les chefs de demandes dont elle n'est pas saisie relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble, alors « que selon l'article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; qu'en l'espèce, pour dire que le chef du jugement non critiqué dans la déclaration d'appel qui a « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué, la cour a énoncé que le chef non critiqué porte, non pas sur une demande que CFPL Sports avait elle-même formée et qui aurait été rejetée, mais sur une demande qui avait été reconventionnellement formée par Selectinvest 1 devant les premiers juges ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il importait peu que le chef non critiqué ait porté sur la demande reconventionnelle en paiement de Selectinvest 1 et non sur une demande de CFPL Sports rejetée par les premiers juges, dès lors que la déclaration d'appel qui visait le chef du jugement déboutant CFLP Sports de sa demande sollicitant le rejet de la demande en paiement formée par Selectinvest 1 à son encontre, s'étend nécessairement au chef condamnant CFPL Sports à lui payer ces sommes qui en dépend puisqu'il en est la conséquence, la cour d'appel a violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués.

7. Pour dire que le chef du jugement condamnant la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la quote-part des travaux de réfection de la toiture et une régularisation de charges non critiqué ne dépendait d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et écarter d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour, tous les chefs de demandes dont la cour n'était pas saisie, relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble, l'arrêt retient que, depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les critiques ne peuvent plus être implicites, que l'appelante ne peut soutenir que le chef non critiqué dépendrait du chef du jugement qui l'a déboutée de toutes ses demandes et qu'elle a effectivement expressément critiqué.

8. En statuant ainsi, alors que l'appel, relatif au chef du jugement déboutant la société CFLP Sports de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle n'était pas tenue au paiement des frais de réfection de la toiture réclamés par son bailleur, s'étendait à la disposition du jugement la condamnant à payer cette somme, qui en dépendait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que le chef du jugement entrepris ayant reconventionnellement « condamné la société CFPL Sports à payer à la société Selectinvest 1 la somme de 59.236,17 euros correspondant aux travaux de réfection de la toiture de l'immeuble dont dépendent les locaux loués et à une régularisation de charges de 44,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité des sommes dues, le 29 mai 2017 », n'était pas expressément critiqué dans la déclaration d'appel de la société CFPL Sports, dit que ce chef du jugement non critiqué ne dépend d'aucun autre chef du jugement expressément critiqué et écarté en conséquence d'office, comme n'étant pas dévolus à la cour, tous les chefs de demandes dont le cour n'est pas saisie relatifs au paiement des travaux de réfection de la toiture de l'immeuble, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 562 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 20-16.239 (cassation partielle).

2e Civ., 9 juin 2022, n° 20-15.827, (B), FS

Cassation partielle

Intimé – Conclusions – Recevabilité – Etendue – A l'égard de l'auteur de l'appel incident à l'exclusion de l'auteur de l'appel principal – Cas – Conclusions hors du délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal à l'occasion d'un appel incident

Selon l'alinéa 2 de l'article 905-2 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Aux termes de l'alinéa 3, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué, à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation, pour remettre ses conclusions au greffe.

Il en résulte que lorsque l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, à l'occasion d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal.

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Conclusions de l'intimé – Irrecevabilité – Cas – Conclusions hors du délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal à l'occasion d'un appel incident – Effets – Conclusions valables qu'à l'égard de l'auteur de l'appel incident – Portée

Appel incident – Appel incident formé à l'encontre d'un co-intimé – Conclusions – Recevabilité – Faculté de l'intimé incident de conclure contre l'appelant principal – Exclusion – Cas – Intimé principal ayant dépassé le délai pour conclure contre l'appelant principal

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 13 décembre 2018 et 25 octobre 2019)

la SCI du [Adresse 3] (la SCI) a donné à bail commercial le lot n° 23 d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, à la société Groupe WS (la société) ayant pour objet social la location meublée avec prestations de service para-hôtelière en loueur meublé.

2. Pour exercer cette activité, la société a procédé à des transformations de locaux comprenant une dizaine de bureaux mitoyens en onze appartements-bureaux, tous équipés de salles d'eau et de toilettes.

3. Se prévalant de l'existence d'un trouble manifestement illicite, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] (le syndicat) a, en référé, assigné la société et la SCI aux fins de voir cesser l'activité dans le lot n° 23 et leur condamnation à le remettre dans son état d'origine.

4. Une ordonnance du 29 janvier 2018 du juge des référés a notamment ordonné à la société de cesser son activité de location de chambres meublées et l'a condamnée in solidum avec la SCI à procéder, sous astreinte, aux travaux de remise en état.

5. La société ayant fait appel de l'ordonnance, un avis de fixation de l'affaire a été transmis aux parties le 17 mai 2018. A cette même date, la société a notifié ses conclusions et le 14 juin 2018, la SCI a notifié les siennes, formant un appel incident.

Le syndicat a notifié ses conclusions le 13 juillet 2018.

6. La société et la SCI ayant soulevé l'irrecevabilité des conclusions du syndicat à leur égard, sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile, le magistrat désigné par le premier président a rejeté cette fin de non-recevoir, par une ordonnance du 25 octobre 2018 déférée à la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen des deux pourvois, pris en sa première branche, rédigé en termes identiques, dirigés contre l'arrêt du 13 décembre 2018, réunis

Enoncé du moyen

7. La société et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat ainsi que la communication de pièces, alors « que dans l'hypothèse où l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, dans le cadre d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal ; qu'en retenant néanmoins que, dès lors que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] avait conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI du [Adresse 3], ses conclusions était recevables, y compris à l'égard de la société Groupe WS, quand elle constatait qu'elles avaient été notifiées plus d'un mois après la notification des conclusions d'appelant principal de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 905-2 du code de procédure civile :

8. Selon l'alinéa 2 de ce texte, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Aux termes de l'alinéa 3, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

10. Il en résulte que lorsque l'intimé ne conclut pas dans le délai requis à compter de la notification des conclusions d'appel principal, il ne peut valablement conclure, à l'occasion d'un appel incident ultérieurement formé par une autre partie, qu'à l'égard de cette dernière et non à l'égard de l'auteur de l'appel principal.

11. Pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la tardiveté des conclusions du syndicat, l'arrêt retient qu'elles visent à titre principal à l'infirmation de l'ordonnance en ce que celle-ci a ordonné sous astreinte à la société de cesser son activité de location dans le local pris à bail et l'a condamnée in solidum avec la SCI à procéder sous astreinte aux travaux de remise en état de ce local, que ces conclusions constituent un appel incident dirigé contre le syndicat qui a obtenu gain de cause en première instance, lequel a conclu dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet appel incident, imparti à l'article 905-2, alinéa 3 du code de procédure civile.

12. En statuant ainsi, alors que la circonstance que le syndicat a conclu dans le mois de l'appel incident formé par la SCI n'avait pas pour effet de rendre recevables, à l'égard de l'appelant principal, ses conclusions notifiées à ce dernier par le syndicat, passé le délai prévu à l'article 905-2, alinéa 2, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le même moyen des deux pourvois, pris en sa deuxième branche, rédigé en termes identiques, dirigés contre l'arrêt du 13 décembre 2018, réunis

Enoncé du moyen

13. La société et la SCI font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions du syndicat ainsi que la communication de pièces, alors « que l'indivisibilité procédurale suppose une impossibilité d'exécuter simultanément les dispositions d'une ou plusieurs décisions se rapportant au même litige ; qu'en retenant qu'il existait une indivisibilité procédurale relativement à la situation susceptible d'être créée par un arrêt confirmant l'ordonnance en ses dispositions relatives à la société Groupe WS et un arrêt l'infirmant en ses dispositions relatives à la SCI du [Adresse 3], quand la condamnation de la seule SCI du [Adresse 3] à remettre en état les lieux pouvait être exécutée sans que l'absence de condamnation de la société Groupe WS à cesser son activité de sous-location et à procéder elle-même à une telle remise en état des lieux, soit susceptible d'y faire échec, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 529 et 905-2, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile :

14. L'indivisibilité du litige nécessite l' impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige.

15. Pour rejeter la fin de non-recevoir prise de la tardiveté des conclusions du syndicat, l'arrêt énonce que l'ordonnance entreprise crée une situation indivisible entre la SCI et sa locataire, tant il est vrai qu'il y aurait incompatibilité entre des décisions qui, l'une, confirmerait l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné à la société de cesser son activité de sous-location dans le local pris à bail et, l'autre, l'infirmerait de ce chef, et qu'il s'en déduit que les conclusions du syndicat doivent être déclarées recevables tant à l'encontre de la SCI que de la société.

16. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

17. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation partielle de l'arrêt du 13 décembre 2018 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 25 octobre 2019 qui en est la suite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par la société Groupe WS tendant à ce que soient déclarées irrecevables, à son égard, les conclusions du syndicat des copropriétaires signifiées le 13 juillet 2018, l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel de Paris.

CONSTATE l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Paris.

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 529 et 905-2, alinéa 2 et 3, du code de procédure civile.

2e Civ., 30 juin 2022, n° 21-15.003, (B), FRH

Cassation

Procédure sans représentation obligatoire – Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon l'article 933 du même code, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.

Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.

Il en résulte qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, dans un litige relevant du contentieux de la sécurité sociale, dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes d'une caisse, dont la déclaration d'appel ne mentionnait aucun chef de jugement critiqué.

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2021), M. [K], salarié de la société Asturienne (l'employeur), a été victime le 25 octobre 2016, d'un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire (la caisse).

2. L'employeur a saisi un tribunal de grande instance d'une contestation du taux d'incapacité permanente partielle attribué par la caisse à M. [K].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de statuer sur ses demandes en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, alors « que la règle suivant laquelle lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, ne s'applique pas à la procédure sans représentation obligatoire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 562 et 933 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile :

4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.

5. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit.

La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673).

6. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

7. Pour dire n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de la caisse, l'arrêt retient que celle-ci indiquait dans sa déclaration interjeter appel du jugement rendu le 2 avril 2019, dans le litige l'opposant à l'employeur, sans mentionner aucun chef de jugement critiqué, qu'en ne mentionnant pas le chef du jugement critiqué, l'appel n'opérait pas d'effet dévolutif et qu'elle n'était donc investie de la connaissance d'aucun litige.

8. En statuant ainsi, alors que le litige relevait du contentieux de la sécurité sociale pour lequel la procédure d'appel est sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 562 et 933 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673 (rejet).

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