Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

1re Civ., 15 juin 2022, n° 21-13.306, (B), FRH

Cassation

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 – Application dans l'espace – Accident survenu en Tunisie

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2020), le 20 juillet 2014, à Tunis (Tunisie), le véhicule de M. [W], immatriculé en France, ayant été percuté par un camion immatriculé en Tunisie, a heurté et blessé Mme [H], épouse [W], qui s'apprêtait à monter à son bord.

2. Mme [H] a assigné la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de responsabilité du véhicule, en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, réunis

Enoncé des moyens

3. Par son premier moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt de dire que le litige est soumis à la loi française, de dire qu'elle doit garantir Mme [H] des conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014 et de liquider le montant des dommages-intérêts, alors « que la convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière détermine tant la loi applicable à la responsabilité que celle applicable à l'existence et la nature des dommages susceptibles de réparation, aux modalités et étendue de la réparation, quel qu'en soit le fondement, à la condition qu'il soit extra contractuel ; qu'en retenant que la convention de La Haye n'a pas vocation à régir la loi applicable au contrat d'assurance conclu sous l'empire de la loi française et que la convention ne saurait avoir pour effet de réduire le champ de garantie prévue au contrat liant [C] [W] et la société Axa pour faire droit aux demandes indemnitaires de Mme [W], après avoir constaté que celle-ci, victime, ressortissante française, demandait la réparation de dommages trouvant leur origine dans un accident de la circulation survenu à Tunis impliquant deux véhicules immatriculés dans des Etats différents, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 par refus d'application et la loi française du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1134 du code civil, par fausse application. »

4. Par son second moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, la somme de 55 836,27 euros en remboursement des prestations versées à la victime, les frais futurs au fur et à mesure de leur exposition sur justificatifs des débours réglés dans la limite du capital représentatif de 281 992,15 euros et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 346-1 du code de la sécurité sociale, alors « que lorsque la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun ; que selon les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière qui détermine les conditions et l'étendue de la responsabilité est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu lorsque celui-ci implique plusieurs véhicules immatriculés dans des Etats différents ; qu'en retenant que la société Axa, assureur de M. [W] dont le véhicule était impliqué dans l'accident, était tenue de réparer sur le fondement de la garantie contractuelle les conséquences dommageables de l'accident du 20 juillet 2014 et devait à ce titre garantir la CPAM des prestations réglées pour le compte de la victime, après avoir cependant constaté que Mme [W], victime, ressortissante française, demandait la réparation de dommages trouvant leur origine dans un accident de la circulation survenu à Tunis impliquant deux véhicules immatriculés dans des Etats différents, ce dont il résultait que le recours de la CPAM des Bouches-du-Rhône ne pouvait s'exercer que contre l'auteur de l'accident et/ou son assureur désigné par la loi tunisienne, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 et les articles L. 371-1 du code de la sécurité sociale et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er, 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière et l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 :

5. Selon le premier de ces textes, cette Convention a pour objet de déterminer la loi applicable à la responsabilité civile extracontractuelle découlant d'un accident de la circulation routière, quelle que soit la nature de la juridiction appelée à en connaître.

6. Il résulte du deuxième et du troisième que, lorsque les véhicules impliqués sont immatriculés dans des Etats différents, la loi applicable est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu.

7. Le quatrième dispose :

« La loi applicable détermine notamment :

1. les conditions et l'étendue de la responsabilité ;

2. les causes d'exonération, ainsi que toute limitation et tout partage de responsabilité ;

[...]

8. les prescriptions et les déchéances fondées sur l'expiration d'un délai, y compris le point de départ, l'interruption et la suspension des délais. »

8. Pour condamner la société Axa à indemniser Mme [H] de ses préjudices et payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône le montant des prestations versées, l'arrêt retient que, si, en vertu de l'article 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la loi tunisienne est applicable à la mise en oeuvre de la responsabilité civile délictuelle, il n'en demeure pas moins que, le lieu de survenance de l'accident ne pouvant modifier l'étendue de la garantie contractuellement prévue, sauf stipulation contraire, et le contrat prévoyant l'indemnisation du tiers lésé par référence au seul droit français, la Convention de La Haye n'a pas vocation à régir la loi applicable au contrat d'assurance et qu'aux termes de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985, les victimes n'ayant pas la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une action dirigée contre l'assureur de responsabilité de l'un des deux véhicules, immatriculés dans des pays différents et impliqués dans un accident de la circulation survenu en Tunisie, la cour d'appel, qui n'a pas appliqué la loi tunisienne à la prescription de l'action en responsabilité délictuelle et à la détermination des conditions de cette responsabilité, a violé les textes susvisés, les quatre premiers par refus d'application, le cinquième par fausse application.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles 1, 3, 4 et 8 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 juillet 2001, pourvoi n° 99-10.889, Bull. 2001, I, n° 219 (cassation).

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