Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

VENTE

3e Civ., 30 juin 2021, n° 20-14.743, (B)

Rejet

Garantie – Eviction – Fait du vendeur – Vendeur demeuré en possession – Prescription acquisitive – Exception de garantie opposée par l'acquéreur – Caractère perpétuel.

Fait une exacte application des articles 1626 et 1628 du code civil la cour d'appel qui retient que le vendeur, tenu de l'obligation de garantir l'acquéreur d'un terrain contre toute éviction résultant de son fait personnel, telle la possession trentenaire, ne peut l'évincer en invoquant la prescription acquisitive pour se faire reconnaître propriétaire du terrain qu'il a vendu, mais dont il a conservé la possession, l'acquéreur étant toujours recevable, dans ce cas, à lui opposer l'exception de garantie qui est perpétuelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 29 mars 2018), par acte notarié du 29 janvier 2010, M. [I] [X] a vendu à M. et Mme [G] la parcelle cadastrée AH [Cadastre 1] dépendant de la terre [Localité 1] à [Localité 2] qu'il avait acquise de M. [E] et de Mme [C] par acte sous seing privé du 12 mai 1983.

2. Mme [C] a assigné les consorts [G] et [X] en revendication de la propriété de la parcelle, en invoquant notamment le bénéfice de la prescription acquisitive.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [C] fait grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors « que l'institution de l'usucapion répond à un motif d'intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ; que le propriétaire du bien ne peut dès lors faire obstacle à la mise en oeuvre de l'usucapion au seul motif que le possesseur lui avait cédé le bien et lui doit une garantie d'éviction perpétuelle ; qu'en jugeant l'inverse, pour rejeter la revendication de propriété par prescription trentenaire de la terre Tuima cadastrée AH n° [Cadastre 1] à [Localité 2] présentée par Mme [D] [C], épouse [Q], la cour d'appel a violé les articles 2261 et 2272 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. C'est par une exacte application des articles 1626 et 1628 du code civil que la cour d'appel a retenu que le vendeur, tenu de l'obligation de garantir l'acquéreur d'un terrain contre toute éviction résultant de son fait personnel, telle la possession trentenaire, ne peut l'évincer en invoquant la prescription acquisitive pour se faire reconnaître propriétaire du terrain qu'il a vendu, mais dont il a conservé la possession, l'acquéreur étant toujours recevable, dans ce cas, à lui opposer l'exception de garantie qui est perpétuelle.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jessel - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SAS Cabinet Colin-Stoclet -

Textes visés :

Articles 1626 et 1628 du code civil.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens, à rapprocher : 3e Civ., 13 juillet 2010, pourvoi n° 09-13.472, Bull. 2010, III, n° 147 (rejet), et l'arrêt cité.

3e Civ., 23 juin 2021, n° 20-17.554, (B)

Rejet

Promesse de vente – Promesse unilatérale – Promettant – Obligations – Nature – Engagement définitif de vendre – Effets – Rétractation – Possibilité (non) – Portée

Le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

Ayant relevé que le promettant a donné son consentement à la vente sans restriction et que la levée de l'option par les bénéficiaires est intervenue dans les délais convenus, une cour d'appel retient à bon droit que la rétractation du promettant ne constitue pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente et que celle-ci est parfaite.

Promesse de vente – Promesse unilatérale – Option – Exercice – Exercice pendant le délai – Rétractation antérieure du promettant – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 décembre 2018, pourvois n° 17-21.170 et 17-21.171), le 1er avril 1999, M. [B] et Mme [K] ont consenti à M. et Mme [R] une promesse de vente d'un appartement dans un immeuble en copropriété et de la moitié de la cour indivise, l'option ne pouvant être levée qu'au décès de la précédente propriétaire, [I] [E], qui s'était réservée un droit d'usage et d'habitation.

2. Devenue attributaire du bien à la suite de son divorce, Mme [K] s'est rétractée de cette promesse le 17 février 2010.

3. Après le décès de [I] [E], M. et Mme [R] ont levé l'option le 8 janvier 2011.

4. Ils ont assigné Mme [K] en réalisation de la vente. Celle-ci a sollicité le rejet de la demande et subsidiairement la rescision de la vente pour lésion.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [K] fait grief à l'arrêt de déclarer parfaite la vente consentie à M. et Mme [R] par la promesse du 1er avril 1999, alors « que, dans une promesse unilatérale de vente, la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir ; que la réalisation forcée de la vente ne peut alors être ordonnée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les époux [R], bénéficiaires de la promesse unilatérale de vente consentie par [T] [K], avaient levé l'option postérieurement à la rétractation de Mme [K] ; qu'en jugeant néanmoins que cette levée de l'option avait eu pour effet de rendre la vente parfaite, la cour d'appel a violé les articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. En application des articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1583 du même code, la Cour de cassation jugeait jusqu'à présent, que, tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituait qu'une obligation de faire.

8. Il en résultait que la levée de l'option, postérieure à la rétractation du promettant, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée (3e Civ., 15 décembre 1993, pourvoi n° 91-10.199, Bull. 1993, III, n° 174), la violation, par le promettant, de son obligation de faire ne pouvant ouvrir droit qu'à des dommages-intérêts (3e Civ., 28 octobre 2003, pourvoi n° 02-14.459).

9. Cependant, à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s'agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien.

10. Par ailleurs, en application de l'article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1re Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n° 06-13.983, Bull. 2007, I, n° 19).

11. Il convient dès lors d'apprécier différemment la portée juridique de l'engagement du promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente et de retenir qu'il s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.

12. La cour d'appel a relevé que, dans l'acte du 1er avril 1999, Mme [K] avait donné son consentement à la vente sans restriction et que la levée de l'option par les bénéficiaires était intervenue dans les délais convenus.

13. Ayant retenu à bon droit que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente, elle en a exactement déduit que, les consentements des parties s'étant rencontrés lors de la levée de l'option par les bénéficiaires, la vente était parfaite.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 1101, 1134, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1583 du code civil.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : 3e Civ., 11 mai 2011, pourvoi n° 10-12.875, Bull. 2011, III, n° 77 (cassation), et l'arrêt cité ; A rapprocher : 3e Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 19-40.028, (QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel).

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