Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-11.044, (B)

Cassation

Contentieux général – Compétence matérielle – Créances des caisses – Réduction – Office du juge – Appréciation de la situation du débiteur

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du pôle social du tribunal de grande instance de Brest, 20 mars 2019), rendue en dernier ressort, la caisse d'allocations familiales du Finistère (la caisse) a réclamé à Mme [X] (l'allocataire) le remboursement d'un trop perçu de prestations familiales d'un certain montant.

2. La caisse ayant partiellement accueilli sa demande de remise de dette, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige :

5. Selon ce texte, la créance de l'organisme de prestations familiales peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.

6. Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou en partie une demande de remise gracieuse d'une dette de prestations familiales, il appartient au juge d'apprécier si la situation du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause ou si une manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations l'excluent.

7. Pour déclarer irrecevable la requête formée par l'allocataire, l'ordonnance relève que celle-ci vise à réformer la décision de la caisse d'allocations familiales en date du 19 février 2019 ne lui accordant qu'une remise partielle de sa dette au titre du versement de prestations familiales indues, qu'il reste due la somme de 1 874,91 euros et que la décision précise qu'elle est définitive et ne peut être contestée. Il retient qu'il ressort de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale que les caisses de sécurité sociale ont seules qualité pour réduire le montant de leurs créances autres que de cotisations et majorations de retard nées de l'application de la législation de sécurité sociale en cas de précarité de la situation du débiteur, le juge judiciaire n'ayant pas qualité pour statuer sur une telle demande.

8. En statuant ainsi, sur le fondement d'un texte inapplicable au litige, le président du tribunal, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 20 mars 2019, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Brest ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette décision et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Brest.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : Me Bertrand -

Textes visés :

Article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : Soc., 6 mai 1993, pourvoi n° 91-14.531, Bull. 1993, V, n° 133 (cassation) ; Avis de la Cour de cassation, 28 novembre 2019, n° 19-70.019, Bull. 2019. A rapprocher : 2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 18-26.512, Bull. 2020, (rejet).

2e Civ., 3 juin 2021, n° 20-13.275, (P)

Rejet

Contentieux général – Office du juge – Détermination – Cas – Objet du litige – Modification ultérieure d'une décision de la caisse – Absence d'influence

Il résulte des dispositions des articles 4 du code de procédure civile et R. 142-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, applicable au litige, que le juge du contentieux de la sécurité sociale est juge du litige qui lui est soumis par les parties, dont l'objet est déterminé par les demandes respectives de celles-ci.

Une cour d'appel, régulièrement saisie d'un litige portant sur le calcul de la pension d'invalidité de l'assuré et d'une demande de paiement du solde dû statue, à bon droit, sur ces demandes, la décision modificative de la caisse intervenue en cours d'instance étant sans incidence sur l'objet du litige.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail [Localité 2].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 décembre 2019), la caisse a attribué à M. [H] (l'assuré), par décision du 3 septembre 2013, une pension d'invalidité de deuxième catégorie à compter du 10 juin 2013.

3. M. [H] a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une contestation de cette décision.

4. Par décision du 18 mai 2016, après nouvel examen du dossier, la caisse a modifié le montant de la pension, à compter du 8 novembre 2013.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La caisse fait grief à l'arrêt de fixer le montant de la pension d'invalidité, de la condamner à payer une certaine somme à titre de complément de pension d'invalidité pour la période échue depuis le 8 novembre 2013 jusqu'en août 2019 inclus, de la condamner au paiement de dommages-intérêts, ainsi qu'aux frais irrépétibles et aux dépens, alors « qu'à la date du 18 mai 2016, les réclamations formées à l'encontre des décisions des organismes de sécurité sociale devaient, à peine de forclusion, être soumises à la commission de recours amiable de l'organisme qui avait pris la décision contestée dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision ; qu'en l'espèce, revenant sur sa décision initiale du 3 septembre 2013 fixant le montant de la pension d'invalidité de l'assuré à 9 556,49 euros, à compter du 10 juin 2013, la caisse avait notifié à cet assuré, le 18 mai 2016, une nouvelle décision portant le montant de sa pension d'invalidité à 10 272,26 euros à compter du 8 novembre 2013 ; que, dans ces conditions, la cour d'appel qui a constaté que l'assuré n'avait contesté que la décision qui lui avait été notifiée le 3 septembre 2013 et qu'elle n'était « pas saisie d'une contestation relative à la notification du 18 mai 2016 » aurait dû en conclure que le différent dont elle était saisie ne portait que sur les prestations servies entre le 10 jui 2013 (point de départ du service de la pension octroyée par la décision contestée du 3 septembre 2013) et le 8 novembre 2013, (point de départ du service de la pension octroyée par la décision non contestée du 18 mai 2016) ; qu'aussi en mettant à la charge de la caisse le paiement d'un complément de pension d'invalidité pour la période échue depuis le 8 novembre 2013 jusqu'en août 2019 inclus, la cour d'appel a violé l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des dispositions des articles 4 du code de procédure civile et R. 142-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, applicable au litige, que le juge du contentieux de la sécurité sociale est juge du litige qui lui est soumis par les parties, dont l'objet est déterminé par les demandes respectives de celles-ci.

7. L'arrêt retient, après avoir rappelé que la cour d'appel était saisie d'un recours contre la décision du 3 septembre 2013 de liquidation de la pension d'invalidité de l'assuré, ainsi que d'une demande de paiement du solde dû, que l'assuré est fondé à obtenir une pension d'invalidité de deuxième catégorie de 15 834,62 euros à compter du 8 novembre 2013, et fait droit à la demande de celui-ci de paiement de la somme de 32 447,10 euros à titre de complément de pension d'invalidité pour la période échue à compter du 8 novembre 2013 jusqu'en août 2019 inclus.

8. De ces constatations, la cour d'appel, qui était régulièrement saisie d'un litige portant sur le calcul de la pension d'invalidité de l'assuré, et d'une demande de paiement du solde dû a, à bon droit, statué sur ces demandes, la décision modificative de la caisse intervenue en cours d'instance étant sans incidence sur l'objet du litige.

9. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. La caisse formule les mêmes griefs, alors « que le montant de la pension d'invalidité est calculé sur la base des dix années d'assurance les plus avantageuses pour l'assuré ; que, pour la détermination du salaire annuel moyen servant de base au calcul de ladite pension, il convient de prendre en compte les salaires plafonnés qui ont été perçus par l'assuré ; que, lorsque le salarié a travaillé de façon discontinue dans le courant d'une année, il faut, dans la mesure où aucune disposition ne permet d'utiliser la part de salaire supérieure au plafond de sécurité sociale d'une période de travail pour compenser des périodes sans salaire ou des périodes pour lesquelles le salaire est inférieur au plafond de sécurité sociale, écarter l'application du plafond annuel pour retenir soit un plafond mensuel soit un plafond proratisé au nombre de jours travaillés lorsque le contrat de travail avait été inférieur à un mois ; qu'en l'espèce, l'assuré n'ayant jamais contesté avoir exercé, pendant plusieurs années, son activité de VRP de façon discontinue, la cour d'appel n'a pu décider qu'il y avait lieu, pour procéder au calcul de la pension de l'assuré, d'appliquer le plafond annuel de la sécurité sociale sans violer les articles L. 243-1, L. 341-6, R. 341-4, R. 341-11, R. 351-9 et R. 351-12 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale que le salaire annuel moyen retenu pour le calcul de la pension d'invalidité est déterminé, selon les modalités précisées par l'article R. 341-11 du même code et pour chacune des dix années civiles retenues à cette fin, en fonction de l'ensemble des sommes et avantages assujettis aux cotisations d'assurances sociales dans la limite du plafond annuel de cotisations.

12. L'arrêt énonce qu'il convient de retenir les montants de salaires justifiés par l'assuré ainsi que son calcul lequel tient compte du plafond annuel de la sécurité sociale et du coefficient de revalorisation, soit un total de 316 692,39 euros au titre des dix meilleures années représentant un salaire annuel moyen de 31 669,24 euros. Il ajoute que le mode de calcul de la pension ne fait pas l'objet de contestation en son principe de sorte que l'assuré est fondé à obtenir une pension d'invalidité de deuxième catégorie de 31 669,24 euros / 2, soit un montant de 15 834,62 euros à compter du 8 novembre 2013.

13. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que seul le plafond annuel de la sécurité sociale devait être appliqué pour la détermination du salaire annuel moyen servant de base au calcul de la pension d'invalidité, sans considération de la périodicité de la paie.

14. Le moyen n'est, dés lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 4 du code de procédure civile ; article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012 ; articles R. 341-4 et R. 341-11 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 16-15.948, Bull. 2017, II, n° 90 (rejet), et l'arrêt cité. 2e Civ., 16 février 2012, pourvoi n° 10-27.018, Bull. 2012, II, n° 30 (cassation).

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-13.328, (B)

Cassation

Contentieux général – Procédure – Convocation des parties – Partie ne comparaissant pas à une première audience – Convocation à une nouvelle audience par lettre recommandée – Nécessité

Selon le I de l'article R. 142-10-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le greffe du tribunal avise par tous moyens le demandeur des lieu, jour et heure de l'audience et convoque le défendeur par lettre simple, quinze jours au moins avant la date de l'audience. Si la partie convoquée par lettre simple ne comparaît pas, le greffe la convoque à nouveau par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Par suite, viole ce texte le tribunal qui statue sur le litige en se bornant à relever que la demanderesse, régulièrement convoquée, n'est pas comparante ni représentée, alors que celle-ci ayant été convoquée par lettre simple, il lui appartenait de faire procéder à une nouvelle convocation de la demanderesse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Marseille, 7 mai 2019), rendu en dernier ressort, la caisse de mutualité sociale agricole Provence-Azur (la caisse) a délivré, le 14 novembre 2017, à Mme [Y] (l'allocataire) une mise en demeure de payer une certaine somme au titre d'un indu de prestations familiales.

2. L'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 14 du code de procédure civile et R. 142-10-3 du code de la sécurité sociale, ce dernier, dans sa rédaction résultant du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige :

4. Selon le I du second de ces textes, le greffe avise par tous moyens le demandeur des lieu, jour et heure de l'audience et convoque le défendeur par lettre simple, quinze jours au moins avant la date de l'audience. Si la partie convoquée par lettre simple ne comparaît pas, le greffe la convoque à nouveau par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

5. Pour statuer sur le recours formé par l'allocataire, le jugement se borne à relever que celle-ci, régulièrement convoquée, n'est pas comparante ni représentée et qu'elle ne fait valoir aucune pièce ni aucun argument de nature à faire échec aux conclusions de la caisse.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que l'allocataire avait été convoquée par lettre simple, de sorte que, constatant qu'elle n'avait pas comparu, il lui appartenait de faire procéder à une nouvelle convocation de l'allocataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 mai 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Marseille ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Marseille.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Boulloche -

Textes visés :

Article R. 142-10-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.

Rapprochement(s) :

Soc., 23 mai 1991, pourvoi n° 88-18.370, Bull. 1991, V, n° 263 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 3 juin 2021, n° 19-25.571, (P)

Rejet

Contentieux général – Procédure – Procédure gratuite et sans frais – Application dans le temps de la réforme issue du décret 2018-928 du 29 octobre 2018 – Règles de procédure – Application immédiate – Portée

En application de l'article 2 du code civil et de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, les dispositions de ce texte abrogeant l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale sont d'application immédiate aux instances en cours et ne contreviennent pas au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires. En outre, l'application immédiate de l'article 696 du code de procédure, en raison de cette même abrogation, n'a pas pour effet de restreindre, de manière disproportionnée, au regard des objectifs de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers publics poursuivi par le décret susvisé, le droit des requérants à un procès équitable et ne porte ainsi atteinte ni au droit d'accès effectif au juge ni au principe de sécurité juridique.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 octobre 2019), M. [W], salarié de la société de travail intérimaire LMI BTP et manutention, devenue la société LMI multi-services (l'employeur), a déclaré avoir été victime d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, après enquête, par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 1] du 11 février 2013.

2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la décision de prise en charge des conséquences financières de l'accident subi par son salarié, alors :

« 1°/ qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés ; que la décision de prise en charge d'un accident est inopposable à l'employeur lorsque la caisse, qui a estimé nécessaire de procéder à une mesure d'instruction, a envoyé un questionnaire au salarié, mais qu'elle n'a pas procédé à cet envoi auprès de l'employeur ; qu'en retenant, pour dire la décision de prise en charge opposable à la société Lmi, qu'en l'absence de réserves motivées de l'employeur, la CPAM n'était pas tenue d'adresser à l'employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l'accident quand, peu important l'existence ou non des réserves, dès lors qu'elle avait procédé à une enquête et envoyé un questionnaire au salarié et non à l'employeur, la décision de la CPAM était inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 ;

2°/ que les principes du contradictoire et d'égalité des armes, ainsi que le principe de loyauté qui s'impose aux organismes de sécurité sociale, impliquent que la caisse de sécurité sociale, qui procède à une enquête à la suite d'une déclaration d'accident du travail, doit mettre en mesure le salarié et l'employeur de répondre dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités aux questions posées ; qu'en retenant néanmoins que le contradictoire avait été respecté par la CPAM du [Localité 1] au cours de l'enquête dès lors que, si le salarié avait reçu un questionnaire précis et que ce n'était pas le cas de l'employeur, ce dernier avait été interrogé par la caisse par téléphone, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, les modalités d'instruction par les services d'un organisme social d'une demande de prise en charge d'un accident ou d'une maladie au titre de la législation professionnelle ne sont pas comprises dans le champ d'application des stipulations de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le moyen est dès lors, sur ce point, inopérant.

5. D'autre part, il résulte de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable au litige, qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux.

6. Ayant constaté que la caisse avait adressé un questionnaire à la victime et procédé à un entretien téléphonique avec l'un des préposés de l'employeur, l'arrêt relève qu'il ressortait de l'enquête administrative que cet entretien avait permis de recueillir des éléments d'information complets et pertinents. Il en déduit que la caisse a loyalement respecté le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l'employeur et de la victime selon les modalités qu'il lui appartenait de fixer.

7. Par ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a retenu que la demande de prise en charge avait été régulièrement instruite à l'égard de l'employeur.

8. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

La société fait grief à l'arrêt de la condamner aux dépens de l'instance, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ; que dans ses conclusions écrites, développées oralement à l'audience la CPAM du [Localité 1] se bornait à solliciter la confirmation du jugement sans solliciter de condamnation aux dépens (arrêt p. 3, alinéas 2 et 3) et n'invoquaient pas l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ? aux termes desquelles la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite, qu'en retenant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, qu'au regard de l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10, abrogation applicable aux instances en cours en application de l'article 17, III, du décret du 29 octobre 2018, il convenait de condamner la société LMI aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que les principes de sécurité juridique et de prévisibilité de la règle de droit, composants du droit à un procès équitable, impliquent notamment que le justiciable soit à même de prévoir à un degré raisonnable les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé ; que si l'exercice du pouvoir réglementaire implique, pour son détenteur, la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante, c'est sous réserve du respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions ; que l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, prévoyant l'application immédiate aux instances en cours des dispositions de procédure, méconnaît ces principes en ce qu'il implique l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale prévoyant la gratuité de la procédure suivie devant les juridictions de sécurité sociale et l'application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile prévoyant la condamnation de la partie perdante aux dépens, y compris aux instances engagées par des actes antérieurs à l'entrée en vigueur du décret ; qu'en faisant dès lors application immédiate des dispositions de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 pour condamner la société LMI aux dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, de l'instance d'appel engagée par acte du 29 mai 2018, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret susvisé, la cour d'appel a violé les principes susvisés ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, en application de l'article 2 du code civil et de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, les dispositions de ce texte abrogeant l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale sont d'application immédiate aux instances en cours et ne contreviennent pas au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires.

En outre, l'application immédiate de l'article 696 du code de procédure, en raison de cette même abrogation, n'a pas pour effet de restreindre, de manière disproportionnée, au regard des objectifs de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers public poursuivi par le décret susvisé, le droit des requérants à un procès équitable et ne porte ainsi atteinte ni au droit d'accès effectif au juge ni au principe de sécurité juridique.

10. En second lieu, tenu de statuer sur les dépens, le juge doit, en application de l'article 696 du code de procédure civile, même en l'absence de toute demande des parties et sauf décision motivée de sa part, condamner la partie perdante aux dépens. C'est ainsi sans manquer au principe de la contradiction que la cour d'appel a mis les dépens à la charge de la société.

11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ; article 2 du code civil ; article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ; article 696 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-18.774, Bull. 2017, II, n° 162 (rejet), et l'arrêt cité.

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