Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-14.904, (B)

Cassation partielle

Cotisations – Taux – Fixation – Eléments de calcul pris en compte – Modification par une décision de justice ultérieure – Définition – Exclusion – Cas – Décision ultérieure de la caisse

Il résulte de la combinaison des articles L. 242-5, R.141-21 et D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions respectivement applicables au litige, que le taux de la cotisation due au titre des risques professionnels est déterminé annuellement et revêt, s'il n'est pas contesté dans le délai de deux mois de sa notification par l'organisme social, un caractère définitif, sauf si une décision de justice ultérieure vient en modifier le calcul.

Par suite, encourt la cassation l'arrêt qui ordonne à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) de procéder à la révision de taux de cotisations définitifs, en se fondant sur une décision ultérieure de la CARSAT d'inscription au compte spécial des coûts moyens d'une maladie professionnelle, qui figurait jusqu'alors au compte employeur de la société cotisante.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 22 janvier 2020), rendu en dernier ressort, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Nord-Picardie, aux droits de laquelle vient la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail des Hauts-de-France (la CARSAT) a inscrit sur le compte employeur 2013 de la société Nord France constructions (la société) les frais relatifs à la maladie professionnelle déclarée par son salarié, M. [A] (la victime), prise en charge à compter du 15 février 2013, puis a mis à la charge de la société des taux de cotisations pour les années 2015, 2016 et 2017 prenant en compte les conséquences financières de cette affection.

2. Le 16 mars 2018, la société a demandé que les coûts moyens correspondants à cette maladie soient inscrits au compte spécial.

3. La CARSAT ayant, par décision du 5 décembre 2018, fait droit à la demande d'inscription au compte spécial et retiré du compte employeur les coûts moyens d'incapacité temporaire et permanent correspondant à la maladie de son salarié, notifié à la société un taux de cotisation pour l'année 2018 prenant en compte cette modification, mais déclaré forclos le recours de la société portant sur la modification en conséquence des taux de cotisations pour les exercices 2015, 2016 et 2017, celle-ci a saisi la juridiction de la tarification d'un recours.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La CARSAT fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par la société Nord France constructions contre les décisions de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Nord-Picardie, ayant imputé sur son compte employeur 2013 les frais relatifs à la maladie professionnelle de la victime du 15 février 2013, au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, de déclarer ce recours bien fondé, de faire droit à la demande de la société Nord France constructions tendant à la rectification de son taux de cotisations pour les exercices 2015, 2016 et 2017, et de lui ordonner d'opérer un nouveau calcul des taux de cotisations notifiés à la société Nord France constructions pour les exercices 2015, 2016 et 2017 compte tenu du retrait de son compte employeur 2013 des frais liés à la maladie professionnelle de la victime du 15 février 2013 et de rectifier les taux impactés en conséquence, alors :

« 1°/ que la forclusion résultant de l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale ne peut être écartée que lorsque, postérieurement au délai de deux mois prévu à cet article, une décision de justice affectant les éléments servant de base au calcul du taux de cotisations est intervenue ; que la décision d'une CARSAT rendue sur recours gracieux de l'employeur et modifiant les éléments de calcul du taux de cotisations ne constitue pas une décision de justice au sens de ce texte ; qu'en jugeant que la décision prise par la caisse, le 9 mai 2018 [lire le 5 septembre 2018], sur recours gracieux de l'employeur de rectifier les éléments de calcul du taux de cotisations de l'exercice 2018 remettait en cause les taux de cotisations mis à la charge de la société pour les exercices 2015 à 2017 en application des dispositions de l'article D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale, issu du décret du 5 juillet 2010, la CNITAAT a violé ledit article, ensemble l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale ;

2°/ subsidiairement qu'en l'absence d'indication expresse contraire, la décision d'une CARSAT, rendue sur recours gracieux, de modifier les éléments de calcul du taux de cotisations pour une année déterminée se limite au seul exercice révisé et n'emporte aucune conséquence sur les taux des années précédentes devenus définitifs, faute de recours dans les délais ; qu'en estimant que la décision rendue par la CARSAT le 9 mai 2018 [lire le 5 septembre 2018] rectifiant les éléments de calcul du taux de cotisations de l'exercice 2018 remettait en cause les taux de cotisations des exercices 2015 à 2017, devenus définitifs, la CNITAAT a violé les articles L.242-5 et R.143-21 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-5, R.141-21 et D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions respectivement applicables au litige :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes que le taux de la cotisation due au titre des risques professionnels est déterminé annuellement et revêt, s'il n'est pas contesté dans le délai de deux mois de sa notification par l'organisme social, un caractère définitif, sauf si une décision de justice ultérieure vient en modifier le calcul.

6. Pour faire droit à la demande de la société et ordonner à la CARSAT de procéder à un nouveau calcul des taux de cotisations litigieux, l'arrêt retient qu'en application de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, les taux de cotisations mis à la charge de la société pour les exercices 2015 à 2017 sont remis en cause par la propre décision de la CARSAT, en date du 9 mai 2018, qui en modifie les éléments de calcul, et que dès lors, celle-ci ne peut opposer à la société le caractère définitif des notifications des taux des années 2015 à 2017, et doit les rectifier.

7. En statuant ainsi, la Cour nationale a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours formé par la société Nord France constructions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2020, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 242-5, R.141-21 et D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Soc., 11 juillet 2002, pourvoi n° 00-17.891, Bull. 2002, V, n° 260 (cassation) ; 2e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-26.187, Bull. 2016, II, n° 254 (cassation).

2e Civ., 24 juin 2021, n° 19-24.945, (B)

Cassation partielle

Imputabilité – Présomption – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. La présomption d'imputabilité s'étend aux lésions constatées jusqu'à la date de consolidation.

Cette présomption d'imputabilité s'étend à toute la période d'incapacité de travail précédant soit la guérison, soit la consolidation de l'état de la victime. Il appartient à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 octobre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (la caisse) ayant pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont M. [A], son salarié, a déclaré avoir été victime le 28 février 2017, la société Maille verte des Vosges (l'employeur) a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge de l'accident du 28 février 2017 et des arrêts de travail successifs à compter du 15 juin 2017, alors « que la présomption d'imputabilité énoncée à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale s'étend aux lésions constatées jusqu'à la date de consolidation ; qu'en se fondant, pour écarter la présomption d'imputabilité, sur la seule circonstance que les lésions de l'épaule droite ont été constatées onze jours après que M. [A] a ressenti une vive douleur à l'épaule droite au temps et au lieu de travail à la suite d'un geste soudain, sans constater qu'à cette date, et à la suite de l'accident du 28 février 2017, l'état de l'assuré pouvait être considéré comme consolidé, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :

3. Il résulte de ce texte que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.

La présomption d'imputabilité s'étend aux lésions constatées jusqu'à la date de consolidation.

4. Cette présomption d'imputabilité s'étend à toute la période d'incapacité de travail précédant soit la guérison, soit la consolidation de l'état de la victime. Il appartient à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve de la continuité des symptômes et des soins.

5. Pour écarter la présomption d'imputabilité, l'arrêt retient que ce n'est que le 11 mars 2017 qu'un traumatisme indirect de l'épaule droite dû à l'effort et une tendinopathie du sus-épineux de l'épaule droite ont été médicalement constatés sur la victime, soit onze jours après qu'elle a ressenti une douleur à l'épaule sur son lieu de travail suite à une manipulation, douleur mentionnée sur le registre d'accidents de l'entreprise le 1er mars 2017 ainsi que sur la déclaration d'accident faite par l'employeur.

6. En statuant ainsi, sans caractériser la date d'apparition des lésions au regard de celle de la consolidation de l'état de la victime, ni faire ressortir l'absence de continuité des symptômes et des soins, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours de la société Maille verte des Vosges recevable, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-19.160, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 24 juin 2021, n° 19-25.433, (B)

Rejet

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie – Envoi à l'employeur – Critères – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison des articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale que, lorsque la décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de prolonger l'instruction ne résulte pas de la nécessité de l'envoi d'un questionnaire ou de la réalisation d'une enquête, la caisse est seulement tenue d'informer les parties en temps utile du report de sa décision et de les informer, une fois l'instruction achevée, de la faculté pour elles de consulter le dossier.

L'arrêt relève que l'envoi d'un questionnaire n'est prévu qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si la caisse l'estime nécessaire, que l'employeur n'a émis aucune réserve lors de l'établissement de la déclaration d'accident du travail, que la caisse n'a pas estimé nécessaire de diligenter une enquête et que la société ne s'est pas déplacée pour venir consulter le dossier, comme il lui a été proposé par courrier de la caisse du 18 février 2014.

De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, faisant ressortir que la prolongation du délai, décidée par la caisse, n'avait pas eu pour objet de procéder à une mesure d'instruction au sens de l'article L. 411-11 du code de la sécurité sociale, en a exactement déduit que la caisse n'était pas tenue d'envoyer un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 octobre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) a pris en charge le 11 mars 2014, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime l'un des salariés de la société Keolis Bordeaux (l'employeur), le 8 janvier 2014, puis la nouvelle lésion mentionnée sur le certificat médical de prolongation établi le 17 février 2014.

2. L'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale pour contester l'imputation à son compte employeur des conséquences financières de la prise en charge de l'accident litigieux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours et de lui déclarer opposable la totalité des soins et arrêts de travail prescrits ensuite de l'accident du travail du 8 janvier 2014 et de le débouter de sa demande relative à l'irrégularité de la procédure d'instruction du dossier, alors :

« 1°/ que lorsqu'une CPAM prend l'initiative d'instruire une déclaration d'accident du travail, elle est tenue, avant d'arrêter sa décision, de solliciter l'avis de l'employeur sur les circonstances ou les causes de celui-ci ; que l'envoi à l'employeur d'un avis de clôture de l'instruction destiné à l'inviter à consulter les pièces du dossier constitué par la CPAM établit l'existence d'une instruction ; qu'au cas présent, la société Keolis Bordeaux sollicitait l'inopposabilité de la décision prise en charge en faisant valoir que la caisse n'avait pas pris attache auprès d'elle au cours de l'instruction ; que pour rejeter cette prétention, la cour d'appel, après avoir relevé que la caisse avait constitué un dossier d'instruction et adressé un avis de clôture d'instruction à l'employeur, a estimé que la caisse avait arrêté sa décision de prise en charge d'emblée sans procéder à une instruction de la déclaration et n'était donc pas tenue de respecter le principe du contradictoire ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'organisme de sécurité sociale avait procédé à une instruction en constituant un dossier et en adressant un avis de clôture à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale issue du décret du 29 juillet 2009 ;

2°/ que lorsqu'une CPAM prend l'initiative d'instruire une déclaration d'accident du travail, elle est tenue, avant d'arrêter sa décision, de solliciter les observations de l'employeur sur les circonstances ou les causes de celui-ci ; que, selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le délai imparti à la caisse pour statuer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie ne peut être prolongé que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire ; qu'il s'ensuit que lorsque la caisse décide de prolonger le délai pour prendre sa décision, elle procède nécessairement à une instruction et doit soit adresser à l'employeur un questionnaire, soit prendre contact ; qu'au cas présent, la société Keolis Bordeaux sollicitait l'inopposabilité de la décision prise en charge en faisant valoir que la caisse

n'avait pas pris attache auprès d'elle au cours de l'instruction ; qu'elle rappelait avoir été destinataire d'un courrier de prolongation de l'instruction adressée par la CPAM daté du 10 février 2014 ; qu'en rejetant la prétention de l'employeur au motif que la caisse avait arrêté sa décision de prise en charge d'emblée sans procéder à une enquête, sans rechercher si le courrier de prolongation du 10 février 2014 ne caractérisait pas l'existence d'une instruction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.

5. Aux termes de l'article R. 441-14, premier alinéa, du même code, dans sa rédaction issue du décret susmentionné, applicable au litige, la caisse doit informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque la décision de la caisse de prolonger l'instruction ne résulte pas de la nécessité de l'envoi d'un questionnaire ou de la réalisation d'une enquête, la caisse est seulement tenue d'informer les parties en temps utile du report de sa décision et de les informer, une fois l'instruction achevée, de la faculté pour elles de consulter le dossier.

7. L'arrêt relève que l'envoi d'un questionnaire n'est prévu qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si la caisse l'estime nécessaire, que l'employeur n'a émis aucune réserve lors de l'établissement de la déclaration d'accident du travail, que la caisse n'a pas estimé nécessaire de diligenter une enquête et que la société ne s'est pas déplacée pour venir consulter le dossier, comme il lui a été proposé par courrier de la caisse du 18 février 2014.

8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, faisant ressortir que la prolongation du délai, décidée par la caisse, n'avait pas eu pour objet de procéder à une mesure d'instruction au sens de l'article L. 411-11 du code de la sécurité sociale, en a exactement déduit que la caisse n'était pas tenue d'envoyer un questionnaire ou de procéder à une enquête auprès des intéressés.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-18.774, Bull. 2017, II, n° 162 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 3 juin 2021, n° 19-25.571, (P)

Rejet

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie – Envoi à l'employeur – Nécessité – Effet

Il résulte de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux.

Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, ayant constaté que la caisse avait adressé un questionnaire à la victime et procédé à un entretien téléphonique avec l'un des préposés de l'employeur et relevé qu'il ressortait de l'enquête administrative que cet entretien avait permis de recueillir des éléments d'information complets et pertinents, en a déduit que la caisse avait loyalement respecté le principe du contradictoire.

Procédure – Procédure préliminaire – Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Respect du principe de la contradiction – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 octobre 2019), M. [W], salarié de la société de travail intérimaire LMI BTP et manutention, devenue la société LMI multi-services (l'employeur), a déclaré avoir été victime d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, après enquête, par décision de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 1] du 11 février 2013.

2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la décision de prise en charge des conséquences financières de l'accident subi par son salarié, alors :

« 1°/ qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés ; que la décision de prise en charge d'un accident est inopposable à l'employeur lorsque la caisse, qui a estimé nécessaire de procéder à une mesure d'instruction, a envoyé un questionnaire au salarié, mais qu'elle n'a pas procédé à cet envoi auprès de l'employeur ; qu'en retenant, pour dire la décision de prise en charge opposable à la société Lmi, qu'en l'absence de réserves motivées de l'employeur, la CPAM n'était pas tenue d'adresser à l'employeur un questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l'accident quand, peu important l'existence ou non des réserves, dès lors qu'elle avait procédé à une enquête et envoyé un questionnaire au salarié et non à l'employeur, la décision de la CPAM était inopposable à l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019 ;

2°/ que les principes du contradictoire et d'égalité des armes, ainsi que le principe de loyauté qui s'impose aux organismes de sécurité sociale, impliquent que la caisse de sécurité sociale, qui procède à une enquête à la suite d'une déclaration d'accident du travail, doit mettre en mesure le salarié et l'employeur de répondre dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités aux questions posées ; qu'en retenant néanmoins que le contradictoire avait été respecté par la CPAM du [Localité 1] au cours de l'enquête dès lors que, si le salarié avait reçu un questionnaire précis et que ce n'était pas le cas de l'employeur, ce dernier avait été interrogé par la caisse par téléphone, la cour d'appel a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, les modalités d'instruction par les services d'un organisme social d'une demande de prise en charge d'un accident ou d'une maladie au titre de la législation professionnelle ne sont pas comprises dans le champ d'application des stipulations de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le moyen est dès lors, sur ce point, inopérant.

5. D'autre part, il résulte de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable au litige, qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux.

6. Ayant constaté que la caisse avait adressé un questionnaire à la victime et procédé à un entretien téléphonique avec l'un des préposés de l'employeur, l'arrêt relève qu'il ressortait de l'enquête administrative que cet entretien avait permis de recueillir des éléments d'information complets et pertinents. Il en déduit que la caisse a loyalement respecté le principe du contradictoire en enquêtant auprès de l'employeur et de la victime selon les modalités qu'il lui appartenait de fixer.

7. Par ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, a retenu que la demande de prise en charge avait été régulièrement instruite à l'égard de l'employeur.

8. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

La société fait grief à l'arrêt de la condamner aux dépens de l'instance, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ; que dans ses conclusions écrites, développées oralement à l'audience la CPAM du [Localité 1] se bornait à solliciter la confirmation du jugement sans solliciter de condamnation aux dépens (arrêt p. 3, alinéas 2 et 3) et n'invoquaient pas l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale ? aux termes desquelles la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite, qu'en retenant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, qu'au regard de l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10, abrogation applicable aux instances en cours en application de l'article 17, III, du décret du 29 octobre 2018, il convenait de condamner la société LMI aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que les principes de sécurité juridique et de prévisibilité de la règle de droit, composants du droit à un procès équitable, impliquent notamment que le justiciable soit à même de prévoir à un degré raisonnable les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé ; que si l'exercice du pouvoir réglementaire implique, pour son détenteur, la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante, c'est sous réserve du respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions ; que l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, prévoyant l'application immédiate aux instances en cours des dispositions de procédure, méconnaît ces principes en ce qu'il implique l'abrogation des dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale prévoyant la gratuité de la procédure suivie devant les juridictions de sécurité sociale et l'application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile prévoyant la condamnation de la partie perdante aux dépens, y compris aux instances engagées par des actes antérieurs à l'entrée en vigueur du décret ; qu'en faisant dès lors application immédiate des dispositions de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 pour condamner la société LMI aux dépens, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, de l'instance d'appel engagée par acte du 29 mai 2018, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret susvisé, la cour d'appel a violé les principes susvisés ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, en application de l'article 2 du code civil et de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, les dispositions de ce texte abrogeant l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale sont d'application immédiate aux instances en cours et ne contreviennent pas au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires.

En outre, l'application immédiate de l'article 696 du code de procédure, en raison de cette même abrogation, n'a pas pour effet de restreindre, de manière disproportionnée, au regard des objectifs de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers public poursuivi par le décret susvisé, le droit des requérants à un procès équitable et ne porte ainsi atteinte ni au droit d'accès effectif au juge ni au principe de sécurité juridique.

10. En second lieu, tenu de statuer sur les dépens, le juge doit, en application de l'article 696 du code de procédure civile, même en l'absence de toute demande des parties et sauf décision motivée de sa part, condamner la partie perdante aux dépens. C'est ainsi sans manquer au principe de la contradiction que la cour d'appel a mis les dépens à la charge de la société.

11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ; article 2 du code civil ; article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ; article 696 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-18.774, Bull. 2017, II, n° 162 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-12.387, (B)

Rejet

Tiers responsable – Recours de l'employeur – Faute inexcusable – Prescription de l'action – Inopposabilité

L'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale ne fait pas obstacle à ce qu'un tiers, s'il y a intérêt, intervienne à l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou y soit attrait, aux conditions prévues par les articles 330 et 331 du code de procédure civile. Dès lors, le tiers, dont la faute a concouru à la réalisation du dommage subi par un salarié, victime d'un accident du travail dû à une faute inexcusable de son employeur au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, est irrecevable, à l'occasion du recours en garantie exercé à son encontre devant la juridiction de droit commun par l'employeur ou l'assureur de ce dernier, à invoquer la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable établie à l'issue d'une instance à laquelle il était partie.

Prescription – Prescription biennale – Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale – Fin de non-recevoir – Recevabilité – Cas – Recours en garantie contre le tiers-responsable – Prescription de l'action en faute inexcusable invoqué par le tiers responsable

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 22 octobre 2019), [L] [K] (la victime), salarié de la société Ami Champagne (l'employeur) en qualité de technicien de maintenance industrielle, a été victime d'un accident mortel du travail, le 10 janvier 2006, sur le site de la société Malteurop (le tiers) sur lequel il effectuait des travaux de maintenance.

2. Par un arrêt du 15 décembre 2010 de la cour d'appel de Reims, l'employeur et le tiers ont été déclarés coupables d'homicide involontaire.

3. Par un arrêt de la cour d'appel de Reims du 2 mars 2016, et un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Reims du 25 novembre 2016, déclarés opposables au tiers, la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident a été reconnue et les parents de la victime d'une part, la compagne et la fille mineure de la victime d'autre part, ont été indemnisés de leurs préjudices.

4. La société Areas dommages, assureur de l'employeur (l'assureur), a saisi une juridiction civile d'une action en partage de responsabilité dirigée à l'encontre du tiers.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société Malteurop fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit garantir l'assureur à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à son encontre, et de la condamner en conséquence à lui payer une certaine somme, alors « que d'une part, si le délai de prescription biennale de l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable est interrompu par l'exercice de l'action pénale et la saisine de l'organisme social aux fins de conciliation, l'effet interruptif n'est acquis qu'à la condition que l'action soit engagée avant l'expiration du délai de deux ans ; que l'exposante objectait que le délai de prescription ayant couru à compter du 10 janvier 2006, jour de l'accident, expirait le 10 janvier 2008 et que ni l'action pénale, exercée le 17 novembre 2009, ni la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable ayant donné lieu à un procès-verbal de non conciliation du 28 janvier 2010 n'avaient été introduites dans le délai de deux ans ; qu'en se bornant, pour écarter la prescription, à retenir que la décision pénale définitive était intervenue avec l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 novembre 2011 et que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable avait également été interrompue par la saisine de l'organisme social aux fins de conciliation, qui avait eu lieu le 7 mars 2011 dans l'instance introduite par la mère de la victime, sans vérifier, ainsi qu'il lui était demandé, si l'action pénale et la procédure en reconnaissance de faute inexcusable avaient été mises en oeuvre avant l'expiration du délai de deux ans à compter de la date l'accident, soit avant le 10 janvier 2008, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

7. L'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale ne fait pas obstacle à ce qu'un tiers, s'il y a intérêt, intervienne à l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou y soit attrait, aux conditions prévues par les articles 330 et 331 du code de procédure civile. Dès lors, le tiers dont la faute a concouru à la réalisation du dommage subi par un salarié, victime d'un accident du travail dû à une faute inexcusable de son employeur au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, est irrecevable, à l'occasion du recours en garantie exercé à son encontre devant la juridiction de droit commun par l'employeur ou l'assureur de ce dernier, à invoquer la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable établie à l'issue d'une instance à laquelle il était partie.

8. L'arrêt constate que le litige oppose l'assureur de l'employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue par deux décisions juridictionnelles, au tiers co-responsable de l'accident, pour la détermination de la part de responsabilité de chacun.

9. Il en résulte que ce tiers est irrecevable à invoquer, à l'occasion de l'instance en garantie, la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 431-2 et L 452-4 du code de la sécurité sociale ; articles 330 et 331 du code de procédure civile.

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