Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-13.944, (B)

Cassation partielle

Assujettissement – Généralités – Conditions – Lien de subordination – Présomption – Présomption légale de non-salariat – Preuve contraire – Charge – Détermination – Portée

Selon l'article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale, les personnes physiques mentionnées à l'article L.8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Dès lors, il appartient à l'organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non-salariat, de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 29 novembre 2019), à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par l'Office de la culture du Lamentin (le cotisant), pour les années 2007 à 2009, la Caisse générale de la sécurité sociale de la Martinique (la caisse) a adressé à celui-ci une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure.

2. Le cotisant a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en ses deux dernières branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le redressement du chef des formateurs enseignants, concernant la période de 2007 à 2009, alors « que les mentions du procès-verbal des agents de contrôle font foi jusqu'à preuve contraire, qu'en lui reprochant de ne pas démontrer que les formateurs bénéficiaires de la présomption de non-salariat avaient fourni leurs prestations au cotisant dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à son égard après avoir pourtant relevé qu'elle avait constaté que le cotisant utilisait les services de ces personnes pour des activités d'encadrement et de formation, moyennant le versement d'un salaire et que ces personnes utilisaient les locaux mis à leur disposition par cette dernière et enseignaient à sa clientèle, la cour d'appel a méconnu la valeur probante du procès-verbal de la caisse qui établissait

l'existence de ce lien de subordination juridique permanente entre les formateurs et le cotisant, en violation des articles L. 243-7, L. 242-1 du code de sécurité sociale et de l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1353 du code civil, L. 242-1, L. 311-11, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et L. 8221-6, I, du code du travail, le deuxième et le quatrième dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :

5. Selon le troisième de ces textes, les personnes physiques mentionnées au dernier ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

6. Il en résulte qu'il appartient à l'organisme du recouvrement, pour procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non-salariat, de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination juridique entre le donneur d'ordre et cette personne.

7. Pour annuler le redressement opéré au titre des formateurs enseignants, l'arrêt attaqué énonce que selon l'article L. 120-3 du code du travail, devenu L. 8221-6 à compter du 1er mai 2008, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés, et que l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

8. L'arrêt relève que le cotisant produit les factures payées à des formateurs inscrits en qualité d'auto-entrepreneurs et affiliés à la caisse ou au régime des travailleurs indépendants, pour la période concernée par le redressement, et à jour de leurs cotisations, et qu'en l'état de cette présomption de non-salariat, il appartient à la caisse de démontrer que ces personnes ont fourni leurs prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du cotisant, ce qu'elle n'a pas fait.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher s'il ne résultait pas du procès-verbal établi au terme du contrôle opéré par l'URSSAF, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, que les formateurs avaient fourni leurs prestations au cotisant dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à son égard, après avoir pourtant relevé que le cotisant utilisait les services de ces personnes pour des activités d'encadrement et de formation, moyennant le versement d'un salaire, et que ces personnes utilisaient les locaux mis à leur disposition par cette dernière et enseignaient à sa clientèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le redressement à l'égard des formateurs enseignants, l'arrêt rendu le 29 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale ; article L. 8222-6, I, du code du travail.

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-11.044, (B)

Cassation

Caisse – Créances – Réduction – Précarité de la situation du débiteur – Office du juge

Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou en partie une demande de remise gracieuse d'une dette de prestations familiales formée en application de l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008), il appartient au juge d'apprécier si la situation du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause ou si une manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations l'excluent.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du pôle social du tribunal de grande instance de Brest, 20 mars 2019), rendue en dernier ressort, la caisse d'allocations familiales du Finistère (la caisse) a réclamé à Mme [X] (l'allocataire) le remboursement d'un trop perçu de prestations familiales d'un certain montant.

2. La caisse ayant partiellement accueilli sa demande de remise de dette, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, applicable au litige :

5. Selon ce texte, la créance de l'organisme de prestations familiales peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.

6. Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou en partie une demande de remise gracieuse d'une dette de prestations familiales, il appartient au juge d'apprécier si la situation du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause ou si une manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations l'excluent.

7. Pour déclarer irrecevable la requête formée par l'allocataire, l'ordonnance relève que celle-ci vise à réformer la décision de la caisse d'allocations familiales en date du 19 février 2019 ne lui accordant qu'une remise partielle de sa dette au titre du versement de prestations familiales indues, qu'il reste due la somme de 1 874,91 euros et que la décision précise qu'elle est définitive et ne peut être contestée. Il retient qu'il ressort de l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale que les caisses de sécurité sociale ont seules qualité pour réduire le montant de leurs créances autres que de cotisations et majorations de retard nées de l'application de la législation de sécurité sociale en cas de précarité de la situation du débiteur, le juge judiciaire n'ayant pas qualité pour statuer sur une telle demande.

8. En statuant ainsi, sur le fondement d'un texte inapplicable au litige, le président du tribunal, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 20 mars 2019, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Brest ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette décision et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Brest.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : Me Bertrand -

Textes visés :

Article L. 553-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : Soc., 6 mai 1993, pourvoi n° 91-14.531, Bull. 1993, V, n° 133 (cassation) ; Avis de la Cour de cassation, 28 novembre 2019, n° 19-70.019, Bull. 2019. A rapprocher : 2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 18-26.512, Bull. 2020, (rejet).

Soc., 2 juin 2021, n° 20-12.578, n° 20-12.584, n° 20-12.585, n° 20-12.586, n° 20-12.590, n° 20-12.591, n° 20-12.961, (P)

Cassation partielle

Cotisations – Assiette – Abattement pour frais professionnels – Déduction forfaitaire spécifique – Champ d'application – Etendue – Exclusion – Cas – Personnel navigant commercial – Portée

Les personnels navigants commerciaux, qui n'appartiennent pas à la liste des professions visées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, ne relèvent pas du champ d'application de la déduction forfaitaire spécifique.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-12.578, 20-12.584, 20-12.585, 20-12.586, 20-12.590, 20-12.591 et 20-12.961 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués ([Localité 2], 11 décembre 2019), M. [K] et six autres salariés de la société Air Corsica (la société), exerçant en qualité de personnel navigant commercial, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de leur contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier moyen, deuxième moyen, troisième moyen et cinquième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes en paiement d'un rappel de salaire pour les heures de vol comprises entre la cinquante-sixième et la soixante-huitième heure de vol, alors « que la convention et l'accord collectif de travail ne peuvent déroger aux dispositions légales qui revêtent un caractère d'ordre public telles les dispositions légales sur la rémunération des heures supplémentaires de travail ; que pour les personnels navigants de l'aéronautique civile, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aérien, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie au premier alinéa de l'article L. 3121-10 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile, déterminée par décret en Conseil d'Etat ; que par exception à l'article L. 3121-22 du même code, les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exception des remboursements de frais ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter le salarié de sa demande en rappel de salaires sur heures de vol, que le fait que le temps mensuel de vol avait été abaissé dans l'entreprise à 55 heures ne permettait pas de retenir que les heures de vol entre la 56e et la 68e heure devaient être décomptées comme heures supplémentaires et que quand la durée collective de travail était fixée à une durée inférieure à la durée légale, ou à la durée considérée comme équivalente, le décompte des heures supplémentaires, sauf dispositions plus favorables, ne s'effectuait qu'à compter de la durée légale, ou de la durée considérée comme équivalente, a violé l'article L. 2251-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6525-3 du code des transports. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 6525-3 du code des transports, pour les personnels navigants de l'aéronautique civile, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aérien, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie à l'article L. 3121-10, devenu L. 3121-27, du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile, déterminé par décret en Conseil d'Etat.

Les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exception des remboursements de frais.

6. Selon l'article D. 422-10 du code de l'aviation civile, il est admis qu'à la durée du travail effectif prévue à l'article L. 3121-10, devenu L. 3121-27, du code du travail, correspond une durée mensuelle de soixante-quinze heures de vol répartie sur l'année ou une durée mensuelle moyenne de soixante dix-huit heures de vol répartie sur l'année selon l'option choisie par l'entreprise.

7. Selon les articles L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3121-28 du code du travail, dans sa rédaction issue de cette loi, successivement applicables à la cause, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire, qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

8. La fixation par voie conventionnelle de la durée du travail applicable dans l'entreprise à un niveau inférieur à la durée légale n'entraîne pas, en l'absence de dispositions spécifiques en ce sens, l'abaissement corrélatif du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

9. La cour d'appel, qui a constaté que le temps mensuel de vol appliqué dans l'entreprise avait été abaissé à cinquante-cinq heures, a exactement décidé qu'en l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, les heures de vol entre la cinquante-sixième et la soixante-huitième heure ne pouvaient pas être décomptées comme heures supplémentaires.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariés une indemnité en réparation du préjudice subi par l'application d'une déduction forfaitaire spécifique illicite de 30 % et de le condamner aux dépens de l'instance d'appel, alors :

« 1°/ qu'un employeur ne commet aucun manquement à ses obligations susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis d'un salarié lorsque, pour le calcul des cotisations sociales, il opère sur la rémunération du personnel une déduction au titre des frais professionnels dans les conditions et les limites fixées par un arrêté ministériel dont les dispositions ont été interprétées et la mise en oeuvre conseillée tant par une instruction fiscale que par une circulaire de la direction de la sécurité sociale ; que le manquement, à le supposer établi, ne saurait être imputé à l'employeur qui s'est conformé aux instructions qui lui étaient données par les autorités fiscales et sociales compétentes pour en connaître, après consultation - et avis positif - des représentants du personnel ; qu'en retenant la responsabilité de la Compagnie Air Corsica au motif que les salariés auraient subi un préjudice, sans avoir caractérisé un manquement de l'employeur à ses obligations, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

2°/ que si les dérogations sont d'interprétation stricte, il n'est pas pour autant imposé d'en faire une interprétation littérale ; qu'en considérant que les personnels navigants commerciaux de type hôtesses-stewards et chefs de cabine ne sont pas inclus dans la liste des personnels navigants de l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts sans analyser l'interprétation donnée de ces dispositions par une instruction fiscale et par un avis de la direction de la sécurité sociale qui englobaient l'une et l'autre les stewards et hôtesses de l'air dans les personnels navigants susceptibles de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, en raison des caractéristiques communes aux frais engagés par l'ensemble de ces personnels navigants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la cour d'appel ne pouvait retenir l'existence d'un préjudice subi par les salariés, évalué à une certaine somme, sans rechercher, comme le commandaient les conclusions de la société Air Corsica, si, en bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique, les salariés n'avaient pas cotisé à leur régime de retraite sur la base d'une assiette qui, loin d'être diminuée comme ils le prétendaient, était au contraire plus importante puisqu'il était tenu compte de la prime de transport qui, hors déduction forfaitaire spécifique, n'entre pas dans l'assiette des cotisations au régime de retraite ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1231-1 du code civil ;

4°/ que si les juges du fond constatent l'existence d'un préjudice et procèdent à son évaluation dans le cadre de leur pouvoir souverain, ils n'en sont pas moins tenus de motiver leur décision et d'indiquer les éléments du préjudice retenu ; qu'en fixant à une certaine somme le montant des dommages-intérêts dus à la salariée tout en admettant que, si les salariés ont subi une minoration de leurs droits sociaux du fait de l'abattement pour frais professionnels, ils ont en revanche bénéficié d'un salaire supérieur du fait de ce même abattement et sans s'expliquer sur la consistance du préjudice et les éléments ayant présidé à son évaluation, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts.

13. Après avoir exactement décidé que les personnels navigants commerciaux, qui n'appartiennent pas à la liste des professions visées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, ne relevaient pas du champ de la déduction forfaitaire spécifique, la cour d'appel, qui a constaté que la compagnie aérienne avait mis en place une telle déduction, a ainsi caractérisé un manquement dans l'exécution du contrat de travail, peu important qu'elle ait suivi l'avis des autorités fiscales et sociales ou des représentants du personnel.

14. La cour d'appel, qui a d'abord examiné les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté une incidence négative sur les droits sociaux des salariés résultant de l'application injustifiée par l'employeur de la déduction forfaitaire spécifique. Elle a ensuite estimé que la compagnie aérienne avait causé aux salariés un préjudice, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

16. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leur demande en paiement d'un rappel d'indemnités journalières, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité, les juges du fond ne pouvant procéder par voie de simples affirmations ou de considérations générales et abstraites et devant apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité journalières maladie, à affirmer péremptoirement que la comparaison entre les dispositions légales et celles de l'article 55.02 de l'accord d'entreprise du 29 avril 2011 permettaient de retenir que les dispositions de l'accord d'entreprise sur ce point, appréciées dans leur globalité, étaient plus favorables aux salariés, sans même préciser quelles étaient les dispositions légales auxquelles elle se référait ni expliquer en quoi elle considérait que les dispositions de l'article 55.02 de l'accord d'entreprise du 29 avril 2011, appréciées dans leur globalité, étaient plus favorables aux salariés, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

17. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

18. Pour débouter les salariés de leur demande en paiement d'un rappel d'indemnités journalières pour maladie, l'arrêt retient que la comparaison entre les dispositions légales et celles de l'accord d'entreprise du 29 avril 2011 (en son article 55.02) permettent de retenir que les dispositions de l'accord d'entreprise sur ce point, appréciées dans leur globalité, sont plus favorables aux salariés.

19. En statuant ainsi, sans préciser en quoi les dispositions de l'accord d'entreprise pour l'indemnisation des arrêts maladie et d'accident de travail étaient plus favorables que celles prévues par l'article L. 1226-1 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident formé par la société Air Corsica ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent M. [K] et Mmes [M], [D], [O], [L], [C] et [W] de leur demande en paiement de rappel d'indemnités journalières, les arrêts rendus le 11 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 3121-22, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3121-28, dans sa rédaction issue de cette loi, successivement applicables à la cause ; article 5 de l'annexe IV du code général des impôts ; article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005.

Rapprochement(s) :

Sur les seuils déterminant le décompte des heures supplémentaires de droit commun en cas de modulation conventionnelle de la durée du travail, à rapprocher : Soc., 10 février 1998, pourvoi n° 95-42.334, Bull. 1998, V, n° 75 (4) (cassation partielle) ; Soc., 13 novembre 2014, pourvoi n° 13-10.721, Bull. 2014, V, n° 263 (cassation partielle).

2e Civ., 24 juin 2021, n° 20-11.723, (B)

Cassation

Cotisations – Assiette – Rémunérations – Définition – Exclusion – Sommes perçues par le gérant au titre de la location-gérance

Il résulte de la combinaison des articles L. 131-6 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale qu'une société ne peut être tenue au paiement des cotisations dues pour son gérant, lorsqu'il est assujetti au régime général en application de l'article L. 311-2 du même code, que sur la rémunération perçue par ce dernier en contrepartie ou à l'occasion de ses fonctions ;

Dès lors, viole les textes susvisés, la cour d'appel qui, pour juger que les redevances versées au titre de la location-gérance et perçues par le gérant de cette même société devaient être prises en compte au titre du régime général, énonce qu'elles constituent des rémunérations versées à l'occasion du travail, au sens de l'alinéa 1 de l'article L. 242-1 du code de sécurité sociale, sans qu'il soit nécessaire de faire application de l'avant-dernier alinéa de cette disposition relative aux revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de commerce, d'un établissement artisanal ou d'un établissement commercial ou industriel, alors qu'il résultait de ses constatations que le gérant ne percevait pas les sommes litigieuses en contrepartie ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de la société mais en exécution du contrat de location-gérance de sa clientèle au bénéfice de la société.

Cotisations – Assiette – Location-gérance – Loyers perçus par le locataire-gérant – Rémunérations – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 novembre 2019), M. [J] (le gérant) a donné, en location-gérance, sa clientèle à la société [G] [J] Limited, société de droit britannique (la société), moyennant le paiement d'une redevance.

2. A la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 et 2014, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Bourgogne (l'URSSAF) a notifié à la société, par lettre d'observations du 12 février 2016, un redressement portant sur la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, du montant de cette redevance, puis lui a notifié, le 8 avril 2016, une mise en demeure.

3. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 131-6, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, les deux premiers dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :

5. Il résulte de la combinaison des deux premiers de ces textes qu'une société ne peut être tenue au paiement des cotisations dues pour son gérant, lorsqu'il est assujetti au régime général en application du troisième, que sur la rémunération perçue par ce dernier en contrepartie ou à l'occasion de ses fonctions.

6. Pour juger que les redevances versées au titre de la location-gérance et perçues par le gérant devaient être prises en compte au titre du régime général, l'arrêt énonce qu'elles constituent des rémunérations versées à l'occasion du travail, au sens de l'alinéa 1er de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit nécessaire de faire application de l'avant-dernier alinéa de cette disposition relative aux revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de commerce, d'un établissement artisanal ou d'un établissement commercial ou industriel.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le gérant de la société ne percevait pas les sommes litigieuses en contrepartie ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de la société, mais en exécution de la convention de location-gérance de sa clientèle au bénéfice de la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 131-6, L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 février 2010, pourvoi n° 09-13.003, Bull. 2010, II, n° 25 (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-24.702.

2e Civ., 24 juin 2021, n° 19-21.852, (B)

Cassation

Cotisations – Exonération – Rémunérations versées aux aides à domicile – Domaine d'application – Détermination – Portée

Selon l'article L. 241-10, III, 3°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont exonérées de cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les rémunérations versées aux aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu dans les conditions prévues à l'article L. 1242-2 du code du travail, par les organismes habilités au titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale.

Selon l'article L. 312-1, I, 7°, du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ont le caractère d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux, qu'ils soient dotés ou non d'une personnalité morale propre, les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes adultes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert.

Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un établissement ou un service social ou médico-social, au sens du second, peut prétendre au bénéfice de l'exonération de cotisations prévue par le premier sur la rémunération des aides à domicile qui concourent à l'exécution de ses missions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 juin 2019), l'Association régionale pour l'insertion et l'autonomie ARIA 38 (l'association) a sollicité de l'URSSAF Rhône-Alpes (l'URSSAF) le remboursement d'une certaine somme au titre de l'exonération des charges patronales prévue par l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, au bénéfice de son service d'accompagnement à la vie sociale, pour la période de mars 2010 à décembre 2012.

2. L'URSSAF ayant rejeté cette demande, au motif que les conditions d'exonération n'étaient pas remplies, l'association a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. L'association fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de remboursement par l'URSSAF des cotisations patronales versées pour la période de mars 2010 à décembre 2012, alors :

« 1°/ que les associations et entreprises déclarées dans les conditions fixées à l'article L. 7232-1-1 du code du travail bénéficient de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour l'exercice des activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance aux personnes âgées ou handicapées visées à l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale ; que si en application de l'article L. 7232-1 du code du travail, les personnes morales ou entreprises individuelles qui exercent les activités de service à la personne relevant de l'assistance aux personnes âgées ou handicapées sont soumises à un agrément, de sorte que lorsque les établissements et services sociaux et médico-sociaux ne disposent pas cet agrément, ils ne peuvent, en principe, pas bénéficier de l'exonération des cotisations patronales, l'article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable à compter du 23 février 2010 et jusqu'au 30 décembre 2015, prévoyait que la création des services d'aide ou d'accompagnement à domicile mentionnés au 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles sont soumis, à la demande de l'organisme gestionnaire, soit à l'autorisation soit à l'agrément et que l'article R. 7232-6 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, précisait que « l'autorisation prévue par l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, obtenue pour les services prestataires organisant l'aide et l'accompagnement à domicile relevant des 1°, 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, emporte agrément dans la limite des activités et de la zone géographique que prévoit ladite autorisation » ; que par application combinée de ces dispositions, les établissements et services sociaux et médico-sociaux, dont font partie les services d'accompagnement à la vie sociale (SAVS), sont considérés comme des « services d'aide et d'accompagnement à domicile » au sens de l'article L. 313-1-2 précité, de sorte que lorsqu'ils sont soumis au régime de l'autorisation, celle-ci vaut agrément par équivalence ; qu'en jugeant que le SAVS de l'association ARIA 38, qui constituait pourtant un service social et médico-social au sens du 7° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, relevait du 2° de l'article L. 7231-1 du code du travail puisqu'il apportait « une assistance, un accompagnement ou une aide dans la réalisation des actes quotidiens de la vie et dans l'accomplissement des activités de la vie domestique et sociale » et qui, ayant opté pour le régime de l'autorisation bénéficiait de l'agrément pas équivalence, ne remplissait pas les critères fixés à l'article L. 241-10, III, 1°, du code de la sécurité sociale lui permettant de prétendre à l'exonération des cotisations patronales, la cour d'appel a violé les articles L. 7231-1, L. 7232-1, L. 7232-1-1 du code du travail, L. 7232-1-2 et R. 7232-6 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, L. 312-1 et L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé par l'association ARIA 38 dans ses conclusions d'appel, si l'autorisation de création et de fonctionnement dont elle bénéficiait depuis le 24 mai 1984 sous forme d'une convention d'habilitation à l'aide sociale signée par le conseil général de l'Isère et transmise à la préfecture de l'Isère ne valait pas agrément par équivalence en application de l'article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles et de l'article R. 7232-6 du code du travail, de sorte qu'elle remplissait les critères fixés à l'article L. 241-10, III, 1°, du code de la sécurité sociale pour bénéficier de l'exonération des cotisations sociales patronales pour sa structure fournissant l'aide à domicile pour les personnes handicapées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 7231-1, L. 7232-1, L. 7232-1-1 du code du travail, L. 7232-1-2 et R. 7232-6 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, L. 312-1 et L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable au litige et de l'instruction DGCIS n° 1-2012 du 26 avril 2012 ;

3°/ que l'article L. 241-10, III, 3°, du code de la sécurité sociale prévoyait, dans sa rédaction applicable au litige, que « les organismes habilités au titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale » peuvent bénéficier des exonérations de cotisations patronales versées sur les rémunérations des aides à domicile ; que l'association ARIA 38 ayant signé une convention d'habilitation à l'aide sociale départementale avec le président du conseil général du département de l'Isère le 26 février 2010, renouvelée à compter du 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2015, elle était habilitée au titre de l'aide sociale, de sorte qu'elle pouvait bénéficier de l'exonération des cotisations patronales applicable à l'aide à domicile ; qu'en décidant le contraire, au motif erroné que « nonobstant son habilitation à l'aide sociale, le SAVS restait néanmoins un service relevant du régime de l'autorisation », la cour d'appel a violé l'article L. 241-10, III, 3°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 241-10, III, 3°, du code de la sécurité sociale et L. 312-1, I, 7°, du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :

4. Selon le premier de ces textes, sont exonérés de cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les rémunérations versées aux aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu dans les conditions prévues à l'article L. 1242-2 du code du travail par les organismes habilités au titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale.

5. Selon le second, ont le caractère d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux, qu'ils soient dotés ou non d'une personnalité morale propre, les établissements et les services, y compris les foyers d'accueil médicalisé, qui accueillent des personnes adultes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un établissement ou un service social ou médico-social, au sens du second, peut prétendre au bénéfice de l'exonération de cotisations prévue par le premier sur la rémunération des aides à domicile qui concourent à l'exécution de ses missions.

7. Pour rejeter la demande de l'association, l'arrêt retient essentiellement que les prestations assurées par les services d'accompagnement à la vie sociale relevant des dispositions spécifiques de l'article D. 312-164 du code de l'action sociale et des familles ne revêtent pas le caractère d'aide à domicile au sens de l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale et de l'article D. 7231-1 du code du travail listant les activités de services à domicile au titre desquelles les associations et entreprises sont agréées.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Coutou - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 241-10, III, 3°, du code de la sécurité sociale ; article L. 312-1, I, 7°, du code de l'action sociale et des familles.

2e Civ., 3 juin 2021, n° 20-15.545, (P)

Rejet

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques – Assiette – Chiffre d'affaires – Calcul – Modalités – Cas – Spécialités pharmaceutiques – Inscription sur les listes publiées par arrêté interministériel – Nécessité

Selon l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable au litige, l'assiette de la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques est assise, sous les exceptions et réserves qu'il prévoit, sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer au cours d'une année civile au titre des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 162-17 du même code ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique.

Il en résulte que le chiffre d'affaires réalisé au titre d'une spécialité pharmaceutique par une entreprise assujettie à la contribution est compris dans l'assiette de celle-ci dès lors que cette spécialité bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché et est inscrite sur l'une des listes susmentionnées, peu important qu'elle soit effectivement, pour l'intégralité des ventes réalisées, prise en charge par l'assurance maladie ou par une collectivité publique.

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques – Assiette – Chiffre d'affaires – Calcul – Modalités – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mars 2020), la société Johnson et Johnson santé beauté France (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant notamment sur la contribution sur le chiffre d'affaires des médicaments remboursables ou agréés à l'usage des collectivités, au titre des exercices 2010 à 2013.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les deux moyens réunis

Enoncé des moyens

3. La société fait grief à l'arrêt attaqué de maintenir le chef de redressement qui lui a été notifié suivant lettre d'observations du 5 août 2014 relatif à la contribution sur le chiffre d'affaires pour les exercices 2011, 2012 et 2013, de dire que la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 28 novembre 2016 est bien fondée et de la débouter de toutes ses demandes alors :

Premier moyen

« 1°/ que lorsque la loi prête à interprétation, le juge doit l'interpréter en recourant à la méthode d'interprétation la plus pertinente, sans être tenu de procéder à une interprétation littérale du texte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que le texte législatif servant de base au redressement litigieux n'était pas parfaitement clair, ce dont il s'induisait la nécessité de l'interpréter ; qu'elle faisait valoir à ce titre qu'il était alors possible, pour interpréter les dispositions de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sur le chiffre d'affaires pesant sur les entreprises pharmaceutiques, de raisonner par analogie avec les solutions jurisprudentielles relatives à la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments à la charge de ces mêmes entreprises, dans la mesure où les mécanismes d'assujettissement et d'assiette des deux contributions ainsi que leur périmètre étaient très similaires et qu'elles répondaient historiquement à des objectifs analogues ; qu'en affirmant que l'interprétation des dispositions du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique ne pouvait pas se faire par analogie, car elle était tenue par la lettre même du texte, quand, dès lors qu'elle avait reconnu que la clarté de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale était relative, c'est-à-dire insusceptible d'exclure toute nécessité d'interprétation de la norme, elle devait, conformément à son office, l'interpréter sans pouvoir exclure a priori la méthode d'interprétation par analogie, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles 4 du code civil et L. 245-6 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que lorsque la loi prête à interprétation, le juge doit l'interpréter en recourant à la méthode d'interprétation la plus pertinente, sans être tenu de procéder à une interprétation littérale du texte ; qu'en l'espèce, qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que le texte législatif servant de base au redressement litigieux n'était pas parfaitement clair, ce dont il s'induisait la nécessité de l'interpréter ; qu'elle faisait valoir qu'il était alors possible, pour interpréter les dispositions de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sur le chiffre d'affaires pesant sur les entreprises pharmaceutiques, de se référer à l'esprit et au but de la loi qui était, comme cela ressortait des travaux parlementaires, de faire supporter la contribution aux entreprises pharmaceutiques qui réalisaient leur chiffre d'affaires grâce à la vente de médicaments pris en charge par l'assurance maladie et qui participaient donc à l'accroissement des dépenses de l'assurance maladie ; qu'en affirmant néanmoins, pour refuser toute recherche de l'intention du législateur, qu'elle était tenue par la lettre même du texte, quand, dès lors qu'elle avait reconnu que la clarté de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale était relative, c'est-à-dire insusceptible d'exclure toute nécessité d'interprétation de la norme, elle devait, conformément à son office, l'interpréter sans pouvoir exclure a priori la méthode d'interprétation téléologique consistant à rechercher l'intention du législateur, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles 4 du code civil et L. 245-6 du code de la sécurité sociale ;

Second moyen

1° / que selon l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, il est institué au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une contribution des entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie en application des premier et deuxième alinéas de l'article L. 162-17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités ; que la contribution est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer au cours d'une année civile au titre des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 162-17 ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'il résultait nécessairement de l'article L. 245-6 que l'exploitation de spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités devait donner lieu à contribution, que ces spécialités soient ou non remboursées, quand seul est inclus dans l'assiette de la contribution le chiffre d'affaires réalisé au titre de spécialités pharmaceutiques inscrites sur les listes de l'article L. 162-17 et de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique qui déterminent les médicaments exploités respectivement auprès des pharmacies de ville et des collectivités publiques qui sont pris en charge par l'assurance maladie, ce dont il s'évince que les spécialités pharmaceutiques n'entrent dans le champ d'application de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale que si elles donnent lieu à remboursement de la part de l'assurance maladie, la cour d'appel a violé l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à litige ;

2° / que lorsque la loi prête à interprétation, le juge doit l'interpréter en se référant, si nécessaire, à l'intention du législateur telle qu'elle ressort des travaux parlementaires ; qu'en l'espèce, les premiers juges ont retenu qu'il résultait du rapport d'information sénatorial sur la taxation de l'industrie du médicament que les taxes spécifiques instituées par la loi visaient l'accroissement des recettes de l'assurance maladie, de sorte qu'il importait peu que le législateur ait pu concurremment poursuivre, s'agissant de la contribution en litige, un objectif de contrôle des dépenses de médicaments qui pèsent sur l'assurance maladie, cela ne suffisant pas à ce qu'on puisse en déduire qu'il avait entendu exclure de l'assiette de la contribution sur le chiffre d'affaires celui réalisé par une entreprise exploitant une spécialité pharmaceutique par le biais d'un réseau de distribution qui ne donne pas lieu à une prise en charge par l'assurance maladie ; qu'à supposer qu'elle ait entendu adopter ce motif des premiers juges, la cour d'appel, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il ne ressortait pas des débats parlementaires de la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2004 que l'intention du législateur, en créant cette contribution, avait été de faire participer à l'effort financier qu'exigeaient les résultats de l'assurance maladie les entreprises qui contribuaient à la croissance des dépenses de cette dernière en exploitant des spécialités que l'assurance maladie prenait effectivement à sa charge, de sorte que n'entrait pas dans l'assiette de cette contribution le chiffre d'affaires réalisé au titre de spécialités non inscrites sur la liste de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, et ne pouvant comme telles, en ville, donner lieu à remboursement, sans donc que leur mention sur la liste de l'article L. 5123-2 du code de la santé publique, concernant les collectivités publiques, ne puisse à elle seule justifier l'assujettissement du chiffre d'affaires réalisé au titre des ventes en ville non remboursables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à litige ;

3° / que lorsque la loi prête à interprétation, le juge doit l'interpréter en raisonnant, si nécessaire, par analogie ; qu'en l'espèce, pour refuser catégoriquement tout raisonnement par analogie avec la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments, le tribunal des affaires de la sécurité sociale avait retenu que l'assiette de cette contribution telle que définie par l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale était bien circonscrite par le texte de loi qui précisait expressément que n'étaient incluses dans l'assiette de la contribution que les seules rémunérations versées aux visiteurs et délégués médicaux afférentes à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique lorsqu'ils intervenaient auprès des professionnels de santé régis par les dispositions du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique ou auprès des établissements de santé ; qu'à supposer qu'elle ait entendu adopter ce motif des premiers juges, pourtant impropre à écarter le raisonnement par analogie sollicité par l'exposante, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les spécialités pharmaceutiques prises en compte pour déterminer l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion de médicament et celle de la contribution sur le chiffre d'affaires n'étaient pas les mêmes, ce qui justifiaient des solutions similaires concernant la détermination de l'assiette de la contribution, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 245-6, L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, applicable au litige, l'assiette de la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques est assise, sous les exceptions et réserves qu'il prévoit, sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer au cours d'une année civile au titre des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 162-17 du même code ou sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique. Il en résulte que le chiffre d'affaires réalisé au titre d'une spécialité pharmaceutique par une entreprise assujettie à la contribution est compris dans l'assiette de celle-ci dès lors que cette spécialité bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché et est inscrite sur l'une des listes susmentionnées, peu important qu'elle soit effectivement, pour l'intégralité des ventes réalisées, prise en charge par l'assurance maladie ou par une collectivité publique.

5. Pour décider que l'exploitation de spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités doit donner lieu à contribution, que ces spécialités soient ou non remboursées, la cour d'appel, après avoir rappelé qu'il lui appartenait de se référer au texte de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale lui-même, dont les dispositions claires méritaient de ne pas être remises en question, a relevé que le critère déterminant résultant de ces dispositions n'apparaît pas tant être celui de l'autorisation de mise sur le marché, qui n'est pas contestée, que celui du remboursement, ce que stipule précisément le premier alinéa de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, selon lequel la contribution porte sur les entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie en application des premier et deuxième alinéas de l'article L. 162-17 ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

6. La cour d'appel, qui a fait une juste application de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, n'encourt dès lors pas les griefs des moyens.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 245-6, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 et L. 162-17 du code de la sécurité sociale ; article L. 5123-2 du code de la santé publique.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 novembre 2014, pourvoi n° 13-26.568, Bull. 2014, II, n° 222 (cassation).

2e Civ., 3 juin 2021, n° 20-12.968, (P)

Rejet

Généralités – Législation – Application – Cas – Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie – Entrée en vigueur

La Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, a été rendue applicable dans les relations entre la France et la Serbie-et-Monténégro par l'accord entre le gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Serbie-et-Monténégro relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République fédérative de Yougoslavie, signé le 26 mars 2003, publié par le décret n° 2003-457 du 16 mai 2003, puis dans les relations entre la France et le Kosovo par l'accord sous forme d'échange de lettres des 4 et 6 février 2013 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kosovo relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et l'Union de Serbie-et-Monténégro, publié par le décret n° 2013-349 du 24 avril 2013.

Aux termes de l'accord conclu entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kosovo, le gouvernement français a, par lettre du 4 février 2013, proposé au gouvernement du Kosovo que les accords qui liaient la France et l'Union de Serbie-et-Monténégro continuent de lier la France et le Kosovo, et le gouvernement du Kosovo a, par lettre du 6 février 2013, fait connaître son approbation en vue du prolongement de ces accords, afin qu'ils lient la France à compter de cette même date.

Nonobstant la date d'entrée en vigueur de l'accord fixé au jour de la réponse de l'Etat du Kosovo soit le 6 février 2013, les parties ont entendu poursuivre à l'égard de l'Etat du Kosovo l'application des traités bilatéraux conclus entre la France et l'Union de Serbie-et-Monténégro, de sorte que la Convention générale de sécurité sociale, en vigueur au moment de la succession des Etats, a continué de lier la France et le Kosovo indépendamment de l'accord sous forme d'échange de lettres conclu postérieurement.

Il en résulte que la Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie a pris effet, dans les rapports entre la France et le Kosovo, à la date à laquelle ce dernier est devenu un Etat indépendant.

Intervention volontaire

1. Il est donné acte au Défenseur des droits de son intervention volontaire à l'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 décembre 2019), M. [W] (l'allocataire), de nationalité kosovare, arrivé en France en avril 2010, et titulaire d'une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » depuis le 3 octobre 2012, a sollicité auprès de la caisse d'allocations familiales [Localité 1] (la caisse) le bénéfice des prestations familiales pour ses trois enfants nés hors du territoire national et munis d'un document de circulation.

3. La caisse lui ayant refusé l'attribution des prestations, l'allocataire a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'allocataire a droit aux prestations familiales en faveur de ses enfants à compter du 3 octobre 2012, alors « que si, aux termes de l'article 34 de la Convention de Vienne du 23 août 1978 sur la succession d'Etats en matière de traités, un traité en vigueur à la date de la succession d'Etats reste en vigueur à l'égard de l'Etat successeur, il n'en va pas de même si les Etats intéressés en conviennent autrement ; qu'en retenant, pour fixer au 3 octobre 2012 le point de départ des droits de l'allocataire, que « le fait que la convention bilatérale ait été signée le 6 février 2013 [est] sans incidence dès lors qu'il s'agit de la continuité de la convention datant du 19 janvier 1950 », quand l'accord sous forme d'échange de lettres signé les 4 et 6 février 2013 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kosovo prévoit expressément que l'accord de succession « entrera en vigueur à la date de [la] réponse » donnée par le ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo, soit le 6 février 2013, la cour d'appel a violé cet accord, ensemble l'article 34 de la Convention de Vienne des Nations Unies du 23 août 1978. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'allocataire soulève l'irrecevabilité du moyen, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le grief tiré de l'applicabilité dans le temps de l'accord sous forme d'échange de lettres des 4 et 6 février 2013, publié par le décret n° 2013-349 du 24 avril 2013, ayant été soulevé devant la cour d'appel, le moyen n'est pas nouveau et est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu la Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951 rendue applicable dans les relations entre la France et la Serbie-et-Monténégro par l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de Serbie-et-Monténégro relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et la République fédérative de Yougoslavie, signé le 26 mars 2003, publié par le décret n° 2003-457 du 16 mai 2003, puis dans les relations entre la France et le Kosovo par l'accord sous forme d'échange de lettres des 4 et 6 février 2013 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kosovo relatif à la succession en matière de traités bilatéraux conclus entre la France et l'Union de Serbie-et-Monténégro, publié par le décret n° 2013-349 du 24 avril 2013 :

8. Aux termes du dernier de ces textes, le gouvernement français a, par lettre du 4 février 2013, proposé au gouvernement du Kosovo que les accords qui liaient la France et l'Union de Serbie-et-Monténégro continuent de lier la France et le Kosovo, et le gouvernement du Kosovo a, par lettre du 6 février 2013, fait connaître son approbation en vue du prolongement de ces accords, afin qu'ils lient la France à compter de cette même date.

9. Nonobstant la date d'entrée en vigueur de l'accord fixé au jour de la réponse de l'Etat du Kosovo soit le 6 février 2013, les parties ont entendu poursuivre à l'égard de l'Etat du Kosovo l'application des traités bilatéraux conclus entre la France et l'Union de Serbie-et-Monténégro, de sorte que la Convention générale de sécurité sociale, en vigueur au moment de la succession des Etats, a continué de lier la France et le Kosovo indépendamment de l'accord sous forme d'échange de lettres conclu postérieurement.

10. Il en résulte que la Convention générale sur la sécurité sociale susvisée a pris effet, dans les rapports entre la France et le Kosovo, à la date à laquelle ce dernier est devenu un Etat indépendant.

11. Dès lors, c'est exactement que la cour d'appel a fait application des stipulations de la Convention générale sur la sécurité sociale susvisée pour déterminer les droits aux prestations familiales litigieux.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie ; décret n° 51-457 du 19 avril 1951 ; décret n° 2003-457 du 16 mai 2003 ; décret n° 2013-349 du 24 avril 2013.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-19.158, Bull. 2019, (cassation), et l'arrêt cité.

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