Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Soc., 16 juin 2021, n° 21-13.141, (B)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Syndicat professionnel – Représentativité – Durée – Appréciation – Cycle électoral – Articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2122-1 du code du travail – Conformité aux alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946 – Caractère sérieux ou nouveau – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre le jugement rendu le 1er mars 2021 par le tribunal judiciaire de Pau, la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT (la fédération), M. [H] et Mme [G] ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2122-1 du code du travail, tels qu'interprétés de façon constante depuis le 19 février 2014 par la Cour de cassation qui en déduit que la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral, même lorsque le périmètre électoral varie, portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par les alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946, en ce que les dispositions légales précitées ainsi interprétées font obstacle jusqu'aux nouvelles élections à ce qu'une organisation syndicale reconnue représentative dans un établissement puisse, lorsque cet établissement est absorbé par un autre, désigner un délégué syndical dans cet autre établissement et/ou un représentant syndical au comité social et économique de cet autre établissement pour que la collectivité des salariés de l'établissement absorbé soit représentée par l'organisation syndicale qu'elle a élue, et cela, au seul motif que cette organisation syndicale n'a pas été déclarée représentative dans l'établissement absorbant aux dernières élections ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. Les dispositions contestées telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui servent de fondement à la décision contestée, sont applicables au litige.

3. Si les articles L. 2121-1, L. 2143-3 et L. 2324-2, devenu L. 2314-2, du code du travail ont déjà été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, pour les deux premiers de ces textes, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2010-63/64/65 QPC rendue le 12 novembre 2010 et, pour le troisième de ces textes, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2011-216 QPC rendue le 3 février 2012, est intervenu depuis ces décisions un changement de circonstances de droit résultant des arrêts de la Cour de cassation (Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 13-14.608, Bull. 2014, n° 57 ; Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 13-20.069, Bull. 2014, V, n° 61, Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 12-29.354 ; Bull. 2014, V, n° 58 ; Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 13-17.445, Bull. 2014, n° 60 ; Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 13-16.750, Bull. 2014, n° 59), selon lesquels la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral y compris en cas de modification du périmètre de l'entreprise, qui confère une portée nouvelle aux dispositions contestées.

4. La question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable.

5. Cependant, d'une part, la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

6. D'autre part, la question posée ne présente pas de caractère sérieux, en ce que les dispositions légales telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 19 février 2014, pourvoi n° 13-16.750, Bull. 2014, V, n° 59 ; Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.710, publié ; Soc., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-14.981, publié), selon laquelle la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral y compris en cas de modification du périmètre de l'entreprise, qui sont justifiées par un objectif de stabilité de la mesure de la représentativité syndicale pour toute la durée d'un cycle électoral de façon à permettre l'effectivité de la négociation collective au sein de l'entreprise et qui sont similaires à celles retenues par le législateur pour la représentativité syndicale au niveau de la branche professionnelle et au niveau national et interprofessionnel, ne méconnaissent ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs.

7. En conséquence il n'y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946 ; articles L. 2143-3, L. 2314-2 et L. 2122-1 du code du travail.

Soc., 16 juin 2021, n° 21-40.006, (B)

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Travail réglementation, santé et sécurité – Services de santé au travail – Adhésion – Cotisations dues par l'employeur – Calcul – Modalités – Articles L. 4622-6 et L. 1111-2 du code du travail – Conformité à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. La SARL K Ange, société adhérente de l'association Agir ensemble pour la santé au travail (AGESTRA), a assigné cette dernière le 13 décembre 2019 aux fins de remboursement d'un trop perçu sur cotisations prélevées pour les années 2017, 2018 et 2019, en invoquant un mode de calcul erroné des cotisations.

2.L'association AGESTRA a sollicité, par mémoire distinct et motivé, la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité.

3. Le ministère public a été avisé le 7 septembre 2020.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire de Thionville a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 4622-6 du code du travail tel qu'interprété par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 septembre 2018 (n° 17-16.219), sinon l'article L. 1111-2 du code du travail en ce qu'il s'applique au calcul du nombre de salariés prévu par l'article L. 4622-6 du même code, en ce qu'ils prescrivent une répartition des frais de fonctionnement des services de santé au travail qui est fonction des effectifs appréciés non par tête mais par équivalents temps-pleins portent ils atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5.Aux termes de l'article L. 4622-6 du code du travail, les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs. Dans le cas des services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre de salariés.

6. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne une contestation sur le mode de calcul du montant des cotisations.

7. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. La question posée présente un caractère sérieux.

9. En effet, dans un arrêt du 19 septembre 2018, (Soc., 19 septembre 2018, n° 17-16.219, publié), la Cour de cassation a interprété l'article L. 4622-6 du code du travail en ce sens que la cotisation due par les employeurs qui adhérent à un service de santé au travail interentreprises doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l'entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l'employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l'organisme.

10. Ainsi interprétée, la disposition donne lieu à un calcul de cotisations en proportion des effectifs de l'entreprise au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code du travail applicables à l'ensemble des dispositions de ce code, et non par unité de salarié, créant ainsi une différence de calcul de cotisations selon la proportion respective de salariés employés à temps plein ou à temps partiel au sein de chaque entreprise.

11. La question posée présente un caractère sérieux en ce sens que cette différence de traitement est susceptible de ne pas être justifiée dans la mesure où elle pourrait ne pas être en rapport direct avec l'objet de la disposition contestée.

12. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; articles L. 4622-6 et L. 1111-2 du code du travail.

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