Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

PROCEDURE CIVILE

1re Civ., 16 juin 2021, n° 19-21.663, (B)

Cassation

Action – Conditions de recevabilité – Intérêt à agir – Producteur de vidéogramme – Droit propre

Intervention volontaire

1. Il est donné acte au Syndicats des producteurs indépendants de son intervention volontaire au soutien du pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2019), l'Université [Établissement 2] (l'UPMC), agissant pour le compte de l'Institut [Établissement 3] (l'IHP), s'est rapprochée de la société Look at Sciences (le producteur), à l'occasion du centenaire de la formulation de la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein, pour lui proposer de produire un film intitulé « Einstein et la relativité générale, une histoire singulière ».

3. Le 16 mars 2015, le producteur a conclu avec M. [A], réalisateur, un contrat de cession de droits d'auteur prévoyant, en son article 13, que ni le réalisateur ni le producteur ne pourraient exploiter les rushes non montés, sans autorisation réciproque, expresse et préalable des parties contractantes.

Le 22 juin 2015, le producteur a conclu avec l'UPMC une convention de cession des droits d'exploitation non commerciale sur tous supports, en contrepartie du financement qu'elle lui apportait.

4. Soutenant avoir découvert que des vidéogrammes reproduisant, sans son autorisation, le film ainsi que des éléments des rushes issus du tournage non compris dans la version définitive du film, étaient édités et distribués par l'IHP, le producteur a assigné l'UPMC aux droits de laquelle se trouve l'établissement public [Établissement 1], en contrefaçon de droits d'auteur, responsabilité contractuelle, concurrence déloyale et parasitisme.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Le producteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées au titre de la responsabilité contractuelle, alors « que la société Look at Sciences reprochait également à la [Établissement 1], venant aux droits de l'UPMC, d'avoir engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de loyauté et de bonne foi en faisant usage d'archives de tiers, la société Getty images, pour habiller la jaquette des exemplaires des vidéogrammes qu'elle a édités et pour illustrer les bonus de ces vidéogrammes ainsi que leur menu interactif, sans l'en informer préalablement quand, en qualité de producteur, elle avait la responsabilité de respecter et faire respecter les usages des archives qu'elle a commandées auprès de tiers pour la réalisation du film ; qu'en s'abstenant de rechercher si cet agissement de la [Établissement 1] n'était pas fautif et susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, la cour d'appel a, sur ce point encore, entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt énonçant que le producteur ne saurait se prévaloir d'un préjudice qui ne lui est pas personnel et qu'il n'est pas fondé à demander garantie d'une réclamation future dont le caractère certain n'est nullement établi, le moyen est inopérant.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le producteur et le Syndicat des producteurs indépendants font grief à l'arrêt de déclarer le premier irrecevable à agir en contrefaçon au titre des prises de vue non montées du tournage du documentaire, alors « qu'aux termes de l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle, le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images sonorisée ou non ; que les épreuves de tournage non montées d'un film, ou rushs, constituent au sens de ce texte un vidéogramme ; qu'indépendamment de toute cession des droits des auteurs sur l'oeuvre audiovisuelle que ces rushs peuvent constituer, le producteur du vidéogramme de ceux-ci, c'est-à-dire de leur épreuve ou première fixation, est en droit, en application du texte précité, d'en interdire toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public ; qu'en retenant en l'espèce que le producteur était irrecevable à se prévaloir d'atteinte à ses droits sur les rushs, correspondant pourtant, comme il l'a relevé, à des « interviews filmées non montées dans le Documentaire », faute de disposer de l'autorisation du réalisateur pour utiliser ou exploiter ceux-ci, « le producteur d'un vidéogramme de l'oeuvre audiovisuelle ne pouvant en tout état de cause détenir plus de droits que le producteur de ladite oeuvre sur des épreuves de tournage non montées », et en déclarant le producteur irrecevable à agir au titre des rushs, la cour d'appel, qui a méconnu les droits voisins dont disposait le producteur sur lesdits rushs et les a confondus avec les droits d'auteur dont ils pouvaient par ailleurs faire l'objet, a violé l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle :

8. En application de cet article, le producteur de vidéogrammes est titulaire du droit d'autoriser la reproduction, la mise à la disposition ou la communication au public des épreuves de tournage non montées ou rushes dont il a eu l'initiative et la responsabilité de la première fixation.

9. Pour déclarer le producteur irrecevable à agir au titre de l'exploitation des rushes, l'arrêt retient qu'il n'a pas recueilli l'autorisation du réalisateur et que le producteur d'un vidéogramme de l'oeuvre audiovisuelle ne peut détenir plus de droits que le producteur de l'oeuvre sur des épreuves de tournage non montées.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les droits dont le producteur était titulaire en tant que producteur des rushes, et violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Le producteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de la responsabilité contractuelle de l'UPMC, alors « que commet une faute de nature à engager sa responsabilité le tiers qui, en connaissance de cause, se rend complice de la violation d'une obligation contractuelle ; que manque en conséquence à son obligation d'exécution de bonne foi d'une convention le cocontractant qui exécute celle-ci en se rendant, en connaissance de cause, complice de la violation d'une obligation contractuellement passée par ailleurs par un tiers avec son cocontractant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le producteur avait conclu, le 16 mars 2015, avec M. [A], réalisateur du documentaire litigieux, un contrat de cession de ses droits d'auteur prévoyant, en son article 13, que ni l'un ni l'autre ne pourra utiliser ou exploiter les rushs non montés, « sauf autorisation réciproque expresse et préalable » ; que, dans ses conclusions d'appel, le producteur faisait valoir que la [Établissement 1] avait engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de cession de droits qu'elle avait conclu avec le producteur le 22 juin 2015 en utilisant et exploitant, au sein des DVD qu'elle avait édités et diffusés, non seulement le documentaire litigieux mais également les épreuves de tournage non montées ou rushs, sans son autorisation, alors qu'elle ne pouvait pas ignorer qu'en application des contrats que le producteur avait conclus avec les auteurs, et notamment avec le réalisateur M. [A], son autorisation était nécessaire pour utiliser et exploiter lesdits rushs ; qu'en retenant que « l'exploitation desdits rushs par l'UPMC, aux droits de laquelle se trouve la [Établissement 1], ne peut caractériser une inexécution fautive au préjudice du producteur » dès lors que les rushs n'ont « fait l'objet d'aucune cession de droits dans le cadre du contrat conclu entre le producteur et le réalisateur le 16 mars 2015 », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la [Établissement 1] n'avait pas manqué à son obligation d'exécuter son contrat de bonne foi en exploitant lesdits rushs sans l'autorisation du producteur, en connaissance cependant de la nécessité de cette autorisation suivant le contrat conclu par celle-ci avec le réalisateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, dans leur rédaction, applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. L'UPMC conteste la recevabilité du moyen. Elle considère qu'il est nouveau, le producteur n'ayant pas soutenu en cause d'appel qu'elle aurait été complice de la violation d'une obligation contractuelle commise par un tiers.

13. Cependant, le moyen n'est pas nouveau dès lors que le producteur a fait valoir que le cessionnaire des droits d'exploitation ne pouvait ignorer les dispositions du contrat conclu entre le producteur et le réalisateur.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1134, alinéa 3, et 1135 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

15. Pour rejeter les demandes du producteur au titre de la responsabilité contractuelle de l'UPMC, l'arrêt retient qu'en l'absence de dispositions relatives à une cession de droits d'exploitation des rushes dans le contrat conclu entre le producteur et le réalisateur, l'exploitation de ces rushes par l'UPMC ne peut caractériser une inexécution fautive.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'UPMC n'avait pas manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi en exploitant les rushes sans l'autorisation du producteur, alors qu'elle connaissait la nécessité de cette autorisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

17. Le producteur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu' (elle) reprochait encore à la [Établissement 1], venant aux droits de l'UPMC, d'avoir engagé sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de cession de droits qu'elle avait passé avec elle le 22 juin 2015, pour avoir conservé les matrices ou masters des rushs, alors que le droit d'archivage dont disposait la [Établissement 1], en application de l'article 3.3 du contrat, sur les masters « ne concernait que le documentaire dans sa version achevée, à l'exclusion de tout droit d'archivage sur le master des rushs » ; qu'en retenant que « le contrat prévoyait la remise d'une version master du film à l'IHP » et qu' « il ne saurait dès lors être considéré qu'il existe une atteinte aux droits réels de propriété du producteur », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la [Établissement 1] était en droit de conserver les matrices des rushs, distinctes des matrices du film achevé, et si elle n'avait pas porté atteinte aux droits de propriété réel dont disposait le producteur sur le master des rushs, et non sur celui du film, et manqué à cet égard à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi en les conservant, la cour d'appel, qui ne s'est ainsi pas interrogée sur une des fautes faisant usage d'archives de tiers, la société Getty images, pour habiller la jaquette des exemplaires des vidéogrammes qu'elle a édités et pour illustrer les bonus de ces vidéogrammes ainsi que leur menu interactif, sans l'en informer préalablement contractuelles reprochées à la [Établissement 1], a entaché sa décision de défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

18. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

19. Pour rejeter les demandes du producteur au titre de la responsabilité contractuelle de l'UPMC, l'arrêt retient encore qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de propriété du producteur sur les masters dès lors que le contrat conclu avec l'UPMC prévoit la remise d'une version master du film à l'IHP.

20. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du producteur qui soutenait que l'UPMC n'était pas en droit de conserver les matrices des rushes, distinctes des matrices du film achevé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu statuer sur le troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Look at Sciences irrecevable à agir sur le fondement de l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle, au titre des prises de vues non montées du tournage, et en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Look at Sciences sur le fondement de la responsabilité contractuelle, l'arrêt rendu le 17 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Girardet - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle.

1re Civ., 23 juin 2021, n° 19-23.614, (B)

Cassation partielle

Conclusions – Conclusions d'appel – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Portée

Il résulte de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, que lorsque la cour d'appel est saisie, en application de l'article 1375 du code de procédure civile, des points de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire chargé des opérations de partage, elle ne statue que sur les contestations relatives au projet d'état liquidatif énoncées au dispositif des conclusions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 10 septembre 2019), un arrêt du 28 juin 2011 a prononcé le divorce de M. [P] et de Mme [R], mariés sans contrat préalable.

2. Des difficultés s'étant élevées à l'occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, M. [P] a assigné Mme [R] en partage.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le deuxième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

4. M. [P] fait grief à l'arrêt de dire que les récompenses dues par lui à la communauté et celles qui lui sont dues par la communauté ont été justement évaluées par M. [S], notaire, de dire que le compte d'administration post-communautaire sera établi par le notaire selon les points tranchés dans le jugement de première instance et renvoyer les parties devant ce dernier pour établir l'acte définitif de liquidation et partage de la communauté en prenant en compte les points litigieux tranchés dans le jugement, alors « que la circonstance que M. [P] n'ait chiffré aucune récompense dans le dispositif de ses écritures ne dispensait pas la cour d'appel de répondre aux moyens par lesquels M. [P] contestait la fixation par le notaire des récompenses que lui devait la communauté et celle dont il était lui-même redevable envers la communauté en raison de travaux réalisés sur une maison à [Localité 1] ; qu'en confirmant purement et simplement le jugement ayant dit que les récompenses dues de part et d'autre avaient été justement évaluées par le notaire et en considérant qu'il n'était pas possible de statuer sur une demande au titre des récompenses en raison de leur absence de chiffrage dans le dispositif des conclusions de M. [P], sans répondre aux moyens développés par M. [P] pour contester le travail du notaire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 1375 du code de procédure civile, le tribunal statue sur les points de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire chargé des opérations de partage.

6. Aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

7. Il en résulte que la cour d'appel ne statue que sur les contestations relatives au projet d'état liquidatif énoncées au dispositif des conclusions.

8. Après avoir relevé que M. [P], qui contestait le montant des récompenses dues par lui à la communauté et celles dues à lui par celle-ci, telles qu'évaluées par le notaire chargé de la liquidation, ne chiffrait aucune récompense dans le dispositif de ses écritures, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle n'avait pas à statuer sur ces contestations dont elle n'était pas saisie.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. M. [P] fait grief à l'arrêt de fixer la valeur vénale du bien immobilier situé à [Localité 2] à la somme de 280 000 euros, alors « que le juge ne peut refuser d'examiner une expertise officieuse dès lors qu'elle a été communiquée aux parties et soumise à leur discussion contradictoire ; qu'en énonçant, pour fixer la valeur vénale du bien immobilier à 280 000 euros, que M. [P] n'était aucunement fondé à produire une expertise non contradictoire pour contester la valeur fixée par le premier juge, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

11. Mme [R] conteste la recevabilité du moyen. Elle expose que M. [P] ne peut, sans se contredire, soutenir que la cour d'appel aurait violé le principe de la contradiction en refusant de tenir compte de l'expertise officieuse qu'il avait commanditée, tout en faisant valoir que son refus de laisser le notaire de son ancienne épouse effectuer l'évaluation de ce bien était légitime.

12. Cependant, M. [P] n'a pas prétendu qu'il était légitime de ne pas tenir compte d'une expertise unilatérale.

13. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

14. Il résulte de ce texte que le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport d'expertise établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

15. Pour fixer la valeur vénale du bien immobilier situé à [Localité 2] à la somme de 280 000 euros sur la seule base de vente de maisons similaires dans le même secteur géographique entre 2012 et 2015, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que M. [P] a mis en échec les opérations d'expertise ordonnées avant dire-droit pour déterminer la valeur vénale de ce bien et qu'il n'a pas permis au notaire de Mme [R] de pénétrer dans les lieux, de sorte qu'il n'est pas fondé à produire une expertise non contradictoire aux fins de contester la valeur fixée par le premier juge.

16. En statuant ainsi, alors que ce rapport d'expertise, régulièrement versé aux débats, avait été soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

17. M. [P] fait grief à l'arrêt de dire que la communauté doit récompense à Mme [R] de la somme de 22 867 euros correspondant à la réparation d'un préjudice purement personnel, alors « que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse destinée à réparer le préjudice résultant pour un époux de la perte de son emploi entre dans la communauté ; qu'en considérant comme propre à l'épouse la somme de 22 867 euros versée à la suite de son licenciement sans rechercher, comme elle y était invitée, si le conseil de prud'hommes ne l'avait pas allouée à Mme [R] compte tenu des circonstances de son licenciement et de son ancienneté, ce qui constituait un substitut à son salaire tombant en communauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1401 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1401 et 1404, alinéa 1er, du code civil :

18. Il résulte de ces textes que les indemnités allouées à un époux entrent en communauté, à l'exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier.

19. Pour dire que la communauté doit récompense à Mme [R] de la somme correspondant aux dommages-intérêts auquel son ancien employeur a été condamné à lui verser en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que cette somme était destinée à indemniser un préjudice personnel.

20. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si cette indemnité avait exclusivement pour objet de réparer un dommage affectant uniquement sa personne et non pas le préjudice résultant de la perte de son emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe la valeur vénale du bien immobilier situé à Vic-le-Comte à la somme de 280 000 euros et dit que la communauté doit récompense à Mme [R] de la somme de 22 867 euros, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 954, alinéa 3, et 1375 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n° 13-20.393, Bull. 2014, II, n° 150 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 17 juin 2021, n° 19-22.710, (B)

Cassation partielle

Droit de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Application d'office de dispositions d'un contrat – Assurances – Exception prévue dans une clause d'exclusion de garantie d'un contrat d'assurance – Invitation préalable des parties à présenter leurs observations – Défaut

Viole les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, la cour d'appel qui statue sur le fondement d'une exception, prévue par une clause d'exclusion de garantie opposée par l'assureur, mais dont l'assuré ne s'était pas expressément prévalu devant elle et sur laquelle l'assureur ne s'était, dès lors, pas expliqué, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, peu important que les faits qu'elle a pris en considération au soutien de ce moyen relevé d'office aient été dans le débat.

Droit de la défense – Moyen – Moyen soulevé d'office – Définition – Assurance – Police – Clause non invoquée par une des parties

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 juillet 2019), M. et Mme [N] (les époux [N]) ont, en leur absence du 14 au 16 février 2015, été victimes d'un cambriolage dans leur maison d'habitation, assurée contre le vol auprès de la société caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 1], dite Groupama (l'assureur).

2. L'assureur ayant refusé de prendre en charge le sinistre au motif qu'ils n'avaient pas mis en oeuvre les moyens de protection prescrits en cas d'absence de plus de 24 heures, les époux [N] l'ont assigné en réparation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société Groupama fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit prendre en charge, dans le cadre de sa garantie vol, le préjudice subi par les époux [N] à la suite du vol commis à leur domicile au mois de février 2015, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence d'incidence sur la réalisation du dommage de la violation par les assurés des mesures de protection prévues au contrat sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

6. Pour dire l'assureur tenu d'accorder aux époux [N] sa garantie au titre du vol, l'arrêt, après avoir relevé que les intéressés se sont absentés de leur domicile du samedi 14 au lundi 16 février 2015 et que le cambriolage y a été commis par intrusion à la suite du bris de la porte-fenêtre du premier étage donnant sur leur chambre, où se trouvait un coffre-fort, qui a été forcé, énonce d'abord qu'aux termes de l'article 4.9 des conditions générales de la police d'assurance, l'assuré doit mettre en oeuvre tous les moyens de protection qu'il a choisis et fermer les portes à clé ainsi que les fenêtres pendant la nuit et lorsque le bâtiment est inoccupé, seule la fermeture des volets et persiennes n'étant pas exigée pour les absences de moins de 24 heures.

7. L'arrêt énonce ensuite qu'il convient toutefois d'observer que le même article ajoute que ne sont pas garantis les vols ou détériorations survenus alors que les mesures de prévention n'ont pas été observées, sauf en cas de force majeure ou si le non respect de ces mesures n'a pu avoir d'incidence sur la réalisation des dommages, et retient à cet égard que, au regard de la détermination du ou des auteurs du cambriolage, caractérisée par le mode opératoire, dont le forcement du coffre-fort, il est patent que la seule fermeture des volets de la chambre à coucher du premier étage n'aurait pu être dissuasive et n'aurait donc eu aucune incidence sur la réalisation des dommages subis par les assurés.

8. En statuant ainsi, sur le fondement d'une exception, prévue dans la clause d'exclusion de garantie opposée par l'assureur, mais dont les assurés ne s'étaient pas expressément prévalus devant la juridiction du second degré, et sur laquelle l'assureur ne s'était, dès lors, pas expliqué, la cour d'appel, qui a relevé d'office un moyen de droit sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, peu important que les faits qu'elle a pris en considération au soutien de ce moyen aient été dans le débat, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il infirme le jugement déféré et statue à nouveau dans les limites de cette infirmation, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Talabardon - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 juillet 1995, pourvoi n° 92-19.378, Bull. 1995, I, n° 314 (cassation) ; 3e Civ., 11 mai 2000, pourvoi n° 98-18.581, Bull. 2000, III, n° 105 (cassation partielle) ; 1re Civ., 3 mars 2011, pourvoi n° 10-14.041, Bull. 2011, I, n° 45 (cassation).

3e Civ., 24 juin 2021, n° 20-14.807, (B)

Rejet

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir d'ordre public – Expropriation pour cause d'utilité publique – Indemnité – Fixation – Offre de l'expropriation – Défaut de notification préalablement à la saisine du juge de l'expropriation

Faits et procédure

1. L'arrêt attaqué (Nîmes, 25 novembre 2019) statue sur les indemnités revenant à l'EARL Clos des bonnes huiles à la suite de l'expropriation, au profit de l'Etat, de parcelles que celle-ci soutient exploiter en vertu d'un bail rural.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à septième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'EARL Clos des bonnes huiles fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a droit à aucune indemnité, alors « qu'en relevant que « par référence aux articles L. 311-4 et suivants du code de l'expropriation, la notification des offres n'est pas une formalité impérative préalable à l'ordonnance d'expropriation. Dès lors, la procédure est régulière à l'égard de l'EARL Clos des bonnes huiles », après avoir constaté que les offres de l'expropriant avaient été « -affichées en mairie du 14 novembre au 16 décembre 2016 avec mention du nom de l'EARL Clos des bonnes huiles (T 026) ; -communiquées dans le cadre de l'instance judiciaire par mémoire du 13 juillet 2018, reçu le 24 juillet 2018 », soit postérieurement à la saisine du juge de l'expropriation aux fins de fixation de l'indemnité d'expropriation, le 21 mars 2018, la cour d'appel a violé les articles R. 311-4 et suivants du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

4. Le moyen s'analyse en une fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification des offres de l'expropriant à l'exproprié préalablement à la saisine de la juridiction.

5. Cependant, n'étant pas d'ordre public, il ne peut être présenté pour la première fois devant la Cour de cassation.

6. Il est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Djikpa - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 311-4 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

2e Civ., 10 juin 2021, n° 19-16.222, (P)

Cassation

Instance – Péremption – Effets – Jugement rendu en première instance – Force de chose jugée – Condition – Force de chose jugée de l'ordonnance constatant la péremption d'appel

Selon les articles 386, 387 et 390 du code de procédure civile, la péremption de l'instance en cause d'appel, qui peut être demandée par l'une quelconque des parties lorsque aucune d'elles n'accomplit de diligences pendant deux ans, confère au jugement la force de la chose jugée. Selon les articles 500 et 501 du même code, un jugement est exécutoire, à partir du moment où il passe en force de chose jugée, c'est à dire qu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.

En conséquence, un jugement n'acquiert force de chose jugée qu'au moment où l'ordonnance constatant la péremption de l'appel acquiert elle-même force de chose jugée.

Encourt dès lors la censure, l'arrêt d'une cour d'appel d'appel qui, pour liquider une astreinte, retient que le jugement ayant prononcé cette astreinte était devenu définitif deux ans après l'ordonnance de retrait du rôle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 22 février 2019), la commune de Saint-Paul a consenti, les 3 et 7 août 1990, à la société Incana Cambaie (la société) un bail à construction en vue de l'exercice d'une activité de garage.

2. Les conditions de ce bail n'ayant pas été respectées, un tribunal de grande instance a, par jugement du 19 septembre 2007, qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, prononcé la résiliation de celui-ci et ordonné l'expulsion de la société, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois suivant la signification de ce jugement.

3. La société a relevé appel de ce jugement et par ordonnance du 5 décembre 2008, le conseiller de la mise en état a ordonné le retrait du rôle de l'affaire.

4. Par ordonnance du 3 avril 2018, le conseiller de la mise en état a, à la demande de la société, constaté la péremption de l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que l'arrêt du 19 septembre 2007, ayant ordonné une astreinte de 100 euros par jour à son encontre, signifié le 1er octobre 2007, était définitif depuis le 5 décembre 2010, de liquider l'astreinte ordonnée par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion, le 19 septembre 2007, à la somme de 10 000 euros au vu du comportement des parties, de la condamner à verser à la commune de Saint-Paul la somme de 10 000 euros, de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, et de la condamner à payer la somme de 4 000 euros à la commune de Saint-Paul sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'un jugement n'est passé en force de chose jugée et, partant, n'est exécutoire qu'à partir du moment où il n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; que dans l'hypothèse où un appel a été interjeté contre un jugement non assorti de l'exécution provisoire et que l'instance d'appel s'est trouvée éteinte par l'effet de la péremption, ledit jugement n'acquiert force de chose jugée qu'au moment où la décision constatant la péremption d'instance acquiert elle-même l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la péremption de l'instance relative à l'appel interjeté contre le jugement du 19 septembre 2007 rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion prononçant une astreinte à l'encontre de la SCI Incana Cambaie, n'a été constatée que par ordonnance du 3 avril 2018 rendue par le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Saint-Denis, de sorte qu'il n'a pu acquérir force de chose de jugée qu'à compter de la date à laquelle cette ordonnance a elle-même acquis autorité de chose jugée ; qu'en jugeant toutefois que l'action en liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 septembre 2007 introduite le 16 décembre 2016 était recevable, dès lors que, en raison de la péremption de l'instance d'appel, ce jugement était définitif depuis le 5 décembre 2010, soit à l'issue du délai de deux ans à compter duquel la péremption de l'instance était susceptible d'être demandée, la cour d'appel a violé les articles 386, 387, 390, 500 et 501 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 386, 387,390, 500 et 501 du code de procédure civile :

6. Selon les trois premiers de ces textes, la péremption de l'instance en cause d'appel, qui peut être demandée par l'une quelconque des parties lorsque aucune d'elles n'accomplit de diligences pendant deux ans, confère au jugement la force de la chose jugée.

Selon les deux derniers, un jugement est exécutoire, à partir du moment où il passe en force de chose jugée, c'est à dire qu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.

7. Pour dire que l'arrêt du 19 septembre 2007 ayant ordonné une astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de la société, signifié le 1er octobre 2007, était définitif depuis le 5 décembre 2010, l'arrêt retient que le conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance dans sa dernière ordonnance rendue le 3 avril 2018, motif pris qu'aucune partie n'avait accompli des actes de procédure depuis le 5 décembre 2008, date de l'ordonnance de retrait du rôle, et qu'il était constant que le jugement du 19 septembre 2007, signifié le 1er octobre 2007, était définitif depuis le 5 décembre 2010.

8. En statuant ainsi, alors que le jugement n'avait acquis force de chose jugée qu'au moment où l'ordonnance du 3 avril 2018, constatant la péremption de l'instance en appel, avait elle-même acquis l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 386, 387, 390, 500 et 501 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 15-14.892, Bull. 2016, III, n° 60 (rejet).

Com., 2 juin 2021, n° 19-25.556, (P)

Rejet

Mesure d'administration judiciaire – Définition – Liquidation judiciaire simplifiée – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er octobre 2019), M. [S], entrepreneur individuel, a été assigné en redressement judiciaire, subsidiairement en liquidation judiciaire par un créancier.

2. Après avoir annulé le jugement du 22 mars 2019 qui avait ouvert la liquidation judiciaire de M. [S], la cour d'appel a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire simplifiée et désigné la société BTSG en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de prononcer à son égard une liquidation judiciaire simplifiée, alors « qu'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée ne peut être ouverte à l'encontre d'un débiteur qui est propriétaire d'un bien immobilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [S] était propriétaire d'un bien immobilier ; qu'en prononçant l'ouverture d'une liquidation judiciaire simplifiée à l'encontre de M. [S] au motif qu'il n'employait pas de salarié et que son chiffre d'affaires était inférieur à 300 000 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 641-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Le jugement du tribunal qui ouvre ou prononce lui-même la liquidation judiciaire simplifiée ou la décision de son président qui, après rapport du liquidateur, applique à la liquidation déjà ouverte ou prononcée les règles de la liquidation simplifiée peuvent être modifiés à tout moment, dans les conditions prévues à l'article L.644-6 du code de commerce.

Aux termes de l'article R.644-1, alinéa 2 du code de commerce, ce jugement ou cette décision constituent des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours.

6. Le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la liquidation judiciaire sera ouverte selon les modalités de la liquidation judiciaire simplifiée, est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; Me Bertrand ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 644-6 et R. 644-1, alinéa 2, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de recours contre la faculté d'appliquer à la liquidation les règles de la liquidation judiciaire simplifiée, à rapprocher : Com., 4 mars 2008, pourvoi n° 07-10.033, Bull. 2008, IV, n° 51 (Rejet).

1re Civ., 23 juin 2021, n° 19-13.350, (B)

Rejet

Ordonnance sur requête – Compétence – Compétence territoriale – Juridiction saisie au fond

Ordonnance sur requête – Compétence – Compétence territoriale – Lieu où la mesure demandée doit être exécutée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), le 31 décembre 2017, la société Valma distribution, qui exploitait un fonds de commerce de supermarché à [Localité 1] sous l'enseigne Système U, ainsi que trois autres sociétés présidées par M. [N], les sociétés Stadis, C 3 B et Dives distribution (le groupe [N]), ont rejoint le groupe Casino.

2. Alléguant que le groupe [N] était susceptible de manquer aux engagements souscrits à leur égard, les sociétés coopératives Système U Nord-Ouest et U enseigne (les coopératives) ont obtenu, sur requête, une ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris désignant un huissier de justice avec mission de se rendre au siège social des parties adverses afin de rechercher et prendre copie des documents utiles à l'établissement des faits dénoncés dans la requête.

Les mesures ont été exécutées et les éléments appréhendés ont été placés sous séquestre.

3. Les sociétés du groupe [N] ont assigné les coopératives en référé- rétractation de l'ordonnance devant le président du tribunal de commerce de Paris.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les coopératives font grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance rendue sur requête et, en conséquence, d'ordonner la restitution immédiate aux sociétés du groupe [N] de l'ensemble des documents saisis en exécution de cette ordonnance, alors :

« 1°/ que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 493 du code de procédure civile est le président du tribunal dans le ressort duquel l'instance au fond doit être examinée ou les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées ; qu'en présence d'une clause compromissoire, le juge territorialement compétent est soit celui dans le ressort duquel le tribunal arbitral est appelé à siéger, soit celui dans le ressort duquel les mesures d'instruction ont vocation à être exécutées, même partiellement ; qu'en retenant que le juge territorialement compétent pour ordonner les mesures sollicitées devait être le président de la juridiction appelée à connaître de l'éventuelle instance au fond, pour juger incompétent pour ordonner des mesures d'instruction in futurum le président de la juridiction consulaire parisienne, dans le ressort de laquelle devait pourtant siéger le tribunal arbitral ayant vocation à connaître de l'instance au fond, la cour d'appel a violé les articles 145, 493, 874 et 875 du code de procédure civile ;

2°/ que, subsidiairement, que selon le principe compétence-compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; qu'en retenant que le tribunal de commerce de Paris n'était pas compétent pour connaître de l'instance au fond, lorsque le tribunal arbitral, qui n'avait pas été encore saisi, ne s'était pas encore lui-même reconnu compétent pour connaître du litige, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation du principe selon lequel il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence et de l'article 1448 du code de procédure civile ;

3°/ que, subsidiairement, selon le principe compétence-compétence, il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; qu'en retenant que le tribunal de commerce de Paris n'était pas compétent pour connaître de l'instance au fond en présence d'une clause compromissoire, sans constater que cette dernière n'était ni manifestement nulle, ni manifestement inapplicable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe selon lequel il appartient à l'arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre compétence et de l'article 1448 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 1449 du code de procédure civile, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, à ce qu'une partie saisisse une juridiction de l'Etat aux fins d'obtenir une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire. Sous réserve des dispositions régissant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires, la demande est portée devant le président du tribunal judiciaire ou de commerce, qui statue sur les mesures d'instruction dans les conditions prévues à l'article 145 et, en cas d'urgence, sur les mesures provisoires ou conservatoires sollicitées par les parties à la convention d'arbitrage.

6. Il résulte des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées (2e Civ., 18 novembre 1992, pourvoi n° 91-16447, Bull. 1992, II, n° 266 ; 2e Civ., 15 octobre 2015, pourvois n° 14-17.564 et 14-25.654, Bull. 2015, II, n° 233), sans que la partie requérante puisse se prévaloir d'une clause compromissoire.

7. En présence d'une telle clause, le tribunal étatique susceptible de connaître de l'instance au fond est celui auquel le différend serait soumis si les parties, comme elles en ont la faculté, ne se prévalaient pas de la convention d'arbitrage.

8. Ayant relevé que les quatre sociétés défenderesses au litige potentiel étaient domiciliées à [Localité 1] (Calvados) et qu'aucune mesure d'instruction ne devait être effectuée dans le ressort de la juridiction parisienne, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas statué sur la compétence du tribunal arbitral, a jugé que le président du tribunal de commerce de Paris n'était pas territorialement compétent pour ordonner les mesures demandées, peu important que le siège du tribunal arbitral ait été fixé à Paris, avec comme juge d'appui le président de ce tribunal de commerce.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 42, 46, 145, 493, 1449 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n° 14-17.564, Bull. 2015, II, n° 233 (irrecevabilité et cassation), et les arrêts cités ; Com., 16 février 2016, pourvoi n° 14-25.340, Bull. 2016, IV, n° 31 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 10 juin 2021, n° 20-13.803, (P)

Cassation

Ordonnance sur requête – Sauvegarde des droits d'une partie ou d'un tiers – Mesure prise non contradictoirement – Justification – Cas – Risque de dissimulation des preuves recherchées – Application

Il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour rétracter une ordonnance sur requête, retient que le demandeur, qui pouvait ou avait déjà recueilli certains documents auprès de sources légales, telles que les greffes des tribunaux de commerce, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers et les services de la publicité foncière, ne justifiait pas de circonstances précises imposant de solliciter une mesure d'instruction sans appeler les parties adverses en la cause, alors que la requête exposait de façon détaillée un contexte laissant craindre une intention frauduleuse des défendeurs d'organiser leur insolvabilité, laquelle ne pouvait ressortir de la seule consultation des documents recueillis auprès de sources légales, et que le risque de dissimulation des preuves recherchées et la nécessité de ménager un effet de surprise étaient motivés par référence à ce contexte.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2019), la Société de gestion des garanties et de participations (la SGGP), soupçonnant un comportement frauduleux de la part de M. [E] et de Mme [H], son épouse (M. et Mme [E]) afin d'organiser leur insolvabilité, a saisi le président d'un tribunal de grande instance d'une requête tendant à voir désigner un huissier de justice, assisté d'un technicien informatique, avec pour mission d'exécuter un mesure d'investigation.

2. Par ordonnance du 28 juillet 2017, le juge a accueilli cette demande.

3. M et Mme [E], la société Financière et foncière des victoires et M. [L], gérant de la SCI Maunoury Invest 2012, intervenant volontaire, ont sollicité la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La SGGP fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance en date du 28 juillet 2017, de dire n'y avoir lieu à ordonner la mesure d'investigation qu'elle sollicitait et de rejeter toute autre demande de sa part, alors :

« 1°/ que la nécessité de ménager un effet de surprise et d'éviter la dissimulation ou la destruction d'éléments de preuve constitue un motif justifiant qu'une mesure d'instruction soit ordonnée de manière non-contradictoire ; qu'en l'espèce, pour infirmer l'ordonnance de référé du 22 février 2019 et rétracter l'ordonnance rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris sur requête de la SGGP, autorisant un huissier à procéder à un constat informatique au domicile des époux [E] ainsi qu'aux sièges sociaux de la société Financière et foncière des victoires, dont M. [E] est le gérant, et de la SCI Maunoury Invest 2012, dont M. [L] est le gérant, la cour d'appel a retenu que la SGGP exposait dans sa requête envisager d'agir en justice à l'encontre des époux [E] en résolution du protocole d'accord conclu le 7 avril 2009, ainsi qu'à l'encontre de ceux-ci et de certaines personnes morales et physiques dans le cadre d'une action paulienne sur le fondement de l'ancien article 1167 du code civil et du principe « fraus omnia corrumpit », qu'elle décrivait des montages financiers destinés, selon elle, à dissimuler les actifs des époux [E] et des opérations démontrant une confusion des patrimoines de la société Financière et foncière des victoires et des époux [E], et expliquait qu'il était nécessaire qu'elle obtienne des informations sur les liens existant entre la SCI Saint Denis Basilique, le bien immobilier de [Adresse 6] et les membres de la famille [E], les mouvements sur les comptes bancaires de la FFDV, les liens entre la FFDV et diverses sociétés en participation ; que la cour d'appel a estimé que les « considérations d'ordre général » évoquées en page 31 de la requête sur la possible disparition des preuves détenues sur des supports informatiques ne répondaient pas « à l'exigence de caractérisation, in concreto, des circonstances particulières au cas d'espèce, justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction », et que le juge ayant autorisé les investigations n'avait pas relevé de circonstances particulières justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, pour en déduire l'absence de circonstances précises imposant à la SGGP de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause ; qu'en statuant de la sorte, quand la requête déposée par la SGGP, qui visait formellement le risque de dépérissement des preuves et la nécessité de ménager un effet de surprise, était motivée par renvoi à des faits dont il était soutenu qu'ils caractérisaient une fraude paulienne et l'organisation par les époux [E] de leur insolvabilité, ce qui justifiait le recours à une procédure non contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que pour infirmer l'ordonnance de référé du 22 février 2019 et rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 par le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel a également retenu que les informations que la SGGP estimait nécessaires à une action future, listées en page 24 de sa requête, à savoir les participations et liens capitalistiques de la société FFDV, le patrimoine et les opérations immobilières, ainsi que mobilières (achat d'un bateau) réalisées par les [E] et la société Financière et foncière des victoires, les divers lieux de résidence et les relations d'affaires de M. [E] pouvaient être recueillies ? et l'avaient au demeurant déjà été pour certaines d'entre elles ? auprès de sources légales, telles que les greffes des tribunaux de commerce, y compris à l'étranger, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers, les services de la publicité foncière ; qu'en statuant de la sorte, quand le succès des actions qu'envisageait d'engager la SGPP contre les défendeurs supposait que soit rapportée la preuve de l'existence de conventions de prête-nom, de mouvements bancaires entre les époux [E] et les autres participants à la fraude alléguée, ainsi que la confusion des patrimoines des époux [E] avec les sociétés et intervenants en cause, et enfin, s'agissant de l'action paulienne envisagée par la SGGP, de l'intention frauduleuse ayant animé les époux [E], éléments qui ne pouvaient résulter de la seule consultation des documents énumérés par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a méconnu l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 493 et 812 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 145 et 493 du code de procédure civile :

5. Selon le premier de ces textes, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Aux termes du second, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

6. Pour infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 22 février 2019, l'arrêt retient que faute de circonstances précises imposant à la société SGGP, qui pouvait ou avait déjà recueilli certains documents relatifs aux liens capitalistiques de la société Financière et foncière des victoires, au patrimoine et aux opérations immobilières et mobilières réalisées par les époux [E] et à leurs relations d'affaire auprès de sources légales, telles que les greffes des tribunaux de commerce, les rapports des commissaires aux comptes, les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés possédant des actifs immobiliers et les services de la publicité foncière, de solliciter une mesure d'instruction in futurum sans appeler les parties adverses en la cause, l'ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2017 devait être rétractée.

7. En statuant ainsi, alors que la société SGGP avait exposé de façon détaillée dans sa requête un contexte laissant craindre une intention frauduleuse de la part M. et Mme [E] afin d'organiser leur insolvabilité en fraude aux droits de leurs créancier, qui ne pouvait ressortir des seuls éléments déjà recueillis auprès de sources légales, et que le risque de dissimulation des preuves recherchées et la nécessité de ménager un effet de surprise étaient motivés par référence à ce contexte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 145 et 493 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-14.389, Bull. 2015, II, n° 68 (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 16 juin 2021, n° 20-12.154, (B)

Sursis à statuer et renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne

Sursis à statuer – Décision de sursis – Cas – Décision de la Cour de justice de l'Union européenne – Influence sur la solution du litige – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 octobre 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-21.533), suivant offre acceptée le 21 février 2006, réitérée par acte authentique du 17 mai 2006, la caisse fédérale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest, aux droits de laquelle se trouve la caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest (la banque) a consenti à M. [J] (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier d'un montant de 209 109 euros remboursable sur vingt ans.

Les conditions générales du contrat prévoyaient à l'article 16-1 que les sommes dues seraient de plein droit et immédiatement exigibles, sans formalité ni mise en demeure dans le cas d'un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires.

2. L'échéance exigible au 10 décembre 2012, pour un montant de 904,50 euros, n'ayant pas été réglée, ni celle du mois de janvier 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme le 29 janvier 2013, sans mise en demeure préalable, et fait procéder à une saisie-vente au domicile de l'emprunteur le 17 septembre 2015. Soutenant que le procès-verbal de saisie comportait des irrégularités, l'emprunteur a saisi le juge de l'exécution, le 13 octobre 2015, en annulation de la procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ; qu'il incombe aux juges du fond de relever d'office le caractère abusif des clauses qui leur sont soumises dès lorsqu'ils disposent des éléments de fait et de droit leur permettant de se prononcer ; qu'au cas d'espèce, ayant constaté que l'article 16.1 du contrat de prêt prévoyait que le prêteur pourrait prononcer la déchéance du terme sans formalité ni mise en demeure dès lors que l'emprunteur était en retard de plus de trente jours dans le paiement d'un terme du prêt, en s'abstenant de rechercher si cette clause, qui reconnaissait au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable, ne devait pas être présumée abusive, sauf à la banque à démontrer le contraire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau), R. 132-2, 4° ancien (devenu R. 212-2, 4° nouveau), R. 632-1 et L. 141-4 ancien du code de la consommation, ensemble l'article 1184 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) ;

2°/ que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que revêt un tel caractère abusif la clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, au motif d'un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un terme du prêt, sans que l'emprunteur soit mis en mesure de s'expliquer au préalable sur cette cause de déchéance ; qu'il incombe aux juges du fond de relever d'office le caractère abusif des clauses qui leur sont soumises dès lorsqu'ils disposent des éléments de fait et de droit leur permettant de se prononcer ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher si l'article 16.1 du contrat de prêt ne revêtait pas un caractère abusif dès lors qu'il autorisait le prêteur, en cas de retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance, à résilier unilatéralement le contrat sans laisser à l'emprunteur la possibilité de s'expliquer sur le manquement qui lui était imputé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau), R. 632-1 et L. 141-4 ancien du code de la consommation, ensemble l'article 1184 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016) ;

3°/ que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'il incombe aux juges du fond de relever d'office le caractère abusif des clauses qui leur sont soumises dès lorsqu'ils disposent des éléments de fait et de droit leur permettant de se prononcer ; que la CJUE a dit pour droit que l'article 3 § 1 et l'article 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doivent être interprétés en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt (CJUE 26 janvier 2017, Banco Primus, aff. C-421/4) ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant, de rechercher si la clause de déchéance du terme de l'article 16.1 du contrat de prêt ne revêtait pas un caractère abusif, dès lors qu'elle permettait de résilier le contrat, conclu pour une durée de vingt ans et un montant de 209 109 euros, sur le fondement d'un simple retard de plus de trente jours dans le règlement d'une échéance, la cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 § 1 et 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, tels qu'interprétés par la CJUE, ensemble les articles L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau), R. 632-1 et L. 141-4 ancien du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

Le droit de l'Union européenne

5. Aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

6. L'article 4 de cette directive précise :

« 1. Sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend.

2. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

7. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), par arrêt du 26 janvier 2017 (Banco Primus SA, C-421/14), a dit pour droit que les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que :

« - l'examen du caractère éventuellement abusif d'une clause d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur implique de déterminer si celle-ci crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Cet examen doit être effectué au regard des règles nationales qui, en l'absence d'accord des parties, trouvent à s'appliquer, des moyens dont le consommateur dispose, en vertu de la réglementation nationale, pour faire cesser l'utilisation de ce type de clauses, de la nature des biens ou des services qui font l'objet du contrat en cause ainsi que de toutes les circonstances qui entourent la conclusion de celui-ci ; [...]

 - s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. »

Le droit national

8. Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable au litige et portant notamment transposition de cette directive, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

9. La Cour de cassation déduit de manière constante des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Mais elle admet qu'il puisse être dérogé à l'exigence d'une mise en demeure par une disposition expresse et non équivoque du contrat (1re Civ., 3 février 2004, pourvoi n° 01-02.020, Bull. 2004, I, n° 27 ; 1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15.655, Bull. 2015, I, n° 131 ; 1re Civ., 22 juin 2017, pourvoi n° 16-18.418, Bull. 2017, I, n° 151) dès lors que le consommateur est ainsi informé des conséquences de la méconnaissance de ses obligations.

Motifs justifiant le renvoi préjudiciel

10. L'examen des branches du moyen implique de déterminer si les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, dans les contrats conclus avec les consommateurs, à une dispense conventionnelle de mise en demeure, même si elle est prévue de manière expresse et non équivoque au contrat et si la clause litigieuse, en ce qu'elle a pour effet que la déchéance du terme est encourue de plein droit dans le cas d'un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires, doit être considérée comme abusive au vu notamment des critères dégagés par la CJUE dans l'arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14).

En faveur d'un déséquilibre significatif, il peut être soutenu qu'une telle clause permet au prêteur de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable et sans laisser à l'emprunteur la possibilité de s'expliquer sur le manquement qui lui est imputé.

En faveur de l'absence de caractère abusif il peut être soutenu que, pour être valable, une telle clause doit être prévue de manière expresse et non équivoque de sorte que l'emprunteur est parfaitement informé de ses obligations. Il peut être ajouté que celui-ci dispose toujours de la possibilité de saisir le juge pour contester l'application de la clause et faire sanctionner un abus dans son prononcé par le prêteur.

11. Au regard du premier critère posé par l'arrêt de la CJUE du 26 janvier 2017 précité, pour l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il pourrait être admis que le défaut de règlement d'une mensualité au terme prévu par le consommateur caractérise l'inexécution par celui-ci d'une obligation présentant un caractère essentiel, dès lors qu'il s'est engagé à s'acquitter des mensualités prévues et que cet engagement a déterminé celui du prêteur.

12. Le deuxième critère, conduisant à apprécier si un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires, comme le prévoit la clause en cause, caractérise une inexécution suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, prête davantage à interrogation. Compte tenu de l'allongement de la durée des crédits et de la baisse des taux d'intérêts, les montants des impayés peuvent être relativement faibles au regard de la durée et du montant des prêts au moment du prononcé de la déchéance du terme, de sorte que le caractère suffisamment grave de l'inexécution pourrait être relativisé et il pourrait être tenu compte de l'équilibre global des relations contractuelles.

Mais un tel raisonnement, qui impliquerait que le juge détermine dans chaque cas à partir de quel montant rapporté à la durée et au montant du prêt et de quel délai, l'inexécution est suffisamment grave pour justifier une exigibilité immédiate du prêt, pourrait être regardé comme créant une inégalité entre les consommateurs.

13. La question se pose donc de savoir si un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un seul terme en principal, intérêts ou accessoires, comme le prévoit la clause en cause, peut caractériser une inexécution revêtant un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt.

14. En application du troisième critère, il importe de déterminer si la clause déroge aux règles du droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques.

Le droit commun impose l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, tout en admettant qu'il y soit dérogé par les parties et en exigeant alors le respect d'un préavis raisonnable.

Le préavis étant de trente jours dans la clause en cause, on peut hésiter à considérer ce délai comme suffisant pour que l'emprunteur contacte le prêteur, s'explique sur le manquement imputé et trouve une solution pour apurer le ou les impayés. Cependant le contrat en cause prévoit, par ailleurs, la possibilité pour l'emprunteur de demander une modification d'échéances susceptible de lui permettre, le cas échéant, de prévenir un risque d'impayé.

15. Il importe néanmoins de savoir si un préavis de trente jours peut être considéré comme créant au détriment du consommateur un déséquilibre significatif.

16. Enfin, l'arrêt de la CJUE du 26 janvier 2017 ne précise pas si les quatre critères dégagés pour l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée sont cumulatifs ou alternatifs. Ce point est nécessaire à la solution du moyen et pour éclairer le juge national sur la méthodologie à employer pour l'appréciation du caractère abusif de la clause litigieuse.

17. Se pose aussi la question de savoir, si en cas de critères cumulatifs, le caractère abusif de la clause ne pourrait néanmoins pas être exclu au regard de l'importance relative de tel ou tel critère.

18. Les questions soulevées par le moyen, dont dépend la solution du pourvoi et qui nécessitent une interprétation uniforme des textes du droit de l'Union applicables en la cause, justifient la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne.

19. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu'à ce que la Cour de justice se soit prononcée sur ces différents points.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le premier moyen du pourvoi ;

RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

1°/ Les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent, dans les contrats conclus avec les consommateurs, à une dispense conventionnelle de mise en demeure, même si elle est prévue de manière expresse et non équivoque au contrat ?

2°/ L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), doit-il être interprété en ce sens qu'un retard de plus de trente jours dans le paiement d'un seul terme en principal, intérêts ou accessoires peut caractériser une inexécution suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt et de l'équilibre global des relations contractuelles ?

3°/ Les articles 3, paragraphe 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une clause prévoyant que la déchéance du terme peut être prononcée en cas de retard de paiement de plus de trente jours lorsque le droit national, qui impose l'envoi d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, admet qu'il y soit dérogé par les parties en exigeant alors le respect d'un préavis raisonnable ?

4°/ Les quatre critères dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14) pour l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée sont-ils cumulatifs ou alternatifs ?

5°/ Si ces critères sont cumulatifs, le caractère abusif de la clause peut-il néanmoins être exclu au regard de l'importance relative de tel ou tel critère ?

SURSOIT à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 7 décembre 2021.

- Président : Mme Batut (président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller ; SCP Krivine et Viaud -

Textes visés :

Article 3, §§ 1 et 4, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993.

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