Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

PRESCRIPTION CIVILE

Soc., 23 juin 2021, n° 18-24.810, (B)

Cassation partielle

Prescription biennale – Article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action en paiement d'une prime de treizième mois fondée sur la méconnaissance du principe d'égalité de traitement

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 septembre 2018), M. [U], engagé le 23 avril 1993 par la Société française de gestion hospitalière (SFGH) Hôpital service, aux droits de laquelle vient la société Elior services propreté et santé (la société ESPS), et affecté sur le site de nettoyage de l'établissement de Provence à [Localité 1], a saisi le 14 mars 2014 la juridiction prud'homale aux fins de paiement notamment d'une prime de treizième mois versée aux salariés de la même entreprise, travaillant sur les sites de nettoyage de la clinique [Établissement 1] et de la [Établissement 2], en application du principe d'égalité de traitement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que seules les demandes formées pour la période antérieure au 14 mars 2009 étaient prescrites et en conséquence d'allouer diverses sommes au salarié, alors « qu'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'il en résulte que le délai de prescription d'une action en reconnaissance d'une inégalité de traitement court à compter de la connaissance par le salarié de l'inégalité litigieuse ; qu'en affirmant, pour juger que « le jugement ayant dit que les demandes présentées pour une période antérieure au 14 mars 2009 sont prescrites, et, par voie de conséquence, ayant reçu les demandes postérieures à cette date, sera confirmé », que l'action de M. [U] en reconnaissance d'une inégalité de traitement « ne porte pas sur l'exécution du contrat de travail au sens de l'article L. 1471-1 du code du travail » et que « le délai de prescription court à compter de la date d'exigibilité de chacune des créances salariales revendiquées », la cour d'appel a violé l'article susvisé. »

Réponse de la Cour

3. Lorsque le salarié invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de sa demande.

4. La cour d'appel a retenu exactement que l'action en paiement de la prime de treizième mois ne portait pas sur l'exécution du contrat de travail mais constituait une action en paiement du salaire, peu important qu'elle soit fondée sur un moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement, ce dont il résultait que les dispositions de l'article L. 1471-1, premier alinéa, du code du travail n'étaient pas applicables.

5. Le moyen n'est donc pas fondé

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de reconnaître l'inégalité de traitement au titre du treizième mois et de le condamner à verser au salarié une somme à ce titre, alors « que l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert de contrats de travail résultant d'une application volontaire ou de plein droit de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir les droits que les salariés transférés tiennent de leur contrat de travail, d'un usage ou d'un avantage acquis justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés ; qu'en jugeant que « l'employeur a volontairement attribué un treizième mois aux salariées, Mmes [F], [S] et [O] » et qu'« à défaut pour l'employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence de traitement, Mme [I], fondée à réclamer l'allocation d'un treizième mois », quand il n'était pas contesté par les parties que la prime litigieuse relevait d'un avantage acquis réservé à des salariés du site [Établissement 1] qui avaient été transférés à la société Hôpital service, devenue depuis la société ESPS, à la suite d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, ce dont il résultait que la différence de traitement entre ces salariés et M. [U], non concerné par ce transfert, était justifiée, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement et l'article L. 1224-1 du code du travail :

7. L'obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d'une entreprise par application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

8. Pour faire droit à la demande du salarié en paiement d'une prime de treizième mois pour la période de juillet 2010 à 2013, l'arrêt retient d'abord que la société Hôpital service a fait l'objet d'une fusion par absorption par la société ESPS avec effet au 1er avril 2012 et que le salarié a été embauché le 23 avril 1993 par la société Hôpital service, de sorte qu'il peut se comparer, s'agissant des primes acquises et suppléments salariaux aux salariés recrutés du temps de cette société Hôpital service, dont les trois salariées de la clinique [Établissement 1] (Mmes [F], [S] et [O]) embauchées respectivement les 1er juillet 2010, 28 juin 2010 et 2 juillet 2010, que ces trois salariées bénéficiaient d'un treizième mois équivalent à 100 % du salaire mensuel brut, ce qui n'est pas son cas, que la société ESPS soutient à tort que Mmes [F], [S] et [O] ont fait l'objet d'un transfert de leurs contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

9. L'arrêt ajoute ensuite que, s'agissant de la reprise des salariés anciennement embauchés par la société Sodexo sur le site de la clinique [Établissement 1], la société ESPS ne rapporte pas la preuve d'une reprise d'une entité économique dans le cadre d'une perte de marché en application de l'annexe 7 de la convention collective de propreté, que les contrats de travail portent la mention suivante : « suite à la reprise de la prestation de bio-nettoyage et des services hôteliers par la société Hôpital service, les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne pouvant recevoir application de droit en l'espèce, il a été proposé à Mme... de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société Hôpital service à compter du 1er juillet 2010, ce transfert vaut rupture d'un commun accord du contrat de travail d'origine de Mme... avec Sodexo et conclusion d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée sans période d'essai avec la société Hôpital service », que c'est donc vainement que la société ESPS affirme que ce transfert a été effectué de droit, qu'il s'ensuit que l'employeur a volontairement attribué un treizième mois aux salariées, Mmes [F], [S] et [O], qu'il est exactement relevé par la salariée que la clause d'attribution de la prime de treizième mois ne mentionne ni les critères ni les conditions d'attribution, et ne précise nullement qu'elle est versée pour compenser une sujétion particulière ou pour exercer des tâches spécifiques non comprises dans le salaire mensuel.

10. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'employeur avait fait une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail, de sorte qu'il était fondé à maintenir l'avantage de treizième mois au seul bénéfice des salariés transférés, sans que cela constitue une atteinte prohibée au principe d'égalité de traitement, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en affirmant, pour juger que « le treizième mois alloué aux salariés du site de la [Établissement 2] constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur » et condamner en conséquence la société ESPS à verser à M. [U] la prime litigieuse, que « le treizième mois a été attribué de façon pérenne à compter de novembre 2012 à plusieurs salariés (?) du site de la [Établissement 2] », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le versement régulier de la prime litigieuse ne résultait pas des condamnations judiciaires prononcées au bénéfice de ces salariés en première et seconde instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Pour faire droit à la demande en paiement d'une prime de treizième mois pour la période de novembre 2012 à 2013, l'arrêt retient également que, s'agissant des salariés affectés sur le site de la [Établissement 2], le salarié expose que certains d'entre eux, notamment Mmes [A], [T], [E], [W] et M. [J] ont perçu un treizième mois, attribué spontanément et unilatéralement par l'employeur, que l'attribution de la prime de treizième mois aux salariés du site de la [Établissement 2] ne résulte ni d'un transfert du contrat de travail en application d'une garantie d'emploi, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d'un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d'une majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Il ajoute que la société ESPS ne peut valablement soutenir qu'il s'agit d'une erreur, dont l'explication de l'origine varie selon les deux attestations produites, et alors que le treizième mois a été attribué de façon pérenne à compter du mois de novembre 2012 à plusieurs salariés du site de la [Établissement 2], qu'il résulte de ces éléments que le treizième mois alloué aux salariés du site de la [Établissement 2] constitue un avantage alloué unilatéralement par l'employeur.

13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur clair et non équivoque, et sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si le versement de la prime litigieuse à compter de novembre 2012 aux salariés du site de nettoyage de la polyclinique du Languedoc à Narbonne ne résultait pas des condamnations judiciaires prononcées au bénéfice de salariés qui avaient saisi la juridiction prud'homale d'une demande identique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation partielle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il reconnaît l'inégalité de traitement au titre du treizième mois et en ce qu'il condamne la société Elior services propreté et santé à payer à M. [U] la somme de 3 133,52 euros à titre de treizième mois, l'arrêt rendu le 21 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la durée de la prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande, dans le même sens que : Ch. mixte, 26 mai 2006, pourvoi n° 03-16.800, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 3 (1) (rejet).

Soc., 30 juin 2021, n° 19-14.543, (B)

Cassation

Prescription biennale – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Demande en paiement de la gratification afférente à la médaille du travail

Prescription quinquennale – Article L. 1134-5 du code du travail – Action en réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination – Cas – Demande en paiement de la gratification afférente à la médaille du travail

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Domaine d'application – Action relative à l'utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps

L'action relative à l'utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale et relève de la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2019), M. [D] a été engagé par la société Le Crédit Lyonnais (la société) à compter du 10 juillet 1972. Dans le dernier état des relations contractuelles, il occupait le poste de chargé d'activités sociales.

2. Le 5 mai 2015, le salarié et la Fédération des employés et cadres Force ouvrière (le syndicat) ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment au titre du paiement de la médaille de travail pour trente-cinq ans d'ancienneté, de dommages-intérêts pour discrimination, du solde de monétisation du compte épargne-temps et de dommages-intérêts pour non-exécution d'une décision de justice.

3. Après avoir fait valoir ses droits à la retraite, le salarié a quitté les effectifs de l'entreprise le 31 janvier 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande du salarié tendant à ce que l'employeur soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre du paiement de la gratification de sa médaille de travail de ses trente-cinq ans d'ancienneté, alors « qu'en application de l'article L. 1134-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; qu'à l'appui de sa demande tendant à obtenir la somme de 3686,40 euros au titre de la gratification afférente à la médaille or, le salarié avait soutenu et démontré qu'il avait été privé de ladite gratification en application de l'accord collectif du 24 janvier 2011 lequel avait eu pour effet de créer une discrimination en raison de l'âge, ce qui avait été reconnu par la Cour de cassation dans de multiples arrêts ; qu'en se bornant, pour dire que la demande du salarié était prescrite, à relever que celui-ci n'avait saisi la juridiction prud'homale que le 5 mai 2015 alors que la gratification était acquise en 2007, cependant que l'accord dont il revendiquait le caractère discriminatoire avait été conclu le 24 janvier 2011 de sorte qu'il était recevable à agir jusqu'au 24 janvier 2016, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1134-5 du code du travail :

5. Selon ce texte, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

Les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

6. Pour déclarer irrecevable la demande de versement de la gratification afférente à la médaille du travail, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, retient que cette action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, ce dont il déduit que le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 5 mai 2015, la demande en versement de la gratification afférente à la médaille du travail en raison de ses trente-cinq ans d'activité dans l'entreprise (acquis en 2007) est prescrite.

7. En statuant ainsi, alors que l'action engagée le 5 mai 2015 était fondée sur des faits de discrimination allégués commis en application d'un accord collectif conclu le 24 janvier 2011, de sorte qu'elle était soumise à la prescription quinquennale et que l'action n'était pas prescrite à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables la demande du salarié tendant à ce que l'employeur soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la monétisation du solde de son compte épargne-temps et sa demande en paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors « qu'en visant, pour se déterminer comme elle l'a fait, les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, après avoir relevé que M. [D] revendiquait le paiement du solde de la monétisation de son compte-épargne temps, lequel constitue une contrepartie à l'exécution d'un travail et ce faisant, un salaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1471-1 du code du travail, ensemble l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3151-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article L. 3245-1 du même code :

9. Aux termes du premier de ces textes, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie de périodes de congé ou de repos non prises, ou de sommes qu'il y a affectées.

10. Pour déclarer irrecevable la demande de monétisation d'un certain nombre de jours épargnés sur le compte épargne-temps, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, retient que cette action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit et que le salarié reconnaît dans ses écritures avoir sollicité le paiement en 2008 et en 2010 d'un certain nombre de jours sur son compte épargne-temps, ce dont il déduit que le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 5 mai 2015, la demande est prescrite.

11. En statuant ainsi, alors que l'action relative à l'utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande indemnitaire pour résistance abusive et pour violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors « que par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la Fédération des employés et cadres Force ouvrière tendant à ce que la société LCL soit condamnée à lui verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour violation de l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. La cassation des chefs de dispositif critiqués par le deuxième moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif relatif au rejet de la demande indemnitaire du syndicat, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE et ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 janvier 2019 entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L.1134-5 du code du travail ; article L. 3245-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation de l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge en matière d'attribution d'une prime pour obtention de la médaille du travail, à rapprocher : Soc., 28 mars 2018, pourvoi n° 16-19.260, Bull. 2018, V, n° 53 (rejet). Sur la nature des droits issus du compte épargne temps, à rapprocher : Soc., 22 juin 2016, pourvoi n° 14-18.675, Bull. 2016, V, n° 132 (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 9 juin 2021, n° 19-21.931, (P)

Cassation partielle sans renvoi par voie de retranchement

Prescription quinquennale – Article 2224 du code civil – Domaine d'application – Action en réparation de harcèlement moral

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 juin 2019), Mme [B] a été engagée par la société Meubles Ikea France (la société) à compter du 19 avril 2000.

En dernier lieu, elle exerçait les fonctions d'employée caisse. Placée, à compter du 7 avril 2009, en arrêt maladie, la salariée a, le 9 octobre 2009, été déclarée inapte définitivement à son poste par le médecin du travail. Elle a, le 17 novembre 2009, été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

2. La salariée a, le 10 novembre 2014, saisi la juridiction prud'homale en vue de faire constater la nullité de son licenciement et condamner la société à lui verser différentes sommes, en particulier au titre du harcèlement moral et de la rupture de son contrat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de dire que l'action en réparation de harcèlement moral, introduite par la salariée le 10 novembre 2014, n'était pas prescrite, que le harcèlement moral subi par elle était caractérisé, que son licenciement était nul et de la condamner à lui verser des dommages-intérêts au titre du harcèlement et du licenciement nul, ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, alors :

« 1°/ que, en application de l'article 2224 du code civil, l'action en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral se prescrit par cinq ans à compter de la révélation du harcèlement, cette révélation étant constituée par la connaissance de tous les éléments permettant au salarié de s'estimer victime de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il résultait du rapport de l'inspecteur du travail du 15 octobre 2010, sur lequel s'est fondée la cour d'appel pour estimer matériellement établis les faits présentés par la salariée comme laissant présumer un harcèlement moral, que l'intéressée s'était présentée à l'inspection du travail le 9 septembre 2009 pour indiquer être en arrêt de travail pour dépression depuis avril 2009 et avoir fait l'objet d'une forme de harcèlement moral sur son lieu de travail ; qu'il s'en évince que le 9 septembre 2009 la salariée connaissait les faits lui permettant de faire reconnaître le harcèlement moral dont elle s'estimait victime, cette date constituant le point de départ du délai de prescription de cinq ans qui était donc acquise le 10 septembre 2014 ; et qu'en considérant qu'à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, le 10 novembre 2014, la prescription n'était pas acquise, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil interdit la prise en compte de faits de harcèlement moral couverts par elle ; qu'à supposer que le licenciement de la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, intervenu le 17 novembre 2009, puisse constituer un agissement de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, le 10 novembre 2014, les faits de harcèlement moral imputés à l'employeur antérieurs au 10 novembre 2009 étaient prescrits ; et qu'en considérant que le harcèlement moral, dont la salariée prétendait avoir été victime, était caractérisé par des agissements antérieurs au 10 novembre 2009 couverts par la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, en application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. La cour d'appel, qui a relevé que la salariée soutenait avoir été victime d'agissements de harcèlement moral au delà de sa mise en arrêt de travail pour maladie et demandait pour ce motif la nullité de son licenciement prononcé le 17 novembre 2009, en a exactement déduit qu'elle avait jusqu'au 17 novembre 2014 pour saisir le conseil de prud'hommes, peu important qu'elle ait été en arrêt maladie à partir du 7 avril 2009.

6. Ensuite, ayant constaté que l'action de la salariée au titre du harcèlement moral n'était pas prescrite, la cour d'appel a à bon droit analysé l'ensemble des faits invoqués par la salariée permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, quelle que soit la date de leur commission.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de lui ordonner de rembourser les indemnités chômage éventuellement versées par Pôle emploi à la salariée postérieurement à son licenciement dans la limite de six mois, alors « que dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 1235-4 du code du travail ne permettait pas d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage, en cas de prononcé de la nullité du licenciement, de sorte que la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

10. Après avoir décidé que le licenciement de la salariée était nul, son inaptitude définitive à son poste de travail résultant de son état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont elle avait fait l'objet, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y lieu d'ordonner le remboursement par la société des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle emploi à la salariée postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois.

11. En statuant ainsi, alors que le licenciement de la salariée a été prononcé le 17 novembre 2009, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, et qu'ainsi le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

Dépens

14. Il convient de condamner la société, qui succombe pour l'essentiel, aux dépens.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il ordonne à la société Meubles Ikea France de rembourser les indemnités chômage éventuellement versées par Pôle emploi à Mme [B] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 28 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 2224 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la période à considérer pour la date de commission des faits de harcèlement moral, à rapprocher : Soc., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-28.328, Bull. 2019, (cassation partielle).

Com., 2 juin 2021, n° 20-12.908, (P)

Cassation partielle

Prescription trentenaire – Domaine d'application – Sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 2019), par un acte du 15 avril 1988, la société Crédit lyonnais (la banque) a consenti à la société BEI, aux droits de laquelle est venue la société Compagnie avicole française (la société CAF), une ouverture de crédit.

Par un acte notarié du 16 février 1993, M. et Mme [M] se sont rendus « cautions en garantie de paiement des sommes dues par l'emprunteur à la banque » et ont consenti à la banque une garantie hypothécaire sur un ensemble de biens immobiliers leur appartenant, qu'ils ont renouvelée le 27 janvier 1995.

2. Après la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, M. et Mme [M] ont, par un acte du 12 novembre 2014, assigné la banque en invoquant « l'extinction des hypothèques ».

La cour d'appel a accueilli leur demande, en conséquence de l'extinction, par prescription, de l'engagement des « cautions. »

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'ordonner la radiation des hypothèques prises par elle sur les immeubles appartenant à M. [M] et à son épouse, aujourd'hui décédée, alors « qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement ; que les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'affectation hypothécaire des biens appartenant aux époux [M], en garantie du remboursement du crédit accordé par le Crédit lyonnais à la société BEI, à laquelle s'était ultérieurement substituée la société Compagnie avicole française, ne constituait pas un cautionnement soumis, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à la prescription quinquennale de droit commun, mais avait exclusivement la nature d'une sûreté réelle immobilière, soumise à une prescription trentenaire, y compris après l'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'en jugeant le contraire, pour en déduire qu'à défaut de toute action de la banque à l'encontre des époux [M] avant le 19 juin 2013, c'est-à-dire dans le délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, « l'engagement de caution » de ces époux s'était éteint par l'effet de la prescription et que les hypothèques constituées sur leurs biens avaient lieu d'être radiées en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 2011, devenu 2288, l'article 2114, devenu 2393, l'article 2180, devenu 2488, l'article 2224 et l'article 2227 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2011, devenu 2288, 2114, devenu 2393, 2180, devenu 2488, et 2227 du code civil :

4. Il résulte de ces textes que, la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement. Limitée au bien affecté en garantie, elle est soumise à la prescription trentenaire, prévue par le dernier texte pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l'article 2224 du code civil pour les actions personnelles ou mobilières.

5. Pour déclarer prescrites les hypothèques litigieuses et ordonner leur radiation, l'arrêt relève que la banque n'avait entrepris aucune action à l'égard des « cautions » avant le 19 juin 2013, terme du délai pour agir contre elles en conséquence de la survenance de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

6. En statuant ainsi, alors qu'ayant relevé que [K] et [N] [M] s'étaient rendus cautions « simplement hypothécaires » de l'emprunteur, de sorte que l'affectation de leurs biens en garantie de la dette d'autrui avait la nature d'une sûreté réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. La banque fait encore grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [M], agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de son épouse décédée, la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement ou de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce que la cour d'appel a retenu la prescription de « l'engagement de caution » des époux [M] et a ordonné en conséquence la radiation des inscriptions hypothécaires prises sur leurs biens, s'étendra, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, au chef par lequel la cour d'appel a inféré de cette prétendue prescription que les inscriptions hypothécaires avaient été maintenues « de manière injustifiée » et que la banque devait être condamnée, à ce titre, à payer à M. [M] une indemnité réparatrice de 8 000 euros. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

8. La cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt en sa disposition condamnant la banque à payer à M. [M], agissant à titre personnel et en qualité d'ayant droit de son épouse décédée, la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La banque fait enfin grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir condamner M. [M] au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement ou de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens, en ce que la cour d'appel a ordonné la radiation des inscriptions hypothécaires prises sur les biens des époux [M] et a condamné le Crédit lyonnais à payer à M. [M] une indemnité réparatrice de 8 000 euros, s'étendra, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, au chef par lequel la cour d'appel a considéré que, dès lors qu'elle donnait ainsi gain de cause à M. [M], fût-ce seulement pour partie, l'action exercée par ce dernier à l'encontre du Crédit lyonnais ne pouvait être regardée comme abusive. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. La cassation de l'arrêt sur les premier et second moyens entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt en sa disposition rejetant la demande de la banque tendant à voir condamner M. [M] au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne, aux frais de la société Crédit lyonnais et sur réquisition du conseil de M. [M] la radiation des hypothèques prises par la banque et publiées sur les immeubles appartenant à [K], [P], [Q], [J] [M] né le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 1] (26) et à [W], [N], [S], [U] [T], épouse [M] née le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 2] (13) et décédée le [Date mariage 1] 2019 à [Localité 3] (84) :

 - à la Conservation des Hypothèques de [Localité 4] sur la parcelle sise commune de [Localité 4], cadastrées section DL n° [Cadastre 1],

 - à la Conservation des Hypothèques de [Localité 5] sur les parcelles sises commune de [Localité 1], cadastrées C n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14], et B n° [Cadastre 15], [Cadastre 16] et [Cadastre 17] (lot n° [Cadastre 18]), et sur la parcelle sise commune de [Localité 6] cadastrée ZA n° [Cadastre 19],

 - à la Conservation des Hypothèques d'[Localité 7] sur les parcelles sises commune de Bédarrides cadastrées L n° [Cadastre 20] et [Cadastre 21],

 - à la Conservation des Hypothèques de [Localité 8] sur la parcelle sise commune de [Localité 2] cadastrée G n° [Cadastre 22] (lots [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 18], [Cadastre 25], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 28], [Cadastre 29]),

et en ce qu'il condamne la société Crédit lyonnais à payer à M. [M], agissant à titre personnel et ès qualité, la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il rejette la demande de la banque tendant à voir condamner M. [M] au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 18 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 2011, devenu 2288, 2114, devenu 2393, 2180, devenu 2488, 2227 et 2224 du code civil, pour les actions personnelles ou mobilières.

Rapprochement(s) :

Sur le principe qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui, à rapprocher : 1re Civ., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-21.332, Bull. 2015, I, n° 290 (rejet).

Soc., 30 juin 2021, n° 18-23.932, (B)

Rejet

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Application – Action fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours – Portée

Prescription triennale – Action en paiement des salaires – Applications diverses – Action fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 septembre 2018), M. [J] a été engagé le 21 janvier 2013, par la société Polyclinique Saint François-Saint Antoine, en qualité de directeur des ressources humaines.

Le contrat de travail stipulait une convention de forfait en jours. Cette convention individuelle a été réitérée dans un avenant du 20 juillet 2015, après la conclusion, le 23 mai 2014, d'un accord d'entreprise prévoyant le recours à des conventions de forfait en jours.

2. Contestant son licenciement intervenu le 2 décembre 2015, le salarié a, le 27 avril 2016, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement des heures supplémentaires, de le condamner à payer au salarié des sommes au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents, déduction étant faite de la provision déjà versée, alors « que tendrait-elle incidemment à un rappel de salaire, l'action en contestation d'une convention de forfait jours porte sur l'exécution du contrat de travail, de sorte qu'elle doit être engagée dans un délai de deux ans ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que, se rapportant à l'exécution du contrat de travail, l'action en déclaration d'inopposabilité de la clause de forfait en jours contenue dans le contrat du salarié était prescrite puisqu'engagée le 27 avril 2016, plus de deux ans après la signature du contrat, le 21 janvier 2013, l'intéressé ayant, dès cette date, connaissance des faits lui permettant de l'exercer compte tenu de ses fonctions de directeur des ressources humaines ; que le conseil de prud'hommes avait lui-même constaté que la prescription était acquise ; qu'en jugeant le contraire, au prétexte inopérant que la nullité de la clause incriminée n'était pas réclamée par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 3245-1 de ce même code. »

Réponse de la Cour

5. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.

6. Après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié, la cour d'appel, qui a constaté que ce dernier sollicitait un rappel d'heures supplémentaires exécutées en 2013, 2014, 2015 et durant les trois années précédant la saisine du conseil de prud'hommes, a exactement décidé que la demande n'était pas prescrite.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 3245-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la prescription de l'action fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours, à rapprocher : Soc., 27 mars 2019, pourvoi n° 17-23.375, 17-23.314, Bull. 2019, (rejet). Sur le principe selon lequel la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande, à rapprocher : Ass. plén., 10 juin 2005, pourvoi n° 03-18.922, Bull. 2005, Ass. plén, n° 6 (rejet) ; Ch. mixte., 26 mai 2006, pourvoi n° 03-16.800, Ch. mixte, 26 mai 2006, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 3 (rejet).

Soc., 30 juin 2021, n° 20-12.960, n° 20-12.962, (B)

Cassation partielle

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Domaine d'application – Action en rappel de salaire fondée sur une atteinte au principe d'égalité de traitement

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-12.960 et 20-12.962 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Bastia, 11 décembre 2019), Mmes [H] et [C], salariées de la société Air Corsica (la société), ont saisi la juridiction prud'homale, respectivement les 9 janvier 2017 et 13 décembre 2016, de diverses demandes relatives à l'exécution de leur contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et le quatrième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Les salariées font grief aux arrêts de déclarer irrecevables leurs demandes aux fins de rappels de salaires pour inégalité de traitement antérieurs à une certaine date, alors « que la réparation intégrale d'un dommage né d'une discrimination ou d'une atteinte au principe d'égalité de traitement oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en affirmant que la demande de rappels de salaire au titre de l'inégalité de traitement était recevable uniquement dans la limite de la prescription triennale compte tenu de la date d'introduction de l'instance prud'homale, lorsque la demande de rappels de salaire était la conséquence directe du préjudice subi par les salariées et devait donc être intégralement réparée sur la totalité de la période considérée, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-5 et L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Lorsque le salarié invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de sa demande.

6. La cour d'appel, qui a constaté que la demande de rappel de salaire était fondée non pas sur une discrimination mais sur une atteinte au principe d'égalité de traitement, a exactement décidé que cette demande relevait de la prescription triennale.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. Les salariées font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes en paiement d'un rappel de salaire pour les heures de vol comprises entre la cinquante-sixième et la soixante-huitième heure de vol, alors « que la convention et l'accord collectif de travail ne peuvent déroger aux dispositions légales qui revêtent un caractère d'ordre public telles les dispositions légales sur la rémunération des heures supplémentaires de travail ; que pour les personnels navigants de l'aéronautique civile, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aérien, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie au premier alinéa de l'article L. 3121-10 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile, déterminée par décret en Conseil d'Etat ; que par exception à l'article L. 3121-22 du même code, les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exception des remboursements de frais ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter les salariées de leur demande en rappel de salaires sur heures de vol, que le fait que le temps mensuel de vol avait été abaissé dans l'entreprise à 55 heures ne permettait pas de retenir que les heures de vol entre la 56ème et la 68ème heure devaient être décomptées comme heures supplémentaires et que quand la durée collective de travail était fixée à une durée inférieure à la durée légale, ou à la durée considérée comme équivalente, le décompte des heures supplémentaires, sauf dispositions plus favorables, ne s'effectuait qu'à compter de la durée légale, ou de la durée considérée comme équivalente, a violé l'article L. 2251-1 du code du travail, ensemble l'article L. 6525-3 du code des transports. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 6525-3 du code des transports, pour les personnels navigants de l'aéronautique civile, il est admis, dans les conditions d'exploitation des entreprises de transport et de travail aérien, qu'à la durée légale du travail effectif, telle que définie à l'article L. 3121-10, devenu L. 3121-27, du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol par mois, trimestre ou année civile, déterminé par décret en Conseil d'Etat.

Les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l'exception des remboursements de frais.

10. Selon l'article D. 422-10 du code de l'aviation civile, il est admis qu'à la durée du travail effectif prévue à l'article L. 3121-10, devenu L. 3121-27, du code du travail correspond une durée mensuelle de soixante-quinze heures de vol répartie sur l'année, ou une durée mensuelle moyenne de soixante-dix-huit heures de vol répartie sur l'année selon l'option choisie par l'entreprise.

11. Selon l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article L. 3121-28 du code du travail, dans sa rédaction issue de cette loi, successivement applicables à la cause, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire, qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

12. La fixation par voie conventionnelle de la durée du travail applicable dans l'entreprise à un niveau inférieur à la durée légale n'entraîne pas, en l'absence de dispositions spécifiques en ce sens, l'abaissement corrélatif du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

13. La cour d'appel, qui a constaté que le temps mensuel de vol appliqué dans l'entreprise avait été abaissé à cinquante-cinq heures, a exactement décidé qu'en l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, les heures de vol entre la cinquante-sixième et la soixante-huitième heure ne pouvaient pas être décomptées comme heures supplémentaires.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer aux salariées une indemnité en réparation du préjudice subi par l'application d'une déduction forfaitaire spécifique illicite de 30 % et de le condamner aux dépens de l'instance d'appel, alors :

« 1°/ qu'un employeur ne commet aucun manquement à ses obligations susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis d'un salarié lorsque, pour le calcul des cotisations sociales, il opère sur la rémunération du personnel une déduction au titre des frais professionnels dans les conditions et les limites fixées par un arrêté ministériel dont les dispositions ont été interprétées et la mise en oeuvre conseillée tant par une instruction fiscale que par une circulaire de la Direction de la Sécurité sociale ; que le manquement, à le supposer établi, ne saurait être imputé à l'employeur qui s'est conformé aux instructions qui lui étaient données par les autorités fiscales et sociales compétentes pour en connaître, après consultation - et avis positif - des représentants du personnel ; qu'en retenant la responsabilité de la compagnie Air Corsica au motif que les salariées auraient subi un préjudice, sans avoir caractérisé un manquement de l'employeur à ses obligations, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1231-1 (ancien article 1147) du code civil ;

2°/ que si les dérogations sont d'interprétation stricte, il n'est pas pour autant imposé d'en faire une interprétation littérale ; qu'en considérant que les personnels navigants commerciaux de type hôtesses-stewards et chefs de cabine ne sont pas inclus dans la liste des personnels navigants de l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts sans analyser l'interprétation donnée de ces dispositions par une instruction fiscale et par un avis de la Direction de la Sécurité sociale qui englobaient l'une et l'autre les stewards et hôtesses de l'air dans les personnels navigants susceptibles de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, en raison des caractéristiques communes aux frais engagés par l'ensemble de ces personnels navigants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la cour d'appel ne pouvait retenir l'existence d'un préjudice subi par les salariés, évalué à une certaine somme, sans rechercher, comme le commandaient les conclusions de la société Air Corsica, si, en bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique, les salariées n'avaient pas cotisé à leur régime de retraite sur la base d'une assiette qui, loin d'être diminuée comme ils le prétendaient, était au contraire plus importante puisqu'il était tenu compte de la prime de transport qui, hors déduction forfaitaire spécifique, n'entre pas dans l'assiette des cotisations au régime de retraite ; qu'ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1231-1 du code civil ;

4°/ que si les juges du fond constatent l'existence d'un préjudice et procèdent à son évaluation dans le cadre de leur pouvoir souverain, ils n'en sont pas moins tenus de motiver leur décision et d'indiquer les éléments du préjudice retenu ; qu'en fixant à une certaine somme le montant des dommages et intérêts dus à la salariée tout en admettant que, si les salariées ont subi une minoration de leurs droits sociaux du fait de l'abattement pour frais professionnels, elles ont en revanche bénéficié d'un salaire supérieur du fait de ce même abattement et sans s'expliquer sur la consistance du préjudice et les éléments ayant présidé à son évaluation, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. L'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts.

17. Après avoir exactement décidé que les personnels navigants commerciaux, qui n'appartiennent pas à la liste des professions visées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, ne relevaient pas du champ de la déduction forfaitaire spécifique, la cour d'appel qui a constaté que la compagnie aérienne avait mis en place une telle déduction a ainsi caractérisé un manquement dans l'exécution du contrat de travail, peu important qu'elle ait suivi l'avis des autorités fiscales et sociales ou des représentants du personnel.

18. La cour d'appel qui a examiné les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a d'abord constaté une incidence négative sur les droits sociaux des salariées résultant de l'application injustifiée par l'employeur de la déduction forfaitaire spécifique. Elle a ensuite estimé que la compagnie aérienne avait causé aux salariées un préjudice, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

20. Les salariées font grief aux arrêts de les débouter de leur demande en paiement d'un rappel d'indemnités journalières, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité, les juges du fond ne pouvant procéder par voie de simples affirmations ou de considérations générales et abstraites et devant apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité journalières maladie, à affirmer péremptoirement que la comparaison entre les dispositions légales et celles de l'article 55.02 de l'accord d'entreprise du 29 avril 2011 permettaient de retenir que les dispositions de l'accord d'entreprise sur ce point, appréciées dans leur globalité, étaient plus favorables aux salariés, sans même préciser quelles étaient les dispositions légales auxquelles elle se référait ni expliquer en quoi elle considérait que les dispositions de l'article 55.02 de l'accord d'entreprise du 29 avril 2011, appréciées dans leur globalité, étaient plus favorables aux salariés, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

21. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

22. Pour débouter les salariées de leur demande en paiement d'un rappel d'indemnités journalières maladie l'arrêt retient que la comparaison entre les dispositions légales et celles de l'accord d'entreprise du 29 avril 2011 (en son article 55.02) permettent de retenir que les dispositions de l'accord d'entreprise sur ce point, appréciées dans leur globalité, sont plus favorables aux salariés.

23. En statuant ainsi, alors que les salariées soutenaient que les dispositions de l'article L. 1226-1 du code du travail étaient plus favorables que l'accord collectif pour l'indemnisation des arrêts de maladie et d'accident du travail, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent Mmes [H] et [C] de leur demande en paiement de rappel d'indemnités journalières, les arrêts rendus le 11 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1132-1, L. 1134-5 et L. 3245-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la durée de la prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande, dans le même sens que : Soc., 30 juin 2020, pourvoi n° 19-10.161, Bull. 2020, (1) (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 30 juin 2021, n° 19-10.161, (B)

Cassation partielle

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Domaine d'application – Demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet

Prescription triennale – Article L. 3245-1 du code du travail – Domaine d'application – Demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 novembre 2018), Mme [S] a été engagée, le 1er octobre 2005, par la société Granier, aux droits de laquelle est venue la société A2 propreté, en qualité d'agent de propreté niveau AS1 à temps partiel.

2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 24 juin 2016, afin d'obtenir la requalification de son contrat à temps partiel en un contrat à temps plein, le bénéfice de la qualification professionnelle de chef d'équipe niveau 3, à compter de juin 2013, et la condamnation de son employeur au paiement de rappel de salaires et de prime d'expérience en découlant.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le quatrième moyen, qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable pour l'ensemble de ses demandes au motif que l'action était prescrite et de décider que ses demandes en rappel de salaire résultant de la demande de requalification de son contrat de travail à temps plein étaient prescrites, alors « que la prescription triennale instituée par l'article L. 3245-1 du code du travail, s'applique à toute action afférente au salaire ; que la cour d'appel qui a décidé que la demande en paiement des salaires résultant de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet se prescrivait en 2 ans en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, a violé par refus d'application l'article L. 3245-1 du code du travail et par fausse application l'article L. 1471-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il prétend que la salariée n'a pas contesté que l'action en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein relevait des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, en sorte qu'elle n'a pas d'intérêt à soutenir le grief tel qu'articulé par le moyen.

6. Cependant, il résulte des conclusions de la salariée qu'elle soutenait que sa demande de rappel de salaire était soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail et que le fait que sa demande ait pour cause une requalification du contrat et du poste occupé était sans incidence sur la nature de sa demande de rappel de salaire.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article L. 3245-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

8. Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Selon le second, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

9. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

10. Pour déclarer l'action de la salariée irrecevable comme étant prescrite, l'arrêt retient que les demandes en paiement de sommes résultent de son action en requalification de son contrat de travail à temps complet en sorte qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dès lors que ses réclamations pécuniaires sont la conséquence de ses prétentions en requalification à temps complet de son contrat de travail.

11. L'arrêt ajoute que la salariée ne peut pas valablement prétendre que sa demande ne repose pas sur un fait unique mais sur une situation qui a perduré jusqu'à son placement en maladie et que c'est la prescription triennale qui s'applique, aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dès lors que cet article ne concerne que l'action en paiement du salaire qui ne peut trouver ici à s'appliquer.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par fausse application du premier et refus d'application du second.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

13. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable pour l'ensemble de ses demandes au motif que l'action était prescrite et de déclarer irrecevable la demande en rappel de salaire résultant de la demande de requalification de son poste de travail, alors « que la prescription triennale instituée par l'article L. 3245-1 du code du travail, s'applique à toute action afférente au salaire ; que les demandes de rappel de salaire relatives à la contestation d'une classification professionnelle relèvent de la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail ; qu'en décidant que la demande en paiement de sommes résultant de l'action en reclassification professionnelle relevait de la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 3245-1 du code du travail et par fausse application l'article L. 1471-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

14. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il prétend que la salariée n'a pas contesté que l'action en reclassification professionnelle relevait des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail en sorte qu'elle n'a pas d'intérêt à soutenir le grief tel qu'articulé par le moyen.

15. Cependant, il résulte des conclusions de la salariée qu'elle soutenait que sa demande de rappel de salaire était soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail et que le fait que sa demande ait pour cause une requalification du contrat et du poste occupé était sans incidence sur la nature de sa demande de rappel de salaire.

16. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article L. 3245-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

17. Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Selon le second, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

18. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

19. Pour déclarer irrecevable l'action de la salariée comme étant prescrite, l'arrêt retient que les demandes en paiement de sommes résultent de son action en reclassification professionnelle en sorte qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dès lors que ses réclamations pécuniaires sont la conséquence de ses prétentions en reclassification de son poste d'agent de service niveau 1 en celui de chef d'équipe niveau 3.

20. L'arrêt ajoute que la salariée ne peut pas valablement prétendre que sa demande ne repose pas sur un fait unique mais sur une situation qui a perduré jusqu'à son placement en maladie et que c'est la prescription triennale qui s'applique, aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dès lors que cet article ne concerne que l'action en paiement du salaire qui ne peut trouver ici à s'appliquer.

21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par fausse application du premier et refus d'application du second.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté la société A2 propreté de ses demandes reconventionnelles, en ce qu'il rejette sa demande en paiement de dommages-intérêts et en ce qu'il la déboute de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP de Nervo et Poupet ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 3245-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la durée de la prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande, dans le même sens que : Soc., 23 juin 2020, pourvoi n° 18-24.810, Bull. 2020, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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