Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

HABITATION A LOYER MODERE

3e Civ., 3 juin 2021, n° 19-16.045, (P)

Rejet

Bail – Prix – Supplément de loyer – Conditions – Personnes vivant au foyer – Détermination

La liste des personnes mentionnées à l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, présente un caractère limitatif.

Ayant retenu, à bon droit, que l'avis de taxe d'habitation ne peut être assimilé à l'avis d'imposition qui, lui seul, concerne les revenus constituant la base de calcul du supplément de loyer, une cour d'appel en déduit exactement qu'un enfant majeur qui ne figure plus sur l'avis d'imposition de ses parents, quoique matériellement à leur charge, ne peut être assimilé à une personne vivant au foyer, au sens du texte précité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2019), M. et Mme [Q], locataires d'un logement appartenant à [Localité 1] Habitat-OPH, l'ont assigné en remboursement d'un supplément de loyer de solidarité payé depuis l'année 2009 et en annulation d'un commandement de payer un arriéré locatif leur ayant été signifié le 19 janvier 2016.

Le bailleur a reconventionnellement demandé paiement d'un arriéré locatif.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. et Mme [Q] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et de les condamner à payer un arriéré locatif, alors :

« 1°/ que selon les articles L. 441-3 et L. 441-4 du code de la construction et de l'habitation, le supplément de loyer de solidarité en sus du loyer principal et des charges locatives est calculé au regard « des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer » ; qu'également, l'article 4 de l'arrêté du 29 juillet 1987 aux plafonds de ressources des bénéficiaires de la législation sur les habitations à loyer modéré prévoit que « le montant des ressources à prendre en considération (?) correspond à la somme des revenus fiscaux de référence (?) figurant sur les avis d'imposition de chaque personne composant le ménage », le ménage devant être entendu dans son acception de cellule économique et familiale ; qu'il en résulte, nonobstant les dispositions indicatives figurant à l'article L. 442-12 pour déterminer les personnes vivant au foyer, que le preneur d'un appartement à loyer modéré, est toujours recevable à rapporter la preuve des personnes vivant à son foyer et de leurs ressources ; qu'en refusant ce droit à M. et Mme [Q] au motif que leur fille de plus de 25 ans, dont elle reconnaissait pourtant qu'elle vivait au foyer et était « à la charge matérielle de ses parents », ne figurait plus sur leur déclaration de revenu, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles L. 441-3 et L. 441-4 du Code de l'habitation et de l'habitation ainsi que celles de l'arrêté du 29 juillet 1987 ;

2°/ que l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation permet aux personnes figurant sur les avis d'imposition du ou des titulaires du bail d'être considérées comme personnes vivant au foyer ; qu'en affirmant que ce texte ne visait que les avis d'imposition sur le revenu à l'exclusion notamment des avis de taxe d'habitation, la cour d'appel a ajouté au texte une condition qu'il ne contient pas ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

3. Selon l'article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 27 janvier 2017, sont considérées comme personnes vivant au foyer au titre des articles L. 441-1 et L. 441-4 le ou les titulaires du bail, les personnes figurant sur les avis d'imposition du ou des titulaires du bail, le concubin notoire du titulaire du bail, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité au titulaire du bail et les personnes réputées à charge au sens des articles 194, 196, 196 A bis et 196 B du code général des impôts.

4. La liste des personnes assimilées à des personnes vivant au foyer présente un caractère limitatif.

5. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'avis de taxe d'habitation ne peut être assimilé à l'avis d'imposition qui, lui seul, concerne les revenus, lesquels constituent la base de calcul du supplément de loyer.

6. Elle en a exactement déduit que Mme [V] [Q], enfant majeur ne figurant plus sur l'avis d'imposition de ses parents, quoique matériellement à leur charge, ne pouvait être assimilée à une personne vivant au foyer, au sens du texte précité, de sorte que les demandes de M. et Mme [Q] devaient être rejetées.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 442-12 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017.

3e Civ., 3 juin 2021, n° 20-12.353, (P)

Rejet

Bail – Prix – Supplément de loyer – Domaine d'application – Bail en cours à la signature de la convention entre l'Etat et les sociétés d'HLM – Option du preneur – Bénéfice – Application dans le temps – Application rétroactive (non)

Il résulte des termes de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 et des travaux parlementaires que les nouvelles dispositions de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, issues de cette loi, combinées avec celles de l'article L. 353-16 du même code, qui ont pour objet d'instaurer, au profit des locataires titulaires d'un bail en cours de validité lors de la signature d'une convention avec l'Etat par un organisme d'habitations à loyer modéré, une option leur permettant soit de conserver leur ancien bail soit de conclure un nouveau bail conforme aux stipulations de la convention, sont dépourvues de caractère interprétatif justifiant une application rétroactive.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2019), le 26 décembre 2013, la société Vilogia a acquis un immeuble au sein duquel M. et Mme [R] étaient locataires en vertu d'un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989.

2. Le 6 juin 2014, elle a conclu une convention avec l'Etat en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation.

3. M. et Mme [R] ayant refusé de s'acquitter d'un supplément de loyer de solidarité notifié courant 2015, la société Vilogia les a assignés en paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [R] font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :

« 1°/ que la loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, il en résulte que l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, s'applique à la demande en paiement d'un supplément de loyer de solidarité, qui ne peut être réclamé, suivant le dernier alinéa de cet article, aux locataires (titulaires d'un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, repris par un organisme d'habitation à loyer modéré) n'ayant pas conclu un nouveau bail (soumis au régime du bail conventionné) en application de l'article L. 353-7 du même code ; qu'en énonçant cependant que la loi du 23 novembre 2018 ne saurait s'appliquer aux époux [R] avant son entrée en vigueur, pour décider que la société bailleresse pouvait leur réclamer un supplément de loyer de solidarité jusqu'au 25 novembre 2018, tout en relevant que la conclusion d'un nouveau bail ne leur avait pas été proposée, la cour d'appel, qui a refusé de soumettre les effets légaux de leur bail d'habitation originaire à la loi nouvelle, a violé l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, ensemble l'article 2 du code civil ;

2°/ que l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018, prévoyant qu'il n'est pas applicable aux locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l'article L. 353-7 du même code, présente un caractère interprétatif, en ce qu'il restaure l'option du titulaire d'un bail d'habitation repris par un organisme d'habitation à loyer modéré, entre le maintien de la soumission de son bail au régime de la loi du 6 juillet 1989, exclusif du paiement d'un supplément de loyer de solidarité, et la soumission du bail au régime du bail conventionné, impliquant un tel paiement (concomitamment aux avantages de ce régime), option que la jurisprudence de la Cour de cassation avait paralysée ; qu'en refusant de faire application de la disposition nouvelle, au prétexte de la non-rétroactivité de la loi nouvelle, la cour d'appel, qui a méconnu son caractère interprétatif, a violé l'article L. 441-3 in fine du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, la loi nouvelle, ne disposant que pour l'avenir, ne peut modifier les effets légaux d'une situation juridique définitivement réalisée lors de son entrée en vigueur.

7. D'autre part, les nouvelles dispositions de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, issues de la loi du 23 novembre 2018, combinées avec celles de l'article L. 353-16 du même code, ont pour objet d'instaurer, au profit des locataires titulaires d'un bail en cours de validité lors de la signature d'une convention avec l'Etat par un organisme d'habitations à loyer modéré, une option leur permettant soit de conserver leur ancien bail soit de conclure un nouveau bail conforme aux stipulations de la convention.

8. Il résulte des termes de la loi du 23 novembre 2018 et des travaux parlementaires que cette disposition est dépourvue de caractère interprétatif justifiant une application rétroactive.

9. La cour d'appel a exactement retenu que les dispositions des articles L. 353-16 et L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 novembre 2018, lesquelles dérogeaient à celles de l'article L. 353-7 du même code, s'appliquaient au logement occupé par M. et Mme [R] dès la signature de la convention du 6 juin 2014, de sorte que la société Vilogia n'était pas tenue de leur proposer un nouveau bail.

10. Elle a déduit, à bon droit, de ces motifs, dont il résultait que les effets légaux de cette convention étaient définitivement acquis lors de l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, que la société Vilogia avait pu valablement notifier dès 2015 un supplément de loyer de solidarité à M. et Mme [R].

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles L. 441-3 et L 353-16 du code de la construction et de l'habitation.

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