Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2021

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 30 juin 2021, n° 20-18.759, (B)

Cassation partielle

Liquidation judiciaire – Effets – Dessaisissement du débiteur – Portée – Acte de disposition – Applications diverses – Ordre de paiement – Date d'autorisation – Détermination – Consentement à l'opération de paiement

Selon l'article L. 641-9 du code de commerce, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et interdiction de tout règlement, les actes de disposition effectués postérieurement à ce jugement étant inopposables à la procédure collective. Il résulte de l'article L. 133-6 du code monétaire et financier qu'une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution et qu'ainsi, l'émetteur d'un ordre de paiement dispose des fonds dès la date à laquelle il consent à cette opération.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2020), la société Intervad 2, placée sous sauvegarde le 23 février 2012, a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 21 janvier 2015, la société [B] étant désignée en qualité d'administrateur.

Par un jugement du 8 avril 2015, la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire, la société [I], au droit de laquelle est venue la société MJA, étant désignée en qualité de liquidateur.

2. La société Banque Delubac & cie (la banque) a procédé à la clôture du compte ouvert dans ses livres par la société Intervad 2 et a en adressé le solde créditeur au liquidateur.

3. Le liquidateur a assigné la banque pour voir déclarer inopposables à la procédure collective les paiements et encaissements effectués sur le compte de la société Intervad 2 à compter de sa mise en liquidation judiciaire et obtenir qu'une somme de 365 021,69 euros lui soit remise.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses sixième, neuvième et dixième branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer inopposables à la liquidation judiciaire de la société Intervad 2 les paiements et les encaissements qu'elle a opérés sur le compte de cette société postérieurement à sa mise en liquidation judiciaire et de la condamner à payer à la liquidation judiciaire la somme de 322 445,19 euros, alors :

« 1°/ qu'un ordre de virement est irrévocable et son bénéficiaire acquiert un droit définitif sur les fonds, assimilable à un paiement, quand cet ordre est reçu par le prestataire de services de paiement ; que le virement est donc opposable à la procédure collective si l'ordre de virement a été reçu par le prestataire de services de paiement avant le prononcé de la liquidation judiciaire ; qu'en considérant que les virements litigieux seraient inopposables à la procédure collective parce que les fonds auxquels ils correspondent avaient été réceptionnés par les bénéficiaires ou les banques des bénéficiaires après le prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L. 133-8, I du code monétaire et financier et L. 641-9 du code de commerce ;

2°/ qu'un titre interbancaire de paiement (TIP) s'analyse comme un ordre de paiement et est irrévocable, de sorte que son bénéficiaire acquiert un droit définitif sur les fonds, assimilable à un paiement, quand ce TIP est reçu par l'organisme chargé de son traitement ; que le paiement correspondant est donc opposable à la procédure collective si le TIP a été reçu par l'organisme chargé de son traitement avant le prononcé d'une liquidation judiciaire ; qu'en retenant, pour juger que le paiement correspondant au titre interbancaire de paiement émis au profit de l'Urssaf serait inopposable à la procédure collective, la date à laquelle ce TIP avait été débité et non la date à laquelle il avait été reçu par l'organisme chargé de son traitement, la cour d'appel a violé les articles L. 133-8, I du code monétaire et financier et L. 641-9 du code de commerce. »

Réponse de la cour

Vu les articles L. 641-9 du code de commerce et L. 133-6 du code monétaire et financier :

6. Selon le premier de ces textes, le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens et interdiction de tout règlement, les actes de disposition effectués postérieurement à ce jugement étant inopposables à la procédure collective. Il résulte du second qu'une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution et qu'ainsi, l'émetteur d'un ordre de paiement dispose des fonds dès la date à laquelle il consent à cette opération.

7. Pour déclarer inopposables à son liquidateur, en raison du dessaisissement de la société Intervad 2, les opérations passées au débit du compte bancaire de cette société à compter du jour de sa mise en liquidation judiciaire et condamner, en conséquence, la banque à payer, à ce titre, au liquidateur la somme de 322 445,19 euros, l'arrêt retient que, si l'article L. 133-8 du code monétaire et financier dispose que l'utilisateur de services de paiement ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu'il a été reçu par le prestataire de services de paiement, il n'en résulte pas pour autant que la date du paiement correspond à la date à laquelle la banque a reçu l'ordre de virement du débiteur, que le paiement d'un virement n'intervenant qu'à réception des fonds par le bénéficiaire ou le banquier de ce dernier qui les détient pour le compte de son client, il importe peu que les opérations de virement aient été en cours auprès de la banque du débiteur la veille du jugement prononçant la liquidation judiciaire dès lors qu'elles ont donné lieu à paiement après son ouverture. Il retient encore qu'un titre électronique de paiement au profit de l'Urssaf a également été débité du compte alors que le débiteur se trouvait dessaisi.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention forcée de la société [B] en sa qualité d'ancien administrateur judiciaire de la société Intervad 2 et lui déclare son arrêt commun, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Guinamant (avocat général référendaire) - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 641-9 du code de commerce ; article L. 133-6 du code monétaire et financier.

Com., 2 juin 2021, n° 19-25.556, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Liquidation judiciaire simplifiée – Mesure d'administration judiciaire – Irrecevabilité du recours

Le jugement du tribunal qui ouvre ou prononce lui-même la liquidation judiciaire simplifiée ou la décision de son président qui, après rapport du liquidateur, applique à la liquidation déjà ouverte ou prononcée les règles de la liquidation simplifiée peuvent être modifiés à tout moment, dans les conditions prévues à l'article L.644-6 du code de commerce. Aux termes de l'article R. 644-1, alinéa 2, du code de commerce, ce jugement ou cette décision constituent des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours.

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exclusion – Cas – Mesure d'administration judiciaire – Applications diverses – Liquidation judiciaire simplifiée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er octobre 2019), M. [S], entrepreneur individuel, a été assigné en redressement judiciaire, subsidiairement en liquidation judiciaire par un créancier.

2. Après avoir annulé le jugement du 22 mars 2019 qui avait ouvert la liquidation judiciaire de M. [S], la cour d'appel a ouvert à son égard une procédure de liquidation judiciaire simplifiée et désigné la société BTSG en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de prononcer à son égard une liquidation judiciaire simplifiée, alors « qu'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée ne peut être ouverte à l'encontre d'un débiteur qui est propriétaire d'un bien immobilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [S] était propriétaire d'un bien immobilier ; qu'en prononçant l'ouverture d'une liquidation judiciaire simplifiée à l'encontre de M. [S] au motif qu'il n'employait pas de salarié et que son chiffre d'affaires était inférieur à 300 000 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 641-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Le jugement du tribunal qui ouvre ou prononce lui-même la liquidation judiciaire simplifiée ou la décision de son président qui, après rapport du liquidateur, applique à la liquidation déjà ouverte ou prononcée les règles de la liquidation simplifiée peuvent être modifiés à tout moment, dans les conditions prévues à l'article L.644-6 du code de commerce.

Aux termes de l'article R.644-1, alinéa 2 du code de commerce, ce jugement ou cette décision constituent des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours.

6. Le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la liquidation judiciaire sera ouverte selon les modalités de la liquidation judiciaire simplifiée, est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; Me Bertrand ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 644-6 et R. 644-1, alinéa 2, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de recours contre la faculté d'appliquer à la liquidation les règles de la liquidation judiciaire simplifiée, à rapprocher : Com., 4 mars 2008, pourvoi n° 07-10.033, Bull. 2008, IV, n° 51 (Rejet).

Com., 30 juin 2021, n° 20-13.722, (B)

Cassation partielle

Organes – Liquidateur – Mission – Tâches personnelles – Exclusion – Mandat de représentation en justice donné à un avocat – Applications diverses – Transaction s'inscrivant dans une procédure judiciaire

En donnant à un avocat la mission de le représenter en justice, ès qualités, un mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comporte l'exécution de son mandat et qui lui incombent personnellement au sens de l'article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce.

Une cour d'appel décide exactement que le détournement par un avocat d'une indemnité, revenant à une liquidation judiciaire en exécution d'une transaction s'inscrivant dans une procédure judiciaire pour laquelle il était investi par le liquidateur d'un mandat de représentation en justice, n'a pas été réalisé à l'occasion d'une activité que cet avocat aurait accomplie alors qu'elle incombait personnellement au liquidateur, de sorte que la responsabilité du liquidateur n'est pas engagée.

Organes – Liquidateur – Mission – Tâches personnelles – Applications diverses – Mission d'assistance confiée à un avocat – Résiliation d'un bail commercial hors de tout mandat de représentation en justice

Aux termes de l'article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches. Viole ce texte, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la cour d'appel qui, pour exclure la responsabilité d'un liquidateur ayant confié une mission d'assistance à un avocat dans l'accomplissement de laquelle cet avocat a détourné des fonds revenant à la liquidation judiciaire, retient que cette mission ne faisait pas partie de celles qu'un liquidateur doit accomplir personnellement, alors qu'il résultait de ses constatations que les détournements avaient été réalisés, hors de tout mandat de représentation en justice, à l'occasion de la conclusion d'un avenant de résiliation d'un bail commercial, qui constituait une tâche incombant personnellement au liquidateur, et qu'à supposer que le bon déroulement de la procédure eût requis l'assistance de cet avocat, il convenait de soumettre, sous la responsabilité du liquidateur, cette intervention à une autorisation motivée du président du tribunal.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2019), la société MJA a été désignée en qualité de liquidateur de M. [M] en mai 2003, des sociétés La Cinq, Ciné Cinq, Régie Cinq, la Cinq droits audiovisuels (les sociétés La Cinq) en juillet 2003 et de la société Duranton-Desmoulins en juillet 2006. Elle a confié des missions à M. [C], avocat au barreau de Bordeaux, qui, à l'occasion de ces missions, s'est rendu coupable de détournements de fonds revenant aux différentes liquidations judiciaires.

2. Par un arrêt, devenu irrévocable, du 11 mars 2015, la société Allianz, assureur des avocats inscrits au barreau de Bordeaux pour la représentation des fonds et valeurs reçus par eux à l'occasion de leur activité professionnelle, a été condamnée à verser diverses sommes à la société MJA au titre des détournements commis par son assuré au préjudice des trois liquidations judiciaires.

3. La société Allianz a engagé une action subrogatoire en responsabilité contre la société MJA à titre personnel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses sixième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

5. La société Allianz fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :

« 6°/ qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait « permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si M. [C] avait été chargé de rédiger le protocole transactionnel, ou désigné comme représentant de la société MJA pour participer à cet acte, ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'il n'était pas intervenu en qualité d'avocat mais en tant que mandataire spécial du liquidateur judiciaire lorsqu'il a perçu ces fonds, ce qui supposait une autorisation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

7°/ qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait « permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si M. [C] avait effectivement accompli des diligences en tant qu'avocat dans le dossier La Cinq, préalablement à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;

8°/ qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait « permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la perception de fonds par un avocat dans le cadre de l'exécution d'une transaction ne relève ni d'une mission de représentation en justice ni d'une mission d'assistance en justice, de sorte qu'elle devait être autorisée par le juge de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 812-1 du code de commerce et l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

6. En donnant à un avocat la mission de le représenter en justice, ès qualités, un mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comporte l'exécution de son mandat et qui lui incombent personnellement au sens de l'article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce.

7. L'arrêt relève d'abord, s'agissant des affaires concernant les sociétés La Cinq, que la société MJA justifie avoir, par un courrier du 3 août 2007, confié à M. [C] la rédaction d'une requête au juge-commissaire excluant le groupe Lagardère, principal actionnaire, des répartitions et rapporte la preuve, en produisant sa lettre du 28 mai 2008 à M. [C], qu'elle avait confié à ce dernier sa représentation en justice. Il relève ensuite que cette procédure a donné lieu à la rédaction d'un protocole transactionnel avec la société Lagardère ayant abouti au paiement d'une indemnité qui a été détournée par M. [C] et, par motifs adoptés, que M. [C], qui a représenté la société MJA en justice, a assuré la rédaction d'actes pour le compte de celle-ci. De ces constatations, dont il résulte que cette transaction s'inscrivait dans une procédure judiciaire pour laquelle M. [C] était investi d'un mandat de représentation en justice, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches invoquées par les sixième et septième branches, a exactement déduit que les sommes n'avaient pas été détournées à l'occasion d'une activité qu'aurait accomplie M. [C] alors qu'elle incombait personnellement à la société MJA.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

9. La société Allianz fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant du dossier Duranton Desmoulins, que M. [C] avait reçu les fonds détournés dans le cadre de sa profession d'avocat, et ce « au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA » après avoir retenu que M. [C] avait « activement » assisté la société MJA dans la conclusion d'un avenant de résiliation amiable du contrat de bail, qui avait donné lieu à versement des sommes litigieuses par le locataire ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le fait pour un avocat d'assister un client pour la conclusion d'une convention ne relève ni d'une représentation en justice ni d'une assistance en justice, la cour d'appel a violé l'article L. 812-1 du code de commerce et l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, et l'article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 :

10. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes du second, les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.

11. Pour débouter la société Allianz de ses demandes au titre des détournements commis par M. [C] à l'occasion des opérations de la liquidation judiciaire de la société Duranton-Desmoulins, l'arrêt relève que le litige intéressant le bail commercial d'un local appartenant à cette société avait donné lieu à une assignation en paiement des loyers en 2000 et s'était terminé par un avenant de résiliation amiable rétroactive de ce bail du 31 juillet 2008, conclu avec l'assistance de M. [C], qui avait débouché sur le paiement par le locataire d'une somme de 126 613,73 euros et retient que l'intervention de M. [C] ne s'était pas bornée à recevoir une somme d'argent mais s'était située au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA. Il en déduit que la tâche confiée à M. [C] ne faisait pas partie de celles qu'un liquidateur doit accomplir personnellement.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les détournements de fonds commis par M. [C] avaient été rendus possibles par une assistance de celui-ci à la société MJA, hors de tout mandat de représentation en justice, à l'occasion de la conclusion d'un avenant de résiliation d'un bail commercial, qui constituait une tâche incombant personnellement au liquidateur, et qu'à supposer que le bon déroulement de la procédure eût requis l'assistance de M. [C], il convenait de soumettre, sous la responsabilité du liquidateur, l'intervention de l'avocat à une autorisation motivée du président du tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Allianz IARD de ses demandes dirigées contre la société MJA au titre des détournements commis par M. [C] à l'occasion des opérations de la liquidation judiciaire de la société Duranton-Desmoulins et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce ; article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité de confier à un tiers une partie des tâches qui incombent au mandataire judiciaire, à rapprocher : Avis de la Cour de cassation, 27 février 2006, n° 05-00.027, Bull. 2006, Avis, n°1.

Com., 16 juin 2021, n° 19-17.186, (B)

Rejet

Redressement judiciaire – Période d'observation – Créanciers – Déclaration des créances – Relevé de forclusion – Cas – Omission de la liste des créanciers – Conditions – Preuve d'un lien de causalité (non)

Il résulte de l'article L. 622-26, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que lorsqu'un débiteur s'est abstenu d'établir la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 de ce code ou que, l'ayant établie, il a omis d'y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2019), un jugement du 15 juin 2015 a arrêté le plan de cession des actifs de la société DECS, en redressement judiciaire, au profit de M. [E], avec faculté de substitution au bénéfice de la Société de participations industrielles et commerciales (la société SPIC).

Par un jugement du 24 juin 2015, la société DECS a été mise en liquidation judiciaire, la société BTSG, ultérieurement remplacée par la société Alliance, étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Par un jugement du 28 juillet 2016, publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 9 août 2016, la société SPIC a été mise en redressement judiciaire. Cette procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 7 novembre 2016, la société Moyrand, ensuite remplacée par la société MJA, étant désignée en qualité de liquidateur.

La résolution du plan de cession, qui n'avait pas été exécuté, a été prononcée le 22 novembre 2016.

3. Le 9 février 2017, le liquidateur de la société DECS a présenté au juge-commissaire de la procédure collective de la société SPIC une requête en relevé de forclusion en vue de déclarer une créance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le liquidateur de la société SPIC fait grief à l'arrêt de relever de la forclusion le liquidateur de la société DECS, alors « que dès lors que le caractère volontaire de l'omission d'une créance ou du défaut de remise de la liste des créanciers n'est pas démontré, le créancier qui sollicite le relevé de forclusion est tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre ladite omission et la tardiveté de sa déclaration de créance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est pourtant bornée à relever que « le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois prévu par l'article R. 622-24 du code de commerce du fait de l'absence de remise de la liste par le débiteur doit être relevé de la forclusion encourue » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Alliance, ès qualités, établissait un lien de causalité entre l'omission par le débiteur et la tardiveté de sa déclaration de créance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 662-26 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 622-26, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que lorsqu'un débiteur s'est abstenu d'établir la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 de ce code ou que, l'ayant établie, il a omis d'y mentionner un créancier, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion, n'est pas tenu d'établir l'existence d'un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance.

6. Ayant constaté que les dirigeants de la société SPIC n'avaient pas remis au mandataire judiciaire la liste des créanciers de cette société, l'arrêt retient que cette absence de remise produit les mêmes effets que l'omission d'un créancier sur cette liste.

7. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles L. 622-26, alinéa 1, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, et L. 622-6 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de nécessité d'un lien de causalité entre l'omission et la tardiveté de la déclaration de créance, à rapprocher : Com. 10 janvier 2012, n° 10-28.501, Bull. 2012, IV, n°4 (rejet).

Com., 30 juin 2021, n° 20-15.690, (B)

Cassation

Sauvegarde – Période d'observation – Arrêt des poursuites individuelles – Arrêt des procédures d'exécution – Domaine d'application – Créances salariales

Il résulte de la combinaison des articles L. 622-21, II, L. 622-24, alinéa 1, et L.625-1 du code de commerce que, si les créances salariales ne doivent pas être déclarées au passif de la procédure collective, elles sont toutefois soumises à l'arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d'exécution.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2019), la société Atelier Chollet frères (la société Chollet) a été condamnée par un jugement d'un conseil de prud'hommes du 16 janvier 2015 à payer à Mme [O], une ancienne salariée qui avait été licenciée, des dommages-intérêts. Pendant la procédure d'appel, une procédure de sauvegarde a été ouverte le 8 avril 2015 au profit de la société Chollet, la société SMJ étant désignée en qualité de mandataire judiciaire. Celle-ci est intervenue à l'instance.

Par un arrêt du 21 janvier 2016, la cour d'appel a condamné la société Chollet à payer certaines sommes à Mme [O]. Celle-ci, pendant l'exécution du plan arrêté le 6 avril 2016, a fait délivrer un itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente, en exécution de la condamnation.

La société Chollet a demandé la mainlevée des mesures d'exécution. Mme [O] a assigné le commissaire à l'exécution du plan en exécution forcée.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

2. La société Chollet fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge de l'exécution doit appliquer lui-même, le cas échéant, les règles de la procédure collective interdisant les mesures d'exécution ; qu'en disant qu'une condamnation prononcée contre un débiteur bénéficiant d'une procédure de sauvegarde pouvait faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée, sans rechercher si la condamnation portait sur une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-21, L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-21, II, L. 622-24, alinéa 1er et L. 625-1 du code de commerce :

3. Il résulte de la combinaison de ces textes que, si les créances salariales ne doivent pas être déclarées au passif de la procédure collective, elles sont toutefois soumises à l'arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d'exécution.

4. Pour rejeter la demande de mainlevée de la société Cholet, l'arrêt retient qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de modifier le dispositif de l'arrêt du 21 janvier 2016 qui n'a pas fixé la créance de Mme [O] au passif de la société Chollet, mais a condamné celle-ci à payer certaines sommes à la salariée.

5. En statuant ainsi alors, qu'ayant relevé que l'arrêt dont Mme [O] avait poursuivi l'exécution avait condamné la société Chollet à payer une créance antérieure, elle devait, au besoin d'office, constater que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde avait interdit la mise en oeuvre de procédures d'exécution forcée, de sorte qu'elle devait ordonner la mainlevée de celles qui avaient été pratiquées, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 622-21, II, L. 622-24, alinéa 1, et L. 625-1 du code de commerce.

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