Numéro 6 - Juin 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2020

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

3e Civ., 3 juin 2020, n° 20-40.004, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Bail rural – Code rural et de la pêche maritime – Article L. 411-4 – Articles 4 et 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Par requête du 10 avril 2019, Mme U... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d'un bail rural sur des terres appartenant à L... K....

2. Celui-ci est décédé le [...].

3. Par conclusions du 18 décembre 2019, MM. A... et P... K..., venant aux droits de leur père, ont déclaré reprendre l'instance.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Par jugement du 25 février 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montpellier a transmis la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« Les dispositions de l'article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime portent-t-elles [sic] atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 4 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Les dispositions contestées sont applicables au litige au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Mais, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. D'autre part, cette question ne présente pas un caractère sérieux.

8. En premier lieu, la nécessité d'un écrit dans l'établissement des contrats de baux ruraux est requise pour en faciliter la preuve et non pas comme une condition de leur validité, le recours au bail verbal n'étant pas interdit.

Les limitations au choix de la forme du bail et l'application aux baux verbaux des clauses et conditions fixées par le contrat type, établi par arrêté préfectoral sur avis d'une commission consultative paritaire spécialisée, sont justifiées par l'intérêt général tenant à l'organisation de la production des preneurs. Il ne résulte pas de cet aménagement de la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au but légitime poursuivi.

9. En second lieu, les modes d'établissement et de durée des baux ruraux ne constituent pas une privation du droit de propriété, mais une diminution de ses conditions d'exercice, dès lors que son titulaire concède volontairement à un tiers l'usage de son bien.

En cela, le législateur poursuit un objectif d'intérêt général de politique agricole tenant à la stabilité des exploitations.

L'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété qui en résulte n'est pas disproportionnée à cet objectif.

10. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : Me Brouchot -

Soc., 18 juin 2020, n° 20-40.005, n° 20-40.006, n° 20-40.007, n° 20-40.008, n° 20-40.009, n° 20-40.010, n° 20-40.011, n° 20-40.012, n° 20-40.013, n° 20-40.014 et suivants, (P)

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Discrimination syndicale – Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 – Article 100 – Principe d'égalité devant la loi – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Jonction

1. En raison de leur connexité, les questions n° 20-40.005 à 20-40.054 sont jointes.

Faits et procédure

2. Mme F... et quarante-neuf autres requérants, alléguant être enfants de mineurs licenciés pour faits de grève au cours des années 1948 et 1952, ont chacun adressé à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (l'agence) une demande d'allocations en application de l'article 100 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

3. Cette agence a déclaré leur demande irrecevable au motif que celle-ci n'avait pas été précédée d'une demande de prestations de logement et de chauffage formée par le mineur ou son conjoint et instruite en application de l'article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

4. Les requérants ont saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir la condamnation de l'agence au paiement des allocations prévues audit article 100, et sollicité, par mémoire distinct et motivé, la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité.

5. Le ministère public a été avisé le 12 avril 2019.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

6. Par jugements du 26 février 2020, le conseil de prud'hommes a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article 100 de la loi n° 2014-1654, du 29 décembre 2014, porte-t-il atteinte au principe d'égalité devant la loi, consacré par l'article 1er de la Constitution et par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

7. Aux termes de l'article 100 de la loi de finances de 2015, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, « La République française reconnaît le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952, amnistiés en application de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie, les atteintes ainsi portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices qui leur furent ainsi causés. Elle ouvre aux mineurs dont les dossiers ont été instruits par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, en application de l'article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, le bénéfice des mesures suivantes :

1° Une allocation forfaitaire de 30 000 €.

En cas de décès de l'intéressé, l'allocation forfaitaire est versée au conjoint survivant. Lorsque l'intéressé a contracté plusieurs mariages, l'allocation est répartie entre le conjoint survivant et le ou les précédents conjoints.

Si l'un des conjoints ou ex-conjoints est décédé, l'allocation à laquelle il aurait pu prétendre est répartie en parts égales entre les enfants nés de son union avec l'intéressé.

Une allocation spécifique de 5 000 € est par ailleurs versée aux enfants de ces mineurs. »

8. La disposition contestée est applicable aux litiges qui concernent des demandes de condamnation de l'agence au paiement de diverses allocations que cette disposition prévoit.

9. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. La question posée présente un caractère sérieux dans la mesure où les différences entre les enfants des mineurs licenciés décédés, instaurées par l'article 100 de la loi de finances pour 2015 pour le versement des allocations, selon :

- le dépôt et l'instruction préalables, en application de l'article 107 de la loi de finances pour 2005, de demandes de prestations logement ou de chauffage par le mineur licencié ou son conjoint survivant, les enfants dont les parents, en raison de la date de leur décès ou de tout autre cause, n'ont pas procédé à une telle démarche étant privés de toute allocation, alors que les enfants dont les parents y ont procédé sont éligibles aux allocations,

- la naissance de ces enfants, aucune règle de représentation n'étant prévue pour les enfants nés hors mariage ou issus d'un mariage unique de ces mineurs et de leur conjoint décédés, alors que les enfants nés d'un des lits, dans le cas où le mineur licencié décédé a contracté plusieurs mariages, peuvent venir en représentation du conjoint ou d'un ex-conjoint défunt,

sont susceptibles de ne pas être justifiées dans la mesure où ces différences de traitement, faute de participer de la reconnaissance du caractère discriminatoire et abusif des licenciements prononcés à l'encontre des mineurs pour faits de grève en 1948 et 1952, pourraient ne pas être en rapport direct avec l'objet de la disposition contestée.

11. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Soc., 24 juin 2020, n° 20-10.544, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Droit syndical – Code du travail – Articles L. 2121-1, L. 2142-1 et L. 2135-1 – Liberté syndicale – Déclaration de conformité – Interprétation jurisprudentielle – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Poissy, le syndicat Union nationale syndicats autonomes fédération des transports a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les articles L. 2121-1, L. 2142-1 et L. 2135-1 du code du travail, tels qu'interprétés par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, sont-ils contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté syndicale garantie par le sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. D'abord, l'article L. 2121-1, 3°, du code du travail a déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2020-835 QPC rendue le 30 avril 2020 par le Conseil constitutionnel. Aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est intervenu qui, affectant la portée de cette disposition, en justifierait le réexamen.

3. Ensuite, la jurisprudence concernée par la question prioritaire de constitutionnalité (Soc., 22 février 2017, pourvoi n° 16-60.123, Bull. 2017, V, n° 29) n'a pas été rendue au visa de l'article L. 2135-1 du code du travail et ne saurait dès lors être regardée comme ayant conféré à la disposition législative critiquée la portée effective que lui donne la question posée.

4. Enfin, s'agissant de l'article L. 2142-1 du code du travail, la question n'est pas sérieuse en ce qu'en imposant aux syndicats une obligation de transparence financière, le législateur a entendu permettre aux salariés de s'assurer de l'indépendance, notamment financière, des organisations susceptibles de porter leurs intérêts, qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'un syndicat non représentatif peut rapporter la preuve de sa transparence financière soit par la production des documents comptables requis en application des articles L. 2135-1, L. 2135-4 et L. 2135-5 du code du travail, soit par la production de tout autre document équivalent et que, dès lors, en imposant à l'ensemble des syndicats, y compris non représentatifs, de satisfaire à l'exigence de transparence financière, la disposition contestée telle qu'interprétée par la Cour de cassation ne méconnaît ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs.

5. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Piwnica et Molinié -

Soc., 24 juin 2020, n° 20-40.001, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Institutions représentatives du personnel – Code du travail – Article L. 2313-5 – Principe de dualité des juridictions – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Pour mettre en place le comité social et économique (CSE), l'association ANEF (l'association) a invité les organisations syndicales représentatives à négocier un accord fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts.

L'association, ayant constaté l'absence d'accord, a notifié aux organisations syndicales le 16 septembre 2019 sa décision de mise en place d'un CSE unique d'entreprise.

Le 29 septembre 2019, le syndicat CGT de l'ANEF Vallée du Rhône (le syndicat) a contesté cette décision auprès du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Par décision du 22 novembre 2019, le directeur régional a validé l'existence d'un établissement unique retenue par l'association.

2. Ayant saisi le tribunal d'instance, le syndicat a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

3. Par jugement du 26 décembre 2019, le tribunal d'instance a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 2313-5 du Code du travail tel qu'interprété par la Cour de cassation, en ce qu'il donne compétence au juge judiciaire d'examiner l'ensemble des questions relatives à la légalité, externe ou interne d'une décision administrative, ne viole-t-il pas le principe de dualité des juridictions, et partant la Constitution du 4 octobre 1958 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

4. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne la contestation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l'association.

5. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

8. Conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle.

9. Toutefois, dans la mise en oeuvre de ce principe, lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé.

10. A cet égard, confier à l'ordre juridictionnel judiciaire la contestation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, dès lors que le contentieux des élections professionnelles organisées sur le fondement de cette décision relève de l'ordre juridictionnel judiciaire, principalement intéressé, ne méconnaît pas le principe constitutionnel invoqué.

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : Mme Berriat et Mme Trassoudaine-Verger -

2e Civ., 25 juin 2020, n° 19-23.219, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Procédures civiles d'exécution – Article L. 111-5 – Principe d'égalité devant la loi – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Il n'y a pas lieu de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'interprétation jurisprudentielle de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, dès lors qu'il a été procédé, par un arrêt du même jour (2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-23.219, Bull. 2020, II, n° ??? (cassation partielle)), à un revirement de jurisprudence, à fin de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général, en jugeant que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 9 août 2019), par un acte en date du 21 février 2000, dressé par un notaire à Creutzwald (Moselle), le Crédit foncier de France (la banque) a consenti deux prêts hypothécaires à M. et Mme A..., cette dernière étant décédée le 19 décembre 2001.

2. Le 2 novembre 2017, la banque a fait signifier à M. A... un commandement de payer à fin d'exécution forcée immobilière d'un bien appartenant à ce dernier, puis, le 20 décembre 2017, elle a requis la vente par voie d'exécution forcée de cet immeuble en recouvrement des sommes restant dues au titre des deux prêts hypothécaires.

3. Par une ordonnance du 20 juillet 2018, le tribunal d'instance de Metz a rejeté cette requête.

4. Sur le pourvoi immédiat formé par la banque, le tribunal d'instance de Metz a, le 11 septembre 2018, maintenu l'ordonnance déférée et ordonné la transmission du dossier à la cour d'appel de Metz.

5. Par un arrêt du 9 août 2019, la cour d'appel de Metz a déclaré le pourvoi immédiat recevable, confirmé l'ordonnance du tribunal d'instance de Metz du 20 juillet 2018 et rejeté les autres demandes.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

6. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 août 2019 par la cour d'appel de Metz, la banque a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la déclaration de 1789, les dispositions de l'article L. 111-5, 1e, du code des procédures civiles d'exécution, dans leur version antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, telles qu'interprétées par la Cour de cassation. »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

7. La disposition contestée, l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, issue de l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 ratifiée par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, a valeur législative.

8. La modification de cette disposition par la loi du 23 mars 2019 ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle n'ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant et ne saurait donc faire obstacle, par elle-même, à l'examen de la question.

9. La question posée, qui vise cette disposition, en tant qu'elle est interprétée par la Cour de cassation par une jurisprudence constante (notamment : 1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-11.077 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-10.635), est recevable.

10. La disposition contestée, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, est applicable au litige, lequel concerne les conditions dans lesquelles un acte dressé par un notaire établi en Moselle peut constituer un titre exécutoire.

11. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

12. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

13. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

14. En effet, la Cour de cassation, procédant à un revirement de jurisprudence, à fin de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général, a, par arrêt de ce jour (2e Civ., 25 juin 2020, pourvoi n° 19-23.219), jugé que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d'exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.

15. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

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