Numéro 6 - Juin 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2020

ETRANGER

1re Civ., 24 juin 2020, n° 18-22.543, (P)

Cassation sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Procédure – Nullité – Cas – Atteinte aux droits de l'étranger placé en rétention – Assistance d'un interprète – Intermédiaire de moyens de télécommunication – Nécessité – Caractérisation – Office du juge

Il résulte de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est prévu qu'une décision ou une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend par l'intermédiaire d'un interprète, cette assistance ne peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité.

Lorsque le juge est saisi d'un moyen sur ce fondement, il lui incombe de caractériser la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 7 juillet 2018), et les pièces de la procédure, le 3 juillet 2018, M. N..., de nationalité sri-lankaise, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté de placement en rétention administrative, en exécution d'une décision portant obligation de quitter le territoire national du 7 mai précédent.

2. Le 5 juillet 2018, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par l'étranger, d'une requête en contestation de la régularité de la décision et, le lendemain, par le préfet, d'une requête en prolongation de la mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. N... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure, alors « que l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité ; qu'en énonçant que la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone résultait de ce que l'intéressé s'était présenté volontairement le 3 juillet 2018 à 14 h 30 dans le cadre de son obligation de pointage et que les gendarmes devaient donc l'entendre immédiatement sur sa volonté de quitter la France, puis compte tenu du refus opposé, sur son placement en rétention, le délégué du premier président a statué par des motifs impropres à caractériser la nécessité d'un interprétariat par téléphone et ainsi violé l'article L. 111-8 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

4. Vu l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Il résulte de ce texte que, lorsqu'il est prévu qu'une décision ou une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend par l'intermédiaire d'un interprète, cette assistance ne peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication qu'en cas de nécessité.

6. Pour prolonger la mesure à l'égard de M. N..., l'ordonnance retient, par motifs propres et adoptés, que la procédure de notification de la décision de placement en rétention est régulière dès lors que la nécessité du recours à l'interprétariat par téléphone résultait, d'une part, de ce que l'interprète ne se tenait pas dans les locaux de la gendarmerie à la disposition de l'agent notificateur, d'autre part, de ce que l'intéressé s'était présenté volontairement pour satisfaire à son obligation de pointage et devait donc être entendu immédiatement sur sa volonté de quitter la France, puis, compte tenu du refus opposé, sur son placement en rétention.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la nécessité d'une assistance de l'interprète par l'intermédiaire de moyens de télécommunication, le premier président a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 7 juillet 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; Me Goldman -

Textes visés :

Article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 mai 2010, pourvoi n° 09-12.923, Bull. 2010, I, n° 114 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.

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