Numéro 6 - Juin 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2020

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 17 juin 2020, n° 18-22.747, (P)

Cassation

Liquidation judiciaire – Ouverture – Cessation des paiements – Impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible – Actif disponible – Caractérisation – Conditions – Détermination

Un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible.

Donne acte à la Caisse nationale des barreaux français du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. C..., en qualité de liquidateur de Mme D..., le procureur général près la cour d'appel de Paris et l'ordre des avocats.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;

Attendu qu'un immeuble non encore vendu ne constitue pas un actif disponible ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme D..., avocate, a été mise en liquidation judiciaire le 20 avril 2017, M. C... étant désigné liquidateur ; que Mme D... a été mise sous tutelle le 12 octobre 2017, pour une durée de soixante mois, M. Q... étant désigné tuteur ; que celui-ci a contesté l'état de cessation des paiements retenu ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation ni de redressement judiciaires, l'arrêt retient que la débitrice est propriétaire d'un appartement dont la locataire a présenté une offre de rachat d'un montant correspondant aux estimations versées aux débats, acceptée par M. Q... en sa qualité de tuteur sous condition suspensive de l'approbation du mandataire judiciaire, qui a pris attache avec le tuteur pour être autorisé à vendre le bien et le notaire, et que la locataire a confirmé disposer de plus de la moitié du prix et avoir obtenu un emprunt pour le reste à condition que la vente se fasse rapidement en réitérant à l'audience son intention d'acquérir le bien ;

Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : Me Carbonnier -

Textes visés :

Articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la caractérisation de l'état de cessation des paiements, à rapprocher : Com., 7 février 2012, pourvoi n° 11-11.347, Bull. 2012, IV, n° 27 (cassation partielle).

Com., 17 juin 2020, n° 19-10.464, (P)

Rejet

Ouverture – Demande d'ouverture – Caractère exclusif – Exception – Cas – Demande de remboursement de frais hors dépens

Si, aux termes des articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du code de commerce la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire formée par un créancier est, à peine d'irrecevabilité, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande subsidiaire d'ouverture d'une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, le créancier poursuivant peut néanmoins présenter, en outre, une demande de remboursement de frais hors dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2018), MM. V... et Q... L..., assignés à cette fin par Mme G..., épouse D..., ont été mis en redressement judiciaire, M. N... étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. MM. V... et Q... L... font grief à l'arrêt de constater leur état de cessation des paiements au 13 septembre 2018 et d'ouvrir leur redressement judiciaire, alors que :

« 1°/ la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ; qu'une telle situation ne peut être régie que par les dispositions du livre VII du code de la consommation et est exclusive de l'application des dispositions du livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il ressortait du rapport de M. N... que « les débiteurs ont été condamnés sur la base d'un engagement personnel qu'ils avaient fait en qualité de caution de la dette de leur père » de sorte que la question du lien entre la dette des consorts L... et leur activité professionnelle antérieure à leur entrée en Selarl « se pose » et qu'il n'existait aucun autre passif ; qu'en décidant néanmoins que MM. V... et Q... L... étaient éligibles à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires à raison de l'impossibilité supposée de faire face à ce seul passif, de nature non professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 631-1 du code de commerce par fausse application ;

2°/ subsidiairement, la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires est, à peine d'irrecevabilité qui doit être soulevée d'office, exclusive de toute autre demande ; qu'en l'espèce, la demanderesse sollicitait la condamnation de MM. V... et Q... L... au paiement de sommes au titre de ses frais irrépétibles ; qu'en ouvrant leur redressement judiciaire, la cour d'appel a violé les articles R. 631-2 et R. 640-1 du code de commerce ;

3°/ la cessation des paiements suppose une impossibilité du débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser l'impossibilité dans laquelle se trouvaient MM. V... et Q... L... de faire face, chacun, à leur passif exigible avec leur actif disponible, dont elle ne précisait par la consistance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, il résulte, d'une part, des dispositions de l'article L. 711-3 du code de la consommation que le dispositif de traitement des situations de surendettement prévu par ce même code n'est pas applicable lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce et, d'autre part, de l'article L. 631-2 de ce dernier code, que la procédure de redressement judiciaire est applicable, notamment, à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant la nature de l'endettement invoqué.

4. L'arrêt constate que la société que MM. V... et Q... L... indiquent avoir constituée pour exercer leur activité professionnelle n'étant pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, il n'est pas établi que ces deux avocats ont effectivement cessé leur activité à titre individuel, ce dont il résulte qu'il est indifférent que la créance de Mme D... soit dépourvue de lien avec l'activité professionnelle de MM. L....

5. Ainsi, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que MM. V... et Q... L... relèvent, chacun, d'une procédure collective instituée par le code de commerce.

6. En second lieu, si, aux termes des articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du code de commerce la demande d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire formée par un créancier est, à peine d'irrecevabilité, exclusive de toute autre demande, à l'exception d'une demande subsidiaire d'ouverture d'une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, ces textes n'interdisent toutefois pas au créancier poursuivant de présenter, en outre, une demande de remboursement de frais hors dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.

7. En conséquence, la demande étant recevable, l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen.

8. En troisième lieu, la cour d'appel, après avoir caractérisé l'ancienneté de la dette des consorts L..., constatée par un arrêt du 22 novembre 2005, et le fait que ceux-ci n'en contestent pas le caractère exigible, a énuméré les multiples et diverses voies d'exécution vainement exercées, tant sur des biens que sur des créances, par Mme D..., depuis 2007, pour recouvrer sa créance. Ayant ainsi fait ressortir l'impossibilité pour MM. V... et Q... L... de faire face à leur passif exigible avec leur actif disponible, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Articles R. 631-2, alinéa 2, et R. 640-1, alinéa 2, du code de commerce ; article 700 du code de procédure civile.

Com., 24 juin 2020, n° 19-14.098, (P)

Rejet

Prévention des difficultés – Détection par le président du tribunal de commerce – Injonction de déposer les comptes annuels – Associé unique – Droit à la protection des données à caractère personnel – Atteinte proportionnée

Faits et procédure

1. Selon la première des deux ordonnances attaquées (Nanterre, 10 septembre 2018 et 21 janvier 2019), rendues en dernier ressort, un juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés d'un tribunal de commerce a, sur le fondement de l'article L. 611-2, II, du code de commerce, enjoint à M. H..., président et unique associé de la société par actions simplifiée Polair, de procéder au dépôt des comptes annuels de cette société pour les exercices 2015, 2016 et 2017 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'encontre de M. H... et de la société Polair, tenus solidairement. M. H... n'ayant pas déféré à cette injonction, le même juge l'a, par la seconde ordonnance attaquée, condamné in solidum avec la société Polair à payer au Trésor public la somme de 3 000 euros en liquidation de l'astreinte.

Examen du moyen unique

Enoncé du moyen

2. M. H... et la société Polair font grief à l'ordonnance du 10 septembre 2018 d'enjoindre à M. H..., représentant légal de la société Polair, de procéder au dépôt des comptes annuels au titre des exercices clôturés en 2017, 2016 et 2015, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à l'ordonnance du 21 janvier 2019 de condamner in solidum la société Polair et M. H... à payer au Trésor public la somme de 3 000 euros en liquidation de l'astreinte alors « que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 611-2, II, du code de commerce, dont il résulte que le président du tribunal de commerce peut enjoindre sous astreinte à une société commerciale unipersonnelle propriétaire d'un seul bien de déposer ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, l'obligeant ainsi à dévoiler des informations à caractère personnel relatives à son associé unique, qui sera prononcée sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. H... et la société Polair, privera de fondement les ordonnances attaquées, qui devront ainsi être annulées. »

Réponse de la Cour

3. La Cour de cassation ayant, par un arrêt n° 884 F-D du 17 octobre 2019, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 611-2, II, du code de commerce, le moyen est sans portée.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. H... et la société Polair font le même grief aux ordonnances précitées alors « que toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant ; que la divulgation de la situation patrimoniale d'une personne physique constitue une donnée à caractère personnel protégée ; que l'associé unique d'une société commerciale propriétaire d'un unique bien, soumise à l'obligation de déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce, voit ainsi des informations d'ordre patrimonial le concernant divulguées aux tiers sans y avoir consenti, de nature à causer une atteinte disproportionnée au droit à la protection de ses données à caractère personnel ; qu'en enjoignant à M. H..., représentant légal et associé unique de la société Polair, propriétaire d'un seul bien, de déposer les comptes annuels des exercices 2017, 2016 et 2015 au greffe du tribunal de commerce sans solliciter son accord préalable, le président du tribunal de commerce a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. H... à la protection de ses données personnelles d'ordre patrimonial, violant ainsi l'article 9 du code civil, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 16 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données du 27 avril 2016. »

Réponse de la Cour

5. S'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oyc.Finlande, grande chambre, no. 931/13, 27 juin 2017) que les données portant sur le patrimoine d'une personne physique relèvent de sa vie privée, les comptes annuels d'une société par actions simplifiée unipersonnelle ne constituent, toutefois, qu'un des éléments nécessaires à la détermination de la valeur des actions que possède son associé unique, dont le patrimoine, distinct de celui de la société, n'est qu'indirectement et partiellement révélé.

L'atteinte portée au droit à la protection des données à caractère personnel de cet associé pour la publication de ces comptes est donc proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises, poursuivi par les dispositions de l'article L. 611-2, II, du code de commerce.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 611-2, II, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la protection des données portant sur le patrimoine d'une personne physique, cf. : CEDH, arrêt du 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande, n° 931/13.

Com., 17 juin 2020, n° 18-25.262, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Exercice – Tierce opposition – Jugement de report de la date de cessation des paiements – Publication au BODACC – Délai imparti pour l'exercer – Point de départ – Détermination

Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le dernier, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même code, ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties.

En conséquence, une cour d'appel retient exactement que les anciens dirigeants et les créanciers d'une société en liquidation judiciaire avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société dès la date de sa publication au BODACC et que cette seule date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du code de commerce pour former tierce opposition.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er octobre 2018), la société Le Port de la Lune a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 29 janvier 2014 qui a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au jour du jugement.

La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 26 mars 2014. A la demande du liquidateur, la date de cessation des paiements a été reportée au 15 septembre 2013 par un jugement du 9 septembre 2015, publié au BODACC le 29 septembre 2015.

Par déclaration au greffe du 22 décembre 2016, les sociétés Les Ports de Lune,

Le Café du Port ainsi que M. et Mme Q... ont formé tierce opposition au jugement du 9 septembre 2015.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Les Ports de Lune et Le Café du Port ainsi que M. et Mme Q... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable leur tierce opposition alors :

« 1°/ que si le délai prévu par l'article R. 661-2 du code de commerce déroge au délai de droit commun et exclut l'application du droit commun à cet égard, l'application de l'article R. 661-2 du code de commerce doit, pour les règles qui ne sont pas contraires, être combinée avec les règles de droit commun relatives à la tierce opposition, notamment celles relatives à l'intérêt à agir ; qu'en énonçant que l'article R. 661-2 du code de commerce « est exclusif des règles de droit commun » de la tierce opposition, la cour d'appel a violé l'article R. 661-2 du code de commerce ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;

2°/ que pour pouvoir former tierce-opposition, il faut y avoir intérêt ; qu'il en résulte que le délai pour former tierce-opposition au jugement reportant la date de cessation des paiements ne court à l'égard d'un tiers qu'à compter du moment auquel il a intérêt à agir ; qu'en refusant de reporter la date de cessation des paiement à la réception, par les consorts Q..., de leur assignation en comblement de l'insuffisance d'actif aux motifs que les appelants ne pourraient « sérieusement soutenir qu'ils pourraient fixer arbitrairement le point de départ du délai pour former tierce opposition à une date qui leur conviendrait » et qu'un tel report impliquerait « une recevabilité perpétuelle » de la tierce opposition, la cour d'appel a violé les articles R. 661-2 du code de commerce et 31 et 583 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. »

Réponse de la Cour

4. Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le dernier, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même code, ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties.

5. L'arrêt retient exactement que les sociétés Les Ports de Lune,

Le Café du Port ainsi que M. et Mme Q..., en leurs qualités d'anciens dirigeants et de créanciers de la société débitrice, avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société, dès sa publication au BODACC, le 29 septembre 2015, et que seule cette date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du code de commerce pour former tierce opposition, lequel était, dès lors, expiré lorsque la tierce opposition a été formée le 22 décembre 2016.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article R. 661-2 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 14 juin 2017, pourvoi n° 15-25.698, Bull. 2017, IV, n° 85 (rejet).

Com., 17 juin 2020, n° 19-13.153, (P)

Rejet

Redressement judiciaire – Période d'observation – Créanciers – Déclaration des créances – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers – Portée – Créance – Admission (non)

Une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur.

En conséquence, un crédit-bailleur, qui bénéficie en garantie du paiement des loyers du nantissement de parts sociales détenues par une société tierce, n'étant pas le créancier de cette dernière au titre de ce nantissement, c'est à bon droit qu'une cour d'appel rejette la demande d'admission d'une créance à ce titre au passif de cette société.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 janvier 2019), la société Fructicomi, devenue Natixis Lease Immo puis BPCE Lease Immo, la société Oséo financement, devenue BPIFrance financement, et la société CM-CIC Lease, qui sont intervenues dans le cadre d'une indivision conventionnelle (les crédits-bailleurs), ont conclu avec la SCI A... un contrat de crédit-bail immobilier portant sur un ensemble immobilier, lequel a fait l'objet d'une sous-location au profit de la société [...], société holding de la société A....

2. En garantie de l'exécution du contrat, la société [...] a consenti aux crédits-bailleurs un nantissement sur les parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI, cette dernière consentant elle-même à la cession des sous-loyers reçus de la société [...].

3. Par deux jugements du 7 octobre 2016, la société A... a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde et la société [...] a été mise en redressement judiciaire, M. B... et M. O... étant respectivement désignés mandataire judiciaire et administrateur dans les deux procédures.

4. Les crédits-bailleurs ont déclaré une créance au passif de la procédure de la société [...]. Cette créance a été contestée.

Examen du moyen unique

Enoncé du moyen

5. Les crédit-bailleurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'admission au passif du redressement judiciaire de la société [...] alors :

« 1°/ que si le nantissement de parts sociales ne constitue pas un engagement personnel à la dette d'autrui, il confère néanmoins à son bénéficiaire, en cas de vente du bien nanti, le droit de percevoir la quote-part du prix correspondant au montant garanti ; qu'à ce titre, le titulaire du nantissement dispose à l'égard du détenteur du bien nanti d'un droit de créance limité à la valeur de ce bien affecté en garantie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le nantissement n'imposait pas au tiers détenteur de régler les causes de la créance mais le dépossédait uniquement du bien donné en nantissement si ces causes n'étaient pas réglées au profit du créancier nanti, avant d'en déduire que « le créancier inscrit n'étant pas créancier du tiers détenteur, l'action dont il bénéficie à son encontre n'est pas une action en paiement mais le droit de mettre en oeuvre la voie d'exécution forcée sur le bien donné en gage » et que dès lors il ne pouvait déclarer aucune créance à ce titre au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre du tiers détenteur ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;

2°/ que la cession de créance, même effectuée à titre de garantie, transférant au cessionnaire la propriété de la créance cédée, le cédant n'a plus qualité pour déclarer cette créance à la procédure collective ouverte contre le débiteur cédé, seul le cessionnaire disposant de cette faculté ; qu'en l'espèce, la SCI A... a consenti aux crédit-bailleurs la cession à titre de garantie de la créance de sous-location détenue contre la société [...] ; qu'il en résultait que les crédits-bailleurs étaient, par l'effet de cette cession, seuls titulaires de la créance correspondante, de sorte qu'ils étaient seuls fondés à déclarer cette créance au passif de la société [...] ; que, pour décider le contraire, la cour d'appel a considéré que le cessionnaire de créance n'avait pas qualité pour la déclarer au passif du tiers cédant et que la cession constituait un privilège entre les mains du prêteur lui ouvrant droit à percevoir les loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de l'emprunteur si le tiers détenteur est en capacité de les honorer mais en aucun cas d'être reconnu créancier de ce tiers détenteur s'il ne les règle pas ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que les crédits bailleurs avait acquis la qualité de créancier par l'effet de la cession de créance de sous loyers, ce dont il résultait que, pour les sous-loyers dus avant l'ouverture de la procédure collective, ils avaient seuls qualités pour déclarer la créance correspondante au passif de la procédure collective ouverte contre la société [...], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 622-24 du code de commerce et l'article L. 311-24 du code monétaire et financier ».

Réponse de la Cour

6. D'une part, une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur.

7. Les crédits-bailleurs n'étant pas créanciers de la société [...], au titre du nantissement, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté leur demande d'admission.

8. D'autre part, la cession de créance à titre de garantie ne transfère au cessionnaire la propriété que de la créance cédée, soit en l'espèce la créance de sous-loyers, et non celle de la créance garantie, soit en l'espèce la créance de loyers.

9. La cour d'appel en a exactement retenu que, les crédits-bailleurs n'étant créanciers, au titre de la créance née du contrat de crédit-bail, que de la SCI A..., ils n'avaient pas à être admis au passif de la procédure collective de la société [...] à ce titre.

10. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 622-24 du code de commerce.

Com., 17 juin 2020, n° 19-10.341, (P)

Cassation partielle

Responsabilités et sanctions – Faillite et interdictions – Interdiction de gérer – Cas – Omission de demander l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire – Conditions – Omission en connaissance de cause

L'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable aux procédures collectives en cours, exige, pour l'application de la sanction de l'interdiction de gérer, que l'omission de la demande d'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements ait eu lieu sciemment.

Justifie sa décision de prononcer une interdiction de gérer contre l'ancien dirigeant d'une personne morale mise en liquidation judiciaire la cour d'appel dont les constatations et appréciations font ressortir que cet ancien dirigeant ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société, caractérisant ainsi que l'intéressé avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal.

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution

L'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas, en soi, une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre, en application de l'article L. 651-2 du code de commerce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 novembre 2018), le 10 février 2014, un juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de librairie d'une société mise en liquidation judiciaire au profit de M. N... « ou de toute personne physique ou morale qui s'y substituerait, dont il resterait solidaire des engagements ».

L'entrée en jouissance dans les locaux, appartenant à une société tierce, a été fixée au 11 février 2014.

Le même jour, a été créée la société Nouvelle les 3 Epis Brive (la société Nouvelle), dirigée par M. N..., ayant pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de distribution de tous produits culturels et de loisirs, le capital social étant de 4 000 euros.

La société Nouvelle a été immatriculée le 10 avril 2014.

2. Le 1er avril 2014, le bailleur a délivré à M. N... un commandement de payer visant la clause résolutoire, au titre des loyers impayés de mars et avril 2014. Une ordonnance de référé du 10 juillet 2014, confirmée par un arrêt du 5 mars 2015, a constaté la résiliation du bail au 1er mai 2014, ordonné l'expulsion de M. N... et condamné celui-là, à titre provisionnel, au montant des loyers impayés du 11 février au 1er mai 2014 et à une indemnité d'occupation.

3. Par une ordonnance du 26 septembre 2014, sur la demande de M. N..., le président du tribunal de commerce a désigné un administrateur ad hoc pour le compte de la société Nouvelle, sur le fondement de l'article L. 611-3 du code de commerce.

Par une déclaration déposée au greffe le 30 octobre 2014, la société Nouvelle, représentée par M. N..., a déclaré son état de cessation des paiements. Un jugement du 12 novembre 2014 a mis cette société en liquidation judiciaire, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur. Un jugement du 17 mai 2016 a reporté la date de cessation des paiements au 1er avril 2014.

4. Le liquidateur a assigné M. N... afin de le voir condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle et à une mesure d'interdiction de gérer.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le second moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. M. N... fait grief à l'arrêt de prononcer à son égard une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de dix ans, alors que « seul peut être sanctionné par une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; qu'en se bornant, pour prononcer à l'encontre de M. N... une mesure d'interdiction de gérer pendant dix ans, à relever qu'il n'avait déclaré l'état de cessation des paiements, caractérisé dès le 1er avril 2014 selon le tribunal de la procédure collective, que le 30 octobre 2014, sans établir la mauvaise foi de M. N... dans ce retard, et alors que ce dernier avait sollicité et obtenu du tribunal de commerce la désignation d'un administrateur ad hoc de la société afin de trouver une issue amiable avec les créanciers sociaux, la cour d'appel a violé l'article L. 653-8 du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

7. L'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, applicable aux procédures collectives en cours, exige, pour l'application de la sanction de l'interdiction de gérer, que l'omission de la demande d'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements ait eu lieu sciemment.

L'arrêt constate, d'abord, que le bailleur a délivré à M. N... un commandement de payer visant la clause résolutoire dès le 1er avril 2014, qu'entre les mois de février et octobre 2014, la dette de loyers de la société ouvelle a augmenté jusqu'à atteindre la somme de 26 428,57 euros, que cette dette a abouti au constat de la résiliation du bail et à l'expulsion par une ordonnance de référé du 10 juillet 2014. Il relève, ensuite, que bien que la date de cessation des paiements ait été reportée au 1er avril 2014, M. N... n'a déclaré cette cessation que le 30 octobre 2014 et que l'intéressé a rencontré le « même type de difficultés » pour l'exploitation de fonds de commerce à Bergerac et Bordeaux.

L'arrêt retient, enfin, que M. N... ne peut invoquer la désignation d'un administrateur ad hoc par une ordonnance du 26 septembre 2014, dès lors que cette désignation avait pour but de rechercher une conciliation entre les différentes parties au vu des difficultés sociales, juridiques et financières que rencontrait la société Nouvelle, et non de faire face à la cessation des paiements, la déclaration de celle-ci étant une obligation légale.

Par ces constatations et appréciations, desquelles il ressort que M. N... ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements de la société Nouvelle, la cour d'appel, qui a caractérisé que ce dirigeant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a pu prononcer contre lui une interdiction de gérer.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. N... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société, alors que « l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion ; qu'en retenant néanmoins, en l'espèce, que M. N... s'était rendu coupable d'une faute de gestion en créant une société sans apports de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

10. Pour condamner M. N... à supporter l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle, l'arrêt retient que la rapidité de la cessation des paiements intervenue dès le 1er avril 2014, seulement un mois et demi après l'entrée en jouissance du 11 février 2014, démontre que cette société ne disposait pas, dès l'origine, de la capacité financière suffisante pour faire face aux échéances de charges inéluctables, telles que les loyers et salaires, et que les apports extérieurs reçus par la société à compter du mois de mai 2014 et jusqu'en décembre 2014, manifestent l'absence de fonds propres et l'insuffisance de la trésorerie de cette société pour faire face aux charges courantes, et ce dès le début de l'exploitation.

11. En statuant ainsi, alors que l'insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas en soi une faute de gestion dont les dirigeants auraient à répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il condamne M. N... à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Nouvelle les 3 épis Brive, l'arrêt rendu le 13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; article L. 651-2 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence de caractérisation d'une faute de gestion pour insuffisance d'apports, à rapprocher : Com., 10 mars 2015, pourvoi n° 12-15.505, Bull. 2015, IV, n° 47 (cassation partielle).

Com., 17 juin 2020, n° 18-11.737, (P)

Cassation

Responsabilités et sanctions – Responsabilité pour insuffisance d'actif – Cas – Cas commun – Omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal – Insuffisance d'actif née postérieurement à l'expiration du délai légal

La faute tenant à la déclaration tardive de cessation des paiements ne pouvant exister avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours pour déclarer, elle ne peut contribuer à accroître qu'une insuffisance d'actif née postérieurement à l'expiration de ce délai.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 18 janvier 2017, pourvoi n° 14-24.314), la société Valparaiso a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 30 septembre 2009, qui a fixé la date de la cessation des paiements au 15 juillet 2009.

La procédure a été convertie en liquidation le 20 janvier 2010.

2. Le liquidateur a assigné M. B..., directeur général délégué de la société, en paiement de l'insuffisance d'actif.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. M. B... fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité pour la déclaration tardive de la cessation des paiements alors « que si l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est ainsi susceptible de constituer une faute de gestion, c'est à la condition qu'elle ait contribué à l'insuffisance d'actif ; que cette condition n'est remplie que si l'insuffisance d'actif s'est aggravée entre la date à laquelle la cessation des paiements aurait dû être déclarée (45e jour suivant sa survenance) et celle à laquelle elle l'a été ; que l'augmentation du passif constatée entre la cessation des paiements et la date à laquelle le dirigeant aurait dû la déclarer est sans incidence sur la responsabilité du dirigeant ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que le jugement d'ouverture avait fixé au 15 juillet 2009 la date de cessation des paiements de la société Valparaiso, de sorte que M. B... aurait dû la déclarer au plus tard le 29 août 2009 ; qu'en tenant compte de l'augmentation du passif pendant la période du 15 juillet au 21 juillet 2009, donc antérieure à la date à laquelle devait être déclaré l'état de cessation des paiements, pour dire que la déclaration effectuée tardivement, le 21 septembre 2009, avait contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l'article L. 640-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

4. Le jugement qui condamne le dirigeant d'une personne morale à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de celle-ci doit préciser en quoi chaque faute retenue a contribué à l'insuffisance d'actif.

5. Pour retenir la responsabilité de M. B..., l'arrêt relève que la déclaration de cessation des paiements du 21 septembre 2009 était tardive au regard de la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture au 15 juillet précédent. Il retient ensuite que cette faute a contribué à accroître l'insuffisance d'actif résultant d'une augmentation considérable du passif pendant la période du 15 juillet au 21 juillet 2009.

6. En statuant ainsi, alors que la faute de M. B... n'ayant pu exister avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours courant à compter du 15 juillet 2009 dont il disposait pour procéder à la déclaration de cessation des paiements, cette faute, fût-elle établie, ne pouvait avoir contribué à la naissance d'un passif constitué, selon ses constatations, au plus tard le 21 juillet 2009, le délai de déclaration n'étant pas encore expiré à ce moment, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

7. La condamnation au titre de l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation totale de l'arrêt de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Richard -

Textes visés :

Article L. 651-2 du code de commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.