Numéro 6 - Juin 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2020

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

2e Civ., 4 juin 2020, n° 18-22.930, n° 18-23.670, n° 18-24.382, (P)

Cassation partielle

Article 6, § 1 – Principe de sécurité juridique – Violation – Défaut – Cas – Prescription quinquennale de l'action en nullité d'un jugement d'adjudication

Premier Protocole additionnel – Article 1er – Protection de la propriété – Violation – Défaut – Cas – Prescription quinquennale de l'action en nullité d'un jugement d'adjudication

Joint les pourvois n° W 18-22.930, A 18-23.670 et Z 18-24.382 ;

Constate le désistement de la société Moana Rehi de son pourvoi n° Z18-24.382 en ce qu'il est dirigé contre la société Leiana ;

Met hors de cause, à sa demande, la société Moana Rehi du pourvoi incident n° W 18-22.930 formé par la société Vehiarii, qui ne formule aucun moyen contre elle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que des poursuites de saisie immobilière ayant été engagées par plusieurs créanciers de M. et Mme Q... et V... W... sur le fondement d'actes notariés d'emprunts hypothécaires dressés par K... Y..., notaire, les biens saisis, constitués de plusieurs lots, ont été adjugés, par jugement du 24 mars 1993, à la société Leiana, qui a ultérieurement vendu les lots qui lui avaient été adjugés à la société Vehiarii, à la société Silloux et cie, devenue Garage Papeava, à Mme N... C... F... épouse B... et à la société Moana Rehi ; qu'un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001, statuant sur intérêts civils, a dit que les éléments constitutifs du délit de faux en écritures authentique et privée étaient réunis contre le notaire, a déclaré recevables les constitutions de partie civile, dont celle de M. et Mme W..., mais les a rejetées, en l'absence de preuve d'un préjudice découlant directement de l'infraction ; que le 13 octobre 2010, M. et Mme W... ont saisi le tribunal de première instance de Papeete d'une demande de nullité du jugement d'adjudication ; que Q... W... étant décédé au cours de la première instance, Mme V... W... ainsi que Mme S... W... épouse G... et M. H..., ses ayants droit, ont interjeté appel du jugement qui a accueilli la demande de M. et Mme W... mais les a déboutés de leur demande de restitution des biens saisis ; que la société Vehiarii, qui avait été déboutée d'une demande en paiement formée contre la société Leiana, sur le fondement de la garantie d'éviction, a également interjeté appel de ce jugement ; que par un arrêt avant dire droit, la cour d'appel a invité les parties à s'expliquer sur la prescription de l'action de M. et Mme W... ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° W 18-22.930, pris en sa première branche, et sur le premier moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa quatrième branche, annexés, qui sont similaires, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993, alors, selon le moyen :

1°/ que si la nullité du titre exécutoire sur lequel la saisie immobilière est fondée entraîne la nullité de toute la procédure de saisie subséquente, et par voie de conséquence, celle du jugement d'adjudication sur lequel cette procédure a débouché, la nullité de l'adjudication ne saurait être directement prononcée pour ce motif sans qu'il ait été préalablement statué sur la validité du titre exécutoire et de la procédure de saisie immobilière dont dépend cette adjudication, par une décision contradictoire à l'égard de toutes les parties à ce titre exécutoire et à cette procédure de saisie, et donc à l'égard des créanciers saisissants et non des seuls adjudicataires ; qu'en prononçant directement la nullité du jugement d'adjudication du 24 mars 1993 sans avoir préalablement statué, à l'égard notamment des créanciers saisissants qui devaient être impérativement appelés en la cause, sur la validité des titres exécutoires et de la procédure de saisie immobilière subséquente, la cour d'appel a violé les articles 2213 du code civil et 673 du code de procédure civile ancien, pris dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ qu'en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée s'attachant à une précédente décision ne peut être utilement invoquée qu'autant qu'il existe entre les procédures successives une identité de parties ; qu'en se bornant à justifier la nullité du titre exécutoire ayant servi de fondement aux poursuites de saisie immobilière dirigées à l'encontre des époux W... par une référence à un précédent arrêt de la cour d'appel de Papeete du 29 juillet 2010, prononcé dans une affaire ayant opposé des personnes totalement étrangères à la présente procédure (les époux R... et les consorts X...), ainsi que par l'autorité s'attachant à un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001, qui aurait définitivement reconnu que les actes de prêt hypothécaire reçus par K... Y..., notamment à l'égard des époux W..., constituaient des faux en écritures authentiques ne pouvant servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, quand les adjudicataires, et notamment Mme B..., n'étaient nullement parties à cette instance pénale, pas plus d'ailleurs que ne l'étaient les créanciers poursuivants, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'il résultait de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 novembre 2001 que les actes de prêts dressés devant le notaire constituaient des faux et décidé qu'ils ne pouvaient servir de fondement aux poursuites de saisie immobilière, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'autorité de la chose jugée par une décision rendue en 2010 concernant d'autres emprunteurs, a annulé le jugement d'adjudication ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° W 18-22.930, pris en sa seconde branche, et le premier moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa première branche, qui sont similaires :

Attendu que la société Garage Papeava et Mme B... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du 17 avril 2013 en ce qu'il a annulé le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 et de déclarer recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993, alors, selon le moyen, que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans ; que si la Cour de cassation a pu parfois juger cette règle inapplicable aux ventes sur saisie immobilière (2e Civ., 8 octobre 1997, pourvoi n° 95-15.269, Bull. II, n° 245 ; 2e Civ., 3 octobre 2002, pourvoi n° 01-01.481, Bull. II, n° 206), le principe de sécurité juridique et le droit au respect des biens commandent aujourd'hui un retour à la solution antérieure, selon laquelle le délai de cinq ans est applicable à l'action en nullité d'un jugement d'adjudication sur saisie immobilière, qui ne constitue pas un véritable jugement mais l'équivalent d'un contrat judiciaire, pouvant comme tel faire l'objet d'une action en nullité selon les règles de droit commun applicables à la nullité des conventions (2e Civ., 20 octobre 1961, pourvoi n° 59-10.758, Bull. II, n° 682) ; qu'aussi bien, à la faveur du revirement de jurisprudence qu'il est demandé à la Cour de cassation de bien vouloir opérer, l'arrêt attaqué, qui estime la prescription quinquennale non applicable à l'action en nullité d'un jugement d'adjudication, sera censuré pour violation des articles 1304 du code civil, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et 1er du premier Protocole additionnel à cette même Convention ;

Mais attendu que la prescription quinquennale édictée par l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 réformant le droit des obligations, applicable en Polynésie française, ne concernant que les actions en nullité d'une convention et l'action en nullité du jugement d'adjudication ne tendant pas à l'annulation d'une convention, c'est à bon droit, et sans méconnaître le principe de sécurité juridique, ni porter atteinte au droit au respect des biens, que la cour d'appel a décidé qu'en l'absence d'application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 relative à la prescription et de l'ordonnance susmentionnée, la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, était applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° W 18-22.930, sur le pourvoi n° Z 18-24.382, et sur le second moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa seconde branche, qui sont similaires, ainsi que sur le second moyen du pourvoi n° A 18-23.670, pris en sa première branche :

La société Garage Papeava, Mme B... et la société Moana Rehi font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande formée par les consorts W... tendant à la restitution des biens immobiliers saisis et adjugés par le jugement du 24 mars 1993, alors, selon le moyen, que si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de la nullité a cessé ; qu'en l'espèce, les époux W... ont, d'une part, lors de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 2 février 2006, expressément demandé, tandis qu'ils connaissaient la cause de nullité du jugement d'adjudication, l'homologation de leur accord pour constater que l'ensemble des créanciers avait été rempli de leurs droits et pour solliciter la libération à leur profit des fonds subsistants, soit la somme de 8 625 135 FCP, d'autre part, conclu un nouvel accord avec la société Leiana aux termes duquel ils ont accepté le jugement d'adjudication du 24 mars 1993 ; qu'il résultait de ces éléments que les époux W... avaient donné leur accord pour l'homologation d'un accord avec les créanciers qui validait tant les adjudications réalisées que les distributions de deniers ; qu'en se bornant à énoncer que les époux W... n'avaient pu ratifier des ventes nulles et de nullité absolue ou conclure un accord autonome, sans rechercher si les époux W... avaient, par les actes précités, maintenus leur volonté de voir exécuter le jugement d'adjudication du 24 mars 1993, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016) ;

Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que M. et Mme W..., en participant à la procédure de distribution, n'avaient fait qu'effectuer des actes de gestion de leurs intérêts, d'autre part, que la transaction qu'ils avaient conclue avec la société Leiana était antérieure à l'arrêt sur intérêts civils, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire, par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que les débiteurs saisis n'avaient pas conclu d'accord autonome de vente s'opposant à la restitution des biens adjugés résultant de l'annulation du jugement d'adjudication ;

Et attendu que le rejet du premier moyen du pourvoi n° A 18-24.382 rend sans objet la première branche du second moyen de ce pourvoi ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident n° W 18-22.930, formé par la société Vehiarii :

Vu les articles 1626 et 1630 du code civil ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la découverte d'un droit invoqué en justice par un tiers sur la chose vendue, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur, constitue un trouble actuel obligeant, de ce seul fait, le vendeur à en garantir l'acquéreur, avant même qu'intervienne un jugement le constatant, et du second que l'acquéreur évincé peut solliciter des dommages-intérêts ;

Attendu que, pour rejeter la demande en paiement formée par la société Vehiarii à l'encontre de la société Leiana, fondée sur la garantie d'éviction, l'arrêt retient que la société Vehiarii confond son estimation unilatérale du sérieux d'un risque d'être évincée par les consorts W... avec la réalisation effective de cette éviction, alors qu'elle s'est prémunie d'une telle éviction en transigeant avec ceux-ci et ne sollicite pas la restitution du prix de vente mais le remboursement de ce qu'elle a payé aux consorts W... en exécution d'une transaction, celui-ci ne rentrant pas dans les prévisions légales ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle déclarait recevable la demande des consorts W... de restitution de leur bien et qu'elle constatait que, pour se prémunir de toute éviction effective, la société avait conclu avec ceux-ci une transaction prévoyant le paiement par elle d'une somme de 100 000 000 F CFP, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE le désistement de la société Moana Rehi de son pourvoi n° Z 18-24.382, en ce qu'il est dirigé contre la société Leiana ;

MET hors de cause la société Moana Rehi du pourvoi incident n° W 18-22.930, formé par la société Vehiarii ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée par la société Vehiarii à l'encontre de la société Leiana tendant au remboursement de la somme de 100 000 000 F CFP qu'elle a versée aux consorts W..., l'arrêt rendu le 14 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Colin et Stoclet ; SCP Leduc et Vigand ; SCP Boulloche ; SCP L. Poulet-Odent ; Me Bertrand ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 1304, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 2262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, du code civil ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 3 octobre 2002, pourvoi n° 01-01.481, Bull. 2002, II, n° 206 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 4 juin 2020, n° 19-24.598, (P)

Rejet

Article 6, § 1 – Violation – Défaut – Cas – Déclaration d'appel – Caducité – Absence d'interruption du délai de signification de la déclaration d'appel par une demande d'aide juridictionnelle postérieure à ladite déclaration

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2019), Mme Q... a relevé appel, le 29 novembre 2018, du jugement d'un tribunal de grande, puis sollicité, le 17 janvier 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui lui a été accordée le 13 février 2019.

2. Elle a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, à défaut d'avoir signifié la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai qui lui a été adressé par le greffe le 9 janvier 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme Q... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel qu'elle a formée alors :

« 1°/ que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt tous les délais de procédure ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle était sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel, prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1999 relative à l'aide juridique ;

2°/ que les justiciables doivent disposer d'un droit d'accès au tribunal concret et effectif ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le délai prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, qui impose la signification de la déclaration d'appel à l'intimé dans un délai de dix jours à compter de l'avis de fixation, n'était pas valablement interrompu par sa demande formée dans ce délai auprès du bureau d'aide juridictionnelle, qui lui avait accordé l'aide juridictionnelle totale au regard de ses revenus, privant ainsi Mme Q... de la possibilité d'exercer effectivement son recours, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée son droit d'accès au juge en violation des dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, qui a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l'article 38-1 du décret du 19 décembre 1991 abrogé par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours.

Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile.

5. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l'appelant, un report du point de départ du délai pour signifier la déclaration d'appel, en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent par une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

6. En effet, en se conformant à l'article 38 du décret, la partie qui entend former un appel avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle est mise en mesure, de manière effective, par la désignation d'un avocat et d'autres auxiliaires de justice, d'accomplir l'ensemble des actes de la procédure.

7. Ce dispositif, dénué d'ambiguïté pour un avocat, professionnel du droit, permet de garantir un accès effectif au juge d'appel au profit de toute personne dont la situation pécuniaire la rend éligible au bénéfice d'une aide juridictionnelle au jour où elle entend former un appel.

8. La cour d'appel ayant constaté que Mme Q... n'avait pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, réceptionné par son avocat le 9 janvier 2019, c'est dès lors sans encourir les griefs du moyen qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

1re Civ., 24 juin 2020, n° 19-15.198, (P)

Rejet

Article 8 – Respect de la vie privée – Intérêt supérieur de l'enfant – Compatibilité – Attribution à un tiers d'un droit de visite et d'hébergement – Appréciation souveraine des juges du fond

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 janvier 2019), Mme W... et Mme R... ont vécu ensemble de 2004 à septembre 2015.

L'enfant Y... R... est née le [...], reconnue par Mme R.... Après la séparation du couple en septembre 2015, Mme W... a assigné Mme R... devant le juge aux affaires familiales afin que soient fixées les modalités de ses relations avec l'enfant.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les deuxième à quatorzième branches du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme W... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant Y..., alors :

« 1°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence impose qu'en cas de séparation entre le parent biologique et le parent d'intention d'un enfant, le maintien du lien entre le parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, en cas notamment de motifs graves, faisant peser un risque pour la santé ou la sécurité de l'enfant ; que l'article 371-4 du code civil, qui ne prévoit pas que le maintien du lien entre un parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, et qui permet une rupture irrémédiable de la relation entre l'enfant et son parent de fait, sans que des motifs graves soient requis, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du parent d'intention et de l'enfant ; qu'en appliquant toutefois ce texte, pour dénier tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille dans la vie de laquelle la cour d'appel a relevé qu'elle s'était investie dès sa conception, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en tout état de cause, s'il était considéré que les motifs du jugement avaient été adoptés concernant la conception de l'enfant, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que cette exigence impose qu'en cas de séparation entre le parent biologique et le parent de fait d'un enfant, le maintien du lien entre le parent de fait et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, en cas notamment de motifs graves, faisant peser un risque pour la santé ou la sécurité de l'enfant ; que l'article 371-4 du code civil, qui ne prévoit pas que le maintien du lien entre un parent d'intention et son enfant soit le principe, et la rupture de la relation, l'exception, et qui permet une rupture irrémédiable de la relation entre l'enfant et son parent de fait, sans que des motifs graves soient requis, porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du parent d'intention et de l'enfant ; qu'en appliquant toutefois ce texte, pour dénier tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille dans la vie de laquelle la cour d'appel a relevé qu'elle s'était investie dès sa conception, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'en tout état de cause, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... s'était investie dans le projet parental ayant donné lieu à la conception de Y..., étant présente pour l'insémination, le suivi de la grossesse de la mère biologique, au moment de l'accouchement et de la naissance, qui a été annoncée par les deux femmes dans un faire-part mentionnant leurs deux noms ; qu'il s'évince également de l'arrêt que jusqu'au moment où Mme R... a décidé unilatéralement que Mme W... ne verrait plus l'enfant, Mme W... a d'abord vécu de manière stable avec l'enfant, a pourvu à son éducation et à son entretien, étant très impliquée dans sa vie quotidienne, ayant aménagé ses horaires de travail pour s'en occuper, puis a exercé un droit de visite sur la petite fille après la séparation du couple ; qu'en déniant tout droit de visite et d'hébergement de Mme W... sur la petite fille qu'elle a élevée pendant les premières années de sa vie, aux motifs qu'elle n'avait pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne et que l'enfant, en bas âge, ne l'ayant pas vue depuis quelques temps, manifestait de la crainte envers elle, éléments non susceptibles de caractériser des risques pour l'enfant, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme W..., en méconnaissance de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par ailleurs, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'article 371-4 du code civil qui ne prévoit pas de droit pour l'enfant au maintien de ses relations avec le parent d'intention, ni corrélativement d'obligation incombant à ce parent de fait de maintenir ce lien, contrairement à la situation de l'enfant issu d'un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l'objet d'une adoption, méconnaît les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appliquant dès lors cette disposition, pour refuser tout droit de visite et d'hébergement à Mme W..., la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que par ailleurs, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que l'article 371-4 du code civil qui ne prévoit pas d'obligation, pour le parent de fait, de maintenir ses liens avec l'enfant qu'il a élevé, contrairement à l'enfant issu d'un mariage entre des personnes de même sexe, ayant fait l'objet d'une adoption, méconnaît les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en appliquant dès lors cette disposition, pour refuser tout droit de visite et d'hébergement à Mme W..., la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que cet intérêt supérieur impose que lorsqu'une personne est impliquée dans la vie d'un enfant depuis sa conception et l'a élevé, le lien entre eux doit être en principe maintenu, sauf dans des cas exceptionnels dans lesquels existent des motifs graves, correspondant à des hypothèses dans lesquelles l'enfant est soumis à des risques pour sa sécurité ou sa santé ; qu'en faisant application de l'article 371-4 du code civil, et en déboutant ainsi Mme W... de sa demande de fixation d'un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., après avoir pourtant constaté son implication essentielle dans la vie de Y... et sa participation active à sa vie quotidienne depuis sa conception jusqu'à ce que sa mère biologique s'oppose à ce qu'elle voit la petite fille, et sans relever aucun motif grave qui y ferait obstacle, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la Convention de New York ;

7°/ que, subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... s'était impliquée activement dans la vie de l'enfant Y... depuis sa conception jusqu'à ce que sa mère biologique s'oppose à ce qu'elle voit la petite fille et n'a relevé à son encontre aucun motif grave qui s'opposerait à un droit de visite et d'hébergement ; qu'en considérant toutefois que l'intérêt de l'enfant ne justifiait pas qu'un droit de visite et d'hébergement soit mis en place, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de New York ;

8°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; qu'en énonçant, pour débouter Mme W... de sa demande de voir fixé un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., sur l'existence d'un conflit avec son ex-compagne et la circonstance qu'elle n'avait pas su la préserver du conflit existant avec son ex-compagne, celle-ci ayant eu des comportements emportés et véhéments, en présence de l'enfant en raison de ce conflit, la cour d'appel qui a statué par un motif insuffisant à exclure que l'intérêt de l'enfant soit de maintenir un lien avec Mme W... qui l'a élevée et s'est impliquée dans sa vie dès sa conception, a violé l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3 de la Convention de New York ;

9°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; qu'en énonçant, pour considérer que la maintien de ses relations avec Mme W... n'était pas dans l'intérêt de l'enfant, que Mme W... n'avait pas su préserver la petite fille de ses conflits avec la mère biologique, qu'elle avait eu un comportement véhément et violent, qu'elle avait fait irruption dans les lieux de travail et le domicile de son ex compagne, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce comportement ne s'expliquait pas précisément par l'opposition de son ex compagne à ce qu'elle maintienne un lien avec l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3.1 de la Convention de New York ;

10°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que la cour d'appel a relevé que Mme W... avait exercé un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y... après la séparation avec sa partenaire ; qu'en énonçant, pour rejeter tout droit de visite et d'hébergement, que Mme W... en était « arrivée aux mains », le jour de la séparation d'avec son ex compagne, lors même qu'un droit de visite avait été mis en place ultérieurement, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de tout droit de visite et d'hébergement de Mme W..., et partant, la rupture irrémédiable de relations, qu'il impliquait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article de l'article 371-4 du code civil, ensemble l'article 3.1 de la Convention de New York ;

11°/ que, tout aussi subsidiairement, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non ; que l'intérêt de l'enfant, lorsqu'il est en bas âge, ne s'apprécie pas au regard de l'expression de sa volonté ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'hébergement de Mme W..., après avoir relevé que Mme R... avait fait obstacle à ce que l'enfant voit Mme W..., qui l'a élevée, que l'enfant nourrissait des craintes à l'idée de partir et de résider avec elle, et en statuant ainsi par des motifs insuffisants à exclure que l'intérêt de l'enfant soit de maintenir un lien avec Mme W... qui l'a élevée et s'est impliquée dans sa vie dès sa conception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 371-4 du code civil ;

12°/ que, tout aussi subsidiairement, les juges doivent viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en énonçant, pour exclure tout lien d'affection durable entre l'enfant et Mme W..., sur la circonstance que si un attachement a pu se développer avant la séparation du couple, « il n'apparaît pas que celui-ci ait perduré à l'issue de la rupture du couple », sans viser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

13°/ que, tout aussi subsidiairement, les relations conflictuelles entre un parent biologique et la personne qui a élevé l'enfant avec lui constitue une circonstance étrangère à l'appréciation de l'intérêt de l'enfant ; qu'en se fondant, pour dénier à Mme W..., tout droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Y..., sur la circonstance que la petite fille devait être préservée du conflit entre sa mère biologique et sa mère de fait, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

5. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

6. Aux termes de l'article 14 de la même Convention, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

7. Aux termes de l'article 371-4, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables.

8. Ce texte permet le maintien des liens entre l'enfant et l'ancienne compagne ou l'ancien compagnon de sa mère ou de son père lorsque des liens affectifs durables ont été noués, tout en le conditionnant à l'intérêt de l'enfant.

9. En ce qu'il tend, en cas de séparation du couple, à concilier le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés et l'intérêt supérieur de l'enfant, il ne saurait, en lui-même, méconnaître les exigences conventionnelles résultant des articles 3, § 1, de la Convention de New York et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il ne saurait davantage méconnaître les exigences résultant de l'article 14 de cette même Convention dès lors qu'il n'opère, en lui-même, aucune distinction entre les enfants, fondée sur la nature de l'union contractée par le couple de même sexe, cette distinction résultant d'autres dispositions légales selon lesquelles la création d'un double lien de filiation au sein d'un couple de même sexe implique, en l'état du droit positif, l'adoption de l'enfant par le conjoint de son père ou de sa mère.

11. L'arrêt relève que Mme W..., bien que réticente à l'idée d'accueillir un enfant au sein de son foyer, s'est impliquée dans le projet de Mme R... dès la conception de l'enfant, étant présente pour l'insémination, le suivi médical de la grossesse et au moment de l'accouchement. Il constate que la naissance de l'enfant a été annoncée par les deux femmes au moyen d'un faire-part mentionnant leurs deux noms. Il ajoute que chacune d'elles s'est investie dans le quotidien de l'enfant après sa naissance et qu'un droit de visite et d'hébergement amiable une fin de semaine sur deux a été instauré au bénéfice de Mme W... à l'issue de la séparation du couple, en septembre 2015.

12. Il relève cependant que le droit de visite et d'hébergement de Mme W... a cessé d'être exercé dès le mois de janvier 2016, Mme R... refusant que sa fille continue de voir son ancienne compagne en raison du comportement violent de celle-ci. Il précise que, si le caractère conflictuel de la séparation n'est pas contesté par les parties, la violence des interventions de Mme W... à l'égard de Mme R... est attestée par les pièces produites, qui font état d'intrusions sur le lieu de travail de celle-ci et au domicile de ses parents, en présence de l'enfant, qui a été le témoin de ses comportements véhéments et emportés.

13. Il estime que ces confrontations, en présence de l'enfant, ont généré une crainte et une réticence réelle de celle-ci à l'idée de se rendre chez Mme W..., et que cette dernière n'a pas su préserver Y... du conflit avec son ancienne compagne, ce qui est de nature à perturber son équilibre psychique.

14. Il retient enfin que, si Mme W... a pu résider de manière stable avec l'enfant du temps de la vie commune du couple et a pourvu à son éducation et à son entretien sur cette même période, la preuve du développement d'une relation forte et de l'existence d'un lien d'affection durable avec Y... n'est pas rapportée.

15. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit qu'il n'était pas dans l'intérêt de l'enfant d'accueillir la demande de Mme W.... Elle a ainsi, par une décision motivée, statuant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit être primordial, légalement justifié sa décision, sans porter atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme W....

16. Il n'y a pas donc lieu d'accueillir la demande aux fins d'avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Poirret (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ; article 371-4, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions d'octroi d'un droit de visite et d'hébergement avec un tiers, à rapprocher : 1re Civ., 13 juillet 2017, pourvoi n° 16-24.084, Bull. 2017, I, n° 180 (rejet).

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