Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 5 juin 2019, n° 17-23.228, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004 – Chapitre IV – Article 2.2.1.2 – Quantification de la durée du travail – Limites – Mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué – Effets – Dissimulation d'un emploi salarié – Conditions – Elément intentionnel – Caractérisation – Nécessité – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 juin 2017), que Mme U..., engagée le 18 septembre 2007 par la société Adrexo en qualité de distributrice de journaux et prospectus selon contrat à temps partiel modulé, a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture ;

Sur les premier et deuxième moyens : Publication sans intérêt

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme au titre du travail dissimulé, alors, selon le moyen :

1°/ que la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli n'est pas punissable quand cette mention résulte d'une convention ou d'un accord collectif ; qu'en l'espèce, en jugeant que la persistance à se retrancher derrière l'application du système de quantification préalable caractérisait la volonté de la société Adrexo de dissimuler des heures de travail, quand l'employeur pouvait légitimement se croire autorisé à appliquer un système de décompte du temps de travail mis en oeuvre conformément à un accord d'entreprise et à une convention collective signée à l'unanimité par les partenaires sociaux, la cour d'appel a violé les articles L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail ;

2°/ que le délit de travail dissimulé est une infraction intentionnelle ; qu'en l'espèce, en déduisant l'élément intentionnel du délit de la persistance qu'aurait eu la société Adrexo à refuser à la salariée le droit de mentionner sur ses feuilles de route le nombre d'heure de travail effectivement réalisées, sans préciser à quelle date auraient eu lieu les refus de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail ;

Mais attendu que la dissimulation d'emploi salarié, prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, si elle ne peut se déduire de la seule application du dispositif de quantification préalable prévue par la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004, est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Et attendu qu'ayant retenu que l'employeur était informé de ce que les horaires de travail de la salariée étaient supérieurs aux temps pré-quantifiés et avait interdit à celle-ci de mentionner sur ses feuilles de route les heures qu'elle avait réellement accomplies, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la persistance de l'employeur à décompter le temps de travail en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies par le distributeur caractérisait l'élément intentionnel du travail dissimulé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé, à rapprocher : Soc., 16 juin 2015, pourvoi n° 14-16.953, Bull. 2015, V, n° 124 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 2 décembre 2015, pourvoi n° 14-22.311, Bull. 2015, V, n° 247 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 19 juin 2019, n° 18-12.642, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des cadres des travaux publics du 1er juin 2004 – Annexe V « classification des cadres » – Article 4.2 – Rémunération annuelle minimale – Rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti – Calcul – Assiette – Eléments pris en compte – Détermination – Portée

Aux termes de l'article 4.2 de l'annexe V « classification des cadres » à la convention collective nationale des travaux publics du 1er juin 2004, la rémunération annuelle comprend tous les éléments bruts de rémunération acquis dans le cadre d'une année civile, y compris : les congés payés, la prime de vacances versée aux conditions conventionnelles, tous les éléments permanents du salaire ; en sont exclus les éléments suivants : les sommes versées au titre de l'intéressement des salariés, de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'épargne salariale, les sommes constituant des remboursements de frais, la rémunération des heures supplémentaires, les éventuelles régularisations effectuées au titre de l'année N-1, les primes et gratifications ayant un caractère aléatoire ou exceptionnel.

Il résulte de ces dispositions que les indemnités de congés payés, lesquelles ne font pas partie des éléments exclus de l'assiette de comparaison pour déterminer la rémunération annuelle minimale, doivent être prises en compte pour l'appréciation du respect du salaire minimum conventionnel.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J... a été engagé le 5 mai 2003 par la société Tech sub industrie environnement en qualité de chargé de projet ; qu'estimant qu'il ne percevait pas le minimum conventionnel applicable, le salarié a saisi, le 22 février 2013, la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire ; qu'il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 octobre 2013 ;

Sur le premier moyen pris en ses première et troisième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 4.2 de l'annexe V « classification des cadres » à la convention collective nationale des travaux publics du 1er juin 2004 ;

Attendu que, selon ce texte, la rémunération annuelle comprend tous les éléments bruts de rémunération acquis dans le cadre d'une année civile, y compris : les congés payés, la prime de vacances versée aux conditions conventionnelles, tous les éléments permanents du salaire ; en sont exclus les éléments suivants : les sommes versées au titre de l'intéressement des salariés, de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et de l'épargne salariale, les sommes constituant des remboursements de frais, la rémunération des heures supplémentaires, les éventuelles régularisations effectuées au titre de l'année N-1, les primes et gratifications ayant un caractère aléatoire ou exceptionnel ; qu'il en résulte que les indemnités de congés payés, lesquelles ne font pas partie des éléments exclus de l'assiette de comparaison pour déterminer la rémunération annuelle minimale, doivent être prises en compte pour l'appréciation du respect du salaire minimum conventionnel ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre du non-respect du minimum conventionnel et des congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il résulte de l'examen du décompte présenté par la société Tech sub industrie environnement, pour démontrer qu'elle a bien rempli son obligation, que celle-ci a pris en compte les indemnités de congés payés réglées jusqu'en 2013, ce à tort, qu'à ce titre, il est constant que lorsque le salarié ne pouvait prendre ses congés payés en raison de sa charge de travail, il lui était versé une indemnité de congés payés par la CNETP, qu'or la convention collective, dans ses dispositions relatives à la détermination du salaire minimum conventionnel annuel, ne fait état que des congés payés et non des indemnités de congés payés, que dans la mesure où les dispositions de la convention collective s'interprètent strictement et ne prévoient pas d'inclure les indemnités de congés payés dans le calcul de ce salaire minimum conventionnel, l'employeur n'a donc pas à les intégrer dans l'assiette de calcul, qu'en outre la nature même de cette indemnité de congés payés ne permet pas de considérer qu'elle vient rétribuer des heures travaillées puisqu'elle a pour but de réparer un préjudice découlant de l'impossibilité, pour le salarié, de prendre ses congés payés ;

Qu'en statuant ainsi, en excluant de l'assiette de comparaison les indemnités de congés payés versées au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif de l'arrêt prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail et allouant au salarié diverses sommes à ce titre, critiqués par le troisième moyen ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. J... de ses demandes en paiement à titre de retenue sur salaires et de rappel de primes de vacances, l'arrêt rendu le 22 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 4.2 de l'annexe V « classification des cadres » à la convention collective nationale des cadres des travaux publics du 1er juin 2004.

Soc., 5 juin 2019, n° 18-12.862, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968 – Article 32 – Congés – Absences exceptionnelles – Congé de maternité – Salariée – Salaire plein – Montant – Calcul – Eléments à considérer – Détermination – Portée

Selon l'article 32 de la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968, la salariée en congé de maternité, qui justifie d'un an de présence dans l'entreprise, bénéficie de son salaire plein, dans la limite de seize semaines, sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale et de tout organisme de prévoyance auquel l'employeur contribue.

Doit être approuvée la cour d'appel qui retient exactement que le salaire à prendre en compte doit intégrer la part variable de la rémunération et qui, en l'absence de précision de la convention collective de la période de référence à prendre en considération et eu égard au fait que l'activité de la salariée tirée du chiffre d'affaires a un caractère fluctuant en fonction des mois et des périodes dans l'année et que son évaluation annuelle permet de lisser ces écarts de variables, écarte la base de calcul du salaire de référence sur les trois mois ayant précédé le congé de maternité durant lesquels la salariée n'avait réalisé aucun chiffre d'affaires lui ouvrant droit à sa part variable et décide qu'est justifié le calcul d'une moyenne sur les douze derniers mois.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2018), que Mme W... a été engagée en qualité d'opérateur-vendeur par la société TSAF OTC (la société) à compter du 4 octobre 2004 ; qu'elle a été en arrêt de travail pour congés de maternité pour les périodes du 4 novembre 2006 au 1er avril 2007, puis du 5 novembre 2008 au 12 avril 2009 ; que, le 21 novembre 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et paiement de compléments de salaire et d'indemnités de rupture ; que le 5 janvier 2012, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de compléments de salaire pour les périodes du 4 novembre 2006 au 1er avril 2007 et du 5 novembre 2008 au 12 avril 2009, outre les congés payés afférents et de lui ordonner la remise des documents sociaux rectifiés, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition légale n'impose à l'employeur de verser à la salariée en congé maternité une rémunération équivalente au salaire moyen qu'elle percevait avant son départ, ni a fortiori de retenir une période significative pour calculer ce salaire moyen ; que l'article 32 de la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968 prévoit qu' « en cas d'absence pour maternité, les salariés recevront leur salaire plein, dans la limite de cinq semaines, sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale et de tout organisme de prévoyance auxquelles l'employeur contribue » ; qu'en l'absence de définition de la période de référence à prendre en compte pour calculer le « salaire plein », il convient de se référer aux règles légales qui définissent la période de calcul des indemnités journalières versées à la salariée pendant le congé de maternité et qui ont le même objet que ces dispositions conventionnelles ; que ce salaire est donc celui des trois derniers mois complets précédant le départ en congé maternité ; qu'en affirmant cependant que le salaire à prendre en compte, pour calculer le salaire dû à Mme W... pendant ses deux congés maternité, doit correspondre à la rémunération la plus significative par rapport à celle que la salariée percevait avant ses congés et intégrer la part variable de la rémunération et que compte tenu du caractère fluctuant du chiffre d'affaires généré par l'activité de la salariée d'un mois sur l'autre, il convenait de retenir le salaire perçu au cours des douze derniers mois avant le début de chaque congé, et non celui des trois derniers mois qui n'était pas significatif dès lors que la salariée n'a réalisé aucun chiffre d'affaires sur cette période, la cour d'appel a violé l'article 32 de la convention collective des sociétés financières ;

Mais attendu qu'ayant énoncé, à bon droit, que, selon l'article 32 de la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968, la salariée en congé de maternité bénéficiait de son « salaire plein », dans la limite de seize semaines, sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale et de tout organisme de prévoyance auquel l'employeur contribue, la cour d'appel a exactement retenu que le salaire à prendre en compte devait intégrer la part variable de la rémunération ; qu'en l'absence de précision de la convention collective de la période de référence à prendre en considération, elle a pu, relevant que l'activité tirée du chiffre d'affaires avait un caractère fluctuant en fonction des mois et des périodes dans l'année et que son évaluation annuelle permettait de lisser ces écarts de variables, décider que l'employeur ne pouvait fonder sa base de calcul sur les trois derniers mois précédant le congé de maternité dès lors que la salariée n'avait réalisé aucun chiffre d'affaires lui ouvrant droit à sa part variable sur cette période, que la base de calcul sur les douze derniers mois préconisée par la salariée était justifiée et qu'il convenait de retenir la moyenne annuelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 32 de la convention collective nationale des sociétés financières du 22 novembre 1968.

Soc., 26 juin 2019, n° 17-28.287, n° 17-28.288, n° 17-28.289, n° 17-28.290, n° 17-28.291, n° 17-28.292, n° 18-10.953, (P)

Rejet

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Accord instaurant une prime obligatoire de participation au profit des salariés – Caducité – Loi prévoyant la mise en place de ladite prime – Abrogation – Portée

L'abrogation d'un dispositif législatif prévoyant en faveur des salariés de certaines entreprises une prime obligatoire de participation, assortie de dispositifs d'exonération de charges, ne rend pas caduc de plein droit un accord collectif instaurant cette prime dans l'entreprise.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-28.287 à 17-28.292 et 18-10.953 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Grasse, 26 septembre et 5 décembre 2017), que le 29 septembre 2011, la société Tournaire a signé avec les organisations syndicales de l'entreprise un accord collectif fixant les conditions de mise en place de la « prime de partage de profits » instituée par l'article 1er de la loi de finances n° 2011-894 du 28 juillet 2011 ; qu'à la suite de l'abrogation de cet article par la loi de finances du 22 décembre 2014, l'employeur a cessé de verser la prime de partage de profits ; que sept salariés de l'entreprise ont saisi la juridiction prud'homale en décembre 2015 pour obtenir paiement de la prime au titre des années 2014 et 2015 ; que l'employeur a opposé la caducité de l'accord ;

Attendu que l'employeur fait grief aux jugements de dire que l'accord de partage des profits signé le 29 septembre 2011 dans l'entreprise est encore applicable hormis l'article 5 déterminant les allègements sur les prélèvements sociaux, et de le condamner en conséquence à verser aux salariés une certaine somme au titre de la prime de partage des profits pour l'année 2014, alors selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des constatations du jugement attaqué que l'accord d'entreprise conclu le 29 septembre 2011 avait pour seul objet la mise en place d'une prime de partage des profits, en application de la loi du 28 juillet 2011 qui en imposait le versement à la société Tournaire et assortissait cette obligation d'un allègement sur les prélèvements sociaux ; que l'abrogation de la loi du 28 juillet 2011 a entrainé, avec la suppression de l'obligation de versement d'une telle prime, la suppression des allègements de charges sociales subséquentes ; qu'il en résulte que l'accord d'entreprise était devenu caduc et qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a fait une fausse application des dispositions des articles L. 2261-9 et L. 2251-1 du code du travail et a violé ensemble les dispositions des articles 1108 et 1126 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause (nouveaux articles 1163 et 1186 du code civil) ;

2°/ qu'en jugeant l'accord de partage des profits encore applicable « sauf son article 5 » relatif aux allègements prévus sur les prélèvements sociaux, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la société Tournaire, si les stipulations de l'accord n'étaient pas indivisibles et si la clause de l'article 5 n'était pas déterminante des autres, de telle sorte qu'elle ne pouvait être écartée sans que l'ensemble de l'accord d'entreprise devienne ainsi caduc, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1186) et des articles L. 2261-9 et L. 2251-1 du code du travail ;

3°/ que la validité et la survie de la prime litigieuse ne pouvaient être appréciées de manière autonome et indépendante du régime social qui était le sien et des charges sociales dont elle était assortie ; qu'en considérant que la clause prévoyant le versement de la prime litigieuse constituait une disposition plus favorable aux salariés que la loi, susceptible dès lors de demeurer applicable malgré la modification des règles d'ordre public absolu relatives aux charges sociales qui l'assortissent et en l'absence de toute manifestation explicite de volonté en faveur de ce maintien en application, le conseil de prud'hommes a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article L. 2251-1 du code du travail ;

Mais attendu que l'abrogation d'un dispositif législatif prévoyant en faveur des salariés de certaines entreprises une prime obligatoire de participation, assortie de dispositifs d'exonération de charges, ne rend pas caduc de plein droit un accord collectif instaurant cette prime dans l'entreprise ;

Et attendu que le conseil de prud'hommes, qui a constaté que l'accord d'entreprise était à durée indéterminée, qu'il spécifiait les conditions d'attribution de la prime de partage de profits, sans la conditionner au maintien de la législation en vigueur ou à l'octroi d'exonérations particulières et qu'il précisait les conditions de sa dénonciation, a dit à bon droit que l'accord demeurait applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2261-9 et L. 2251-1 du code du travail ; article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.

Soc., 5 juin 2019, n° 17-21.749, n° 17-21.750, n° 17-21.751, n° 17-21.752, n° 17-21.753, n° 17-21.754, n° 17-21.755, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Contenu – Principe d'égalité de traitement – Atteinte au principe – Défaut – Cas – Différence d'évolution de carrière résultant de l'entrée en vigueur d'un accord collectif – Conditions – Détermination – Office du juge – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-21.749, 17-21.750, 17-21.751, 17-21.752, 17-21.753, 17-21.754 et 17-21.755 ;

Sur le moyen unique :

Vu le principe d'égalité de traitement, ensemble la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 et le protocole du 14 mai 1992 ;

Attendu que le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les salariés engagés ou promus postérieurement à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème conventionnel soient appelés dans l'avenir à avoir une évolution de carrière plus rapide dès lors qu'ils ne bénéficient à aucun moment d'une classification ou d'une rémunération plus élevée que celle des salariés engagés ou promus antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau barème et placés dans une situation identique ou similaire ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. T... et six autres salariés exerçant les fonctions d'inspecteur du recouvrement auprès de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte-d'Azur après l'obtention du diplôme de cadre avant l'entrée en vigueur du protocole d'accord du 14 mai 1992, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire en application des articles 23, 32 et 33 de la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale et de dommages-intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement ;

Attendu que pour condamner l'employeur à verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement concernant l'article 32 de la convention collective, les arrêts retiennent qu'au regard du principe de l'égalité de traitement, notamment en matière de rémunération, la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux et il appartient alors à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, qu'en l'espèce, au regard de l'avancement acquis au titre de l'article 32, l'URSSAF ne produit aucun élément objectif permettant de justifier la différence entre la rémunération servie aux salariés et les rémunérations servies à leurs collègues ayant obtenu le diplôme de cadre après le 1er janvier 1993 ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que des salariés promus après l'entrée en vigueur du nouveau barème conventionnel et placés dans une situation identique ou similaire avaient bénéficié d'une classification ou d'une rémunération supérieures à celles des intéressés, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte-d'Azur à payer à MM. T..., W... et S... et à Mmes B..., C..., D... et U... la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation du principe d'égalité de traitement concernant l'article 32 de la convention collective, les arrêts rendus le 19 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Principe d'égalité de traitement ; convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 et le protocole du 14 mai 1992.

Rapprochement(s) :

Sur le défaut d'atteinte au principe d'égalité de traitement en cas de différence d'évolution de carrière résultant de l'entrée en vigueur d'un accord collectif, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 16-26.729, Bull. 2018, V, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

2e Civ., 20 juin 2019, n° 17-18.061, (P)

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Dispositions générales – Négociation – Négociation annuelle – Négociation sur les salaires effectifs – Domaine d'application – Offices publics de l'habitat à compter du 29 octobre 2009

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié à l'Office public de l'habitat de Nanterre (l'office) un redressement portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de la réduction Fillon indûment opérée, en raison de l'absence de négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs pendant la période en cause ; qu'une mise en demeure lui ayant été délivrée, le 18 octobre 2012, l'office a saisi une juridiction de sécurité sociale qui a rejeté sa contestation ; qu'une mise en demeure de payer des majorations de retard complémentaires pour les années 2009 et 2010 lui ayant été notifiée, le 16 mai 2014, en cours de procédure, l'office en a invoqué la nullité, en cause d'appel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'office fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014, alors, selon le moyen, que la réclamation qui porte sur des majorations de retard se rattache par un lien de dépendance nécessaire à celle qui porte sur la somme ainsi majorée ; que la mise en demeure de payer une telle majoration n'a donc pas à être soumise préalablement à la commission de recours amiable si la mise en demeure de payer le principal l'a été ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que selon l'article l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l'organisme ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'office n'avait pas préalablement soumis à la commission de recours amiable la mise en demeure portant sur des majorations de retard complémentaires, conformément aux prescriptions de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel en a exactement déduit que la contestation élevée par le cotisant contre cette décision de l'organisme social était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, après avis de la chambre sociale, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 241-13, III, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, L. 2242-8, 1°, du code du travail et 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 applicable à la date des réductions de cotisations en litige, le deuxième dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que lorsque l'employeur n'a pas rempli, au cours d'une année civile, l'obligation mise à sa charge d'engager chaque année une négociation annuelle obligatoire portant sur les salaires effectifs, le montant de la réduction est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année et de 100 % lorsque celui-ci ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive ; qu'il résulte des deux derniers que les offices publics de l'habitat sont soumis à l'expiration du délai d'un an visé à l'article 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, soit depuis le 29 octobre 2009, à l'obligation d'engager annuellement une négociation sur les salaires effectifs en application de l'article L. 2242-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, nonobstant les dispositions de l'article L. 421-24 du code de la construction et de l'habitation qui, en ce qu'elles prévoient un accord collectif conclu au niveau national sur la classification des postes et sur les barèmes de rémunération de base des personnels employés au sein des offices publics de l'habitat, et à défaut une définition par décret en Conseil d'Etat, ne constituent pas des dispositions dérogeant à l'obligation de négociation annuelle au sein de chaque office public de l'habitat ;

Attendu que pour rejeter le recours de l'office en contestation de la minoration de 10 % de la réduction dite Fillon, au titre des années 2009 et 2010 et de son annulation au titre de l'année 2011, l'arrêt retient essentiellement que n'ayant pas ouvert de négociations sur les salaires au titre des années 2009, 2010 et 2011, l'office s'est soustrait à une obligation légale qui conditionnait le bénéfice de la réduction en litige ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'organisation d'une négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs ne pouvait être exigée de l'office public de l'habitat antérieurement au 29 octobre 2009, date d'entrée en vigueur de son obligation légale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande en nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014, l'arrêt rendu le 16 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 241-13, III, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 ; article L. 2242-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ; article 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008.

Soc., 5 juin 2019, n° 17-28.380, n° 17-28.381, n° 17-28.377, n° 17-28.378, n° 17-28.379, (P)

Cassation

Usages et engagements unilatéraux – Engagement unilatéral – Mise en oeuvre – Conditions – Conclusion d'une transaction – Exclusion – Détermination – Portée

La mise en oeuvre d'un accord atypique ou d'un engagement unilatéral de l'employeur dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction.

Conventions et accords collectifs – Accord atypique – Mise en oeuvre – Conditions – Conclusion d'une transaction – Exclusion – Détermination – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois enregistrés sous les n° 17-28.377 à 17-28.381 ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134 et 2044 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 5 novembre 2007 par la société Pérouse Plastie, Mme F... a été licenciée pour motif économique dans le cadre d'un licenciement collectif le 30 juin 2011 ; qu'elle a signé le 5 juillet 2011 un accord transactionnel aux termes duquel elle a perçu une indemnité transactionnelle et a en contre-partie renoncé à toute action visant à contester la procédure, les motifs et plus généralement les conditions de son licenciement ; que la salariée a, avec quatre autres salariées, saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé de son licenciement ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes des salariées, l'arrêt retient que, par lettre du 18 mai 2010 adressée aux délégués du personnel, l'employeur a informé la délégation unique du personnel des engagements qu'il avait pris vis-à-vis du comité d'entreprise, que si l'employeur s'y réfère à un accord intervenu entre la direction et le comité d'entreprise, l'accord du 18 mai 2010 signé par l'employeur et les représentants du comité d'entreprise ne portait que sur la prime d'intéressement, qu'après avoir évoqué cet accord, la lettre précise « en outre, dès lors que les conditions susvisées sont remplies, la direction accepte d'accéder à la demande du CE de prendre en compte le préjudice spécifique subi par les salariés du fait de leur licenciement via le paiement d'une indemnité spécifique et transactionnelle », que par ce courrier signé par lui seul, l'employeur fixe ainsi unilatéralement les conditions de versement de cette indemnité en précisant, d'une part, que le salarié doit avoir été licencié pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi ou avoir quitté la société dans le cadre d'une rupture amiable avant la notification de son licenciement et, d'autre part, que l'indemnité doit être versée en contrepartie d'une transaction par laquelle le salarié renonce définitivement à toute réclamation à l'encontre de la société ou à l'encontre d'une quelconque société du groupe, que ce courrier, sur les conditions de versement de l'indemnité spécifique et transactionnelle, ne peut donc être analysé comme constitutif d'un accord atypique ;

Attendu, cependant, que la mise en oeuvre d'un accord atypique ou d'un engagement unilatéral de l'employeur dont les salariés tiennent leur droit ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 27 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 2044 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que la mise en oeuvre d'un accord, dont les salariés tiennent leurs droits, ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction, à rapprocher : Soc., 15 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.911, Bull. 2013, V, n° 236 (cassation), et l'arrêt cité.

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