Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 20 juin 2019, n° 18-17.049, (P)

Cassation partielle

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Compétence matérielle – Cas – Accident du travail – Tarification – Décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail – Contestation

Si la contestation des décisions des caisses régionales d'assurance maladie, devenues les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), en matière de tarification d'accident du travail relève de la compétence exclusive des juridictions du contentieux technique, les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT.

Contentieux général – Compétence matérielle – Cas – Litiges relatifs à l'inscription au compte spécial – Conditions – Absence de décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail fixant le taux de cotisation

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 13 mars 2018), que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ayant pris en charge, au titre du tableau n° 57 B des maladies professionnelles, la maladie déclarée, le 26 février 2013, par M. H..., et notifié sa décision à la société A... T... (la société), laquelle avait employé M. H... du 18 janvier 2011 au 31 mars 2012 et du 17 septembre au 9 novembre 2012, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, qu'une maladie professionnelle est présumée avoir été contractée chez le dernier employeur auprès duquel le salarié a été exposé au risque avant sa constatation médicale et que la présomption d'imputabilité de la maladie au travail habituel ne peut être mise en oeuvre qu'à l'égard d'un employeur auprès duquel la victime a été exposée au risque défini par un tableau des maladies professionnelles dans le délai de prise en charge prévu par ce tableau ; qu'il en résulte que la prise en charge d'une épicondylite sur le fondement du tableau des maladies professionnelles n° 57 B n'est pas opposable à un employeur auprès duquel la victime avait cessé de travailler depuis plus de quatorze jours à la date de première constatation médicale de la maladie ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que la maladie déclarée par M. H... avait été médicalement constatée le 1er juillet 2012 alors qu'il avait cessé de travailler pour le compte de la société T... depuis le 31 mars 2012 ; qu'il en résultait que, compte tenu de l'expiration du délai de prise en charge du tableau n° 57 B, aucune présomption d'imputabilité ne pouvait être mise en oeuvre à l'égard de la société T... et que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie prise sur le fondement de ce tableau était donc inopposable à cet employeur ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que la victime était exposée au risque chez un autre employeur au moment de la constatation médicale de la maladie, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et violé l'article L. 461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale et le tableau de maladie professionnelle n° 57 B ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. H... a déclaré une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57 B ; que la société T... ne conteste pas que la maladie dont se trouve atteint M. H... répond aux conditions médicales du tableau 57 B et que les travaux qu'il exécutait entrent dans la liste limitative de ce tableau ; que seule est contestée la condition tenant au délai de prise en charge en ce qu'il n'est pas respecté à son égard ; que toutefois, le délai de prise en charge correspond à la période au cours de laquelle, après cessation d'exposition au risque, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée au titre des maladies professionnelles ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que la date de première constatation médicale de la pathologie de M. H... a été fixée au 1er juillet 2012 alors qu'il n'est pas contesté que ce dernier était encore exposé aux risques prévus au tableau n° 57 des maladies professionnelles, au sein de la société Laluet dont il était alors l'employé ; qu'en cas d'exposition au risque chez plusieurs employeurs, les conditions du délai de prise en charge s'apprécient au regard de la totalité de la durée d'exposition ; qu'en l'absence de cessation de l'exposition au risque à la date de première constatation médicale, la condition tenant au délai de prise en charge est dès lors satisfaite ; que les conditions du tableau n° 57 B étant remplies, la maladie dont se trouve atteint M. H..., est dès lors présumée avoir un caractère professionnel ; que si la société T... fait valoir qu'elle n'est pas le dernier employeur ayant exposé M. H... avant la date de première constatation médicale de l'épicondylite droite, ce qui est exact, cette circonstance n'a pas pour effet de lui rendre inopposable la décision de prise en charge de la caisse dès lors qu'en sa qualité de dernier employeur, à la date de la déclaration de la maladie professionnelle, il n'est pas contesté qu'elle a été régulièrement appelée par la caisse à la procédure d'instruction de cette maladie professionnelle et que cette instruction a permis de conclure à son caractère professionnel ; que la décision de prise en charge lui est par conséquent opposable, étant précisé qu'elle conserve la possibilité d'en contester l'imputabilité si une faute inexcusable lui était reprochée ou si les cotisations afférentes à cette maladie professionnelle venaient à être inscrites à son compte ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a exactement déduit que, l'affection déclarée par la victime remplissant les conditions prévues par le tableau n° 57 B des maladies professionnelles et l'instruction de la demande ayant été menée contradictoirement à l'égard du dernier employeur de la victime, la décision de prise en charge était opposable à la société ;

D'où il suit que pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 142-1, L. 143-1, 4°, L. 143-4 et D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour déclarer la cour d'appel incompétente pour connaître de l'imputation des coûts afférents à la maladie professionnelle au compte employeur d'une société ou au compte spécial, l'arrêt retient que l'appréciation de cette imputation est de la compétence exclusive de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle dont les décisions relèvent, en cas de contestation, du contentieux technique de la sécurité sociale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si la contestation des décisions des caisses régionales d'assurance maladie, devenues les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), en matière de tarification d'accident du travail relève de la compétence exclusive des juridictions du contentieux technique, les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT, c'est-à-dire avant la notification de son taux de cotisation à l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare opposable à la société A... T... la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin de la maladie professionnelle déclarée par M. H..., l'arrêt rendu le 13 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Decomble - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 142-1, L. 143-1, 4°, L. 143-4 et D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Soc., 17 juin 1999, pourvoi n° 97-21.861, Bull. 1999, V, n° 291 (cassation sans renvoi).

2e Civ., 20 juin 2019, n° 18-17.373, (P)

Cassation sans renvoi

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Maladies professionnelles – Reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie par la caisse – Procédure – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Saisine par la caisse primaire d'assurance maladie – Exclusion – Cas – Rapport établi par le service du contrôle médical – Taux d'incapacité permanente partielle inférieur à 25 %

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 461-1, alinéa 4, et R. 461-8 du code de la sécurité sociale, rendus applicables par les articles L. 751-7 et R. 751-17 du code rural et de la pêche maritime au régime d'assurance obligatoire des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau des maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage fixé à 25 % par le deuxième ; que, selon le premier, la caisse primaire d'assurance maladie saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles après avoir recueilli, notamment, le rapport du service du contrôle médical qui comprend, le cas échéant, le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle de la victime ; que pour l'application de ces dispositions, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. L... (la victime), ouvrier de conditionnement au sein d'une société agricole, ayant infructueusement demandé à la caisse de mutualité sociale agricole Ardèche-Drôme-Loire (la caisse) de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'eczéma avec urticaire géant d'origine allergique dont il a été reconnu atteint selon un certificat médical du 26 mai 2014, a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;

Attendu que pour enjoindre à la caisse de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Lyon, l'arrêt énonce qu'en vertu de l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une pathologie dans les conditions de l'article L. 461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, le tribunal a l'obligation, avant de se prononcer, de solliciter l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles différent de celui saisi initialement par la caisse et ne peut se fonder exclusivement sur une expertise ordonnée judiciairement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la victime était atteinte d'une incapacité permanente partielle inférieure à 25 % du fait de la maladie litigieuse, ce dont il résultait que celle-ci qui n'était pas désignée par un tableau des maladies professionnelles, ne pouvait pas donner lieu à une mesure de reconnaissance individuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Cadiot - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Articles L. 461-1, alinéa 4, et R. 461-8 du code de la sécurité sociale, rendus applicables par les articles L. 751-7 et R. 751-17 du code rural et de la pêche maritime au régime d'assurance obligatoire des salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 janvier 2017, pourvoi n° 15-26.655, Bull. 2017, II, n° 19 (cassation partielle).

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