Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 20 juin 2019, n° 17-28.270, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Assujettissement – Personnes assujetties – Stagiaires non rémunérés de la formation professionnelle continue – Effets – Cotisations – Paiement – Débiteur – Organisme de formation (non)

Le seul fait de dispenser une formation à un élève non rémunéré de la formation professionnelle continue, fût-il en situation de chômage non indemnisé, ne rend pas l'organisme de formation qui y procède débiteur des cotisations sociales afférentes à l'affiliation du stagiaire à un régime de sécurité sociale.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, l'URSSAF de Lorraine a adressé à la société MAI (la société), dont l'objet social est l'enseignement culturel, une lettre d'observations du 18 août 2011, suivie d'une mise en demeure du 16 novembre 2011 ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux premières branches du premier moyen, reproduit en annexe, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 10, portant sur les primes versées à huit élèves, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui interviendra du chef de dispositif de l'arrêt attaqué validant le rappel des cotisations auprès de l'URSSAF de Lorraine d'un montant de 76 164 euros au titre du redressement n° 11 entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt disant justifié le redressement n° 10 sur les primes versées à huit stagiaires de la formation professionnelle d'un montant de 864 euros, qui est dans sa dépendance nécessaire ;

Mais attendu que le grief du moyen se rapportant au chef de redressement n° 10 dont l'objet, afférent à l'assujettissement à cotisations de la société au titre des primes versées à certains stagiaires de la formation professionnelle, est différent du chef de redressement n° 11, relatif à l'assujettissement à cotisations de sécurité sociale de la société au titre de stagiaires non rémunérés qui financent leur formation, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt validant le chef de redressement n° 11 ne peut avoir d'incidence sur le chef du dispositif validant le chef de redressement n° 10 ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 6342-3, alinéa 1 et R. 6342-1 du code du travail ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les cotisations d'un stagiaire qui est rémunéré par l'Etat ou par la région pendant la durée du stage ou qui ne bénéficie d'aucune rémunération sont intégralement prises en charge au même titre que le financement de l'action de formation, selon le cas, par l'Etat ou par la région ; que selon le second, sous réserve de l'application du titre IV de la sixième partie du code du travail, relatif au stagiaire de la formation professionnelle, les obligations qui incombent à l'employeur en application de la législation de sécurité sociale sont assumées par la personne, le service ou l'organisme qui assure le versement de la rémunération au stagiaire ;

Attendu que pour valider le chef de redressement n° 11 relatif à l'assujettissement à cotisations de la société au titre des stagiaires non rémunérés, l'arrêt retient que les élèves qui financent de manière individuelle et autonome leur formation peuvent être qualifiés de chômeurs non indemnisés relevant du statut de stagiaire de la formation professionnelle continue et devant être affiliés au régime général de sécurité sociale ; que ni l'Etat, ni la région ne participant à leur action de formation, il incombe à l'organisme de formation d'assumer le paiement de leurs cotisations ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le seul fait de dispenser une formation à un élève non rémunéré de la formation professionnelle continue, fût-il en situation de chômage non indemnisé, ne rend pas l'organisme qui y procède débiteur des cotisations sociales afférentes à l'affiliation du stagiaire à un régime de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis adressé aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy du 1er juillet 2015 en ce qu'il a annulé le chef de redressement n° 11 et qu'il valide le rappel des cotisations auprès de l'URSSAF de Lorraine de soixante-seize mille cent soixante-quatre euros (76 164 euros) au titre du chef de redressement n° 11, l'arrêt rendu le 27 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule le rappel des cotisations de la société MAI auprès de l'URSSAF de Lorraine pour un montant de soixante-seize mille cent soixante-quatre euros (76 164 euros) au titre du chef de redressement n° 11 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : M. Gaillardot (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Balat -

Textes visés :

Articles L. 6342-3, alinéa 1, et R. 6342-1 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 20 juin 2019, n° 17-18.061, (P)

Cassation partielle

Cotisations – Réduction – Réduction des cotisations sur les bas salaires – Conditions – Négociation annuelle sur les salaires effectifs – Défaut – Sanction – Minoration de la réduction – Applications diverses – Offices publics de l'habitat à compter du 29 octobre 2009

Il résulte des articles L. 2242-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008 que les offices publics de l'habitat sont soumis, depuis le 29 octobre 2009, à l'obligation d'engager annuellement une négociation sur les salaires effectifs.

En conséquence, viole l'article L. 241-13, III, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008, les articles L. 2242-8, 1°, du code du travail et 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, la cour d'appel qui, pour rejeter le recours de l'office public de l'habitat en contestation de la minoration de 10 % de la réduction dite Fillon au titre des années 2009 et 2010 et de son annulation au titre de l'année 2011, retient que n'ayant pas ouvert de négociations sur les salaires au titre des années 2009, 2010 et 2011, l'office s'est soustrait à une obligation légale qui conditionnait le bénéfice de la réduction en litige.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié à l'Office public de l'habitat de Nanterre (l'office) un redressement portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de la réduction Fillon indûment opérée, en raison de l'absence de négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs pendant la période en cause ; qu'une mise en demeure lui ayant été délivrée, le 18 octobre 2012, l'office a saisi une juridiction de sécurité sociale qui a rejeté sa contestation ; qu'une mise en demeure de payer des majorations de retard complémentaires pour les années 2009 et 2010 lui ayant été notifiée, le 16 mai 2014, en cours de procédure, l'office en a invoqué la nullité, en cause d'appel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'office fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014, alors, selon le moyen, que la réclamation qui porte sur des majorations de retard se rattache par un lien de dépendance nécessaire à celle qui porte sur la somme ainsi majorée ; que la mise en demeure de payer une telle majoration n'a donc pas à être soumise préalablement à la commission de recours amiable si la mise en demeure de payer le principal l'a été ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que selon l'article l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l'organisme ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'office n'avait pas préalablement soumis à la commission de recours amiable la mise en demeure portant sur des majorations de retard complémentaires, conformément aux prescriptions de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel en a exactement déduit que la contestation élevée par le cotisant contre cette décision de l'organisme social était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, après avis de la chambre sociale, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 241-13, III, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, L. 2242-8, 1°, du code du travail et 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 applicable à la date des réductions de cotisations en litige, le deuxième dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que lorsque l'employeur n'a pas rempli, au cours d'une année civile, l'obligation mise à sa charge d'engager chaque année une négociation annuelle obligatoire portant sur les salaires effectifs, le montant de la réduction est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année et de 100 % lorsque celui-ci ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive ; qu'il résulte des deux derniers que les offices publics de l'habitat sont soumis à l'expiration du délai d'un an visé à l'article 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008, soit depuis le 29 octobre 2009, à l'obligation d'engager annuellement une négociation sur les salaires effectifs en application de l'article L. 2242-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, nonobstant les dispositions de l'article L. 421-24 du code de la construction et de l'habitation qui, en ce qu'elles prévoient un accord collectif conclu au niveau national sur la classification des postes et sur les barèmes de rémunération de base des personnels employés au sein des offices publics de l'habitat, et à défaut une définition par décret en Conseil d'Etat, ne constituent pas des dispositions dérogeant à l'obligation de négociation annuelle au sein de chaque office public de l'habitat ;

Attendu que pour rejeter le recours de l'office en contestation de la minoration de 10 % de la réduction dite Fillon, au titre des années 2009 et 2010 et de son annulation au titre de l'année 2011, l'arrêt retient essentiellement que n'ayant pas ouvert de négociations sur les salaires au titre des années 2009, 2010 et 2011, l'office s'est soustrait à une obligation légale qui conditionnait le bénéfice de la réduction en litige ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'organisation d'une négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs ne pouvait être exigée de l'office public de l'habitat antérieurement au 29 octobre 2009, date d'entrée en vigueur de son obligation légale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande en nullité de la mise en demeure du 16 mai 2014, l'arrêt rendu le 16 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 241-13, III, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 ; article L. 2242-8, 1°, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ; article 12 du décret n° 2008-1093 du 27 octobre 2008.

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