Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 5 juin 2019, n° 18-12.861, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Consultation sur les conditions de travail – Domaine d'application – Exclusion – Cas individuel de chaque travailleur handicapé – Portée

Les dispositions des articles L. 2323-30 et L. 4612-11 du code du travail, alors en vigueur, n'imposent pas à l'employeur de consulter le comité d'entreprise, en liaison avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sur le cas individuel de chaque travailleur handicapé.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2017), que M. M..., engagé le 27 avril 1988 en qualité de chauffeur poids lourd par la société France location distribution, a été, le 1er septembre 2012, reconnu travailleur handicapé ; que reprochant notamment à son employeur un manquement à l'obligation de sécurité, il a saisi, le 8 décembre 2014, la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail et au paiement de diverses sommes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 4612-11 du code du travail que la remise au travail d'un travailleur handicapé doit être précédée d'une consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ce dont il appartient à l'employeur de justifier ; qu'il résulte également de l'article L. 2323-30 du code, qu'en liaison avec le CHSCT, le comité d'entreprise est consulté sur les mesures prises en vue de faciliter la remise au travail des travailleurs handicapés et qu'en s'abstenant de vérifier si l'employeur avait satisfait à l'obligation impartie par ces textes de consulter les instances représentatives du personnel préalablement à la remise au travail de M. M..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2323-30, dans sa rédaction applicable, et L. 4612-11 du code du travail ;

Mais attendu que les dispositions des articles L. 2323-30 et L. 4612-11 du code du travail, alors en vigueur, n'imposent pas à l'employeur de consulter le comité d'entreprise, en liaison avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sur le cas individuel de chaque travailleur handicapé ;

Et attendu que la cour d'appel, devant laquelle le salarié soutenait qu'en dépit de son statut de travailleur handicapé, aucune consultation n'avait été effectuée en vue de sa mise, de sa remise et de son maintien au travail, n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Silhol - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 2323-30 et L. 4612-11 du code du travail, dans leur rédaction applicable.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de consulter le comité d'entreprise sur le cas individuel de chaque travailleur handicapé, à rapprocher : Soc., 26 mai 1981, pourvoi n° 79-42.122, Bull. 1981, V, n° 466 (cassation).

Soc., 13 juin 2019, n° 18-14.981, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Représentant syndical – Mandat – Mandat du représentant syndical d'une entreprise absorbante – Durée – Elections complémentaires organisées pour la représentation des salariés dont le contrat de travail a été transféré – Absence d'incidence – Portée

La représentativité des organisations syndicales étant établie pour toute la durée du cycle électoral, il en résulte que le mandat du représentant syndical au comité d'entreprise de l'entreprise absorbante ne prend pas fin lors des élections complémentaires organisées pour la représentation des salariés dont le contrat de travail a été transféré.

Doit en conséquence être approuvée la cour d'appel qui a retenu que le salarié désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise de l'entreprise absorbante antérieurement aux élections complémentaires organisées au sein de cette même entreprise continuait à bénéficier du statut protecteur postérieurement à ces élections.

Sur le troisième moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 février 2018), que M. B... a été engagé le 1er novembre 1998 par la société Fortis devenue la société Ageas France ; que son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2014 par suite de la reprise de partie des activités d'Ageas France par la société Advenis gestion privée anciennement dénommée Avenir finance gestion privée ; que, le 26 février 2014, le salarié a été désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise ; que des élections complémentaires ont été organisées le 19 mai 2014 afin que les salariés d'Ageas France dont le contrat de travail avait été transféré puissent élire des représentants du personnel supplémentaires au comité d'entreprise de la société Advenis gestion privée dont la durée du mandat a été limitée à celle restant à courir des mandats des membres du comité d'entreprise de ladite société ; que, par lettre du 5 juin 2014, le salarié a présenté sa démission ; que, par une seconde lettre en date du 10 juin 2014, il a reproché à l'employeur des manquements relatifs à la rémunération et à la durée du travail de sorte que la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement nul ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour violation du statut protecteur, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article L. 2122-1 du code du travail, dans l'entreprise ou l'établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 du même code et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; qu'aussi, le mandat de représentant syndical au comité d'entreprise prend fin lors du renouvellement total ou partiel des membres de cette institution, à charge pour le syndicat déclaré représentatif à l'issue de ces élections de procéder à une nouvelle désignation du délégué syndical au comité d'entreprise ; que la société Advenis gestion privée faisait valoir à cet égard que le mandat de représentant syndical au comité d'entreprise détenu par M. B... avait pris fin à l'occasion de l'organisation de la nouvelle élection du comité d'entreprise le 19 mai 2014, peu important qu'il ne s'agisse que d'un renouvellement partiel ; qu'elle a soutenu que M. B... ayant démissionné de son emploi, par courrier du 5 juin 2014, avant sa nouvelle désignation par un syndicat comme représentant syndical au comité d'entreprise, son mandat était donc expiré au jour de la rupture unilatérale du contrat ; qu'en décidant au contraire, pour lui accorder une indemnité pour violation du statut protecteur au titre d'une durée de mandat restant de 16,5 mois, que, compte tenu du caractère complémentaire de l'élection du comité d'entreprise organisée en mai 2014, le salarié avait conservé son mandat représentant syndical au comité d'entreprise au jour de sa démission, la cour d'appel a violé les articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2143-11, L. 2324-2 du code du travail et les articles L. 2411-1, L. 2411-3 et L. 2411-8 du code du travail, en leur version applicable au litige ;

Mais attendu que la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral ; qu'il en résulte que le mandat du représentant syndical au comité d'entreprise de l'entreprise absorbante ne prend pas fin lors des élections complémentaires organisées pour la représentation des salariés dont le contrat de travail a été transféré ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le salarié désigné en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise de l'entreprise absorbante antérieurement aux élections complémentaires organisées au sein de cette même entreprise continuait à bénéficier du statut protecteur postérieurement à ces élections, a fait une exacte application des textes invoqués ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Basset - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2121-1 et les articles L. 2122-1, L. 2411-1 et L. 2411-8, dans leur rédaction applicable au litige, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral, à rapprocher : Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-20.710, Bull. 2018, V, (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 5 juin 2019, n° 17-24.193, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Règles communes – Contrat de travail – Contrat de travail à durée déterminée – Arrivée du terme – Saisine de l'autorité administrative – Défaut – Effets – Poursuite de la relation contractuelle initiale – Attribution d'une indemnité de requalification (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T... a été engagé le 14 mars 2011 par l'association Agence parisienne du climat par un contrat à durée déterminée s'achevant le 31 décembre 2011 ; que le salarié a été élu délégué du personnel suppléant le 28 mars 2011 ; que la relation de travail a pris fin au terme convenu, le 31 décembre 2011, sans saisine préalable de l'autorité administrative ; que cette rupture ayant été contestée, l'employeur a sollicité la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

Sur le moyen unique, pris en ses six premières branches : Publication sans intérêt

Mais sur le moyen unique, pris en sa dernière branche :

Vu les articles L. 2421-8 et L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail ;

Attendu que pour allouer au salarié une certaine somme à titre d'indemnité de requalification, l'arrêt énonce qu'aux termes de l'article L. 1245-2 alinéa 2, du code du travail, en cas de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il est accordé au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;

Attendu cependant que l'indemnité de requalification, à laquelle est tenu l'employeur lorsque le juge fait droit à la demande de requalification au motif d'une irrégularité du contrat à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite, n'est pas due lorsque le contrat à durée déterminée devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l'échéance de son terme ; qu'il en est ainsi lorsque, du fait de l'absence de saisine de l'inspecteur du travail avant le terme du contrat à durée déterminée conclu avec un salarié investi d'un mandat représentatif, le contrat devient à durée indéterminée ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que le contrat à durée déterminée avait été régulièrement conclu et qu'en raison de l'absence de saisine préalable de l'inspecteur du travail il s'était poursuivi au delà de son terme, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association à payer au salarié une indemnité de requalification de 2 150 euros bruts, l'arrêt rendu le 28 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. T... de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1245-2, alinéa 2, et L. 2421-8 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'indemnité de requalification en cas de poursuite de la relation contractuelle après l'échéance d'un contrat à durée déterminée, à rapprocher : Soc., 22 mars 2006, pourvois n° 04-45.411 et 04-48.264, Bull. 2006, V, n° 118 (rejet), et les arrêts cités. Sur l'absence d'indemnité de requalification en cas de prorogation du terme du contrat à durée déterminée d'un salarié protégé, à rapprocher : Soc., 27 septembre 2007, pourvoi n° 06-41.086, Bull. 2007, V, n° 144 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités ; Soc., 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-19.210, Bull. 2012, V, n° 270 (rejet), et les arrêts cités.

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