Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

PRUD'HOMMES

1re Civ., 19 juin 2019, n° 18-17.782, (P)

Cassation

Compétence – Compétence matérielle – Exclusion – Litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi – Applications diverses – Contrat de travail d'un avocat – Condition

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 7, alinéa 7, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention ainsi que ceux nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, à charge d'appel devant la cour d'appel ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 novembre 2007, avec effet au 1er décembre 2007, M. B... a été embauché en qualité de juriste salarié par la société Fidal ; qu'il a sollicité, après huit années d'exercice, son inscription au tableau de l'ordre des avocats au barreau de Marseille et prêté serment le 6 juin 2016 ; qu'aucun contrat de travail d'avocat salarié n'ayant été régularisé entre les parties, un désaccord est apparu, en novembre 2016, à l'occasion de l'arrêté du décompte de rémunération afférent à l'exercice social clos et de la fixation de la fiche d'objectifs pour le nouvel exercice ; que, soutenant que son employeur lui avait imposé un nouveau mode de calcul pour sa part de rémunération variable, entraînant une diminution substantielle de ses revenus, M. B... a, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 22 décembre 2016, pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi le bâtonnier pour obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement abusif ;

Attendu que, pour déclarer le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille incompétent pour connaître du litige, après avoir relevé que M. B... reproche à la société Fidal un changement de son mode de rémunération, telle que prévue par le contrat à durée indéterminée du 8 novembre 2007 et ses avenants, l'arrêt retient que l'intégralité de ses demandes financières porte uniquement sur les modalités d'exécution de son contrat de juriste salarié et qu'il ne peut se prévaloir d'une modification de son contrat d'avocat salarié comme étant la suite d'un contrat de juriste ayant pris fin ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, à la date de la rupture, M. B... était lié à son employeur par un contrat de travail d'avocat salarié depuis le mois de juin 2016, de sorte que le litige relevait, au moins pour partie, de la compétence du bâtonnier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 7, alinéa 7, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de la compétence du bâtonnier pour connaître des litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail d'un avocat, à rapprocher : Soc., 19 mai 1999, pourvoi n° 97-43.640, Bull. 1999, V, n° 226 (rejet) ; 1re Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 03-12.860, Bull. 2005, I, n° 422 (rejet).

Soc., 12 juin 2019, n° 17-26.197, (P)

Rejet

Compétence – Compétence matérielle – Exclusion – Procédures collectives – Action en nullité des actes de la période suspecte – Action exercée par le liquidateur judiciaire au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur contredit (Colmar, 19 juillet 2017), que M. X... a été engagé le 1er avril 2011 par l'Union des coopérateurs d'Alsace en qualité de directeur des ressources humaines ; que le 21 mars 2014, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour motif économique et par accord transactionnel conclu fin mars 2014, il a bénéficié d'une indemnité de 267 000 euros ; que l'Union des coopérateurs d'Alsace a été placée en redressement judiciaire le 20 octobre 2014, puis en liquidation judiciaire le 30 mars 2015, la date de cessation des paiements étant fixée au 20 avril 2013 et Mme G... étant désignée en qualité de liquidateur ; qu'elle a fait citer le salarié devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir la nullité de la transaction et sa condamnation à rembourser l'indemnité versée ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 1411-1 du code du travail instaure une compétence exclusive d'attribution au profit du conseil de prud'hommes pour les différends pouvant s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ; que le différend relatif au déséquilibre des obligations des parties à un accord transactionnel réglant les conséquences de la rupture du contrat de travail relève de la compétence exclusive du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, l'action de Mme G..., ès qualités de mandataire liquidateur, tendait à faire prononcer la nullité de la transaction conclue à l'occasion du licenciement économique de M. X... et, par voie de conséquence, à voir condamner ce dernier à rembourser la somme de 267 000 euros sur le fondement des articles L. 632-1 et L. 641-14 du code de commerce dont il résulte que sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de la cessation des paiements, les contrats commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le conseil de prud'hommes restait exclusivement compétent pour apprécier le prétendu déséquilibre des obligations prévues dans l'accord transactionnel conclu entre M. X... et l'UCA, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 du code du travail et R. 662-3 du code de commerce ;

2°/ qu'indépendamment de la nullité relative qu'elle encourt lorsqu'elle est conclue avant la notification du licenciement et dont le salarié est seul à pouvoir se prévaloir, la transaction peut aussi être annulée à la demande de l'une ou l'autre des parties, notamment en cas d'erreur sur la personne ou sur l'objet de la contestation ainsi que dans tous les cas où il y a dol ou violence ; qu'en l'espèce, l'action de Mme G..., ès qualités de mandataire liquidateur, tendait à faire prononcer la nullité de la transaction conclue à l'occasion du licenciement économique de M. X... et, par voie de conséquence, à voir condamner ce dernier à rembourser la somme de 267 000 euros sur le fondement des articles L. 632-1 et L. 641-14 du code de commerce dont il résulte que sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de la cessation des paiements, les contrats commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception d'incompétence au profit du conseil de prud'hommes, que Mme G..., mandataire liquidateur de la société qui a employé M. X..., n'ayant pas la qualité de salarié, elle serait irrecevable à saisir le conseil de prud'hommes de sa demande en nullité, et ne pouvait donc agir que devant le tribunal de la faillite, la cour d'appel a violé l'article 2044 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 1411-1 du code du travail et R. 662-3 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt énonce exactement que l'action en nullité de la transaction, fondée sur l'article L. 632-1 I 2°, du code de commerce selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie, est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique et qu'elle relève, par conséquent de la compétence spéciale et d'ordre public du tribunal de la procédure collective édictée à l'article R. 662-3 du code de commerce, qui déroge aux règles de compétence de droit commun ;

Attendu, d'autre part, que le liquidateur qui demande à titre principal la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 632-1 I 2°, du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de sorte que le moyen qui soutient que le liquidateur a agi en qualité de représentant de l'employeur, partie à la transaction, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce ; article R. 662-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence du tribunal de la procédure collective lorsqu'une action en justice est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique, à rapprocher : Com., 18 mai 2017, pourvoi n° 15-23.973, Bull. 2017, IV, n° 74 (rejet), et l'arrêt cité. Sur le principe selon lequel le liquidateur judiciaire exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers lorsqu'il demande la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce, à rapprocher : Com., 17 novembre 2015, pourvoi n° 14-16.012, Bull. 2015, IV, n° 157 (rejet).

2e Civ., 27 juin 2019, n° 18-12.615, (P)

Cassation

Procédure – Jugement – Voies de recours – Recours en révision – Cassation – Cour d'appel de renvoi – Procédure avec représentation obligatoire – Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 – Application dans le temps

Sur le moyen unique :

Vu les articles 46 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, R. 1461-2 du code du travail, 593 et 631 du code de procédure civile, ensemble les articles 930-1 du même code et 52 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des deux premiers textes que seuls les instances et appels en matière prud'homale engagés à compter du 1er août 2016 sont formés, instruits et jugés suivant la procédure avec représentation obligatoire ; qu'il découle du troisième de ces textes que sauf disposition particulière, le recours en révision, voie de rétractation, suit les règles procédurales applicables à la matière dans laquelle a été rendu le jugement que ce recours attaque ; qu'il résulte enfin du quatrième qu'en cas de renvoi après cassation l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi ;

Que par conséquent, un recours en révision, engagé avant le 1er août 2016, contre un arrêt rendu en matière prud'homale est assujetti aux règles de la procédure sans représentation obligatoire, lesquelles demeurent applicables, en cas de cassation de l'arrêt statuant sur la révision, devant la cour d'appel de renvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un arrêt irrévocable du 30 janvier 2014, la cour d'appel de Paris a condamné la société Chevy, aux droits de laquelle vient la société Coop-saveurs, au paiement de diverses sommes au profit de son ancien salarié, M. J... ; que la société Chevy a formé le 5 mars 2014 un recours en révision contre cet arrêt ; que l'arrêt ayant déclaré irrecevable ce recours en révision a été cassé en toutes ses dispositions, l'affaire étant renvoyée devant la même cour d'appel (Soc., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-23.242), qui a été saisie par une déclaration du 22 juin 2017 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'acte de saisine de la cour d'appel de renvoi, l'arrêt retient que l'article 52 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 dispose que « l'article 15 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile est complété d'un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions des articles 2, 3, 5, 8, 9, 11, 12 et 13 s'appliquent aux instances consécutives à un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter de l'entrée en vigueur du présent alinéa », que l'article 53 du même décret précise que : « I.

- Les dispositions du présent décret s'appliquent à compter du 1er septembre 2017. (...) III.

- Par exception au I, les dispositions des articles 38 et 52 entrent en vigueur le lendemain de la publication du présent décret », soit le 11 mai 2017, que l'article 5 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 a institué l'article 930-1 du code de procédure civile, qui a été complété par l'article 30 du décret du 6 mai 2017 susmentionné, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er septembre 2017 et qu'en l'espèce, la société Chevy a saisi la juridiction de renvoi après cassation par déclaration reçue au greffe le 22 juin 2017 et non par voie électronique alors qu'à cette date, et ce, depuis le 11 mai 2017, cette voie s'imposait à elle, conformément à l'article 930-1 susvisé, applicable dans les conditions sus-rappelées ;

Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur les modifications apportées par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 aux règles d'entrée en vigueur du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, qui ne portaient que sur les modalités d'instruction de la procédure avec représentation obligatoire, alors que l'affaire dont elle était saisie demeurait soumise à la procédure sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Article R. 1461-2 du code du travail ; articles 593, 631 et 930-1 du code de procédure civile ; article 46 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ; article 52 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

Rapprochement(s) :

Sur la poursuite de l'instance en cas de renvoi de cassation, à rapprocher : 2e Civ., 1er décembre 2016, pourvoi n° 15-25.972, Bull. 2016, II, n° 260 (rejet), et les arrêts cités. Sur le recours en révision en matière prud'homale, à rapprocher : Soc., 19 février 1992, pourvoi n° 88-43.409, Bull. 1992, V, n ° 105 (cassation).

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