Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 19 juin 2019, n° 18-10.424, (P)

Rejet

Association de défense des consommateurs – Action en justice – Action de groupe – Action antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 – Conditions – Contrat de fourniture de service – Exclusion – Cas – Bail d'habitation

Ayant à bon droit retenu que le contrat de location d'un logement, en ce qu'il oblige le bailleur à mettre un immeuble à la disposition du locataire afin qu'il en jouisse pendant un certain temps, sans imposer au premier, à titre principal, l'exécution d'une prestation, ne constitue pas un contrat de fourniture de services, une cour d'appel en a exactement déduit que le bail d'habitation régi par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n'entrait pas dans le champ d'application de l'action de groupe prévue à l'article L. 423-1, devenu L. 623-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, de sorte qu'était irrecevable l'action de groupe engagée par l'association aux fins d'obtenir la réparation de préjudices individuels subis par les locataires et ayant pour cause commune un manquement du bailleur à ses obligations légales ou contractuelles.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2017), que, soutenant que la société Immobilière 3F (le bailleur) avait inséré une clause illicite et abusive dans ses contrats de location de logements, l'association Confédération nationale du logement (l'association) l'a assignée, le 5 janvier 2015, sur le fondement des dispositions relatives à l'action de groupe, aux fins de voir déclarer cette clause non écrite et d'obtenir sa condamnation à réparer les préjudices individuels subis par les locataires ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée, peut agir devant une juridiction civile afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles à l'occasion de la vente de bien ou de la fourniture de services ; que le contrat de bail constitue un contrat de fourniture de services, redevable, comme tel, du mécanisme de l'action de groupe ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 423-1, 1°, devenu l'article L. 623-1, du code de la consommation ;

2°/ qu'aucune disposition du code de la consommation n'exclut du champ d'application de l'action de groupe les préjudices subis par des consommateurs à raison des manquements commis par un professionnel à l'occasion d'un contrat de bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en énonçant que le bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte qu'un tel contrat de bail n'entre pas dans le champ d'application de l'action de groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 423-1, devenu l'article L. 623-1, du code de la consommation, par refus d'application ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu que le contrat de location d'un logement, en ce qu'il oblige le bailleur à mettre un immeuble à la disposition du locataire afin qu'il en jouisse pendant un certain temps, sans imposer au premier, à titre principal, l'exécution d'une prestation, ne constitue pas un contrat de fourniture de services, la cour d'appel en a exactement déduit que le bail d'habitation régi par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n'entrait pas dans le champ d'application de l'action de groupe prévue à l'article L. 423-1, devenu L. 623-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, de sorte qu'était irrecevable l'action de groupe engagée par l'association aux fins d'obtenir la réparation de préjudices individuels subis par les locataires et ayant pour cause commune un manquement du bailleur à ses obligations légales ou contractuelles ; que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé en sa première ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 423-1, devenu L. 623-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.

1re Civ., 5 juin 2019, n° 16-12.519, (P)

Cassation totale partiellement sans renvoi

Clauses abusives – Domaine d'application – Contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs – Professionnel – Définition – Entreprise qui conclut un contrat de crédit avec ses salariés

Par arrêt du 19 mars 2019 (C-590/17), la CJUE a dit pour droit que l'article 2, sous b) et sous c) de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que le salarié d'une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel, et destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des « consommateurs » et que ladite entreprise doit être considérée comme un « professionnel », lorsqu'elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale.

Il s'ensuit qu'encourt la cassation, au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, l'arrêt qui, pour dire que la résiliation de plein droit du contrat de prêt est intervenue en raison de la démission du salarié co-emprunteur solidaire avec son épouse et condamner ceux-ci à payer à la société EDF certaines sommes, retient que c'est en sa seule qualité d'employeur et au regard de l'existence d'un contrat de travail le liant à son salarié, que la société lui a octroyé, ainsi qu'à son épouse, un prêt immobilier et que cette société n'est pas un professionnel, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel.

Clauses abusives – Définition – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Cas – Résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure

Viole également les textes susvisés, la cour d'appel qui exclut le caractère abusif d'une clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt en cas de rupture du contrat de travail, au motif qu'elle s'inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié et équilibre ainsi ladite clause, alors qu'est abusive la clause de résiliation stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte du 3 avril 1995, la société Electricité de France (la société EDF) a consenti à M. L..., salarié de la société, et à son épouse (les emprunteurs) un prêt relevant du dispositif d'aide à l'accession à la propriété, soumis à la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, en vue de financer l'acquisition de leur habitation principale, remboursable en deux cent quarante mensualités ; que, le 1er janvier 2002, M. L... a démissionné de l'entreprise ; qu'après avoir fait application de la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt en cas de cessation d'appartenance du salarié à son personnel, la société EDF a assigné les emprunteurs en paiement de diverses sommes ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

Attendu que, selon le premier texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que, par arrêt du 19 mars 2019 (C-590/17), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que :

1) L'article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que le salarié d'une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des « consommateurs », au sens de cette disposition ;

2) L'article 2, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens que ladite entreprise doit être considérée comme un « professionnel », au sens de cette disposition, lorsqu'elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale ;

Attendu que, pour dire que la résiliation de plein droit du contrat est intervenue le 1er janvier 2002 et condamner les emprunteurs à payer à la société EDF une certaine somme, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6 % l'an à compter de cette date, sauf à déduire les sommes postérieurement versées, ainsi qu'une somme au titre de la clause pénale augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date, l'arrêt retient que c'est en sa seule qualité d'employeur et au regard de l'existence d'un contrat de travail le liant à M. L... que la société EDF lui a octroyé, ainsi qu'à son épouse, un contrat de prêt immobilier, que cette société n'est pas un professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, et que les emprunteurs n'ont pas la qualité de consommateurs au sens de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la quatrième branche du moyen :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

Attendu que, pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du prêt consenti à un salarié et à son épouse en cas de rupture du contrat de travail, l'arrêt énonce que cette clause s'inscrit dans un contrat qui présente des avantages pour le salarié et équilibre ainsi la clause de résiliation de plein droit ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l'exécution d'une convention distincte, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l'économie du contrat de prêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef du caractère abusif de la clause de résiliation prévue à l'article 7 du contrat de prêt immobilier consenti le 17 mars 1995 par la société EDF à M. et Mme L... ;

CONSTATE le caractère abusif de cette clause ;

DIT qu'elle est réputée non écrite ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, mais seulement pour qu'elle statue sur les autres points en litige.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Dazzan-Barel - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 ; article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993.

Rapprochement(s) :

CJUE, arrêt du 19 mars 2019, Henri Pouvin et Marie Dijoux/Electricité de France (EDF), C590/17. En sens contraire : 1re Civ., 9 mai 1994, pourvoi n° 92-15.063, Bull. 1994, I, n° 171 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

1re Civ., 5 juin 2019, n° 17-27.066, (P)

Rejet

Crédit à la consommation – Obligations du prêteur – Obligation précontractuelle d'information – Preuve – Clause type – Effets – Limites – Détermination

Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. Dans le même arrêt, la Cour de justice précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée. Elle ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant. Selon cet arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. En conséquence, prononce à juste titre la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels, la cour d'appel qui, après avoir énoncé qu'il incombe à celui-ci de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information et constaté que le prêteur en cause se prévaut d'une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne, mais ne verse pas ce document aux débats, en déduit que la signature de la mention d'une telle clause ne pouvait être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l'absence d'élément complémentaire, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information.

Donne acte à Mme T... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. F... V... et Mme K... V... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 1er juin 2017), que, suivant offre préalable acceptée le 5 décembre 2012, la société Financo (le prêteur) a consenti à D... V... et à Mme T... un prêt destiné au financement d'un camping-car ; que D... V... a adhéré à un contrat collectif d'assurance souscrit par le prêteur auprès de la société Suravenir (l'assureur), pour la garantie du risque décès « senior » des personnes âgées de plus de 65 ans ; que D... V... est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, F... et K... ; qu'après avoir prononcé la déchéance du terme, le prêteur a assigné Mme T... en paiement du solde du prêt ; que celle-ci a assigné l'assureur en exécution du contrat d'assurance ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur les deuxième et troisième branches de ce moyen :

Attendu que Mme T... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, pour défaut de qualité pour agir, ses demandes formées à l'encontre de l'assureur, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un codébiteur solidaire peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation ; qu'il peut en conséquence opposer l'existence d'une garantie d'assurance-décès ayant vocation à éteindre la dette, peu important qu'il ne l'ait pas personnellement souscrite ; qu'en l'espèce, tout en relevant qu'en qualité de coemprunteur solidaire, Mme T... avait un intérêt incontesté à voir pris en charge le remboursement du prêt au titre de la garantie décès souscrite par D... V..., la cour d'appel lui a dénié la possibilité de revendiquer le bénéfice de la garantie souscrite par D... V... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1208 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ subsidiairement, que si le codébiteur ne peut en principe bénéficier des exceptions qui sont personnelles à un autre coobligé, il peut néanmoins se prévaloir d'une garantie assurance-décès souscrite par le coemprunteur solidaire dès lors qu'il en résulte pour ce dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que coemprunteur solidaire, Mme T..., avait un intérêt incontesté à voir pris en charge le remboursement du prêt au titre de la garantie décès souscrite par D... V... ; qu'en la déclarant néanmoins irrecevable à agir à l'encontre de l'assureur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 1208 et 1165 du code civil, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

Mais attendu que l'exception de garantie soulevée par le débiteur solidaire poursuivi par le prêteur, créancier de l'obligation de paiement, et tirée de l'existence d'un contrat d'assurance-décès souscrit par un autre codébiteur constitue une exception purement personnelle à celui-ci, que le débiteur poursuivi ne peut opposer au créancier ; qu'après avoir constaté que D... V... était seul signataire du contrat d'assurance, que Mme T... n'avait ni la qualité d'assurée ni celle de bénéficiaire du contrat et qu'elle ne venait pas aux droits du défunt, la cour d'appel a décidé à bon droit que sa demande était irrecevable, pour défaut de qualité pour agir ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que le prêteur fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts et de rejeter sa demande en paiement des intérêts contractuels, alors, selon le moyen, qu'est conforme à la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits de contrats aux consommateurs et aux dispositions de l'article L. 311-6 du code de la consommation, la clause type aux termes de laquelle l'emprunteur atteste avoir reçu du prêteur la fiche d'information précontractuelle européenne normalisée ; qu'en estimant qu'une telle clause, qui figurait dans le contrat conclu par Mme T..., ne permettait pas de faire la preuve que la fiche d'information précontractuelle européenne normalisée lui avait été remise, et en déclarant, pour cette raison, l'établissement de crédit déchu de son droit aux intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 311-48 et L. 311-6 du code de la consommation, ensemble la directive européenne précitée ;

Mais attendu, d'abord, que, par arrêt du 18 décembre 2014 (CA CONSUMER FINANCE, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32) ;

Que la Cour de justice précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée (point 29) ; qu'elle ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant (point 30) ; que, selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31) ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information ; qu'il constate que celui-ci se prévaut d'une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne, mais ne verse pas ce document aux débats ; qu'ayant déduit de ces constatations et appréciations que la signature de la mention d'une telle clause ne pouvait être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l'absence d'élément complémentaire, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information, la cour d'appel a prononcé à juste titre la déchéance du droit aux intérêts contractuels ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Truchot - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles 1165 et 1208 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 ; articles L. 311-6 et L. 311-48 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

CJUE, arrêt du 18 décembre 2014, CA Consumer Finance/ Ingrid Bakkaus e.a., C-449/13.

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-16.228, (P)

Cassation

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Conditions – Impossibilité manifeste de faire face à un engagement de cautionner la dette d'une société – Caution dirigeante – Qualité – Absence d'influence

Caractérise une situation de surendettement l'impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner la dette d'une société, qu'elle en soit ou non la dirigeante.

Doit dès lors être cassé l'arrêt qui retient que la majeure partie des dettes d'un débiteur sont professionnelles dès lors que celui-ci a été dirigeant de droit ou de fait de plusieurs sociétés et a été amené à donner sa caution pour les besoins ou à l'occasion de l'activité de ces sociétés.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 330-1, devenu L. 711-1, du code de la consommation ;

Attendu que caractérise une situation de surendettement l'impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner la dette d'une société, qu'elle en soit ou non la dirigeante ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. V... a saisi une commission de surendettement des particuliers d'une demande de traitement de sa situation financière ; que, par décision du 14 janvier 2016, celle-ci a déclaré sa demande irrecevable ; que M. V... a formé un recours ;

Attendu que pour confirmer la décision de la commission de surendettement en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande, le juge du tribunal d'instance retient que la majeure partie des dettes de M. V... sont professionnelles dès lors que celui-ci a été dirigeant de droit ou de fait de plusieurs sociétés et a été amené à donner sa caution pour les besoins ou à l'occasion de l'activité de ces sociétés, à laquelle, en sa qualité de dirigeant de droit ou de fait, il était personnellement intéressé ;

Qu'en statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 mars 2018, entre les parties, par le juge du tribunal d'instance de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le juge du tribunal d'instance de Pontoise.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article L. 330-1, devenu L. 711-1, du code de la consommation.

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