Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 20 juin 2019, n° 18-18.595, (P)

Rejet

Mesures d'exécution forcée – Titre – Titre exécutoire – Définition – Arrêt infirmatif ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement réformé – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 avril 2018), qu'en exécution de jugements assortis de l'exécution provisoire, la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse) a versé directement aux victimes de maladies professionnelles la réparation de leurs préjudices et en a récupéré le montant auprès de leur employeur, la société Gascogne papier (la société), dont la faute inexcusable a été reconnue ; que le montant de la réparation ayant été réduit par arrêts partiellement infirmatifs du 31 mars 2016, la société, pour avoir paiement du trop-versé, a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à la caisse qui l'a contesté devant un juge de l'exécution ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du commandement, alors, selon le moyen :

1°/ que l'exécution est poursuivie aux risques du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, doit restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent ; que dès lors que la décision reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur fait naître un rapport de créance entre l'assuré et l'employeur, lorsqu'un paiement est intervenu, sur la base d'une décision reconnaissant le droit à indemnisation d'un assuré par l'employeur, à raison d'une faute inexcusable et lorsque le titre constatant la créance de l'assuré est modifié, il appartient à l'employeur de solliciter la restitution des sommes versées auprès de l'assuré et non auprès de la CPAM ; qu'en décidant le contraire, les juges d'appel ont violé l'article L. 111-10, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que le rapport de créance entre l'assuré et l'employeur, né de la décision reconnaissant la faute inexcusable n'est pas modifié par la circonstance que, s'agissant des modalités de paiement de la dette de l'employeur, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale a prévu que la CPAM, en qualité de garant, verse à l'assuré une somme qu'elle récupère auprès de l'employeur ; qu'en décidant le contraire, pour dire que l'employeur pouvait solliciter la restitution des sommes versées auprès de la CPAM, les juges d'appel ont violé l'article L. 111-10, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles L. 452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que, selon l'article L. 452-3, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices allouée en cas de faute inexcusable à la victime ou à ses ayants droit est versée directement aux bénéficiaires par la caisse primaire qui en récupère le montant auprès de l'employeur ;

Et attendu qu'ayant relevé que les arrêts de la cour d'appel du 31 mars 2016, passés en force de chose jugée, avaient infirmé les dispositions des jugements sur le montant des indemnités, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils ouvraient droit à la restitution des sommes excédentaires versées par la société et constituaient des titres exécutoires permettant à celle-ci d'en poursuivre le recouvrement forcé à l'encontre de la caisse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 452-3, alinéa 3, du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 juillet 2008, pourvoi n° 07-16.802, Bull. 2008, II, n° 183 (rejet).

3e Civ., 27 juin 2019, n° 18-10.836, (P)

Rejet

Règles générales – Titre – Titre exécutoire – Définition

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 31 octobre 2017), que la société civile professionnelle K... V...-A... T... (la SCP) a payé à M. B... une certaine somme en vertu d'un jugement assorti de l'exécution provisoire ; que, un arrêt ayant partiellement réformé cette décision et réduit la condamnation de la SCP, celle-ci a présenté une demande d'inscription d'hypothèque judiciaire en garantie de sa créance de restitution ; que, le service de la publicité foncière lui ayant notifié le rejet de la formalité, la SCP et son avocat, la Selarl BRT, ont contesté ce refus devant le président du tribunal de grande instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que le directeur du service chargé de la publicité foncière La Rochelle 1 fait grief à l'arrêt de dire que la décision de refus d'inscription est infondée et que la SCP est fondée à inscrire une hypothèque judiciaire pour une créance en principal de 2 356,49 euros, outre les intérêts au taux légal et les frais ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a ni retenu que, pour solliciter la réformation de la décision de première instance, l'administration était tenue d'en demander la nullité, ni constaté que le premier juge avait été saisi comme juge des référés selon les règles fixées aux articles 808 et 809 du code de procédure civile ; que le moyen manque en fait ;

Sur le second moyen :

Attendu que le directeur du service chargé de la publicité foncière La Rochelle 1 fait grief à l'arrêt de dire que la décision de refus de l'inscription de l'hypothèque est infondée, alors, selon le moyen, que, si en cas d'anéantissement d'une décision portant condamnation, la décision décidant de l'anéantissement constitue un titre exécutoire quant à l'obligation de restitution des sommes payées sur la base de la décision anéantie, la décision portant anéantissement, faute de comporter une obligation chiffrée, ne permet pas l'inscription d'une hypothèque au sens de l'article 2412 du code civil ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé ce texte ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que l'arrêt partiellement infirmatif constituait un titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes versées en vertu de la décision de première instance sans qu'une mention en ce sens fût nécessaire et relevé que la créance de la SCP ressortait de la comparaison entre les deux titres qu'elle avaient mentionnés dans le bordereau d'inscription, qui, en les combinant, étaient en sa faveur au sens de l'article 2412 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit que la décision de refus d'inscription n'était pas justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Article 2412 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité d'obtenir un jugement pour permettre l'inscription définitive d'une hypothèque judiciaire, à rapprocher : 3e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.483, Bull. 2016, III, n° 111 (rejet), et les arrêts cités. Sur la possibilité d'obtenir, sur le fondement d'un arrêt infirmatif, la restitution des sommes versées en exécution d'un jugement réformé, à rapprocher : 3e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n° 15-21.483, Bull. 2016, III, n° 111 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-16.892, (P)

Cassation

Saisie et cession des rémunérations – Juge d'instance – Pouvoir – Difficultés d'exécution de la procédure en cours

Le créancier peut saisir le juge du tribunal d'instance, exerçant les pouvoirs du juge de l'exécution, des difficultés d'exécution de la procédure de saisie des rémunérations en cours et d'une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de l'employeur ; qu'en conséquence, viole les articles L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire et R. 3252-11 du code du travail, ensemble l'article R. 3252-8 du même code, la cour d'appel qui retient que le créancier poursuivant devait transmettre ses critiques au greffe du tribunal d'instance.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Pakenco a fait pratiquer entre les mains de la société Rakon France (la société Rakon) plusieurs saisies des rémunérations de M. F... ; que soutenant que la société Rakon n'avait pas exécuté ses obligations conformément aux prescriptions légales, la société Pakenco l'a assignée devant un tribunal d'instance ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 221-8 code de l'organisation judiciaire et R. 3252-11 du code du travail, ensemble l'article R. 3252-8 de ce code ;

Attendu que pour rejeter la demande de condamnation de la société Rakon à lui verser des sommes qu'elle estimait dues au titre de la quotité saisissable et des dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient que la société Pakenco devait transmettre ses critiques au greffe du tribunal d'instance chargé de veiller au bon déroulement des opérations de saisie et ne pouvait agir directement contre l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le créancier pouvait saisir le juge du tribunal d'instance, exerçant les pouvoirs du juge de l'exécution, des difficultés d'exécution de la procédure de saisie des rémunérations en cours et d'une demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive qu'il alléguait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 1241 du code civil ;

Attendu que l'arrêt rejette la demande de dommages-intérêts formulée par la société Pakenco en réparation d'un préjudice matériel, faute de preuve d'une faute de l'employeur dans ses déclarations et dans le montant des retenues opérées ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les irrégularités dénoncées par la société Pakenco dans le calcul de la quotité saisissable et le montant des sommes prélevées par la société Rakon, dont elle invoquait la mauvaise foi, ni sur les erreurs que celle-ci reconnaissait avoir commises, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire ; articles R. 3252-8 et R. 3252-11 du code du travail.

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