Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-15.311, (P)

Rejet

Demande – Objet – Modification – Modification par le juge – Exclusion – Cas – Vérification du point de départ de l'astrinte

Notification – Notification en la forme ordinaire – Notification par voie postale – Date de notification – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 16 janvier 2018) et les productions, qu'un jugement d'un conseil de prud'hommes du 27 juin 2011, confirmé en appel par un arrêt du 28 juin 2013, devenu irrévocable, a ordonné, avec exécution provisoire, à la société anonyme d'économie mixte de production sucrière et rhumière de la Martinique (SAEM) de procéder à la réintégration dans son poste de Mme J... sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du jugement ; que Mme J... a saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation de l'astreinte ;

Attendu que Mme J... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de liquidation de l'astreinte, alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties et ne peut être modifié par le juge ; qu'il résultait des conclusions des parties que la SAEM s'opposait à la demande de liquidation de l'astreinte de Mme J... en soutenant avoir déféré aux décisions de justice ordonnant la réintégration de la salariée dans son ancien poste, sans élever la moindre contestation sur la date à laquelle lui avait été notifié le jugement du conseil de prud'hommes du 27 juin 2011 ; et qu'en déboutant Mme J... de sa demande de liquidation de l'astreinte au motif qu'elle n'avait pas mis le juge en mesure de vérifier cette date, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte des mentions du jugement prud'homal du 27 juin 2011 faisant foi jusqu'à preuve contraire,

- qui a ordonné la réintégration de Mme J... sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification du présent jugement, confirmé de ce chef par arrêt définitif de la cour d'appel du 28 juin 2013 -, qu'il a été notifié aux parties le 12 juillet 2011, ce qui n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune contestation par la SAEM qui en a interjeté appel le 28 juillet 2011 ; et qu'en exigeant de Mme J... qu'elle justifie de la date à laquelle la SAEM avait reçu du secrétariat greffe du conseil de prud'hommes la lettre recommandée lui notifiant le jugement du 27 juin 2011, conformément à l'article R. 1454-26 du code du travail, preuve qui ne pouvait résulter que de l'avis de réception détenu par le greffe, quand il incombait à la SAEM de démontrer que la notification du 12 juillet 2011 ne lui était parvenue qu'à une date ultérieure, la cour d'appel a, renversant la charge de la preuve, violé les articles 1315, devenu 1353, du code civil, et R. 1454-26 du code du travail ;

Mais attendu qu'il appartient au juge saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte de s'assurer, au besoin d'office, que l'astreinte a commencé à courir et de déterminer son point de départ ;

Et attendu que c'est par une exacte application de l'article 9 du code de procédure civile et sans inverser la charge de la preuve que l'arrêt retient qu'il appartenait à Mme J..., demanderesse à la liquidation de l'astreinte, de rapporter la preuve de la date à laquelle le jugement du 27 juin 2011 avait été notifié à la SAEM, sans qu'aucune conséquence puisse être tirée à cet égard de la date à laquelle la décision avait été notifiée à Mme J... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution ; article 9 du code de procédure civile ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-19.679, Bull. 2006, II, n° 383 (rejet).

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-14.432, (P)

Cassation

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Défaut – Cas – Pièces ne figurant pas au bordereau de communication en l'absence de comparution du défendeur

L'appelant n'est pas tenu de communiquer ses pièces à l'intimé qui n'a pas constitué avocat et la circonstance que des pièces produites ne figurent pas au bordereau récapitulatif n'autorise pas le juge à les écarter des débats.

Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui écarte des débats des pièces produites par l'appelant en retenant que ces pièces ne figuraient pas sur le bordereau de communication annexé aux écritures.

Pièces – Communication – Communication entre les parties – Communication à l'intimé n'ayant pas constitué avocat – Nécessité (non)

Pièces – Bordereau – Pièces ne figurant pas au bordereau de communication – Pièces écartées par le juge (non)

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 954 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a relevé appel d'un jugement d'un tribunal d'instance qui a condamné M. W... à lui payer une certaine somme en principal et qui a accordé des délais de paiement à M. W... ;

Attendu que, pour écarter des débats les pièces 29 à 32 et confirmer le jugement, l'arrêt, rendu par défaut, retient que ces pièces remises dans le dossier de l'appelant ne figurent pas sur le bordereau de communication de pièces annexé aux écritures, lequel comprend uniquement les pièces numérotées 1 à 28 de sorte qu'elles ne peuvent qu'être écartées des débats ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'appelant n'est pas tenu de communiquer ses pièces à l'intimé qui n'a pas constitué avocat et que la circonstance que des pièces produites ne figurent pas au bordereau récapitulatif n'autorise pas le juge à les écarter des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.

- Président : Mme Flise (président) - Rapporteur : M. Sommer - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Articles 15, 16 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité pour une partie non comparante de se prévaloir d'un défaut de communication de pièces, à rapprocher : 2e Civ., 9 juin 2005, pourvoi n° 03-15.767, Bull. 2005, II, n° 151 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-15.301, (P)

Rejet

Fin de non-recevoir – Possibilité de la relever d'office – Cas – Défaut d'intérêt à agir

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 mars 2018), que la société Cannes Estérel a relevé appel de l'ordonnance de référé du président d'un tribunal de grande instance lui ayant ordonné d'autoriser la commune de Cannes, ses agents ainsi que toutes entreprises missionnées par la commune à cet effet, à pénétrer, au besoin avec le concours de la force publique, sur son terrain le temps d'effectuer les travaux de démontage et d'enlèvement d'une grue ; que la cour d'appel a été saisie d'un appel incident de la commune sollicitant la réformation de ce chef de l'ordonnance ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Cannes Estérel fait grief à l'arrêt de réformer l'ordonnance de référé entreprise sur les modalités de pénétration sur son terrain et d'enlèvement de la grue, et d'autoriser la commune de Cannes, ses agents, ainsi que toutes entreprises missionnées par elle à cet effet, à pénétrer de manière forcée, en présence d'un huissier de justice et d'un serrurier, et au besoin avec le concours de la force publique, sur son terrain afin de procéder aux travaux de démontage de la grue, alors, selon le moyen, que la cour d'appel est tenue de vérifier, au besoin d'office, la régularité de sa saisine ; que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt ; que l'intérêt à former un appel incident s'apprécie au regard du dispositif des conclusions prises en première instance par l'auteur de l'appel incident ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de référé du 22 février 2017, en ordonnant à la société Cannes Estérel d'autoriser la commune de Cannes, ses agents ainsi que toutes entreprises missionnées par la commune à cet effet, à pénétrer sur son terrain, a fait droit au chef de demande de la commune tel qu'il était libellé dans ses conclusions de première instance ; qu'en accueillant l'appel incident de la commune formé à l'encontre d'un chef de l'ordonnance qui lui avait donné satisfaction, la cour d'appel a violé les articles 546 et 548 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le défaut d'intérêt à former un appel n'affecte pas la régularité de la saisine de la cour d'appel qui dispose, en vertu de l'article 125, alinéa 2, du code de procédure civile d'une simple faculté de relever d'office le défaut d'intérêt à agir ; que dès lors, à supposer la commune de Cannes dénuée d'intérêt à relever un appel incident de l'ordonnance attaquée, la cour d'appel n'était pas tenue de relever d'office l'irrecevabilité, pour ce motif, dudit appel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article 125 du code de procédure civile.

1re Civ., 5 juin 2019, n° 18-14.675, (P)

Sursis à statuer

Sursis à statuer – Décision de sursis – Cas – Décision de la Cour de justice de l'Union européenne de nature à influer sur la solution du pourvoi à intervenir – Applications diverses

Donne acte à M. E... de ce qu'il se désiste de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Google France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 décembre 2017), rendu en référé, que, par jugement du tribunal correctionnel de Metz du 17 novembre 2011, M. E..., qui exerce la profession d'expert-comptable et commissaire aux comptes, a été déclaré coupable d'escroquerie et de tentative d'escroquerie et condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, ainsi qu'à payer une certaine somme à l'administration fiscale ; que, par arrêt du 9 octobre 2013, devenu définitif, la cour d'appel de Metz a confirmé ce jugement, sauf en ce qu'elle a porté la peine d'emprisonnement à dix mois avec sursis ; que, les 18 novembre 2011 et 15 novembre 2013, deux comptes-rendus d'audience relatant cette condamnation pénale ont été publiés sur le site Internet du journal « Le Républicain lorrain » ; que, soutenant que ces articles, bien qu'archivés sur le site du journal, étaient toujours accessibles par le biais d'une recherche effectuée à partir de ses nom et prénom sur le moteur de recherche Google, et reprochant à la société Google Inc., aux droits de laquelle vient la société Google LLC, exploitant de ce moteur de recherche, d'avoir refusé de procéder à la suppression des liens litigieux, M. E... l'a assignée aux fins de déréférencement ;

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que, selon les articles 38 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable au litige, toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement ; elle peut exiger du responsable d'un traitement que soient notamment verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ; que, selon l'article 9 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce, les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par certaines personnes limitativement énumérées parmi lesquelles ne figurent pas les exploitants de moteurs de recherche ; enfin, que, selon l'article 67 de la même loi, dans sa rédaction applicable, l'article 9 susvisé ne s'applique pas aux traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre aux fins d'exercice, à titre professionnel, de l'activité de journaliste, dans le respect des règles déontologiques de cette profession ; que ces dispositions réalisent la transposition, en droit interne, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, à la lumière de laquelle elles doivent être interprétées ; que, selon l'article 9 de ladite directive, les exemptions et dérogations pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ne peuvent être prévues que dans la mesure où elles s'avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d'expression ; qu'il s'ensuit qu'à supposer même qu'un moteur de recherche puisse bénéficier par transitivité de la même dérogation, celle-ci ne saurait excéder les limites de la dérogation bénéficiant au traitement source, justifiée par la protection de la liberté d'expression ; que dès lors, l'exploitant d'un moteur de recherche ne saurait se prévaloir de la licéité d'un traitement de telles données opéré sur une durée plus longue que celle du traitement source lorsque le responsable de ce traitement a lui-même décidé d'archiver lesdites données, les rendant inaccessibles à partir de son site Internet, marquant par là qu'il n'entend plus faire usage de sa liberté d'expression ; qu'en affirmant le contraire, pour en déduire qu'aucun trouble manifestement illicite n'aurait été caractérisé, la cour d'appel a violé les articles 9, 38, 40 et 67 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable en l'espèce transposant la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ensemble les articles 9 du code civil et 809 du code de procédure civile ;

2°/ que, selon les articles 38 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable au litige, toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement ; elle peut exiger du responsable d'un traitement que soient notamment verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ; que, selon l'article 6 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce, un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite./ 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités (...)./ 3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs./ 4° Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour (...)./ 5° Elles sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ; qu'enfin, selon l'article 7 de la même loi, dans sa rédaction applicable, à défaut d'avoir reçu le consentement de la personne concernée, un traitement de données à caractère personnel doit satisfaire à l'une des conditions suivantes : 1° Le respect d'une obligation légale incombant au responsable du traitement./ 2° La sauvegarde de la vie de la personne concernée./ 3° L'exécution d'une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement./ 4° L'exécution, soit d'un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci./ 5° La réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée ; que ces dispositions réalisent la transposition, en droit interne, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, à la lumière de laquelle elles doivent être interprétées ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que si la finalité poursuivie par le journal « Le Républicain lorrain », au sens de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, était de donner une information sur l'actualité judiciaire d'intérêt local, information journalistique rapidement dépassée, ce qui expliquait l'archivage des deux articles sur son site, celle de Google était nécessairement différente de par son activité même de moteur de recherche, et pouvait légitimer le traitement des mêmes données à caractère personnel pour une durée différente, condition exigée à leur conservation posée par l'article 6 susvisé, sans préciser cette finalité, laquelle conditionnait pourtant l'appréciation de la licéité de ce traitement, tant dans son principe que dans sa durée, la cour d'appel a en tout état de cause privé sa décision de base légale au regard des articles 6, 7, 38 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable en l'espèce transposant la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ensemble les articles 9 du code civil et 809 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, selon les articles 38 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable au litige, toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement ; elle peut exiger du responsable d'un traitement que soient notamment verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ; que les articles 12, sous b), et 14, premier alinéa, sous a), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, dont les articles susvisés réalisent la transposition en droit interne, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de l'appréciation des conditions d'application de ces dispositions, il convient notamment d'examiner si la personne concernée a un droit à ce que l'information en question relative à sa personne ne soit plus, au stade actuel, liée à son nom par une liste de résultats affichée à la suite d'une recherche effectuée à partir de son nom ; que cette dernière pouvant, eu égard à ses droits fondamentaux au titre des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, demander que l'information en question ne soit plus mise à la disposition du grand public du fait de son inclusion dans une telle liste de résultats, ces droits prévalent, en principe, sur l'intérêt de ce public à accéder à ladite information lors d'une recherche portant sur le nom de cette personne sauf à ce qu'il apparaisse, pour des raisons particulières, telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, que l'ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l'intérêt prépondérant dudit public à avoir, du fait de cette inclusion, accès à l'information en question ; que la juridiction saisie d'une demande de déréférencement est tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence ; qu'en se bornant à relever, pour exclure l'existence d'un trouble manifestement illicite à raison du fait qu'une simple recherche à partir du nom de M. S... E... renvoyait à des articles traitant d'une condamnation pénale dont il avait fait l'objet en 2011 pour une infraction fiscale commise dans le cadre de sa sphère privée, que les données litigieuses étaient pertinentes au regard de la profession de l'intéressé, que ces informations intéressaient le public et que M. E... devait être considéré comme ayant un rôle dans la vie publique, sans vérifier ni constater que le droit à l'information du public présentait, au jour où elle statuait, un caractère prépondérant, nonobstant le caractère sensible des données en cause et la gravité de l'atteinte aux droits fondamentaux de M. E... qui résultait de leur traitement, et alors même qu'elle relevait que ces données n'étaient pas relatives à la vie professionnelle de ce dernier, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les articles 38 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction applicable en l'espèce transposant la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ensemble les articles 9 du code civil et 809 du code de procédure civile ;

Attendu que, conformément à l'article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, qui a transposé l'article 8, § 5, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, applicable en la cause, les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales, les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l'exercice des missions qui leur sont confiées par la loi, et les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d'atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d'assurer la défense de ces droits ;

Attendu que, saisi de quatre requêtes portant, notamment, sur le droit au déréférencement de telles données, le Conseil d'Etat a, par décision du 24 février 2017 (n° 391000, 393769, 399999 et 401258), renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles qui suivent :

1° Eu égard aux responsabilités, aux compétences et aux possibilités spécifiques de l'exploitant d'un moteur de recherche, l'interdiction faite aux autres responsables de traitement de traiter des données relevant des paragraphes 1 et 5 de l'article 8 de la directive du 24 octobre 1995, sous réserve des exceptions prévues par ce texte, est-elle également applicable à cet exploitant en tant que responsable du traitement que constitue ce moteur ?

2° En cas de réponse positive à la question posée au 1° :

- les dispositions de l'article 8 paragraphes 1 et 5 de la directive du 24 octobre 1995 doivent-elles être interprétées en ce sens que l'interdiction ainsi faite, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, à l'exploitant d'un moteur de recherche de traiter des données relevant de ces dispositions l'obligerait à faire systématiquement droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web qui traitent de telles données ?

- dans une telle perspective, comment s'interprètent les exceptions prévues à l'article 8 paragraphe 2, sous a) et e), de la directive du 24 octobre 1995, lorsqu'elles s'appliquent à l'exploitant d'un moteur de recherche, eu égard à ses responsabilités, ses compétences et ses possibilités spécifiques ? En particulier, un tel exploitant peut-il refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu'il constate que les liens en cause mènent vers des contenus qui, s'ils comportent des données relevant des catégories énumérées au paragraphe 1 de l'article 8, entrent également dans le champ des exceptions prévues par le paragraphe 2 de ce même article, notamment le a) et le e) ?

- de même, les dispositions de la directive du 24 octobre 1995 doivent-elles être interprétées en ce sens que, lorsque les liens dont le déréférencement est demandé mènent vers des traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d'expression artistique ou littéraire qui, à ce titre, en vertu de l'article 9 de la directive du 24 octobre 1995, peuvent collecter et traiter des données relevant des catégories mentionnées à l'article 8, paragraphes 1 et 5, de cette directive, l'exploitant d'un moteur de recherche peut, pour ce motif, refuser de faire droit à une demande de déréférencement ?

3° En cas de réponse négative à la question posée au 1° :

- à quelles exigences spécifiques de la directive du 24 octobre 1995 l'exploitant d'un moteur de recherche, compte tenu de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités, doit-il satisfaire ?

- lorsqu'il constate que les pages web, vers lesquelles mènent les liens dont le déréférencement est demandé, comportent des données dont la publication, sur lesdites pages, est illicite, les dispositions de la directive du 24 octobre 1995 doivent-elles être interprétées en ce sens :

- qu'elles imposent à l'exploitant d'un moteur de recherche de supprimer ces liens de la liste des résultats affichés à la suite d'une recherche effectuée à partir du nom du demandeur ?

- ou qu'elles impliquent seulement qu'il prenne en compte cette circonstance pour apprécier le bien-fondé de la demande de déréférencement ?

- ou que cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation qu'il doit porter ?

En outre, si cette circonstance n'est pas inopérante, comment apprécier la licéité de la publication des données litigieuses sur des pages web qui proviennent de traitements n'entrant pas dans le champ d'application territorial de la directive du 24 octobre 1995 et, par suite, des législations nationales la mettant en œuvre ?

4° Quelle que soit la réponse apportée à la question posée au 1° :

- indépendamment de la licéité de la publication des données à caractère personnel sur la page web vers laquelle mène le lien litigieux, les dispositions de la directive du 24 octobre 1995 doivent-elles être interprétées en ce sens que :

- lorsque le demandeur établit que ces données sont devenues incomplètes ou inexactes, ou qu'elles ne sont plus à jour, l'exploitant d'un moteur de recherche est tenu de faire droit à la demande de déréférencement correspondante ?

- plus spécifiquement, lorsque le demandeur démontre que, compte tenu du déroulement de la procédure judiciaire, les informations relatives à une étape antérieure de la procédure ne correspondent plus à la réalité actuelle de sa situation, l'exploitant d'un moteur de recherche est tenu de déréférencer les liens menant vers des pages web comportant de telles informations ?

- les dispositions de l'article 8 paragraphe 5 de la directive du 24 octobre 1995 doivent-elles être interprétées en ce sens que les informations relatives à la mise en examen d'un individu ou relatant un procès, et la condamnation qui en découle, constituent des données relatives aux infractions et aux condamnations pénales ? De manière générale, lorsqu'une page web comporte des données faisant état des condamnations ou des procédures judiciaires dont une personne physique a été l'objet, entre-t-elle dans le champ de ces dispositions ?

Attendu qu'au regard des griefs formulés par le moyen et des question préjudicielles précitées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution du présent pourvoi ; qu'il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer jusqu'au prononcé de celle-ci ;

PAR CES MOTIFS :

SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-136/17 ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 22 octobre 2019.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 ; articles 9, 38, 40 et 67 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; article 9 du code civil ; article 809 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 14 février 2018, pourvoi n° 17-10.499, Bull. 2018, I, n° 31 (cassation partielle sans renvoi) ; Cf. : CE, 24 février 2017, n° 391000, publié au Recueil Lebon.

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