Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

POUVOIRS DES JUGES

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743, (P)

Rejet

Applications diverses – Assurance de personnes – Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Appréciation de la finalité – Appréciation souveraine

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, neuvième et dixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2018), que Mme Q... a souscrit le 7 août 2007 auprès de la société Generali vie (l'assureur) un contrat d'assurance sur la vie « Himalia », n° 53311030, sur lequel elle a versé la somme de 63 270 euros, investie sur des supports en unités de compte ; que le 9 septembre 2013, elle a exercé la faculté de renonciation prévue à l'article L. 132-5-2 du code des assurances en invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation précontractuelle d'information ; que ce dernier n'ayant pas donné suite à cette demande, Mme Q... l'a assigné en restitution des sommes versées, déduction faite des rachats partiels opérés à hauteur de 24 825 euros ;

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer à Mme Q... la somme de 38 445 euros, avec intérêts au taux légal majoré, alors, selon le moyen :

1°/ que pour apprécier l'existence d'un abus du souscripteur d'un contrat d'assurance-vie dans l'exercice de la faculté de renonciation prorogée prévue par l'article L. 132-5-2 du code des assurances, il appartient au juge de rechercher, au regard notamment de la situation concrète du renonçant et des informations dont il disposait réellement, si celui-ci n'a pas exercé sa faculté de renonciation de façon déloyale et dans le seul but d'échapper à l'évolution défavorable de ses investissements ; que la faculté de renonciation prévue par ce texte ayant été instituée en vue de permettre à l'assuré de se dédire d'un engagement dont il n'avait pas été en mesure d'apprécier immédiatement la portée, le juge ne saurait tenir pour indifférents, dans l'appréciation d'un tel abus, le temps écoulé depuis la conclusion du contrat d'assurance et le moment choisi par l'assuré pour exercer cette renonciation ; qu'en l'espèce, l'assureur faisait valoir que Mme Q..., qui avait été régulièrement informée par l'assureur de l'évolution de son épargne et des performances des supports sur lesquels elle avait investi, n'avait jamais émis le moindre grief quant à un éventuel défaut d'information pendant les six premières années d'exécution de son contrat d'assurance et avait néanmoins prétendu renoncer à ce contrat d'assurance plus de six ans après sa conclusion au vu de l'évolution défavorable de son épargne ; que l'assureur soulignait encore que Mme Q... n'avait pu jusqu'à cette date se méprendre sur la portée de ses engagements et notamment ignorer les risques qui leur étaient associés puisque l'évolution de son épargne avait elle-même subi l'épreuve d'une succession de périodes d'euphorie et de crises boursières ; qu'en refusant de prendre en considération ces éléments au motif que le détournement de la faculté de renonciation prorogée ne pouvait se déduire du temps qui s'était écoulé entre la souscription du contrat et l'exercice par l'assuré de sa faculté de renonciation et que la fragilité du contrat qui demeurait exposé plusieurs années après sa conclusion à l'exercice d'un droit pouvant l'anéantir ab initio, n'a perduré qu'en raison de la violation par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle puis au choix qu'elle a fait de ne pas régulariser cette situation, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ qu'en l'espèce, l'assureur rappelait que Mme Q... avait été régulièrement informée de l'évolution de son épargne et des performances des supports sur lesquels elle avait investi ; qu'en ne tirant aucune conséquence des informations ainsi acquises par l'assurée au cours de l'exécution de son contrat quand il lui appartenait de rechercher, au regard des informations dont l'assurée disposait réellement au moment où elle avait renoncé à son contrat, si celle-ci n'avait pas fait un usage abusif de sa faculté de renonciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-2 du code des assurances ;

3°/ que l'absence d'abus ne peut se déduire du seul fait que l'assuré renonçant ne s'est pas vu communiquer l'intégralité des informations précontractuelles prévues par le code des assurances, dans les formes prévues par ce texte, le juge devant rechercher, au regard notamment de la situation concrète du renonçant et des informations dont il disposait réellement, si celui-ci n'a pas exercé sa faculté de renonciation à des fins déloyales et dans le but, uniquement, d'échapper aux pertes générées par ses investissements ; que le courtier en assurances est débiteur, à l'égard de l'assuré, d'un devoir de conseil et doit l'informer sur les avantages et les risques attachés à l'investissement proposé, en considération de la situation de ce dernier ; qu'en refusant en outre de tenir compte du fait que Mme Q..., pendant les six années durant lesquelles elle avait géré son contrat, bénéficiait de l'assistance d'un courtier en assurance, au motif inopérant que les obligations du courtier étaient distinctes de celles de l'assureur et que celui-ci n'avait pas à se substituer à ce dernier dans la délivrance des informations qui lui incombaient, la cour d'appel, à qui il appartenait de déterminer les informations dont l'assurée disposait réellement indépendamment du point de savoir si celle-ci s'était vue remettre des documents précontractuels conformes à ceux prévus par le code des assurances, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-2 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause ;

4°/ que c'est à la lumière d'un faisceau d'indices qu'il appartient au juge de déterminer si l'assuré avait, au moment où il a exercé sa faculté de renonciation, conscience des caractéristiques de son contrat et de la portée de son engagement ; qu'en jugeant que le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation ne pouvait se déduire de l'écoulement du temps au motif que ce raisonnement conduirait à priver la prorogation du délai de renonciation de tout objet, puis que la profession de Mme Q... ne lui conférait en soi aucune compétence en matière d'assurance-vie, puis que l'assureur ne démontrait pas en quoi les opérations effectuées par Mme Q... auraient été le signe d'une connaissance particulière du fonctionnement du contrat et des produits structurés sur lesquels les fonds ont été investis, puis, enfin, que le fait, pour Mme Q..., d'avoir été assistée d'un courtier ne lui conférait nullement la qualité d'investisseur averti alors que les obligations du courtier sont distinctes de celles de l'assureur et que l'intermédiaire n'a nullement à se substituer à l'assureur dans la délivrance de l'obligation d'information qui incombe à celui-ci, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'ensemble des éléments invoqués, analysés globalement, que Mme Q... avait parfaitement conscience de la portée de son engagement et qu'en renonçant à son contrat, six ans après l'avoir conclu, elle avait fait un usage déloyal de la faculté de renonciation qui lui était offerte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-2 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que l'information précontractuelle délivrée à Mme Q... avant la souscription du contrat « Himalia » ne satisfaisait ni dans sa forme ni par son contenu aux exigences des articles L. 132-5-2 et A. 132-4 du code des assurances, et énoncé que le détournement de la finalité du droit de renonciation ne peut être le fait que d'un investisseur parfaitement informé, qu'il l'ait été avant la souscription du contrat ou par la suite, l'abus ne pouvant se déduire du simple fait que le souscripteur décide de renoncer grâce à la prorogation du délai alors que son placement a subi des pertes ou même qu'il ait manifesté son mécontentement avant de renoncer à son contrat, ni seulement du temps s'étant écoulé depuis la souscription, la cour d'appel a relevé que Mme Q..., qui avait exploité une brasserie et dont la profession ne la prédisposait nullement à avoir une connaissance particulière des mécanismes de l'assurance vie ou du contrat souscrit, était un investisseur profane, sans que la présence à ses côtés d'un courtier, lors de cette souscription ou à l'occasion des rachats, puisse lui conférer la qualité d'avertie, et qu'il ne pouvait se déduire des opérations pratiquées sur le contrat, lesquelles n'ont consisté qu'en des rachats, programmés ou ponctuels, ou de la lettre qu'elle a adressée à l'assureur le 13 juin 2012 pour exprimer son mécontentement quant à l'évolution défavorable de ses investissements, en des termes qui traduisent au contraire sa mauvaise compréhension des produits structurés sur lesquels ses fonds avaient été placés, qu'elle ait eu une telle connaissance ; qu'ayant ainsi constaté, au regard de sa situation concrète, que Mme Q... n'était pas parfaitement informée des caractéristiques essentielles de l'assurance vie souscrite lorsqu'elle avait exercé son droit de renonciation, et souverainement estimé que, dans ces conditions, l'assureur échouait à rapporter la preuve qui lui incombe que Mme Q... l'avait détourné de sa finalité, en en ayant fait usage dans le seul but d'échapper à l'évolution défavorable de ses investissements, comme il le soutenait, la cour d'appel a pu en déduire que Mme Q... n'avait pas abusé de ce droit et a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen, annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Boiffin - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.767, Bull. 2016, II, n° 138 (cassation partielle) ; 2e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n° 18-15.612, Bull. 2019, II (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-17.907, (P)

Cassation

Applications diverses – Assurance de personnes – Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Appréciation de la finalité – Nécessité

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 2 mars 2017, pourvoi n° X 16-16.667), que Mme Q... a adhéré le 7 janvier 2008 à un contrat collectif d'assurance sur la vie proposé par la société Inora life limited (l'assureur) ; que Mme Q... s'est prévalue, le 3 août 2011, de son droit à renonciation tel que prévu par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, en invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation précontractuelle d'information ; que l'assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, Mme Q... l'a assigné en restitution des sommes versées ;

Sur le moyen unique, pris en sa septième branche :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à restituer à Mme Q... la somme de 32 000 euros avec intérêts au taux légal majoré, l'arrêt retient que l'assureur ne saurait tirer, en l'espèce, aucune conséquence quant à la caractérisation d'un abus de droit du fait que celle-ci a répondu de façon positive à la question de savoir si elle avait bien compris le fonctionnement du support et au fait de savoir si elle pensait maintenir son investissement jusqu'à son terme en cas de fortes fluctuations des marchés financiers, les nombreux manquements de l'assureur à son obligation d'information démontrant qu'elle était nécessairement dans l'impossibilité de mesurer la portée de son engagement ;

Qu'en se déterminant ainsi alors qu'à eux seuls les manquements de l'assureur à son obligation d'information lors de la souscription du contrat ne suffisent pas à exclure un détournement de la finalité de l'exercice par l'assuré de la faculté de renonciation ainsi prorogée, susceptible de caractériser un abus de ce droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen unique, pris en ses quatrième et huitième branches réunies :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient, en outre, d'une part, que le nombre d'années écoulées entre la souscription et l'exercice de la faculté de renoncer ne saurait pas plus être seul caractéristique de la mauvaise foi, d'autre part, que le seul constat de ce que la renonciation est exercée après la perte d'une partie du capital ne saurait à lui seul établir la mauvaise foi et que si tel était le cas, il en résulterait que la prorogation de la faculté de renoncer ne pourrait être exercée qu'en cas de hausse ou de maintien du capital investi ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher à la date d'exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète de Mme Q..., de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont elle disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.767, Bull. 2016, II, n° 138 (cassation partielle) ; 2e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n° 18-15.612, Bull. 2019, II (cassation).

1re Civ., 26 juin 2019, n° 18-15.830, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Majeur protégé – Tutelle – Effets quand à la protection de la personne – Mariage – Autorisation du juge des tutelles – Conditions – Capacité du majeur protégé à donner son consentement au mariage

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 février 2018), qu'un jugement du 9 novembre 2015, confirmé par un arrêt du 19 décembre 2017, a placé Mme G... sous tutelle pour une durée de dix ans, l'APASE d'Ille-et-Vilaine, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, étant désignée en qualité de tuteur ; que, par requête du 11 décembre 2015, Mme G... a demandé au juge des tutelles l'autorisation de se marier avec son compagnon, M. X... ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme L... K..., M. Y... K... et Mme P... B... G..., les enfants et la soeur de Mme G..., font grief à l'arrêt d'autoriser celle-ci à se marier avec M. X... alors, selon le moyen :

1°/ que l'appel remettant la chose jugée en question devant la juridiction d'appel afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, il incombe à la cour d'appel de constater par elle-même les faits soumis à son appréciation ; qu'en se bornant à relever que « lors de son audition par le juge des tutelles », V... G... avait exprimé le souhait de s'unir maritalement avec U... X..., son compagnon, quand, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de la demande d'autorisation à mariage formée par Mme G..., elle était tenue de vérifier par elle-même la volonté matrimoniale de l'intéressée, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile ;

2°/ que l'infirmation d'un jugement, dont la confirmation est demandée par l'intimé qui s'en approprie dès lors les motifs, doit être motivée ; qu'en l'espèce, les consorts K... et B... G... sollicitaient la confirmation de l'ordonnance de refus d'autorisation à mariage rendue par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Rennes en date du 10 octobre 2016, qui avait retenu, sur la base de l'expertise du docteur W... datée du 27 juin 2016, l'incapacité de Mme G... à donner un consentement libre et éclairé au projet de mariage avec M. X... ; qu'en autorisant Mme G... à contracter mariage avec son compagnon, sans dire un mot de l'expertise du docteur W..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, dans leurs conclusions, les consorts K... et B... G... faisaient valoir que l'incapacité de Mme G... à donner un consentement personnel, libre et éclairé au projet de mariage avec M. X..., avait été constatée par le docteur Z... dans son certificat médical établi le 6 juillet 2015, concluant notamment au fait que « l'altération des fonctions cognitives dans ce contexte particulier empêche l'expression de la volonté de la patiente et ce de façon quasi-totale » ; qu'en affirmant que le projet de mariage de Mme G... avec M. X... était réel et que celle-ci était en mesure d'apprécier la portée de l'engagement matrimonial qu'elle prendra avec lui, sans examiner ledit certificat médical, régulièrement versé aux débats pour établir le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que l'autorité de chose jugée, qui s'attache à ce qui a été tranché dans le dispositif d'un jugement, ainsi qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, s'impose au juge lorsque la décision est devenue irrévocable ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de son arrêt du 19 décembre 2017, la cour d'appel de Rennes a placé V... G... sous tutelle pour une durée de dix ans, après avoir constaté que cette mesure de protection était requise par l'état de santé de l'intéressée, « Mme G... ayant un besoin absolu d'être protégée dans les actes de la vie civile et ne pouvant, en toute indépendance, exprimer sa volonté pour consentir librement à ces actes » ; que ces motifs, qui constituent le soutien nécessaire du dispositif, ont ainsi autorité de la chose jugée ; qu'en affirmant, pour autoriser Mme G... à contracter mariage avec M. X..., que celle-ci était en mesure d'apprécier la portée de cet engagement matrimonial, la cour d'appel, qui a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à son précédent arrêt du 19 décembre 2017, a violé l'article 480 du code de procédure civile ;

5°/ qu'avant d'autoriser le majeur sous tutelle à contracter mariage, le juge est tenu de vérifier non seulement l'existence de son consentement, mais également, le cas échéant, son intégrité ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que, lors de son audition par le juge des tutelles, Mme G... avait exprimé le souhait de s'unir à son compagnon « malgré les rappels qui lui ont été faits de comportements violents de M. X... à son égard », sans s'interroger sur l'influence qu'étaient susceptibles d'exercer sur l'intégrité du consentement à mariage de Mme G..., les violences répétées que lui faisait subir son compagnon depuis de nombreuses années et dont rien ne démontrait qu'elles avaient cessé au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles 146 et 460, alinéa 2, du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a estimé qu'en dépit de la vulnérabilité de Mme G..., le souhait exprimé lors de son audition par le juge des tutelles ainsi que la durée et la stabilité de la vie commune avec son compagnon démontraient que son projet de mariage était réel et qu'elle était en mesure d'apprécier la portée de son engagement matrimonial, même si elle devait être représentée dans les actes de la vie civile ; qu'elle en a souverainement déduit, sans méconnaître l'effet dévolutif de l'appel ni l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'ouverture de la mesure de protection, qu'il convenait d'autoriser la majeure protégée à se marier avec M. X..., dont elle partageait la vie depuis plusieurs années ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article 146 du code civil ; article 460 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; articles 561, 455 et 480 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation souveraine par les juges du fond de la capacité du majeur en tutelle à donner son consentement au mariage, à rapprocher : 1re Civ., 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-25.158, Bull. 2012, I, n° 255 (rejet).

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