Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

FONDS DE GARANTIE

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-14.129, (P)

Rejet

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante – Demande d'indemnisation – Prescription – Prescription décennale – Effets – Causes d'interruption – Régime de prescription de droit commun – Application

En introduisant, par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé.

Dès lors c'est à bon droit que la cour d'appel a apprécié la prescription de la demande formée devant le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en écartant les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et en faisant application des articles 2240 à 2242 du code civil.

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante – Demande d'indemnisation – Prescription – Prescription décennale – Effets – Régime spécial de prescription issu de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 – Application (non)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 février 2018), que K... R... est décédé le [...] des suites d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 7 décembre 2005 consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante, dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; que Mme W..., son épouse, et MM. A... et Q... R..., ses fils (les consorts R...), ont saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par K... R... avant son décès et de leur préjudice moral ; que l'offre présentée par le FIVA au titre de ces préjudices a été acceptée le 22 décembre 2008 par les consorts R... ; que le 7 février 2016, Mme W... a saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation complémentaire au titre du préjudice esthétique et du préjudice lié à l'assistance par une tierce personne d'K... R... et au titre de son propre préjudice économique ; que le 8 juin 2016, le FIVA a rejeté la demande d'indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne considérée comme prescrite ; que les consorts R... ont alors saisi une cour d'appel pour contester cette décision ;

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnisation du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à la somme de 2 254,97 euros qu'il devra payer aux consorts R..., alors, selon le moyen, que suivant l'article 53, III bis, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, les droits à l'indemnisation des préjudices causés par l'amiante se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; que, faute pour le législateur d'avoir précisé les causes interruptives inhérentes au nouveau régime de prescription qu'il a institué, ces dispositions doivent s'entendre comme ne modifiant pas, pour les créances publiques, les causes interruptives prévues par la loi du 31 décembre 1968 ; qu'en énonçant que la loi du 20 décembre 2010 a mis fin à toute application de la loi du 31 décembre 1968 en la matière, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble les articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;

Mais attendu qu'en introduisant, par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé ; qu'il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes ; que dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et a fait application des articles 2240 à 2242 du code civil pour décider que la demande d'indemnisation de l'assistance par une tierce personne n'était pas prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article 53, III bis, de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 ; articles 2240 à 2242 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le délai de la prescription de la demande d'indemnisation adressée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, à rapprocher : 2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-17.092, Bull. 2011, II, n° 134 (annulation), et l'arrêt cité.

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