Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

3e Civ., 13 juin 2019, n° 18-18.445, (P)

Rejet

Indemnité – Immeuble – Situation juridique de l'immeuble – Plan local d'urbanisme – Date de référence – Détermination

L'acte modificatif du plan local d'urbanisme modifiant le périmètre de la zone dans laquelle est située la parcelle expropriée sans affecter les caractéristiques de cette zone ne peut être retenu pour fixer la date de référence au sens de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme.

Indemnité – Immeuble – Situation juridique de l'immeuble – Plan local d'urbanisme – Date de référence – Détermination – Modification délimitant la zone de situation du bien – Exclusion – Conditions – Modification n'affectant pas les caractéristiques de la zone de situation du bien

Sur le moyen unique :

Attendu que l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 avril 2018) fixe le montant des indemnités revenant à M. N... au titre de l'expropriation, au profit de la Société d'équipement de la région montpelliéraine (la SERM), d'une parcelle lui appartenant, située dans un périmètre soumis au droit de préemption urbain ;

Attendu que M. N... fait grief à l'arrêt de fixer la date de référence au 13 septembre 2012 alors, selon le moyen, que la date de référence est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; que la cour d'appel a elle-même constaté qu'une délibération du 28 septembre 2016, rendue publique le 18 octobre 2016, avait modifié le plan local d'urbanisme et la délimitation de la zone dans laquelle se situe le bien ; qu'en refusant de retenir cette dernière date au motif que la délibération en cause n'avait pas modifié les caractéristiques du bien mais « uniquement sa délimitation », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 213-4 et L. 213-6 du code de l'urbanisme ;

Mais attendu qu'ayant retenu que, si la modification du plan local d'urbanisme intervenue le 28 septembre 2016 avait modifié le périmètre de la zone dans laquelle était située la parcelle expropriée, elle n'avait pas affecté les caractéristiques de cette zone, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cet acte modificatif ne pouvait pas être retenu pour fixer la date de référence au sens de l'article L. 213-4, a, du code de l'urbanisme ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Djikpa - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 213-4 du code de l'urbanisme.

Rapprochement(s) :

Sur l'absence d'influence de la modification du plan d'occupation des sols délimitant la zone dans laquelle est située le bien sans affecter ses caractéristiques, à rapprocher : 3e Civ., 28 janvier 2009, pourvoi n° 08-10.333, Bull. 2009, III, n° 26 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 17 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.076, Bull. 2014, III, n° 109 (cassation partielle).

3e Civ., 13 juin 2019, n° 17-27.868, (P)

Rejet

Ordonnance d'expropriation – Pièces annexées – Document d'arpentage

N'est pas atteinte d'un vice de forme l'ordonnance du juge de l'expropriation dont les annexes jointes, établies après un document d'arpentage, délimitent avec précision la fraction expropriée de la parcelle dans sa superficie et indiquent les désignations cadastrales de cette parcelle, ainsi que sa nature, sa contenance et sa situation.

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu que Mme I... Q... s'est pourvue en cassation contre l'ordonnance du juge de l'expropriation du département du Gard du 3 août 2017 ayant ordonné le transfert de propriété, au profit du conseil départemental du Gard, d'une partie d'une parcelle dont elle est propriétaire en indivision avec M. B... Q... ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte du dossier de la procédure que le dépôt du dossier des enquêtes préalable à la déclaration d'utilité publique et parcellaire à la mairie a été notifié à Mme Q... par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée à l'adresse mentionnée dans l'état parcellaire et délivrée le 18 février 2017, sans qu'il soit établi que l'autorité expropriante ait eu connaissance à cette date d'une autre adresse, et que les enquêtes publiques se sont déroulées du 6 au 24 mars 2017 inclus ;

Attendu, d'autre part, que les annexes jointes à l'ordonnance et établies après un document d'arpentage délimitent avec précision la fraction expropriée de la parcelle dans sa superficie et indiquent les désignations cadastrales de cette parcelle, ainsi que sa nature, sa contenance et sa situation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Q... aux dépens.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Renard - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Piwnica et Molinié -

Rapprochement(s) :

Sur la réalisation préalable d'un document d'arpentage désignant les parcelles conformément à leur numérotation en cas d'expropriation partielle, à rapprocher : CE, 09 juillet 2018, n°406696, publié au Recueil Lebon.

3e Civ., 13 juin 2019, n° 18-13.287, (P)

Cassation partielle

Protection des occupants – Droit au relogement – Bâtiments menaçant ruine ou insalubres – Droits de priorité et de préférence – Possibilité – Portée

L'occupant exproprié en vertu de la procédure spéciale d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine régie par les articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique bénéficie des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L. 423-1 à L. 423-5 de ce code.

Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui déclare irrecevable la demande d'un occupant, exproprié selon cette procédure, tendant au bénéfice de ces droits, au motif que cette demande ne résulte pas des textes applicables.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 511-2, L. 511-9 et L. 423-1 à L. 423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 décembre 2017), que, ayant poursuivi l'expropriation pour cause d'utilité publique d'un immeuble déclaré insalubre, la commune de Nanterre a saisi le juge de l'expropriation, statuant en la forme des référés, pour voir ordonner l'expulsion de M. O... de l'appartement dont il était propriétaire dans l'immeuble exproprié ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de M. O... tendant à ce qu'il soit fait injonction à la commune de Nanterre, sous astreinte, de le faire bénéficier d'un droit de priorité et de préférence, l'arrêt, après avoir prononcé son expulsion, retient que cette demande ne résulte pas des textes applicables ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'occupant exproprié en vertu de la procédure spéciale d'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine bénéficie des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L. 423-1 à L. 423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. O... tendant à se voir reconnaître un droit de préférence sous astreinte journalière, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; articles L. 423-1 à L. 423-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

3e Civ., 13 juin 2019, n° 18-14.225, (P)

Cassation sans renvoi

Transfert de propriété – Ordonnance d'expropriation – Pouvoir du juge – Document d'arpentage – Défaut – Effet

En l'absence de document d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle, le juge de l'expropriation ne peut ordonner le transfert de propriété des parcelles.

Sur le moyen unique :

Vu les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

Attendu que l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

Que l'article 7, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1955 prévoit que, lorsqu'il y a division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division ;

Que le dernier alinéa de cet article dispose que, dans la plupart des cas, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre ;

Que l'article 25 du décret du 30 avril 1955 relatif à la conservation du cadastre précise que tout changement de limite de propriété doit être constaté par un document d'arpentage qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété ;

Attendu qu'il résulte de ces textes qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document ;

Attendu que, pour transférer, au profit de la commune de Millau, des parcelles appartenant à Mmes D... F..., Q... F..., M... F... et L... U..., à M. N... U... et à M. et Mme P..., l'ordonnance attaquée (juge de l'expropriation du département de l'Aveyron, 28 décembre 2017) désigne les biens expropriés en annexant un état parcellaire ;

Qu'en statuant ainsi, en l'absence de document d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés ;

D'où il suit que l'ordonnance est entachée d'un vice de forme qui doit en faire prononcer l'annulation ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 28 décembre 2017, entre les parties, par le juge de l'expropriation du département de l'Aveyron ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Renard - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Articles R. 221-4, R. 132-2 et R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Rapprochement(s) :

Sur la réalisation préalable d'un document d'arpentage désignant les parcelles conformément à leur numérotation en cas d'expropriation partielle, à rapprocher : CE, 9 juillet 2018, n° 406696, publié au Recueil Lebon.

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