Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 26 juin 2019, n° 17-31.236, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Clôture – Clôture pour insuffisance d'actif – Droit de poursuite individuelle – Conditions – Fraude du débiteur – Déclaration de la créance – Nécessité (non)

Il résulte de la combinaison de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, selon lequel, en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur, et de l'article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, selon lequel les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun, textes qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles.

Liquidation judiciaire – Clôture – Clôture pour insuffisance d'actif – Droit de poursuite individuelle – Conditions – Fraude du débiteur – Intention de nuire au créancier – Nécessité (non)

La fraude prévue à l'article L. 643-11, IV, du code de commerce n'impose pas que soit établie l'intention du débiteur de nuire au créancier.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2017), que M. O... a consenti un prêt à M. Y..., lequel a été mis en liquidation judiciaire le 13 février 2014 ; que M. O... l'ayant assigné le 29 février 2016 aux fins d'obtenir le remboursement de sa créance, M. Y... l'a informé, quinze jours avant l'audience, de l'existence de la procédure collective ; que M. O... a demandé à être autorisé à reprendre, après la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, son action individuelle ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de retenir qu'il a eu un comportement frauduleux à l'égard de son créancier M. O... au sens de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce et d'autoriser en conséquence la reprise des poursuites de ce dernier alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; que seuls les créanciers dont les créances préalablement déclarées ont été admises ou n'ont pas été vérifiées, peuvent mettre en oeuvre leur droit de poursuite individuelle ; qu'en l'espèce, la cour a constaté que M. O... n'avait pu être avisé de l'existence de la procédure collective ouverte à l'encontre de M. Y... et avait de ce fait été privé de la possibilité d'effectuer une déclaration de créance ; qu'en autorisant néanmoins la reprise des poursuites de M. O... à l'encontre de M. Y... pour recouvrer une créance qui n'avait pas été déclarée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, par fausse application, ensemble les articles L. 643-11, V, et L. 622-26 du même code, par défaut d'application ;

2°/ que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; qu'il est fait exception à cette règle en cas de fraude du débiteur à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ; que la fraude suppose l'intention de nuire au créancier ; qu'en l'espèce, pour autoriser la reprise des poursuites de M. O... à l'encontre de M. Y... après la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif, la cour a estimé que M. Y... avait eu un comportement frauduleux à l'encontre de son créancier, en lui dissimulant l'ouverture d'une procédure de liquidation à son encontre et en omettant de mentionner la créance de M. O... dans la liste des créances remise au liquidateur ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à établir la volonté de nuire de M. Y..., seule de nature à caractériser la fraude, qui ne peut résulter d'une simple dissimulation de la créance de M. O..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur ; que, selon l'article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles ; que le moyen, en sa première branche, repose donc sur un postulat erroné ;

Et attendu, d'autre part, que la fraude prévue à l'article L. 643-11, IV, du code de commerce n'impose pas que soit établie l'intention du débiteur de nuire au créancier ; que la cour d'appel a relevé que M. Y... se savait débiteur à l'égard de M. O... compte tenu d'une reconnaissance de dette qu'il avait souscrite le 1er juillet 2011, qu'il avait reçu une première demande de remboursement dès le mois de décembre 2014, qu'il avait fait la promesse de rembourser au plus tard en avril 2015 sans procéder au remboursement prévu, bien que s'étant vu rappeler à plusieurs reprises son obligation, que c'est seulement à la suite de son assignation qu'il avait informé M. O... de la procédure de liquidation dont il faisait l'objet depuis le 13 février 2014 et qu'il avait ainsi dissimulé de façon déloyale sa véritable situation tant à ce dernier qu'au liquidateur puisqu'il n'avait pas fait apparaître ce créancier sur la liste des créanciers ; qu'en l'état de ces constatations souveraines, dont elle a déduit que M. Y... avait commis une fraude à l'égard de M. O..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles L. 643-11, IV, et L. 643-11, V, alinéa 2, du code de commerce ; article L. 643-11, IV, du code de commerce.

Com., 13 juin 2019, n° 17-24.587, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Jugement – Effets – Arrêt des poursuites individuelles – Domaine d'application – Créance née d'une prestation compensatoire – Portée

La créance née d'une prestation compensatoire, qui présente, pour partie, un caractère alimentaire, si elle échappe à la règle de l'interdiction des paiements, demeure soumise à celle de l'interdiction des poursuites.

Dès lors, en cas de liquidation judiciaire de son débiteur, elle doit, en principe, être payée hors procédure collective, c'est-à-dire sur les revenus dont celui-ci conserve la libre disposition, ou être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires, sans que son règlement puisse intervenir sur les fonds disponibles dans la procédure.

Le créancier d'une prestation compensatoire peut cependant, et en outre, être admis aux répartitions, mais à la condition qu'il ait déclaré sa créance, comme il en a la faculté, la participation d'un créancier à la distribution de sommes par le liquidateur étant subordonnée à la déclaration de sa créance, sauf dérogation légale expresse, laquelle ne résulte pas de la simple absence de soumission des créances alimentaires aux dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce prévue par le dernier alinéa de ce texte, ce dernier n'ayant ni pour objet ni pour effet de permettre à leur titulaire de concourir aux répartitions sans déclaration de créance.

Liquidation judiciaire – Jugement – Déclaration des créances – Domaine d'application – Créance née d'une prestation compensatoire – Faculté

Donne acte à M. T... du désistement de son pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 janvier 2017), qu'un jugement du 6 juillet 2009 a prononcé le divorce de M. T... et Mme Y... ; que le 31 octobre 2013, M. T... a été mis en liquidation judiciaire, la SCP D...-F...-I... étant nommée liquidateur ; qu'après avoir déclaré au passif une créance de prestation compensatoire, Mme Y... s'est désistée de sa déclaration et a saisi le juge-commissaire d'une requête afin d'obtenir, sur les fonds détenus par le liquidateur, le paiement d'une provision à valoir sur cette créance ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de provision formée contre le liquidateur alors, selon le moyen, que les interdictions de payer qui concernent les créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ne sont pas applicables aux créances alimentaires, qui doivent être payées sans devoir être déclarées au passif du débiteur ; que ce paiement peut être réalisé sur l'ensemble des fonds du débiteur, même sur ceux affectés à la procédure collective ; qu'en considérant au contraire que la créance alimentaire de Mme Y... T... ne pouvait pas être recouvrée sur les sommes et actifs soumis au dessaisissement, la cour d'appel a violé l'article L. 622-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, ensemble l'article L. 622-24 du même code ;

Mais attendu que la créance née d'une prestation compensatoire, qui présente, pour partie, un caractère alimentaire, si elle échappe à la règle de l'interdiction des paiements, demeure soumise à celle de l'interdiction des poursuites ; que, dès lors, en cas de liquidation judiciaire de son débiteur, elle doit, en principe, être payée hors procédure collective, c'est-à-dire sur les revenus dont celui-ci conserve la libre disposition, ou être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires, sans que son règlement puisse intervenir sur les fonds disponibles dans la procédure ; que le créancier d'une prestation compensatoire peut cependant, et en outre, être admis aux répartitions, mais à la condition qu'il ait déclaré sa créance, comme il en a la faculté, la participation d'un créancier à la distribution de sommes par le liquidateur étant subordonnée à la déclaration de sa créance, sauf dérogation légale expresse, laquelle ne résulte pas de la simple absence de soumission des créances alimentaires aux dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce prévue par le dernier alinéa de ce texte, ce dernier n'ayant ni pour objet ni pour effet de permettre à leur titulaire de concourir aux répartitions sans déclaration de créance ; qu'ayant relevé que Mme Y... avait renoncé à la déclaration de sa créance pour saisir le juge-commissaire d'une demande de provision à valoir sur le montant de celle-ci payable sur les fonds détenus par le liquidateur, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté cette demande ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Boulloche ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 622-24 du code de commerce.

Com., 13 juin 2019, n° 18-10.688, (P)

Rejet

Prévention des difficultés – Procédure de conciliation ou de mandat ad hoc – Débat d'intérêt général – Exception – Faute – Publication d'informations soumises à la confidentialité par l'article L. 611-15 du code de commerce

En imposant un devoir de confidentialité à toutes les personnes appelées à une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc ou qui, par leurs fonctions, en ont connaissance, l'article L. 611-15 du code de commerce a posé le principe de la confidentialité des informations relatives à ces procédures, qui se justifie par la nécessité de protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises qui y recourent. L'effectivité de ce principe ne serait pas assurée si ce texte ne conduisait pas à ériger en faute la divulgation, par des organes de presse, hormis dans l'hypothèse d'un débat d'intérêt général, des informations ainsi protégées.

Si des restrictions ne peuvent être apportées à la liberté d'expression qu'à condition d'être prévues par des dispositions légales précises, accessibles et prévisibles, ne peut utilement invoquer l'imprévisibilité de la restriction concernant la diffusion par un journaliste ou un organe de presse des informations relatives à une procédure de conciliation la société qui ne pouvait ignorer qu'elle publiait des informations protégées car relatives à une telle procédure et que, ce faisant, elle risquait de causer un grave préjudice aux sociétés concernées et d'engager ainsi sa responsabilité civile.

La réparation fondée sur les dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, devant être à la mesure du préjudice subi, ne peut être disproportionnée.

Ne sont pas justifiées par un débat sur des questions d'intérêt général et ne contribuent pas à la nécessité d'en informer le public les informations relatives à une procédure de conciliation, précises et chiffrées, portant sur le contenu même des négociations en cours et leur avancée, lesquelles intéressent, non le public en général, mais les cocontractants et partenaires des sociétés en recherche de protection.

Prévention des difficultés – Procédure de conciliation – Informations relatives à une procédure de conciliation – Diffusion par un journaliste ou un organe de presse – Liberté d'expression – Restriction – Imprévisibilité (non)

Prévention des difficultés – Procédure de conciliation – Devoir de confidentialité – Contenu des négociations et de leur avancée – Informations précises et chiffrées – Absence d'information du public sur une question d'intérêt général

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 septembre 2017), que par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la société FHB a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce ; que par plusieurs articles publiés en ligne sur son site Debtwire, spécialisé dans le suivi de l'endettement des entreprises et consultable par abonnement, la société Mergermarket Limited (la société Mergermarket) a rendu compte de l'évolution des procédures en cours et exposé les négociations engagées avec les créanciers des sociétés du groupe, citant des données chiffrées sur la situation financière des sociétés ; que les 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe ainsi que le conciliateur ont assigné la société Mergermarket devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l'ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l'interdiction de publier d'autres articles ; que le juge des référés ayant fait droit à leur demande, elles ont ensuite assigné la société Mergermarket en indemnisation des préjudices subis du fait de la publication des articles litigieux ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Mergermarket fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité et de la condamner à payer aux sociétés du groupe des dommages-intérêts alors, selon le moyen, que la déclaration de non conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 611-15 du code de commerce telles qu'interprétées par la Cour de cassation, en tant qu'elles permettent d'engager la responsabilité civile extracontractuelle d'un organe de presse pour avoir diffusé une information relevant de l'obligation de confidentialité qui n'est pourtant prévue par ce texte qu'à l'égard des seules personnes qui participent au mandat ad hoc ou à la procédure de conciliation, privera la décision attaquée de son fondement légal ;

Mais attendu que la Cour de cassation ayant, par un arrêt n° 949 FS-D du 4 octobre 2018, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 611-15 du code de commerce, le moyen est sans portée ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Mergermarket fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que des restrictions ne peuvent être apportées à la liberté d'expression que si elles sont prévues par la loi ; que n'est pas prévue par l'article L. 611-15 du code de commerce, lequel impose une obligation de confidentialité aux personnes appelées à une procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par leurs fonctions, en ont connaissance, ni par aucune autre disposition légale, l'interdiction faite à un tiers à ce mandat ou à cette procédure, notamment un journaliste ou un organe de presse, de révéler au public une information relevant de cette obligation de confidentialité sous peine d'engager sa responsabilité civile et d'être appelé à indemniser les conséquences dommageables de la rupture de cette obligation de confidentialité ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'article L. 611-15 précité et l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que des restrictions ne peuvent être apportées à la liberté d'expression que si elles sont prévues par des dispositions légales précises, accessibles et prévisibles ; que les dispositions de l'article L. 611-15 du code de commerce, même éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé leur adoption, ne permettaient aucunement de prévoir, à la date des publications litigieuses, que les informations relatives à une procédure de conciliation seraient par nature confidentielles et que leur diffusion par un journaliste ou par un organe de presse pourrait constituer une faute civile susceptible d'engager la responsabilité civile de ces derniers ; qu'en faisant application de cette disposition, la cour d'appel a méconnu l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen pris de ce que la restriction à la liberté d'expression que constitue l'engagement de la responsabilité civile de l'organe de presse en cas de diffusion d'une information relevant de l'obligation de confidentialité prévue par l'article L. 611-15 du code de commerce n'était pas applicable au litige en raison de son imprévisibilité à la date des publications litigieuses, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en imposant un devoir de confidentialité à toutes les personnes appelées à une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc ou qui, par leurs fonctions, en ont connaissance, l'article L. 611-15 du code de commerce a posé le principe de la confidentialité des informations relatives à ces procédures, qui se justifie par la nécessité de protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises qui y recourent ; que l'effectivité de ce principe ne serait pas assurée si ce texte ne conduisait pas à ériger en faute la divulgation, par des organes de presse, hormis dans l'hypothèse d'un débat d'intérêt général, des informations ainsi protégées ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que la faute reprochée à la société Mergermarket procédait de la méconnaissance du texte précité ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que la société Mergermarket ne pouvait ignorer qu'elle publiait des informations protégées et que, ce faisant, elle risquait de causer un grave préjudice aux sociétés du groupe Consolis et, ainsi, d'engager sa responsabilité civile, la cour d'appel a justement écarté le grief pris de l'imprévisibilité de la règle légale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Mergermarket fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que si le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises imposé, notamment, par l'article L. 611-15 du code de commerce, fait obstacle à la diffusion par voie de presse d'informations s'y rapportant, c'est à la condition que cette diffusion ne contribue pas à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général ; que relèvent d'un débat d'intérêt général les difficultés rencontrées au lendemain de la crise financière de 2008 par les entreprises ayant fait l'objet de LBO (leveraged buy-out, soit achat avec effet de levier) hautement spéculatifs pour restructurer leurs dettes et contribuent à ce débat les informations précises et chiffrées concernant les négociations au cours d'une procédure amiable, dont la presse avait déjà fait écho, d'un important groupe de sociétés dont les difficultés en ce domaine étaient connues ; qu'en déniant aux informations relatives à ces négociations toute contribution à ce débat d'intérêt général, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu les articles L. 611-15 du code de commerce et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que si le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises imposé, notamment, par l'article L. 611-15 du code de commerce, fait obstacle à la diffusion par voie de presse d'informations s'y rapportant, c'est à la condition que cette diffusion ne contribue pas à la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général ; qu'il n'est pas nécessaire, pour contribuer à un débat sur une question d'intérêt général, que la publication soit dédiée à cette question ou en traite directement et explicitement le sujet, dès lors que les informations diffusées s'y rapportent et sont utiles à sa compréhension ; qu'en exigeant que la publication traite de la question d'intérêt général relative à la résistance des LBO à la crise et aux difficultés que certaines entreprises acquises par ce procédé peuvent rencontrer là où il suffisait que les informations, précises et chiffrées relatives au contenu des négociations en cours contribuent au débat relatif à cette question, la cour d'appel a méconnu les articles L. 611-15 du code de commerce et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'une publication de presse est susceptible de contribuer à un débat sur une question d'intérêt général au regard du contenu et du contexte de cette question et des informations qui s'y rapportent, indépendamment du nombre et de la qualité de ses destinataires et de l'utilité que certains peuvent y trouver pour la protection de leurs intérêts personnels ; qu'en tenant pour exclusive de toute contribution à un débat relatif à une question d'intérêt général la circonstance que les informations avaient été publiées dans une presse spécialisée dont certains lecteurs étaient concernés par les sociétés faisant l'objet de la procédure de conciliation, et non par un large public, la cour d'appel a méconnu les articles L. 611-15 du code de commerce et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que la liberté d'information vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent y compris celles qui, en matière financière, peuvent avoir des répercussions négatives sur les intérêts des entreprises ; qu'en tenant pour exclusive de toute contribution à un débat relatif à une question d'intérêt général la circonstance que la diffusion des informations avait compromis le cours normal et l'efficacité de la procédure et avait porté une atteinte à la liberté d'entreprise et au droit de prendre les mesures nécessaires à la pérennité d'une entreprise et de bénéficier de procédures de prévention, la cour d'appel a méconnu les articles L. 611-15 du code de commerce et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ qu'une condamnation à verser des dommages-intérêts à raison de la publication d'informations par nature confidentielle ne peut être prononcée que dans la mesure où elle constitue une restriction nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite de l'un des buts légitimes énumérés par l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'appréciation du caractère nécessaire de cette restriction doit tenir compte, non seulement de la nature des intérêts en présence, parmi lesquels le droit du public à l'information sur une question d'intérêt général et l'intérêt d'assurer à certaines informations une confidentialité absolue, mais également le comportement du journaliste, notamment la manière dont il est entré en possession des informations et la forme des publications en litige, ainsi que la proportionnalité de la sanction prononcée ; qu'en se bornant à constater que la publication des informations n'était pas justifiée par un débat sur des questions d'intérêt général, sans tenir compte du comportement de l'organe de presse et du montant des condamnations, qui s'est élevé à la somme totale de 175 854,09 euros pour les seuls dommages-intérêts, la cour d'appel a méconnu l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que cette réparation, devant être à la mesure du préjudice subi, ne peut être disproportionnée ; qu'ayant retenu qu'en divulguant des informations qu'elle savait couvertes par la confidentialité sans que cette divulgation soit justifiée par la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général, la société Mergermarket avait commis une faute à l'origine d'un préjudice, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans avoir à effectuer la recherche invoquée par la cinquième branche que la cour d'appel a évalué le montant de la réparation propre à indemniser ce préjudice ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que si la question de la résistance des opérations d'achat avec effet de levier (LBO) à la crise et les difficultés que des sociétés ainsi financées peuvent connaître relève d'un débat d'intérêt général, dont plusieurs journaux s'étaient déjà fait l'écho, mais en se contentant d'informations générales, n'informant le public que de l'existence de procédures en cours, tel n'est pas le cas des informations dont la publication est reprochée au site Debtwire, qui sont précises et chiffrées et portent sur le contenu même des négociations en cours et leur avancée, ces informations intéressant, non le public en général, mais les cocontractants et partenaires de ces sociétés en recherche de protection ;

que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que les informations divulguées n'étaient pas justifiées par un débat sur des questions d'intérêt général et ne contribuaient pas à la nécessité d'en informer le public ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article L. 611-15 du code de commerce ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-11.500, Bull. 2015, IV, n° 169 (cassation partielle) ; Com., 13 février 2019, pourvoi n° 17-18.049, Bull. 2019, IV, (rejet).

Soc., 12 juin 2019, n° 17-26.197, (P)

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Organes de la procédure – Tribunal – Compétence matérielle – Etendue – Nullité des actes de la période suspecte – Transaction – Action en nullité

L'action en nullité d'une transaction, fondée sur l'article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie, est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique et relève, par conséquent, de la compétence spéciale et d'ordre public du tribunal de la procédure collective édictée à l'article R. 662-3 du code de commerce.

Organes – Liquidateur – Pouvoirs – Période suspecte – Action en nullité – Représentation de l'intérêt collectif des créanciers

Lorsque le liquidateur judiciaire demande la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce, il ne se substitue pas au débiteur dessaisi ayant la qualité d'employeur pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de sorte que cette dernière ne peut relever de la compétence du conseil de prud'hommes fondée sur la qualité d'employeur d'une des parties.

Liquidation judiciaire – Nullité des actes de la période suspecte – Action en nullité – Action exercée par le liquidateur judiciaire – Tribunal compétent – Tribunal de la procédure collective – Fondement – Action exercée au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur contredit (Colmar, 19 juillet 2017), que M. X... a été engagé le 1er avril 2011 par l'Union des coopérateurs d'Alsace en qualité de directeur des ressources humaines ; que le 21 mars 2014, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour motif économique et par accord transactionnel conclu fin mars 2014, il a bénéficié d'une indemnité de 267 000 euros ; que l'Union des coopérateurs d'Alsace a été placée en redressement judiciaire le 20 octobre 2014, puis en liquidation judiciaire le 30 mars 2015, la date de cessation des paiements étant fixée au 20 avril 2013 et Mme G... étant désignée en qualité de liquidateur ; qu'elle a fait citer le salarié devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir la nullité de la transaction et sa condamnation à rembourser l'indemnité versée ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 1411-1 du code du travail instaure une compétence exclusive d'attribution au profit du conseil de prud'hommes pour les différends pouvant s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ; que le différend relatif au déséquilibre des obligations des parties à un accord transactionnel réglant les conséquences de la rupture du contrat de travail relève de la compétence exclusive du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, l'action de Mme G..., ès qualités de mandataire liquidateur, tendait à faire prononcer la nullité de la transaction conclue à l'occasion du licenciement économique de M. X... et, par voie de conséquence, à voir condamner ce dernier à rembourser la somme de 267 000 euros sur le fondement des articles L. 632-1 et L. 641-14 du code de commerce dont il résulte que sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de la cessation des paiements, les contrats commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le conseil de prud'hommes restait exclusivement compétent pour apprécier le prétendu déséquilibre des obligations prévues dans l'accord transactionnel conclu entre M. X... et l'UCA, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 du code du travail et R. 662-3 du code de commerce ;

2°/ qu'indépendamment de la nullité relative qu'elle encourt lorsqu'elle est conclue avant la notification du licenciement et dont le salarié est seul à pouvoir se prévaloir, la transaction peut aussi être annulée à la demande de l'une ou l'autre des parties, notamment en cas d'erreur sur la personne ou sur l'objet de la contestation ainsi que dans tous les cas où il y a dol ou violence ; qu'en l'espèce, l'action de Mme G..., ès qualités de mandataire liquidateur, tendait à faire prononcer la nullité de la transaction conclue à l'occasion du licenciement économique de M. X... et, par voie de conséquence, à voir condamner ce dernier à rembourser la somme de 267 000 euros sur le fondement des articles L. 632-1 et L. 641-14 du code de commerce dont il résulte que sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de la cessation des paiements, les contrats commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception d'incompétence au profit du conseil de prud'hommes, que Mme G..., mandataire liquidateur de la société qui a employé M. X..., n'ayant pas la qualité de salarié, elle serait irrecevable à saisir le conseil de prud'hommes de sa demande en nullité, et ne pouvait donc agir que devant le tribunal de la faillite, la cour d'appel a violé l'article 2044 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 1411-1 du code du travail et R. 662-3 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt énonce exactement que l'action en nullité de la transaction, fondée sur l'article L. 632-1 I 2°, du code de commerce selon lequel est nul tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie, est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique et qu'elle relève, par conséquent de la compétence spéciale et d'ordre public du tribunal de la procédure collective édictée à l'article R. 662-3 du code de commerce, qui déroge aux règles de compétence de droit commun ;

Attendu, d'autre part, que le liquidateur qui demande à titre principal la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 632-1 I 2°, du code de commerce ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers de sorte que le moyen qui soutient que le liquidateur a agi en qualité de représentant de l'employeur, partie à la transaction, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvet (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pietton - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce ; article R. 662-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence du tribunal de la procédure collective lorsqu'une action en justice est née de la procédure collective et soumise à son influence juridique, à rapprocher : Com., 18 mai 2017, pourvoi n° 15-23.973, Bull. 2017, IV, n° 74 (rejet), et l'arrêt cité. Sur le principe selon lequel le liquidateur judiciaire exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers lorsqu'il demande la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions de l'article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce, à rapprocher : Com., 17 novembre 2015, pourvoi n° 14-16.012, Bull. 2015, IV, n° 157 (rejet).

Com., 12 juin 2019, n° 17-25.753, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Patrimoine – Créance – Admission – Créance fiscale – Titres exécutoires émis ou notifiés postérieurement ou jugement d'ouverture

Pour parvenir à l'établissement définitif de ses créances dans le délai prévu par l'article L. 624-1 du code de commerce, le Trésor public peut émettre et notifier des titres exécutoires postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du redevable.

En conséquence, viole les articles L. 622-24 et R. 624-6 du code de commerce la cour d'appel qui limite le montant de l'admission de la créance déclarée par un comptable public aux motifs que la signification de l'avis de recouvrement de cette créance ne peut produire aucun effet puisqu'elle est postérieure à l'ouverture de la procédure collective.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de contrôles fiscaux portant sur les années 2000 à 2008, plusieurs avis de mise en recouvrement, représentant des rappels de TVA, ont été émis à l'encontre de M. E... ; que celui-ci ayant été mis en redressement judiciaire le 5 mars 2008, le comptable du service des impôts des entreprises de Bonneville (le comptable du SIE) a déclaré une créance à titre privilégié de 152 228,59 euros ;

Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Haute-Savoie, venant aux droits du comptable du SIE, fait grief à l'arrêt de limiter l'admission de sa créance au passif de la procédure collective à la somme de 92 476,11 euros au titre de la TVA alors, selon le moyen, qu'en considérant qu'un avis de réception portant la mention « avisé » ne répond pas à la prescription de l'article R. 256-7 du livre des procédures fiscales et que l'avis de mise en recouvrement ainsi notifié ne peut produire d'effet, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;

Mais attendu que, selon l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales, lorsque la lettre recommandée de notification de l'avis de mise en recouvrement ne peut, pour quelque cause que ce soit, être remise au redevable destinataire, le pli non distribué doit être renvoyé par la Poste au service compétent de la direction générale des finances publiques, annoté, d'une part, de la date de sa première présentation et, d'autre part, du motif de sa non-délivrance, et qu'aux termes de l'article R. 256-7b) du même livre, l'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié, lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation ; qu'ayant relevé que l'avis de réception de l'avis de mise en recouvrement, constituant la pièce n° 11, portait la mention « avisé le 6 février 2003 » à l'exclusion de toute indication relative à une vaine présentation, l'arrêt en a exactement déduit qu'une telle notification était irrégulière ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens, ni sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 622-24 et R. 624-6 du code de commerce et l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que pour limiter à 92 476,11 euros le montant de l'admission de la créance du comptable du SIE, l'arrêt retient que la signification de l'avis de mise en recouvrement effectuée le 2 juillet 2008 ne peut produire aucun effet puisqu'elle est postérieure à l'ouverture de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour parvenir à l'établissement définitif de ses créances dans le délai prévu par l'article L. 624-1 du code de commerce, le Trésor public peut émettre et notifier des titres exécutoires postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du redevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, rejetant le surplus des demandes du service des impôts des entreprises de Bonneville, il limite à la somme de 92 476,11 euros l'admission de la créance représentée par l'avis de mise en recouvrement notifié le 2 juillet 2008, l'arrêt rendu le 4 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vaissette - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 624-1, L. 622-24 et R. 624-6 du code de commerce.

Com., 26 juin 2019, n° 17-27.498, (P)

Cassation

Redressement judiciaire – Période d'observation – Conversion du redressement en liquidation – Procédure – Convocation du débiteur – Nécessité – Portée

Dès lors qu'aux termes de l'article L. 631-15, II, du code de commerce, le tribunal ne peut statuer sur l'ouverture de la liquidation du débiteur qu'après avoir entendu ou dûment appelé celui-ci à cette fin, la mention, dans un jugement prononçant le redressement judiciaire d'une société, du rappel de l'affaire à une audience ultérieure, pour qu'il soit statué conformément aux dispositions de l'article L. 631-15 du code de commerce sur la poursuite de la période d'observation, ne constitue pas une convocation régulière de la société débitrice.

Si, en application de l'article 562 du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, il en va différemment lorsque le premier juge a statué en l'absence de convocation régulière du défendeur non comparant et que celui-ci n'a pas conclu à titre principal au fond en appel.

En conséquence, lorsqu'une société débitrice conclut à titre principal à l'annulation du jugement de conversion faute pour elle d'avoir été régulièrement convoquée, la cour d'appel saisie ne peut statuer au fond et prononcer sa liquidation judiciaire.

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 631-15, II, du code de commerce, ensemble l'article 562 du code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, le tribunal ne peut statuer sur l'ouverture de la liquidation judiciaire d'un débiteur qu'après avoir entendu ou dûment appelé celui-ci à cette fin, et que si, aux termes du second, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, il en va différemment lorsque le premier juge a statué en l'absence de convocation régulière du défendeur non comparant et que celui-ci n'a pas conclu à titre principal au fond en appel ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Mantille (la société) a été mise en redressement judiciaire par jugement du 2 juin 2016, l'affaire étant rappelée à une audience du 15 septembre 2016 « pour qu'il soit statué conformément aux dispositions de l'article L. 631-15 du code de commerce sur la poursuite de la période d'observation » ; que, par requête du 13 septembre 2016, l'administrateur judiciaire a demandé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ; qu'à la suite de l'audience du 15 septembre 2016, le tribunal a procédé à cette conversion ;

Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire de la société, l'arrêt retient que la saisine du tribunal était régulière, la société ayant été convoquée à l'audience du 15 septembre 2016 par le renvoi opéré par le dispositif du jugement du 2 juin 2016 et informée de son objet par la mention de l'article L. 631-15 du code de commerce qui s'y trouvait, de sorte qu'en dépit de l'annulation du jugement faute d'avis du juge-commissaire, la cour d'appel doit statuer au fond ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la mention, dans le jugement de renvoi du 2 juin 2016, du rappel de l'affaire à une audience ultérieure et l'indication, dans ce jugement, que le tribunal pourrait, au cours de cette nouvelle audience, statuer sur la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne constituaient pas une convocation régulière de la société débitrice, laquelle avait conclu, à titre principal, à l'annulation du jugement de conversion pour ce motif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Brahic-Lambrey - Avocat(s) : SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 631-15 du code de commerce ; article 562 du code de procédure civile.

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