Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

CASSATION

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-15.671, (P)

Rejet

Décisions susceptibles – Sécurité sociale – Assurances sociales – Tiers responsable – Indication des caisses d'affiliation – Omission – Nullité – Action en nullité

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 24 novembre 2017) que M. E... a été victime, le 15 février 2012, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule automobile conduit par Mme K..., assurée auprès de la société Prudence créole (l'assureur) ; qu'il a assigné celles-ci, ainsi que l'union des mutuelles de la fonction publique (la MFP services), en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que Mme K... et l'assureur font grief à l'arrêt de fixer le préjudice corporel global de M. E... à la somme de 131 235,55 euros et de les condamner in solidum à payer à M. E... la somme de 107 835,55 euros, compte tenu des provisions versées alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident de la circulation doit indiquer, en tout état de la procédure, sa qualité d'assuré social ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles elle est affiliée, et doit appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ; qu'à défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond peut être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y ont intérêt ; qu'en l'espèce, par acte des 11, 12 et 15 décembre 2014, M. E... a assigné Mme K..., son assureur la compagnie Prudence creole, et la MFP Services devant le tribunal de grande instance de Saint Denis, en indemnisation des préjudices causés par un accident de la circulation sur le trajet domicile/travail dont Mme K... était responsable, sans attraire la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (CGSSR) à laquelle il est affilié et qui lui avait versé une rente d'accident du travail ; qu'il a interjeté appel du jugement rendu par ce tribunal le 26 juin 2015 n'ayant que partiellement fait droit à ces demandes, sans davantage appeler la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion en la cause ; qu'il en résulte que l'arrêt attaqué encourt la nullité en application des dispositions susvisées ;

2°/ le poste de préjudice relatif aux pertes de gains professionnels futurs a pour seule fonction d'indemniser les pertes ou diminutions de revenus subis par la victime du fait dommageable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il résultait du rapport d'expertise que M. E..., qui effectuait des études de médecine, n'avait pu, en raison de l'accident, « valider le stage d'interne en médecine de six mois et qu'ainsi la possibilité d'exercer sa profession a été décalée de six mois » ; que ce préjudice résultant du démarrage tardif de son activité professionnelle ne s'analysait pas en une perte ou une diminution de revenus, la cour d'appel n'ayant pas constaté que les séquelles de l'accident auraient empêché M. E... d'exercer son activité de médecin, mais correspondait uniquement aux désagréments liés au décalage de six mois du début de son activité professionnelle ; qu'en allouant néanmoins à M. E... une somme de 63 383,25 euros correspondant à la totalité des sommes qu'il aurait perçues s'il avait travaillé pendant six mois entre novembre 2013 et mai 2014, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil (nouvel article 1240 du code civil), ensemble les articles 3 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu, d'une part, que l'action en annulation du jugement prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale lorsque la victime ou ses ayants droit ont omis d'appeler en déclaration de jugement commun la caisse de sécurité sociale concernée, ne peut être portée directement devant la Cour de cassation, ce dont il se déduit que la première branche est irrecevable ; que, d'autre part, la deuxième branche ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de l'étendue du préjudice qui a conduit la cour d'appel à évaluer comme elle l'a fait la perte de gains professionnels de M. E... après avoir constaté que celui-ci avait commencé à exercer son activité professionnelle de médecin généraliste en mai 2014, alors qu'il aurait pu travailler dès le mois de novembre 2013 si l'accident litigieux ne l'avait pas empêché de valider son stage d'interne en médecine ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Gelbard-Le Dauphin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 janvier 1991, pourvoi n° 89-13.575, Bull. 1991, II, n° 14 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 27 juin 2019, n° 17-17.354, (P)

Cassation

Juridiction de renvoi – Saisine – Délai – Computation – Jour de l'échéance – Samedi ou dimanche – Prorogation jusqu'au premier jour ouvrable – Applications diverses – Saisine de la cour d'appel de renvoi de Papeete

En application des articles 28 et 361 du code de procédure civile de la Polynésie française et 1034 du code de procédure civile, le délai de saisine de la cour de renvoi qui, en Polynésie française, expire un samedi, est prorogé au premier jour ouvrable suivant.

Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :

Attendu que M. O..., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. A..., fait valoir que le moyen est irrecevable, la SCI Heimata Nui (la SCI) n'ayant pas soutenu, devant les juges du fond, que le délai de quatre mois qui était lui était imparti pour saisir la cour de renvoi avait été prorogé jusqu'au 17 novembre 2014 ;

Mais attendu que le moyen tiré de la prorogation du délai pour saisir la cour d'appel de Papeete, statuant en qualité de juridiction de renvoi après cassation, était inclus dans le débat devant la cour d'appel portant sur la tardiveté de la saisine ;

D'où il suit que le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable ;

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu les articles 28 et 361 du code de procédure civile de la Polynésie française, ensemble l'article 1034 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un arrêt (3e Civ., 4 mars 2014, pourvoi n° 12-25.539) a cassé en toutes ses dispositions un arrêt de la cour d'appel de Papeete qui, confirmant un jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Papeete, avait condamné la SCI à verser au liquidateur à la liquidation judiciaire de M. A... une certaine somme représentant un solde de travaux impayé et le montant d'une retenue de garantie ; que la SCI, à qui l'arrêt de cassation avait été signifié le 15 juillet 2014, a saisi le 17 novembre 2014 la cour d'appel de Papeete, désignée comme cour de renvoi autrement composée ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la « requête d'appel sur renvoi de cassation » déposée par la SCI et conférer force de la chose jugée au jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Papeete le 18 juin 2010, l'arrêt, après avoir relevé que l'article 1014 du code de procédure civile était applicable à l'espèce, retient que l'arrêt de la Cour de cassation a été signifié à la SCI le 15 juillet 2014 et que la requête a été enregistrée au greffe de la cour d'appel de Papeete le 17 novembre 2014, soit au-delà du délai de quatre mois fixé par ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délai de quatre mois de saisine de la cour de renvoi expirait le samedi 15 novembre 2014, de sorte que le délai était prorogé au premier jour ouvrable suivant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Sommer - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 28 et 361 du code de procédure civile de la Polynésie française article 1034 du code de procédure civile.

2e Civ., 27 juin 2019, n° 17-28.111, (P)

Rejet

Pourvoi – Second pourvoi formé contre le même arrêt par le même demandeur – Déchéance du premier pourvoi – Recevabilité du second pourvoi formé avant l'ordonnance de déchéance

Le pourvoi formé après un premier pourvoi dirigé contre la même décision et les mêmes parties est recevable en application de l'article 621 du code de procédure civile dès lors que l'ordonnance constatant la déchéance du premier pourvoi est postérieure à la déclaration du second pourvoi.

Pourvoi – Pourvois successifs – Règle « pourvoi sur pourvoi ne vaut » – Exclusion – Cas

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 juin 2017), que M. et Mme D..., propriétaires d'une maison d'habitation, ont assigné la société Allianz IARD (la société), propriétaire d'une parcelle limitrophe, en réparation de désordres consécutifs à la construction d'un parking sur celle-ci qu'ils imputaient à cette société ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la société soutient que le pourvoi déclaré le 22 novembre 2017 est irrecevable en application de l'article 621 du code de procédure civile et de la règle « pourvoi sur pourvoi ne vaut », M. et Mme D... ayant déjà formé un premier pourvoi contre cet arrêt le 21 août 2017 dont la déchéance a été constatée par une ordonnance du premier président de la Cour de cassation du 29 mars 2018 ;

Mais attendu que le pourvoi est recevable en application de l'article 621 du code de procédure civile, l'ordonnance qui constate la déchéance du premier pourvoi étant postérieure à la déclaration du second pourvoi ;

Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :

Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande pour remédier aux désordres affectant leur propriété immobilière ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que M. et Mme D... n'apportaient pas la preuve de l'imputabilité des désordres aux travaux de réalisation du parking, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, et sans avoir à procéder à la recherche visée à la deuxième branche devenue inopérante, légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare le pourvoi recevable ;

Le REJETTE.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : Me Brouchot ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article 621 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Soc., 12 février 1992, pourvoi n° 89-41.645, Bull. 1992, V, n° 83 (cassation partielle), et les arrêts cités ; 1re Civ., 3 février 1998, pourvoi n° 96-16.029, Bull. 1998, I, n° 41 (irrecevabilité) ; 2e Civ., 4 décembre 2003, pourvoi n° 01-17.269, Bull. 2003, II, n° 360 (irrecevabilité).

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