Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

AVOCAT

1re Civ., 19 juin 2019, n° 18-12.671, (P)

Rejet

Barreau – Inscription au tableau – Conditions – Article 11, dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1971 – Titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat – Certificat délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 – Exclusion – Cas – Certificat délivré en algérie

Le droit d'inscription à un barreau français conféré par l'article 11, dernier alinéa, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, à un avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen est subordonné à la condition, soit d'être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, soit, à défaut, de subir les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français. Les connaissances en droit français exigées d'un avocat répondant à ces critères, aux fins de son inscription, et destinées à garantir les droits de la défense ainsi qu'une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises, ne peuvent être considérées comme acquises que si le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont celui-ci se prévaut a été délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Par suite, rejette à bon droit la demande d'inscription d'un avocat titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat délivré en Algérie, la cour d'appel qui relève que la condition édictée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, tenant à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, s'entend d'un titre délivré par les autorités françaises et que les programmes portant sur des matières dont les certificats d'aptitude à la profession d'avocat français et algérien sanctionnent la connaissance ne peuvent être identiques, dès lors que les droits enseignés en vertu de ces programmes sont différents.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 décembre 2017), que Mme L..., avocate titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat délivré en Algérie et inscrite au barreau d'Alger, a sollicité son inscription au barreau des Hauts-de-Seine, sur le fondement, notamment, de l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ;

Attendu que Mme L... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'alinéa 3 de l'article 15 du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 dispose que « les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée » ; que l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 subordonne l'accès à la profession d'avocat à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat sans exiger qu'il ait été délivré par les autorités françaises, ainsi que l'arrêt le constate, si bien qu'en rejetant la demande de Mme L... motif pris de ce que le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont elle est titulaire lui a été délivré en Algérie, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les textes précités ;

2°/ qu'il résulte de l'article 5 de la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie que « les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen, sont valables de plein droit dans les deux pays » ; qu'en affirmant par un motif purement abstrait que les programmes du CAPA en France et en Algérie ne peuvent être délivrés dans les mêmes conditions de programme sans s'expliquer sur les différences concrètes faisant obstacle à la validité en France du diplôme obtenu par Mme L... en Algérie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu que l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 prévoit qu'à titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays peuvent demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée ; que, selon le dernier alinéa de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2018-310 du 27 avril 2018 relative à l'exercice par les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne de l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui, l'avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, s'il n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, doit subir, pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ;

Attendu que le droit d'inscription à un barreau français ainsi conféré par cette disposition à un avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen est subordonné à la condition, soit d'être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, soit, à défaut, de subir les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français ; que les connaissances en droit français exigées d'un avocat répondant à ces critères, aux fins de son inscription, et destinées à garantir les droits de la défense ainsi qu'une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises, ne peuvent être considérées comme acquises que si le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont celui-ci se prévaut a été délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que, par suite, en relevant que la condition édictée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, tenant à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, s'entend d'un titre délivré par les autorités françaises et que les programmes portant sur des matières dont les certificats d'aptitude à la profession d'avocat français et algérien sanctionnent la connaissance ne peuvent être identiques, dès lors que les droits enseignés en vertu de ces programmes sont différents, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par un motif purement abstrait, a rejeté à bon droit la demande d'inscription de Mme L... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Truchot - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ; article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

1re Civ., 19 juin 2019, n° 18-17.782, (P)

Cassation

Exercice de la profession – Avocat salarié – Contrat de travail – Litiges nés à l'occasion du contrat de travail – Compétence – Arbitrage du bâtonnier – Domaine d'application – Etendue – Cas – Demande formée par un avocat salarié – Condition

Viole les articles 7, alinéa 7, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 une cour d'appel qui, pour déclarer le bâtonnier incompétent pour connaître de la demande formée par un avocat salarié, précédemment employé en qualité de juriste salarié, tendant à la requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement abusif, retient que ses demandes financières portent uniquement sur les modalités d'exécution du contrat de juriste salarié, alors que, selon ses propres constatations, à la date de la rupture, l'intéressé était lié à son employeur par un contrat de travail d'avocat salarié, de sorte que le litige relevait, au moins pour partie, de la compétence du bâtonnier.

Bâtonnier – Saisine – Etendue – Litige né à l'occasion d'un contrat de travail – Applications diverses – Contrat de travail d'avocat salarié – Condition

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 7, alinéa 7, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention ainsi que ceux nés à l'occasion d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier, à charge d'appel devant la cour d'appel ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 novembre 2007, avec effet au 1er décembre 2007, M. B... a été embauché en qualité de juriste salarié par la société Fidal ; qu'il a sollicité, après huit années d'exercice, son inscription au tableau de l'ordre des avocats au barreau de Marseille et prêté serment le 6 juin 2016 ; qu'aucun contrat de travail d'avocat salarié n'ayant été régularisé entre les parties, un désaccord est apparu, en novembre 2016, à l'occasion de l'arrêté du décompte de rémunération afférent à l'exercice social clos et de la fixation de la fiche d'objectifs pour le nouvel exercice ; que, soutenant que son employeur lui avait imposé un nouveau mode de calcul pour sa part de rémunération variable, entraînant une diminution substantielle de ses revenus, M. B... a, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 22 décembre 2016, pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi le bâtonnier pour obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement abusif ;

Attendu que, pour déclarer le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille incompétent pour connaître du litige, après avoir relevé que M. B... reproche à la société Fidal un changement de son mode de rémunération, telle que prévue par le contrat à durée indéterminée du 8 novembre 2007 et ses avenants, l'arrêt retient que l'intégralité de ses demandes financières porte uniquement sur les modalités d'exécution de son contrat de juriste salarié et qu'il ne peut se prévaloir d'une modification de son contrat d'avocat salarié comme étant la suite d'un contrat de juriste ayant pris fin ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, à la date de la rupture, M. B... était lié à son employeur par un contrat de travail d'avocat salarié depuis le mois de juin 2016, de sorte que le litige relevait, au moins pour partie, de la compétence du bâtonnier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 7, alinéa 7, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de la compétence du bâtonnier pour connaître des litiges nés à l'occasion d'un contrat de travail d'un avocat, à rapprocher : Soc., 19 mai 1999, pourvoi n° 97-43.640, Bull. 1999, V, n° 226 (rejet) ; 1re Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 03-12.860, Bull. 2005, I, n° 422 (rejet).

1re Civ., 5 juin 2019, n° 18-13.843, (P)

Cassation partielle

Exercice de la profession – Consultations juridiques – Consultations gratuites en mairie – Conditions – Détermination

Il résulte de la combinaison des articles 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que tout avocat régulièrement inscrit à un barreau peut donner des consultations juridiques gratuites en mairie, sans que l'exercice de cette activité soit subordonné à l'autorisation préalable du conseil de l'ordre ni que cet avocat soit tenu de démontrer l'existence d'un besoin particulier ou d'un intérêt public local. Il a l'obligation, à l'occasion de ces consultations et sous le contrôle du conseil de l'ordre, de respecter les principes essentiels qui gouvernent sa profession.

Déontologie – Principes essentiels de la profession – Domaine d'application – Consultations juridiques gratuites en mairie – Portée

Conseil de l'ordre – Autorisation préalable – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Projet d'un avocat de donner des consultations juridiques gratuites en mairie

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, ensemble les articles 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que tout avocat régulièrement inscrit à un barreau peut donner des consultations juridiques gratuites en mairie, sans que l'exercice de cette activité soit subordonné à l'autorisation préalable du conseil de l'ordre ni que cet avocat soit tenu de démontrer l'existence d'un besoin particulier ou d'un intérêt public local ; qu'il a l'obligation, à l'occasion de ces consultations et sous le contrôle du conseil de l'ordre, de respecter les principes essentiels qui gouvernent sa profession ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par délibération du 15 décembre 2016, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Bastia a rejeté la demande de Mme Y..., avocat audit barreau, tendant à dispenser des consultations juridiques gratuites dans les locaux de la mairie de la commune de Santa-Lucia-di-Moriani (la commune) ; que Mme Y... a formé un recours aux fins d'annulation de cette décision ; que le Syndicat des avocats de France est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu que, pour rejeter son recours, l'arrêt retient, d'une part, que, faute d'éléments permettant de connaître précisément les modalités d'intervention convenues entre Mme Y... et la commune pour dispenser ces consultations juridiques, il n'est pas possible de savoir si celles-ci généreront une concurrence déloyale et respecteront les règles de confidentialité, d'autre part, que l'existence d'un besoin local n'est pas démontrée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le recours formé par Mme Y..., l'arrêt rendu le 6 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; article 6 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ; articles 3 bis et 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité pour l'avocat de dispenser des consultations juridiques gratuites en dehors de son cabinet sous réserve du respect des règles déontologiques de la profession, à rapprocher : 1re Civ., 16 juillet 1985, pourvoi n° 84-14.834, Bull. 1985, I, n° 221 (rejet), et l'arrêt cité. Sur le principe de l'absence d'autorisation préalable du conseil de l'ordre quant au projet d'un avocat de donner des consultations juridiques gratuites en mairie, à rapprocher : 1re Civ., 29 avril 1980, pourvoi n° 79-11.988, Bull. 1980, I, n° 131 (2) (cassation partielle).

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