Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954, (P)

Cassation

Assurance-vie – Bénéficiaires – Modification ou substitution – Conditions – Détermination – Portée

Viole l'article L. 132-8 du code des assurances la cour d'appel qui juge qu'un écrit daté et signé comporte une intention révocatoire de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie et a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès, alors, d'une part, qu'elle constatait que cet écrit avait été envoyé à l'assureur postérieurement au décès de l'assuré, ce dont il résultait que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de celui-ci, d'autre part, qu'elle n'a pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que lors de son adhésion à la garantie décès d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit auprès de la société Gan vie (l'assureur), K... D... avait désigné son fils, M. Q... D... ou, à défaut, son épouse, Mme T... D..., comme bénéficiaire des sommes garanties ; qu'il avait fait part à l'assureur, dans une lettre du 20 juin 1982, de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse ; qu'à la suite du décès de son époux survenu le [...], Mme T... D... a obtenu de l'assureur le règlement du capital garanti, qui lui a été versé le 17 octobre 1991 ; que M. Q... D..., se prévalant de l'intention de son père de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d'assurance, a assigné Mme T... D... en restitution de ce capital ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 132-8 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; qu'en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; que cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant ; que cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ;

Attendu que, pour condamner Mme T... D... à payer à M. Q... D... la somme de 132 379,41 euros, l'arrêt retient que, par testament olographe en date du 10 août 1987, ce dernier a révoqué toute donation faite au profit de Mme T... D..., la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et a institué son fils légataire universel ; que, le 7 août 1987, le défunt avait écrit à son notaire pour désigner son fils comme seul et unique héritier ; que l'arrêt retient encore que K... D... avait expressément indiqué, dans un écrit daté du 29 juillet 1987 et signé, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe du 10 août 1987, comporte incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et a pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès à Mme T... D..., en lui substituant M. Q... D... ; que ce document est cohérent, dans un contexte de séparation des époux D..., avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visent à instituer son fils légataire de tous ses biens ; qu'en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, Mme T... D... a commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt ; qu'il résulte de cette faute un préjudice pour l'appelant équivalent au montant du capital-décès ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'écrit daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l'assureur le 18 octobre 1991, soit postérieurement au décès de K... D..., ce dont il résultait que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré, et alors qu'elle n'a pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe dont M. Q... D... aurait été fondé à se prévaloir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 132-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de modification du bénéficiaire d'une assurance-vie, à rapprocher : 2e Civ., 13 septembre 2007, pourvoi n° 06-18.199, Bull. 2007, II, n° 215 (cassation).

1re Civ., 26 juin 2019, n° 18-21.383, (P)

Cassation

Assurance-vie – Souscripteur – Epoux communs en biens – Dénouement du contrat au second décès – Valeur du contrat – Nature – Détermination – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, dans sa rédaction applicable à la cause, et 1401 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que X... R... et son épouse, B... G..., ont souscrit un contrat Aurineige n° [...] auprès de la société MMA Vie ; que l'épouse est décédée le [...], laissant pour lui succéder son mari, ses filles, N..., V... et E... R... et ses petits-enfants, S..., F... et T... R..., venant aux droits de leur père, Z... R..., prédécédé ; que X... R... est décédé le [...] ; que des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage ;

Attendu que, pour rejeter la demande de réintégration dans la masse active de la succession d'B... G..., de la moitié des fonds du contrat d'assurance sur la vie litigieux, l'arrêt retient qu'il résulte d'une lecture combinée des dispositions du contrat et de celles du code des assurances qu'au décès de son épouse, X... R... a été bénéficiaire du contrat qui constitue un propre pour celui-ci, peu important que les primes aient été payées par la communauté ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat s'était poursuivi avec X... R... en qualité de seul souscripteur, ce dont il résultait qu'il ne s'était pas dénoué au décès de l'épouse, que sa valeur constituait un actif de communauté et que la moitié de celle-ci devait être réintégrée à l'actif de la succession de la défunte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles 1134, dans sa rédaction applicable à la cause, et 1401 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la qualification d'actif de communauté de la valeur d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit par des époux communs en biens, avec dénouement au second décès, à rapprocher : 1re Civ., 31 mars 1992, pourvoi n° 90-16.343, Bull. 1992, I, n° 95 (2) (cassation partielle) ; 1re Civ., 19 avril 2005, pourvoi n° 02-10.985, Bull. 2005, I, n° 186 (2) (rejet).

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-17.907, (P)

Cassation

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Caractère discrétionnaire – Limite – Abus de droit – Appréciation – Moment

A eux seuls les manquements de l'assureur à son obligation d'information lors de la souscription du contrat d'assurance vie ne suffisent pas à exclure un détournement de la finalité de l'exercice par l'assuré de la faculté de renonciation ainsi prorogée prévue à l'article 132-5-2 du code des assurances, susceptible de caractériser un abus de ce droit.

Pour rechercher quelle était la finalité de l'exercice de son droit à renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, le juge doit se placer à la date d'exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète de l'assuré, de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement.

Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour condamner l'assureur à restituer à un assuré les sommes versées retient :

- que les nombreux manquements de cet assureur à son obligation d'information démontrent que l'assuré était nécessairement dans l'impossibilité de mesurer la portée de son engagement,

- qu'en outre, ni le nombre d'années écoulées entre la souscription et l'exercice de la faculté de renoncer, ni le seul constat de ce que la renonciation est exercée après la perte d'une partie du capital, ne sauraient pas plus à eux établir la mauvaise foi de l'assuré.

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Conditions – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 2 mars 2017, pourvoi n° X 16-16.667), que Mme Q... a adhéré le 7 janvier 2008 à un contrat collectif d'assurance sur la vie proposé par la société Inora life limited (l'assureur) ; que Mme Q... s'est prévalue, le 3 août 2011, de son droit à renonciation tel que prévu par l'article L. 132-5-1 du code des assurances, en invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation précontractuelle d'information ; que l'assureur ayant refusé de donner suite à sa demande, Mme Q... l'a assigné en restitution des sommes versées ;

Sur le moyen unique, pris en sa septième branche :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige ;

Attendu que, pour condamner l'assureur à restituer à Mme Q... la somme de 32 000 euros avec intérêts au taux légal majoré, l'arrêt retient que l'assureur ne saurait tirer, en l'espèce, aucune conséquence quant à la caractérisation d'un abus de droit du fait que celle-ci a répondu de façon positive à la question de savoir si elle avait bien compris le fonctionnement du support et au fait de savoir si elle pensait maintenir son investissement jusqu'à son terme en cas de fortes fluctuations des marchés financiers, les nombreux manquements de l'assureur à son obligation d'information démontrant qu'elle était nécessairement dans l'impossibilité de mesurer la portée de son engagement ;

Qu'en se déterminant ainsi alors qu'à eux seuls les manquements de l'assureur à son obligation d'information lors de la souscription du contrat ne suffisent pas à exclure un détournement de la finalité de l'exercice par l'assuré de la faculté de renonciation ainsi prorogée, susceptible de caractériser un abus de ce droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen unique, pris en ses quatrième et huitième branches réunies :

Vu les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 applicable au litige ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient, en outre, d'une part, que le nombre d'années écoulées entre la souscription et l'exercice de la faculté de renoncer ne saurait pas plus être seul caractéristique de la mauvaise foi, d'autre part, que le seul constat de ce que la renonciation est exercée après la perte d'une partie du capital ne saurait à lui seul établir la mauvaise foi et que si tel était le cas, il en résulterait que la prorogation de la faculté de renoncer ne pourrait être exercée qu'en cas de hausse ou de maintien du capital investi ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher à la date d'exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète de Mme Q..., de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont elle disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Besson - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.767, Bull. 2016, II, n° 138 (cassation partielle) ; 2e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n° 18-15.612, Bull. 2019, II (cassation).

2e Civ., 13 juin 2019, n° 18-14.743, (P)

Rejet

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Caractère discrétionnaire – Limite – Abus de droit – Caractérisation – Défaut

Justifie légalement sa décision ordonnant la restitution des sommes versées à un assuré qui a exercé sa faculté de renonciation prorogée prévue à l'article L. 132-5-2 du code des assurances, une cour d'appel qui, ayant relevé que l'assuré était un investisseur profane, sans que la présence à ses côtés d'un courtier, lors de cette souscription ou à l'occasion des rachats, puisse lui conférer la qualité d'averti, et constaté, au regard de sa situation concrète, que l'assuré n'était pas parfaitement informé des caractéristiques essentielles de l'assurance vie souscrite lorsqu'il avait exercé son droit à renonciation, estime souverainement que, dans ces conditions, l'assureur échouait à rapporter la preuve qu'il lui incombe que l'assuré avait détourné ce droit de sa finalité, en en ayant fait usage dans le seul but d'échapper à l'évolution défavorable de ses investissements, ce dont elle a pu déduire qu'il n'avait pas abusé de ce droit.

Assurance-vie – Souscripteur – Renonciation prorogée – Faculté – Exercice – Conditions – Détermination – Portée

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, neuvième et dixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2018), que Mme Q... a souscrit le 7 août 2007 auprès de la société Generali vie (l'assureur) un contrat d'assurance sur la vie « Himalia », n° 53311030, sur lequel elle a versé la somme de 63 270 euros, investie sur des supports en unités de compte ; que le 9 septembre 2013, elle a exercé la faculté de renonciation prévue à l'article L. 132-5-2 du code des assurances en invoquant le non-respect par l'assureur de son obligation précontractuelle d'information ; que ce dernier n'ayant pas donné suite à cette demande, Mme Q... l'a assigné en restitution des sommes versées, déduction faite des rachats partiels opérés à hauteur de 24 825 euros ;

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à restituer à Mme Q... la somme de 38 445 euros, avec intérêts au taux légal majoré, alors, selon le moyen :

1°/ que pour apprécier l'existence d'un abus du souscripteur d'un contrat d'assurance-vie dans l'exercice de la faculté de renonciation prorogée prévue par l'article L. 132-5-2 du code des assurances, il appartient au juge de rechercher, au regard notamment de la situation concrète du renonçant et des informations dont il disposait réellement, si celui-ci n'a pas exercé sa faculté de renonciation de façon déloyale et dans le seul but d'échapper à l'évolution défavorable de ses investissements ; que la faculté de renonciation prévue par ce texte ayant été instituée en vue de permettre à l'assuré de se dédire d'un engagement dont il n'avait pas été en mesure d'apprécier immédiatement la portée, le juge ne saurait tenir pour indifférents, dans l'appréciation d'un tel abus, le temps écoulé depuis la conclusion du contrat d'assurance et le moment choisi par l'assuré pour exercer cette renonciation ; qu'en l'espèce, l'assureur faisait valoir que Mme Q..., qui avait été régulièrement informée par l'assureur de l'évolution de son épargne et des performances des supports sur lesquels elle avait investi, n'avait jamais émis le moindre grief quant à un éventuel défaut d'information pendant les six premières années d'exécution de son contrat d'assurance et avait néanmoins prétendu renoncer à ce contrat d'assurance plus de six ans après sa conclusion au vu de l'évolution défavorable de son épargne ; que l'assureur soulignait encore que Mme Q... n'avait pu jusqu'à cette date se méprendre sur la portée de ses engagements et notamment ignorer les risques qui leur étaient associés puisque l'évolution de son épargne avait elle-même subi l'épreuve d'une succession de périodes d'euphorie et de crises boursières ; qu'en refusant de prendre en considération ces éléments au motif que le détournement de la faculté de renonciation prorogée ne pouvait se déduire du temps qui s'était écoulé entre la souscription du contrat et l'exercice par l'assuré de sa faculté de renonciation et que la fragilité du contrat qui demeurait exposé plusieurs années après sa conclusion à l'exercice d'un droit pouvant l'anéantir ab initio, n'a perduré qu'en raison de la violation par l'assureur de son obligation d'information précontractuelle puis au choix qu'elle a fait de ne pas régulariser cette situation, la cour d'appel a violé les articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances dans leur rédaction applicable à la cause ;

2°/ qu'en l'espèce, l'assureur rappelait que Mme Q... avait été régulièrement informée de l'évolution de son épargne et des performances des supports sur lesquels elle avait investi ; qu'en ne tirant aucune conséquence des informations ainsi acquises par l'assurée au cours de l'exécution de son contrat quand il lui appartenait de rechercher, au regard des informations dont l'assurée disposait réellement au moment où elle avait renoncé à son contrat, si celle-ci n'avait pas fait un usage abusif de sa faculté de renonciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-2 du code des assurances ;

3°/ que l'absence d'abus ne peut se déduire du seul fait que l'assuré renonçant ne s'est pas vu communiquer l'intégralité des informations précontractuelles prévues par le code des assurances, dans les formes prévues par ce texte, le juge devant rechercher, au regard notamment de la situation concrète du renonçant et des informations dont il disposait réellement, si celui-ci n'a pas exercé sa faculté de renonciation à des fins déloyales et dans le but, uniquement, d'échapper aux pertes générées par ses investissements ; que le courtier en assurances est débiteur, à l'égard de l'assuré, d'un devoir de conseil et doit l'informer sur les avantages et les risques attachés à l'investissement proposé, en considération de la situation de ce dernier ; qu'en refusant en outre de tenir compte du fait que Mme Q..., pendant les six années durant lesquelles elle avait géré son contrat, bénéficiait de l'assistance d'un courtier en assurance, au motif inopérant que les obligations du courtier étaient distinctes de celles de l'assureur et que celui-ci n'avait pas à se substituer à ce dernier dans la délivrance des informations qui lui incombaient, la cour d'appel, à qui il appartenait de déterminer les informations dont l'assurée disposait réellement indépendamment du point de savoir si celle-ci s'était vue remettre des documents précontractuels conformes à ceux prévus par le code des assurances, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-2 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause ;

4°/ que c'est à la lumière d'un faisceau d'indices qu'il appartient au juge de déterminer si l'assuré avait, au moment où il a exercé sa faculté de renonciation, conscience des caractéristiques de son contrat et de la portée de son engagement ; qu'en jugeant que le caractère abusif de l'exercice de la faculté de renonciation ne pouvait se déduire de l'écoulement du temps au motif que ce raisonnement conduirait à priver la prorogation du délai de renonciation de tout objet, puis que la profession de Mme Q... ne lui conférait en soi aucune compétence en matière d'assurance-vie, puis que l'assureur ne démontrait pas en quoi les opérations effectuées par Mme Q... auraient été le signe d'une connaissance particulière du fonctionnement du contrat et des produits structurés sur lesquels les fonds ont été investis, puis, enfin, que le fait, pour Mme Q..., d'avoir été assistée d'un courtier ne lui conférait nullement la qualité d'investisseur averti alors que les obligations du courtier sont distinctes de celles de l'assureur et que l'intermédiaire n'a nullement à se substituer à l'assureur dans la délivrance de l'obligation d'information qui incombe à celui-ci, sans rechercher s'il ne résultait pas de l'ensemble des éléments invoqués, analysés globalement, que Mme Q... avait parfaitement conscience de la portée de son engagement et qu'en renonçant à son contrat, six ans après l'avoir conclu, elle avait fait un usage déloyal de la faculté de renonciation qui lui était offerte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-5-2 du code des assurances dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que l'information précontractuelle délivrée à Mme Q... avant la souscription du contrat « Himalia » ne satisfaisait ni dans sa forme ni par son contenu aux exigences des articles L. 132-5-2 et A. 132-4 du code des assurances, et énoncé que le détournement de la finalité du droit de renonciation ne peut être le fait que d'un investisseur parfaitement informé, qu'il l'ait été avant la souscription du contrat ou par la suite, l'abus ne pouvant se déduire du simple fait que le souscripteur décide de renoncer grâce à la prorogation du délai alors que son placement a subi des pertes ou même qu'il ait manifesté son mécontentement avant de renoncer à son contrat, ni seulement du temps s'étant écoulé depuis la souscription, la cour d'appel a relevé que Mme Q..., qui avait exploité une brasserie et dont la profession ne la prédisposait nullement à avoir une connaissance particulière des mécanismes de l'assurance vie ou du contrat souscrit, était un investisseur profane, sans que la présence à ses côtés d'un courtier, lors de cette souscription ou à l'occasion des rachats, puisse lui conférer la qualité d'avertie, et qu'il ne pouvait se déduire des opérations pratiquées sur le contrat, lesquelles n'ont consisté qu'en des rachats, programmés ou ponctuels, ou de la lettre qu'elle a adressée à l'assureur le 13 juin 2012 pour exprimer son mécontentement quant à l'évolution défavorable de ses investissements, en des termes qui traduisent au contraire sa mauvaise compréhension des produits structurés sur lesquels ses fonds avaient été placés, qu'elle ait eu une telle connaissance ; qu'ayant ainsi constaté, au regard de sa situation concrète, que Mme Q... n'était pas parfaitement informée des caractéristiques essentielles de l'assurance vie souscrite lorsqu'elle avait exercé son droit de renonciation, et souverainement estimé que, dans ces conditions, l'assureur échouait à rapporter la preuve qui lui incombe que Mme Q... l'avait détourné de sa finalité, en en ayant fait usage dans le seul but d'échapper à l'évolution défavorable de ses investissements, comme il le soutenait, la cour d'appel a pu en déduire que Mme Q... n'avait pas abusé de ce droit et a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen, annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Boiffin - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.767, Bull. 2016, II, n° 138 (cassation partielle) ; 2e Civ., 28 mars 2019, pourvoi n° 18-15.612, Bull. 2019, II (cassation), et l'arrêt cité.

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