Numéro 6 - Juin 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2019

AIDE JURIDICTIONNELLE

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-11.668, (P)

Cassation

Procédure d'admission – Demande d'aide juridictionnelle – Effets – Interruption du délai de dépôt de requête à fin d'autorisation d'assigner à jour fixe

Le délai d'appel n'étant pas interrompu par la demande d'aide juridictionnelle en application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi sur l'aide juridique, dans sa version antérieure au décret du 27 décembre 2016, le droit de l'appelant à l'assistance effective d'un avocat, en application de l'article 6, § 1, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, imposait que le délai de huit jours pour déposer la requête à fin d'autorisation d'assigner à jour fixe, prévue à l'article 919 du code de procédure civile, fût interrompu par la demande d'aide juridictionnelle.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France (la banque) à l'encontre de M. T..., un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi ; que M. T... a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 1er décembre 2016 ; qu'il a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 5 décembre 2016, auquel il a été admis le 26 janvier 2017 ; qu'à cette date, il a déposé une requête afin d'être autorisé à assigner à jour fixe, requête qui a été rejetée le 30 janvier 2017 ; qu'une nouvelle requête, déposée le 3 février 2017, a été rejetée le 8 février 2017 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel de M. T..., l'arrêt, après avoir constaté que l'appel avait été interjeté le 1er décembre 2016, dans le délai de quinze jours prévu à l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution, a retenu que le délai de présentation de la demande d'autorisation d'assigner à jour fixe soit au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel, qui ne se confond pas avec un délai de recours, n'a pas été interrompu par la demande d'aide juridictionnelle ensuite déposée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délai d'appel n'étant pas interrompu par la demande d'aide juridictionnelle en application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi sur l'aide juridique, dans sa version antérieure au décret du 27 décembre 2016, alors applicable, le droit de l'appelant à l'assistance effective d'un avocat imposait que le délai de huit jours pour déposer la requête à fin d'autorisation d'assigner à jour fixe, prévue à l'article 919 du code de procédure civile, qui doit être accompagnée, à peine d'irrecevabilité de l'appel, des conclusions sur le fond, fût interrompu par la demande d'aide juridictionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Lévis -

Textes visés :

Article 38 du décret du 19 décembre 1991, dans sa version antérieure au décret du 27 décembre 2016 ; article 919 du code procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 6 juin 2019, n° 18-12.755, (P)

Rejet

Procédure d'admission – Demande d'aide juridictionnelle – Moment – Formulation avant la date d'audience – Effets – Sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau – Limite – Irrecevabilité manifeste de l'action – Cas – Appel d'un jugement rendu en dernier ressort

En vertu de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi relative à l'aide juridique, en cas de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, si le juge ne peut statuer avant qu'une décision définitive ait été prise sur cette demande, il en va autrement en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide juridictionnelle, non susceptible d'être couverte en cours d'instance.

Le jugement par lequel le juge a statué sur le recours formé contre la décision d'orientation de la commission de surendettement étant rendu en dernier ressort en application de l'article R. 331-9-2, II, alors applicable, du code de la consommation, il en résulte que l'appel se heurtant à une irrecevabilité manifeste, insusceptible d'être couverte, l'arrêt qui le déclare irrecevable, sans attendre qu'une décision définitive ait été prise sur la demande d'aide juridictionnelle formée par l'appelant, se trouve légalement justifié.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mai 2016), qu'après avoir bénéficié, au titre de mesures de traitement d'une situation de surendettement, d'un moratoire de dix-huit mois pour vendre un bien immobilier dont elle était propriétaire, Mme L... a saisi une commission de surendettement des particuliers d'une nouvelle demande tendant au traitement de sa situation de surendettement le 28 novembre 2011, puis, après que son dossier eut été déclaré recevable, a contesté devant le juge d'un tribunal d'instance la décision de cette commission d'orienter le dossier vers une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ; qu'elle a formé un appel contre le jugement l'ayant déclarée inéligible au bénéfice de la loi sur le traitement du surendettement des particuliers ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée en défense :

Attendu qu'en déclarant irrecevable l'appel de Mme L..., l'arrêt attaqué, rendu en dernier ressort, a mis fin à l'instance d'appel engagée en vue de contester un jugement ayant lui-même mis un terme à la procédure tendant au traitement de la situation de surendettement de l'appelante ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme L... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il ne peut être statué sur un appel lorsqu'une partie a sollicité, avant la date de l'audience, l'attribution de l'aide juridictionnelle et qu'elle est toujours dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; qu'en statuant sur l'appel formé par Mme L..., sans attendre que le bureau compétent ne se soit prononcée sur sa demande tendant à voir bénéficier de l'aide juridictionnelle, demande dont elle avait été informée par lettre du 12 mai 2016, la cour d'appel a violé les articles 2 et 25 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°/ que lorsque le demandeur ne comparaît pas, le défendeur ne peut requérir un jugement sur le fond que pour autant que l'absence de comparution du demandeur ne repose pas sur un motif légitime ; qu'en ne recherchant pas si le courrier de Mme L... en date du 12 mai 2016, parvenu au greffe de la cour d'appel avant l'audience publique, ne contenait pas l'exposé d'un motif légitime, tiré de son état de santé, faisant obstacle à tout jugement sur le fond, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 468 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi relative à l'aide juridique, en cas de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, si le juge ne peut statuer avant qu'une décision définitive ait été prise sur cette demande, il en va autrement en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide juridictionnelle, non susceptible d'être couverte en cours d'instance ;

Attendu qu'il résulte de l'article R. 331-9-2, II, alors applicable, du code de la consommation, selon lequel les jugements sont rendus en dernier ressort, sauf dispositions contraires, que le jugement par lequel le juge avait statué sur le recours formé contre la décision d'orientation de la commission de surendettement était rendu en dernier ressort, de sorte que l'appel se heurtait à une irrecevabilité manifeste qui n'était pas susceptible d'être couverte ; que par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué aux motifs critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié au regard de la critique formulée par la première branche ;

Et attendu qu'il n'est pas établi que le courrier dont se prévaut Mme L..., en vue d'obtenir un renvoi de l'audience, ait été soumis à la cour d'appel ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 43-1 du décret du 19 décembre 1991.

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