Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

TRANSPORTS MARITIMES

Com., 24 mai 2023, n° 21-15.151, (B), FRH

Rejet

Marchandises – Livraison – Définition – Remise à l'ayant droit – Acceptation – Condition

La livraison, qui met fin à l'exécution du contrat de transport, s'entend de l'opération matérielle par laquelle le transporteur remet la marchandise à l'ayant droit, celui-ci étant en mesure d'en prendre possession et d'en vérifier l'état.

Il en résulte que, sauf clause contraire, la seule remise de la marchandise par le transporteur maritime à une entreprise portuaire qui disposerait d'un monopole pour la manutention des marchandises ne vaut pas, en soi, livraison.

Marchandises – Livraison – Définition – Remise à l'ayant droit – Exclusion – Cas – Remise à une entreprise portuaire disposant d'un monopole pour la manutention des marchandises

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2021) et les productions, la société Beauté prestige international, assurée auprès de la société Chartis Europe, devenue la société AIG Europe, a confié à la société Kuehne + Nagel le transport, depuis [Localité 6] à destination de la société Distribuidora Dipacar Margarita au Venezuela, de 44 palettes et 5 colis de parfums, empotés dans un conteneur dont le transport maritime a été confié à la société CMA CGM.

Le 27 février 2011, le conteneur a été déchargé au port d'[Localité 5], sur le site exploité par la société Bolivariana de Puertos.

Le 2 mars 2011, il a été transféré sur le site de la société Scat, entrepôt sous douane, pour le compte de la société Distribuidora Dipacar Margarita, avant d'être ouvert le 3 mars 2011, en présence des représentants de l'autorité douanière du port d'[Localité 5], de la société CMA CGM et de la société Distribuidora Dipacar Margarita.

2. Des manquants et des avaries ayant été constatés, la société AIG Europe a indemnisé la société Beauté prestige international puis a assigné en indemnisation la société Kuehne + Nagel, qui a appelé en garantie la société CMA CGM, laquelle a également appelé en garantie la société Bolivariana de Puertos.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des pertes subies par la société AIG Europe et, en conséquence, de la condamner à garantir la société Kuehne + Nagel de toute somme mise à sa charge, alors « que la remise de la marchandise par le transporteur maritime à une entreprise monopolistique vaut livraison ; que, pour retenir la responsabilité de la société CMA CGM, la cour d'appel, après avoir constaté que la société Bolivariana de Puertos est un organisme portuaire monopolistique, a énoncé que, « s'il est exact que la responsabilité du transporteur cesse dès la remise des marchandises à un tel organisme, cette remise revêt une forme particulière en matière de transport maritime de marchandise conteneurisée », la délivrance de la marchandise, « s'agissant d'un dommage atteignant les marchandises empotées se fait par l'ouverture du conteneur », et qu'ainsi « le transport maritime prend fin (...) lorsque le destinataire a eu la possibilité matérielle d'appréhender la marchandise (...)", de sorte que l'ouverture du conteneur n'ayant « eu lieu que le 3 mars 2011 », c'est « à cette date que cesse la présomption de responsabilité du transporteur », étant relevé que la société CMA CGM « a assisté à l'ouverture du conteneur » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la remise du conteneur litigieux à la société Bolivariana de Puertos qu'elle qualifiait elle-même d'« organisme portuaire monopolistique » valait livraison, la cour d'appel a violé l'article 3.6 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée. »

Réponse de la Cour

5. La livraison, qui met fin à l'exécution du contrat de transport, s'entend de l'opération matérielle par laquelle le transporteur remet la marchandise à l'ayant droit, celui-ci étant en mesure d'en prendre possession et d'en vérifier l'état.

6. Il en résulte que, sauf clause contraire, la seule remise de la marchandise par le transporteur maritime à une entreprise portuaire qui disposerait d'un monopole pour la manutention des marchandises ne vaut pas, en soi, livraison.

7. Si l'arrêt relève que la société Bolivariana de Puertos est un organisme portuaire monopolistique, il retient aussi que le transport maritime prend fin et la livraison est accomplie lorsque le destinataire a eu la possibilité matérielle d'appréhender la marchandise pour la faire sortir de l'aire de dédouanement où elle était entreposée et, ayant été mis en mesure d'en vérifier l'état, d'assortir son acceptation de réserves et d'en prendre possession. Il ajoute que l'ouverture du conteneur a eu lieu en présence de la société CMA CGM le 3 mars 2011, date à laquelle il était encore scellé par le plomb d'origine, faisant ressortir, conformément à la clause CY du « bill of lading » que les parties avaient convenue, que la livraison de la marchandise aurait lieu à l'ouverture du conteneur, et qu'il a été constaté contradictoirement à cette occasion qu'il manquait 23 palettes par rapport au 44 palettes mentionnées sur le connaissement.

8. En l'état de ces constatations et appréciations, établissant que, jusqu'à l'ouverture du conteneur, les marchandises étaient demeurées sous la garde du transporteur maritime, la cour d'appel a exactement retenu que celui-ci était présumé responsable des manquants.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 3.6. de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement.

Com., 24 mai 2023, n° 21-22.184, (B), FRH

Rejet

Marchandises – Responsabilité – Action en responsabilité – Action contre l'entrepreneur de manutention – Prescription – Prescription annale – Exclusion – Cas

Il résulte de la combinaison des articles L. 5422-12 et L. 5422-18 du code des transports, applicables au manutentionnaire de transport en vertu de l'article L. 5422-25 de ce code, que, quel qu'en soit le fondement, toute action principale en responsabilité pour pertes et dommages aux marchandises exercée à l'encontre d'un entrepreneur de manutention se prescrit dans le délai d'un an.

Doit être approuvé l'arrêt qui retient que l'action en responsabilité civile extra-contractuelle dirigée contre un manutentionnaire de transport est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans et non au délai de prescription d'un an de l'article L. 5422-25 du code des transports dès lors que les préjudices invoqués ne concernaient pas les marchandises ayant fait l'objet de l'opération de transport.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 29 juin 2021), le 21 octobre 2014, la société Aswood a confié à la société Bolloré ports France (la société Bolloré), entrepreneur de manutention maritime, le déchargement et le transfert d'une cargaison de pellets de bois d'un navire au local de stockage loué par la société Aswood dans un hangar appartenant à la SCI du Port.

2. Au cours de ces opérations, le mur séparant ce local de celui donné à bail à la société Norsilk s'est effondré en raison de la pression causée par un volume trop important de granulés stockés sur une hauteur excessive.

3. La société Aswood, la SCI du Port et leur assureur, la société Allianz IARD, ont assigné en réparation de leur préjudice la société Bolloré et son assureur, la société Generali assurances IARD (la société Generali), avant que la société Norsilk n'assigne ces cinq sociétés en indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et seconde branches, et le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

5. Les sociétés Bolloré et Generali font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la SCI du Port à leur encontre, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, « l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui » ; que si un tiers peut exceptionnellement être déclaré recevable à agir contre le manutentionnaire, il faut en revanche nécessairement qu'il ne dispose d'aucune autre action, notamment contre le donneur d'ordre ; qu'en admettant la recevabilité de l'action exercée par la SCI du Port, tiers au contrat de manutention litigieux, contre la société Bolloré, sans s'expliquer sur le caractère nécessairement subsidiaire d'une telle action et sans constater que la SCI du Port ne disposait d'aucune autre action contre quiconque pour obtenir réparation, et en particulier contre le donneur d'ordre de la société Bolloré à savoir la société Aswood, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 5422-20 du code des transports ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, « l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui » ; qu'il en découle que les actions exceptionnellement exercées par les tiers contre le manutentionnaire présentent nécessairement un caractère subsidiaire ; que pour déclarer recevable l'action de la SCI du Port contre la société Bolloré, manutentionnaire, la cour d'appel a retenu que « l'action en responsabilité délictuelle d'un tiers contre le manutentionnaire portuaire ne présente pas un caractère subsidiaire à l'action contractuelle prévue à l'article précité, l'action en responsabilité délictuelle restant ouverte à la victime d'un dommage résultant de l'exécution d'un contrat de manutention auquel elle a été tiers » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 5422-20 du code des transports. »

6. Les sociétés Bolloré et Generali font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la société Norsilk à leur encontre, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, « l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui » ; que si un tiers peut exceptionnellement être déclaré recevable à agir contre l'entrepreneur de manutention, il faut en revanche nécessairement qu'il ne dispose d'aucune autre action, notamment contre le donneur d'ordre ; qu'en admettant la recevabilité de l'action exercée par la société Norsilk, tiers au contrat de manutention litigieux, contre la société Bolloré, sans s'expliquer sur le caractère nécessairement subsidiaire d'une telle action et sans constater que la société Norsilk ne disposait d'aucune autre action contre quiconque pour obtenir réparation, et en particulier contre le donneur d'ordre de la société Bolloré à savoir la société Aswood, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 5422-20 du code des transports ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, « l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui » ; qu'il en découle que les actions exceptionnellement exercées par les tiers contre le manutentionnaire présentent nécessairement un caractère subsidiaire ; que pour déclarer recevable l'action de la société Norsilk contre la société Bolloré, manutentionnaire, la cour d'appel a retenu que « l'action en responsabilité délictuelle d'un tiers contre le manutentionnaire portuaire ne présente pas un caractère subsidiaire à l'action contractuelle prévue à l'article précité, l'action en responsabilité délictuelle restant ouverte à la victime d'un dommage résultant de l'exécution d'un contrat de manutention auquel elle a été tiers » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 5422-20 du code des transports. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de la combinaison des articles L. 5422-12 et L. 5422-18 du code des transports, applicables au manutentionnaire de transport en vertu de l'article L. 5422-25 de ce code, que, quel qu'en soit le fondement, toute action principale en responsabilité pour pertes et dommages aux marchandises exercée à l'encontre d'un entrepreneur de manutention se prescrit dans le délai d'un an.

8. Après avoir relevé que la SCI du Port et la société Norsilk étaient des tiers au contrat de manutention maritime conclu entre la société Aswood et la société Bolloré, l'arrêt retient qu'elles ne sont pas intervenues dans la chaîne contractuelle du transport et du débarquement des marchandises et que les préjudices allégués par elles ne concernent pas les marchandises transportées, débarquées, mises et reprises sous hangar dans les locaux de la société Aswood à la demande de celle-ci, mais, pour l'une, les dégâts causés au mur de son hangar et leurs conséquences financières, pour l'autre, les dommages causés aux produits entreposés dans son local de stockage, voisin de celui de la société Aswood, et son préjudice financier consécutif.

9. De ces constatations et appréciations, par une décision suffisamment motivée, la cour d'appel a exactement déduit que l'action des deux sociétés fondée sur l'article 1240 du code civil, qui ne portait pas sur les marchandises ayant fait l'objet de l'opération de transport, était recevable et qu'elle n'était pas soumise aux dispositions des articles L. 5422-13 à L. 5422-26 du code des transports.

10. Le moyen n'est pas fondé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. Les sociétés Bolloré et Generali font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la société Norsilk à leur encontre, alors « qu'il résulte de l'article L. 5422-25 du code des transports que « toutes actions contre l'entrepreneur de manutention » sont prescrites par un an ; que l'entrepreneur de manutention est fondé à opposer ce délai de prescription aussi bien à son cocontractant qu'aux tiers qui entendraient rechercher sa responsabilité ; que pour déclarer non prescrite l'action intentée par la société Norsilk contre la société Bolloré, la cour d'appel a retenu que la société Norsilk n'est pas soumise au régime juridique de la manutention, et qu'elle peut dès lors se prévaloir du délai de droit commun de cinq ans ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 5422-25 du code des transports par refus d'application et l'article 2224 du code civil par fausse application. »

Réponse de la Cour

12. Ayant constaté que le préjudice allégué par la société Norsilk ne consistait pas en des pertes et dommages aux marchandises objets du contrat de manutention maritime mais résultait de l'effondrement d'un mur ayant endommagé d'autres produits entreposés dans son local, la cour d'appel en a exactement déduit que son action en responsabilité civile extra-contractuelle était soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans et non au délai de prescription d'un an de l'article L. 5422-25 du code des transports.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Articles L. 5422-12, L. 5422-18 et L. 5422-25 du code des transports.

Rapprochement(s) :

Sur la prescription annale de toute action principale en responsabilité, quel qu'en soit le fondement, pour pertes et dommages aux marchandises, exercée à l'encontre d'un entrepreneur de manutention, à rapprocher : Com., 22 octobre 1996, pourvoi n° 94-18.888, Bull. 1996, IV, n° 259 (cassation).

Com., 24 mai 2023, n° 21-19.835, (B), FRH

Cassation partielle

Marchandises – Transport international – Convention de Bruxelles du 25 août 1924 – Limitation – Indemnité – Colis ou unité – Applications diverses

Aux termes de l'article 4.5, a), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, dans sa version issue des protocoles modificatifs des 23 février 1968 et 21 décembre 1979, à moins que la nature et la valeur des marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement, le transporteur, comme le navire, ne seront en aucun cas responsables des pertes ou dommages des marchandises ou concernant celles-ci pour une somme supérieure à 666.67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable.

Aux termes de l'article 4.5, b), de la même Convention, lorsqu'un cadre, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme un colis ou unité au sens de ce paragraphe. En dehors du cas prévu ci-dessus, cet engin sera considéré comme colis ou unité.

En conséquence, viole ces dispositions la cour d'appel qui décide que la limitation de responsabilité doit être calculée sur la base de 11 colis après avoir relevé que le connaissement portait mention du chargement de 387 caisses réunies en 10 palettes, de sorte que la limitation de responsabilité devait être calculée sur la base de 387 caisses.

Marchandises – Responsabilité – Limitation – Limitation légale – Définition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 mai 2021), les 23 et 30 avril 2012, la société Clasquin, assurée par la société AXA Corporate solutions assurance (la société AXA), aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE, a conclu avec la société Ficofi un contrat de commission de transport portant sur des caisses de vin du port de [Localité 7] (République de Corée) au port de [Localité 5] (République populaire de Chine).

Le transport a été effectué en mars 2014 par la société Heung-A Shipping Co LTD (la société Heung).

La cargaison ayant été endommagée au cours du transport, la société Ace European Group Limited, désormais dénommée Chubb European Group SE (la société Chubb), assureur des marchandises, a indemnisé la société Ficofi puis assigné en paiement les sociétés Clasquin et AXA, lesquelles ont assigné en garantie la société Heung.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Chubb fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation in solidum des sociétés Clasquin et AXA à lui verser une indemnité égale à 7 333,37 droits de tirage spéciaux (DTS) convertis au jour du paiement au titre des dommages causés aux marchandises, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2015, lesdits intérêts capitalisés, alors « que selon l'article 4.5, c), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par les Protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979, lorsque le contenu du conteneur ou de la palette est détaillé dans le connaissement avec le nombre de colis qu'il renferme, le plafond de responsabilité du transporteur se calcule en tenant tous ces colis comme autant d'unités ; qu'en énonçant, pour calculer l'indemnité due en application de la Convention de Bruxelles, sur la base de 11 colis, soit 10 palettes et un conteneur, que les 387 caisses regroupées sur des palettes filmées, n'étaient pas énumérées dans le connaissement, le contenu de chaque palette ne pouvant être identifié, tout en constatant que le connaissement mentionnait le chargement de 387 caisses (10 palettes, 2265 pièces) et un conteneur, ce dont il résultait que ce nombre de caisses qui regroupées sur les palettes étaient énumérées dans le connaissement, devait, en sus du conteneur, être pris en compte pour déterminer le montant de l'indemnité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 4.5, c), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par les Protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4.5, a), et 4.5, b), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, dans sa version issue des Protocoles modificatifs des 23 février 1968 et 21 décembre 1979 :

3. Aux termes du premier de ces textes, à moins que la nature et la valeur des marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement, le transporteur, comme le navire, ne seront en aucun cas responsables des pertes ou dommages des marchandises ou concernant celles-ci pour une somme supérieure à 666.67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable.

4. Aux termes du second, lorsqu'un cadre, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme un colis ou unité au sens de ce paragraphe.

En dehors du cas prévu ci-dessus, cet engin sera considéré comme colis ou unité.

5. Pour limiter à 7 333,37 droits de tirage spéciaux (DTS) l'indemnité due in solidum par les sociétés Clasquin et AXA, après avoir énoncé que, lorsque le connaissement énumère les colis ou unités regroupés sur un engin, chacun est considéré comme colis pour le calcul de la limitation de la responsabilité du transporteur, l'arrêt relève que le connaissement mentionne un chargement de 387 caisses (10 palettes, 2265 pièces) et un conteneur, et en déduit que la limitation de responsabilité doit être calculée sur la base de 11 colis (10 palettes + 1 conteneur), dès lors que les 387 caisses ne sont pas énumérées dans le connaissement et qu'elles sont regroupées sur des palettes filmées.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le connaissement portait mention du chargement de 387 caisses réunies en 10 palettes, de sorte que la limitation de responsabilité devait être calculée sur cette base, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à 7 333,37 droits de tirage spéciaux (DTS) la condamnation des sociétés Clasquin et AXA Corporate solutions assurance, aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Guillou - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 4.5, a), et 4.5, b), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, dans sa version issue des protocoles modificatifs des 23 février 1968 et 21 décembre 1979.

Rapprochement(s) :

Sur la limitation de responsabilité en matière de connaissement, à rapprocher : Com., 23 mars 2022, pourvoi n° 19-19.103, Bull., (cassation partielle).

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