Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

SECURITE SOCIALE, ALLOCATION VIEILLESSE POUR PERSONNES NON SALARIEES

2e Civ., 11 mai 2023, n° 21-17.007, (B), FRH

Cassation

Contribution de solidarité – Assujetissement – Personnes morales de droit public – Conditions – Activité concurrentielle – Définition

Selon l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018, applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.

Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.

Prive sa décision de base légale le tribunal qui, pour considérer qu'un établissement public foncier de l'Etat n'exerce pas une activité concurrentielle au sens de ce texte, retient qu'il s'est vu confier certaines missions d'intérêt général et que son activité n'est pas rentable, sans rechercher, alors qu'il constatait que celui-ci offrait des biens ou des services sur un marché, si cette activité économique était exercée dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Etienne, 23 mars 2021), la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de [Localité 4] (l'URSSAF), a notifié à l'[3] (l'établissement public) une mise en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés au titre de l'année 2018.

2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure, alors :

« 2°/ que la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés est due par les personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'il appartient au juge de procéder à une analyse précise et concrète de l'activité de tout établissement public foncier, personne morale de droit public, afin de déterminer son caractère concurrentiel ; que l'URSSAF faisait valoir que l'essentiel des activités de l'établissement public a une nature concurrentielle, que ses activités lui procurent ou non des profits et qu'elles soient soumises ou non à la taxe sur la valeur ajoutée, l'établissement pouvant rivaliser avec d'autres entreprises et opérateurs privés susceptibles réaliser des opérations de même nature, en offrant un service ou une prestation équivalents, pouvant acheter des terrains ou des bâtiments en vue de leur réhabilitation ou de leur aménagement pour des opérations d'urbanisme menées par des collectivités locales, financer des études de faisabilité architecturale, procéder à des travaux d'aménagement, de démolition, de dépollution, de désamiantage, et revendre les terrains ou bâtiments aux collectivités ou aux opérateurs choisis par elles, contribuant ainsi à développer l'offre de logements neufs, notamment sur des secteurs où le rythme de construction ne suffit pas à répondre à la demande ou dans les zones où la rétention pèse sur le marché par manque de foncier disponible ; qu'en se contentant d'affirmer de manière générale que les éléments produits par l'URSSAF ne permettent pas de caractériser l'exercice d'une activité concurrentielle, sans procéder à une analyse précise et concrète de l'activité de l'établissement public aux fins de déterminer son caractère concurrentiel ou non, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés est due par les personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'en se référant aux seuls objectifs tels que prévus par le plan pluriannuel d'intervention de l'établissement public, établissement public foncier de l'Etat, pour écarter tout caractère concurrentiel de son activité et donc son assujettissement à la contribution sociale de solidarité des sociétés, sans caractériser concrètement que l'établissement public n'avait effectivement exercé aucune activité concurrentielle pour l'année concernée par la mise en demeure, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale ;

4°/ que l'absence de profits réalisés par un établissement public foncier de l'Etat, voire son déficit structurel, ne suffit pas à exclure le caractère concurrentiel de son activité ; qu'en décidant que le déficit structurel généré par l'établissement public durant l'année 2018 était de nature à exclure le caractère concurrentiel de son activité pour l'année considérée, le tribunal a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018, applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse :

4. Selon ce texte, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.

5. Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.

6. Pour retenir que l'exercice d'une activité concurrentielle par l'établissement public n'est pas caractérisé, le jugement constate que celui-ci s'est vu confier des missions légales et réglementaires et que le plan pluriannuel d'intervention pour les années 2015 à 2020 prévoit comme objectifs principaux le traitement des friches industrielles et des sols pollués, l'intervention dans des zones « atones », « où la notion même de marché a perdu une partie de son sens », la régulation aux côtés des collectivités des prix du marché foncier pour atténuer un effet d'exclusion et contrecarrer la vacance et l'obsolescence du parc de logement. Il ajoute que les états financiers de l'établissement font apparaître, pour 2018, un déficit structurel de fonctionnement.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tenant au fait que l'établissement public s'est vu confier certaines missions d'intérêt général et à l'absence de rentabilité de son activité, le tribunal, qui constatait que ce dernier offrait des biens ou des services sur un marché, sans rechercher si cette activité économique était exercée dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs, a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 janvier 2023, pourvoi n° 21-13.577, Bull., (cassation) ; 2e Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.760, Bull., (rejet).

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