Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 11 mai 2023, n° 21-17.788, (B), FRH

Cassation

Maladies professionnelles – Dispositions générales – Prise en charge – Point de départ – Date de la première constatation médicale

Il résulte de la combinaison des articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil.

Viole ces textes la cour d'appel qui juge que le délai de prise en charge des pathologies déclarées est dépassé, sans prendre en considération les avis du médecin conseil fixant la date de la première constatation médicale des affections déclarées au vu de l'arrêt de travail prescrit à cette date.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2021), la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne (la caisse) a pris en charge, au titre du tableau n° 57 B des maladies professionnelles, par décisions du 11 septembre 2018, l'affection des deux coudes (épicondylite) déclarée par une salariée de la société [3] (l'employeur).

2. L'employeur a contesté l'opposabilité de ces décisions devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de l'employeur, alors :

« 1°/ que le délai de prise en charge de 14 jours est le délai maximal entre la fin de l'exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie ; qu'en considérant que le délai de 14 jours était « amplement dépassé » au motif que la salariée avait cessé le travail le 12 février 2018 tandis que le certificat médical initial avait été dressé le 14 mars 2018, après avoir constaté que la date initiale de constatation des pathologies était le 16 octobre 2017, date à laquelle la salariée était encore exposée au risque, la cour d'appel a violé l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et le tableau n° 57 B des maladies professionnelles ;

2°/ que pour dénier au certificat médical du 16 octobre 2017 le caractère d'une première constatation de la maladie professionnelle, au motif que la caisse avait mis l'employeur et la cour dans l'impossibilité de vérifier que la date du 16 octobre 2017 puisse être considérée comme la date de première constatation de la pathologie sans prendre en considération l'avis favorable du médecin-conseil, qui fixait lui-même à la date du 16 octobre 2017 la première constatation médicale de l'affection déclarée en se fondant sur l'arrêt de travail prescrit à cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'il appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation sur la date d'apparition de la pathologie, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l'employeur d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue, cette information pouvant résulter de colloques médico-administratifs au cours desquels le médecin-conseil a fixé la date de la première constatation médicale des affections en faisant référence à un arrêt de travail ; qu'en considérant que la décision de la caisse était inopposable à l'employeur au motif que la caisse n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, ce qui aurait rendu impossible la moindre vérification d'une date, sans tenir compte des colloques médico-administratifs dont se prévalait la caisse, au cours desquels le médecin-conseil avait estimé que la date de première constatation des affections dont souffrait la victime devait être fixée au 16 octobre 2017 en faisant référence à un arrêt de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 57 B des maladies professionnelles :

4. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil.

5. Pour accueillir le recours de l'employeur, l'arrêt relève que le médecin conseil de la caisse a fixé la date de première constatation médicale au 16 octobre 2017, en faisant référence à un arrêt de travail. Il retient que la caisse en refusant la communication du certificat médical ayant servi de base à l'arrêt de travail a mis l'employeur et la cour dans l'impossibilité de vérifier que la date fixée par le médecin conseil était bien celle de la première constatation médicale des maladies prises en charge, la mention d'un arrêt de travail à cette date sur les colloques médico-administratifs étant insuffisante. Après avoir relevé que la salariée avait cessé le travail le 12 février 2018 et que le certificat médical initial n'avait été dressé que le 14 mars 2018, il en déduit que le délai de prise en charge de 14 jours pour les épicondylites, prévu au tableau n° 57 des maladies professionnelles, était dépassé.

6. En statuant ainsi, sans prendre en considération les avis du médecin conseil qui fixaient au 16 octobre 2017 la date de la première constatation médicale des affections déclarées au vu de l'arrêt de travail prescrit à cette date, de sorte que le délai de prise en charge des pathologies déclarées n'était pas dépassé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lapasset - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-17.786, Bull. 2011, II, n° 136 (rejet).

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