Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

SANTE PUBLIQUE

1re Civ., 25 mai 2023, n° 21-14.843, (B), FS

Cassation partielle

Dispositifs médicaux – Importation, mise en service ou utilisation – Certification de conformité – Organisme notifié – Sous-traitant – Obligation de vigilance – Applications diverses

En présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées.

L'incohérence entre la quantité de gel commandé, dans la comptabilité du service achat que les auditeurs reconnaissent avoir contrôlée, et le nombre de prothèses fabriquées constitue une anomalie évidente dans le procédé de fabrication, suggérant que le dispositif médical en cause est susceptible d'être non conforme aux prescriptions de la directive et justifiant une visite des locaux du fabricant sans avertissement.

Se contredit la cour d'appel qui juge que les manquements de l'organisme notifié et de son sous-traitant ont eu pour conséquence de permettre au fabricant d'apposer la certification CE sur ses prothèses d'avril 2001 à mars 2010, alors qu'elle a retenu que l'utilisation frauduleuse d'un gel non autorisé avait débuté à la fin de l'année 2002 et que les incohérences dans la comptabilité matière auraient dû être décelées lors de l'audit des 24 au 26 novembre 2004.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021, RG n° 17/02231), la société Poly implant prothèse (la société PIP), qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (la société TRLP), de procéder à l'évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu'à l'examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux, en sa qualité d'organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux.

2. Une première inspection de certification a été réalisée auprès de la société PIP, suivie d'audits visant à renouveler la première certification. Ainsi, le 22 octobre 1997, la société TRLP a rendu une décision d'approbation du système de qualité de la société PIP, qu'elle a renouvelée les 17 octobre 2002, 15 mars 2004 et 13 décembre 2007.

Le 25 février 2004, à la suite de la nouvelle classification des implants mammaires en classe III de la directive 93/42, la société PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société TRLP, qui a délivré, le 15 mars 2004, un certificat d'examen CE, valable jusqu'au 14 mars 2009, et, le 27 mai 2009, saisie d'une nouvelle demande de la société PIP, un second certificat.

3. Ces audits ont été réalisés par ou avec des auditeurs de la société TÜV Rheinland France (la société TRF), également membre du groupe TÜV.

4. A la suite d'une inspection, les 16 et 17 mars 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel de marque Nusil qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive.

En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation.

5. Le 30 mars 2010, la société PIP a été placée en liquidation judiciaire et, par arrêt du 2 mai 2016, ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d'escroquerie et condamnés, l'enquête pénale ayant établi que la société PIP avait utilisé ce gel à compter du mois d'octobre 2002.

6. Le 14 avril 2014, la société B & S Centro de Excelencia en Cirurgia Plastica, clinique ayant utilisé des implants mammaires PIP, a assigné les sociétés TRLP et TRF en responsabilité, indemnisation et expertise quant à son préjudice.

7. Sont intervenues volontairement à l'instance aux mêmes fins les sociétés Peter Olandier Medica Forsalinings AB, Chang Sing Trading, Vaj Technology, Big One, E-Ximed Co Ltd et Vidal Medical, distributrices d'implants PIP, ainsi que de nombreuses personnes physiques porteuses d'implants, de nationalité française ou étrangère.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF et les premiers moyens des pourvois incidents de Mme [I] et autres, Mme [N] et autres et Mme [R] et autres, réunis

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses autres branches, des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

9. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de juger que la société TRLP, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, que leurs responsabilités professionnelles sont « avérées » et qu'elles doivent réparer solidairement les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16 février 2017, Schmitt, C-219/15), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose pas, en l'absence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive, de vérifier les éléments comptables ou commerciaux relatifs à l'approvisionnement du fabricant en toutes matières entrant dans la composition des dispositifs fabriqués ; que, s'agissant de vérifier l'application par le fabricant des processus d'achat faisant partie du système de qualité certifié, l'organisme notifié est uniquement tenu de vérifier, au moyen d'audits périodiques et d'investigations réalisées par sondages, c'est-à-dire par la revue de documents, le questionnement de salariés, ou le suivi de lot(s) d'implants sélectionné(s) de façon aléatoire, que les matières premières sont commandées, réceptionnées, contrôlées, et stockées conformément au système de qualité certifié ; qu'en jugeant que les sociétés TRLP et TRF étaient tenues par principe de contrôler, par une analyse de la comptabilité matières du fabricant PIP, que celui-ci se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, lequel avait fait l'objet d'une fraude, quand une telle obligation ne relevait pas de l'exercice normal des obligations de l'organisme notifié et ne se serait imposée à celui-ci qu'en présence d'indices de non-conformité des dispositifs qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ que, devant les juges du fond, les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir qu'il résultait des normes professionnelles NF EN ISO 17021 :2006, NF EN ISO 13485.2000 et ISO 9001 :1994, auxquelles les organismes notifiés se réfèrent pour l'exécution de leurs missions, qu'hors le cas où ils auraient eu connaissance d'indices de non conformité des dispositifs médicaux, la mission de ces organismes était de procéder à des audits périodiques et à un contrôle par échantillonnage visant à vérifier l'application du système de qualité approuvé ; qu'en reprochant aux sociétés TRLP et TRF de ne pas avoir procédé à une inspection de la comptabilité matières pour contrôler spécifiquement que le fabricant PIP commandait de manière régulière et suffisante du gel de remplissage NuSil MED3-6300 pour alimenter sa production, quand de telles diligences ne pouvaient être attendues d'un organisme notifié qu'en présence d'indices de non-conformité qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ au surplus qu'en imposant à l'organisme notifié TRLP de contrôler que le fabricant PIP se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, la cour d'appel a mis à la charge de l'organisme notifié l'obligation de procéder à un contrôle complexe de cohérence comptable ; que, comme l'avaient fait valoir les sociétés TRLP et TRF devant les juges du fond, l'insuffisance des achats du gel NuSil MED3-6300 ne pouvait résulter du simple constat de la faiblesse ou de l'absence de commandes sur une période déterminée, mais imposait, à chaque audit, de recenser les commandes correspondant spécifiquement au gel NuSil MED3-6300 parmi les très nombreuses matières premières commandées par PIP pour l'ensemble de sa production d'implants, y compris implants mammaires et implants remplis d'autres matières de remplissage que de silicone, y compris d'autres références de matières premières en silicone de NuSil, d'isoler les quantités d'implants IMGHC produits (parmi tous les produits) pour en déduire la quantité de matière première correspondante nécessaire, et de procéder à un rapprochement entre ces données, en tenant compte notamment des stocks précédemment constitués ou d'éventuelles annulations de commandes, ce qui n'aurait eu de sens qu'en présence d'indices de non-conformité ; qu'en reprochant aux sociétés TRLP et TRF de ne pas avoir vérifié si la société PIP se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, quand une telle vérification ne se serait imposée qu'en présence d'indices de non-conformité des implants qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ subsidiairement, que ne peuvent constituer des indices imposant le recours à des mesures d'investigation additionnelles que des faits connus de l'organisme notifié et donnant à penser que les dispositifs concernés sont susceptibles de pas être conformes aux exigences essentielles découlant de la directive 93/42/CEE ; qu'en relevant, pour juger que les sociétés TRF et TRLP auraient dû vérifier les éléments comptables ou commerciaux relatifs à l'approvisionnement en gel NuSil MED3-6300, que les implants mammaires en gel de silicone en général avaient fait l'objet depuis 1995 de plusieurs mesures de suspension en raison de suspicions sur des risques de rupture des enveloppes, ce qui avait entrainé leur intégration dans les dispositifs de classe III au sens de la directive 93/42/CEE, que le 20 décembre 2000, les implants mammaires en silicone IMGHC produits par la société PIP avaient fait l'objet d'une suspension levée le 18 avril 2001 après examen de pièces justificatives fournies par le fabricant, qu'en mai 2000 l'administration américaine avait refusé, par une décision non communiquée à l'organisme notifié, une autorisation de mise sur le marché de ces implants en silicone, que la société TRLP avait eu connaissance « d'incidents » de matériovigilance sur le territoire français, et que les autorités britanniques avaient informé les autorités sanitaires allemandes de ruptures, faits qui au regard de leur nature, de leur date, de leur lieu, et/ou de l'absence de connaissance par les sociétés TRF et TRLP, ne pouvaient être regardés comme des indices mettant à la charge de ces sociétés une obligation de vigilance renforcée pouvant impliquer un contrôle de cohérence de la comptabilité matières, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'indices de non-conformité des implants IMGHC imposant aux sociétés TRLP et TRF de vérifier que la société PIP commandait de façon régulière et suffisante des quantités de gel NuSil MED3-6300, et a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

5°/ qu'il ne saurait plus encore être reproché à l'organisme notifié de ne pas avoir procédé à un examen de la comptabilité matières pour contrôler spécifiquement que le fabricant commandait de façon régulière et suffisante une des matières entrant dans la composition, la fabrication ou la stérilisation du dispositif qu'en présence d'indices laissant soupçonner une fraude portant sur l'achat ou l'utilisation de cette matière ; qu'en déduisant des prétendus « indices » susvisés, l'obligation pour les sociétés TRLP et TRF d'analyser la comptabilité matières de l'entreprise PIP afin de contrôler que ce dernier se fournissait de façon régulière et suffisante en gel NuSil MED3-6300 pour alimenter sa production d'implants IMGHC, quand aucun de ces indices allégués ne portait, en outre, sur une défaillance du gel de remplissage des implants, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

7°/ qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que « des affaires judiciaires ont opposé en Grande Bretagne la SA P.I.P. a de nombreuses porteuses britanniques d'implants victimes » et que ce fait « n'a pu en aucun cas échapper à la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des « Notifiés » de la Commission de Bruxelles », sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la société TRLP aurait eu connaissance de ces plaintes, ni répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que le tribunal n'avait fait que reprendre une affirmation non étayée de certaines demanderesses selon laquelle des « centaines de plaintes » auraient été déposées au Royaume-Uni, alors qu'il résultait au contraire du rapport établi par l'AFSSAPS et la direction générale de la santé à la suite de la révélation de la fraude que seule une vingtaine de plaintes isolées avaient au total été déposées au Royaume-Uni, sans que les autorités sanitaires britanniques ou européennes n'en soient informées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ de même, qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que « les multiples déclarations de matériovigilance concernant les produits de la SA P.I.P » n'avaient également pu échapper à « la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des « Notifiés » de la Commission de Bruxelles », sans répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que, contrairement aux affirmations du jugement, il résultait du rapport établi par l'AFSSAPS et la direction générale de la santé que sur la période allant de 2002 à 2007, le taux cumulé de rupture des implants en gel de silicone de PIP, qui oscillait autour de 0,04 %, était demeuré dans la moyenne des taux cumulés de rupture des implants en gel de silicone d'autres fabricants, une augmentation n'étant constatée qu'à la fin de l'année 2009, ni préciser en quoi les données connues des sociétés TRLP et TRF, qui n'étaient pas destinataires des déclarations de matériovigilance aux termes de la réglementation, imposaient ainsi le recours à des mesures additionnelles, alors que tout dispositif médical génère nécessairement des déclarations de matériovigilance et que seul le constat d'une hausse subite des déclarations ou le dépassement du taux moyen aurait été de nature à laisser présumer une non-conformité d'un dispositif médical, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9°/ enfin, qu'il résulte de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16 février 2017, Schmitt, C-219/15, § 40), que l'organisme notifié ne supporte aucune obligation de procéder à un contrôle des dispositifs eux-mêmes, à des visites inopinées ou à une visite dans les locaux des fournisseurs, sauf en présence d'indices laissant suggérer une non-conformité des dispositifs aux exigences essentielles de la directive ; qu'à supposer adoptés les motifs par lesquels le tribunal de commerce a relevé que « la société TUV n'a pas effectué durant son mandat Menu [venu ?] de Bruxelles, le moindre prélèvement sur la chaîne, pendant et en fin de fabrication, d'un quelconque implant pour en analyser ses composants comme le lui prescrivait la Directive », qu'elle s'était contentée « d'aviser par avance la direction de la SA P.I.P. de sa prochaine venue pour l'inspection quasi-annuelle », et qu'elle n'avait procédé à aucune visite dans les locaux du fabricant américain NuSil, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Aux termes de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et de l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne l'annexe II de la directive 93/42, modifiée par le règlement n° 1882/2003 du 29 septembre 2003, successivement applicables, le fabricant fournit à l'organisme habilité les informations utiles pour s'assurer du respect des obligations attachées à son système de qualité et il l'autorise à effectuer toutes les inspections nécessaires, et cet organisme procède périodiquement aux inspections et évaluations appropriées et il peut, lors de visites inopinées, réaliser ou faire réaliser des essais pour vérifier le fonctionnement du système de qualité.

11. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les dispositions de l'annexe II de la directive 93/42, telle que modifiée par le règlement n° 1882/2003, doivent être interprétées en ce sens que, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive telle que modifiée, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 16, § 6, de ladite directive et des points 3.2, 3.3, 4.1 à 4.3 et 5.1 de l'annexe II de celle-ci (CJUE, arrêt du 16 février 2017, Schmitt, C-219/15).

12. Il résulte de cette décision que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093, Bull.).

13. Après avoir relevé que, lors des audits de surveillance et de certification effectués entre novembre 2004 et février 2009, le service achat de la société PIP avait été contrôlé et qu'il ressortait des auditions de certificateurs des sociétés TRLP et TRF recueillies au cours de l'enquête pénale que la vérification de l'approvisionnement des matières premières constituait l'une des premières étapes d'un audit de surveillance, la cour d'appel a constaté que l'enquête pénale avait établi l'existence d'une chute brutale d'achat de gel Nusil à compter de 2002 par la société PIP et l'absence de tout achat de ce gel au cours de l'année 2004, alors que celle-ci avait produit pendant cette même année environ vingt mille prothèses IMGCH, soit l'équivalent des trois années antérieures, et que, si la société PIP faisait disparaître les achats de gel non autorisé de la base achat informatique, aucune falsification n'était opérée dans cette base achat et dans la comptabilité concernant la fourniture de gel Nusil.

14. Elle a retenu que l'absence de tout achat de gel en 2004, ainsi que l'incohérence entre la quantité de gel commandé et le nombre de prothèses fabriquées constituaient une anomalie évidente dans le procédé de fabrication, suggérant que le dispositif médical en cause était susceptible d'être non conforme aux prescriptions de la directive et justifiant une visite des locaux sans avertissement, laquelle aurait nécessairement conduit les auditeurs des sociétés TRLP et TRF à découvrir la substitution de gel, les manoeuvres pour dissimuler les gels non homologués n'ayant été mises en place par les employés de la société PIP que lorsque ceux ci avaient été informés de la survenance d'un audit, et que, de même, une simple interrogation du fournisseur du seul gel autorisé sur les quantités livrées aurait permis de confirmer que les prothèses produites étaient nécessairement remplies à l'aide d'une autre substance.

15. Elle n'a pu qu'en déduire que la société TRLP avait manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité.

16. Inopérant en ses quatrième, septième et huitième branches critiquant des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le sixième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

17. La société TRF fait grief à l'arrêt de juger que sa responsabilité professionnelle est « avérée » et qu'elle doit réparer, solidairement avec la société TRLP, les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, alors :

« 1°/ que la responsabilité d'une société ne peut être mise en jeu sans qu'il ne soit relevé l'existence, à son égard, d'un fait générateur de responsabilité ; qu'en jugeant que la responsabilité professionnelle de la société TRF était avérée et qu'elle était tenue de réparer, solidairement avec la société TRLP, les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs de produits de la SA PIP ainsi que les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, sans relever l'existence d'une quelconque faute commise par TRF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ en toute hypothèse que le contrôle des opérations d'audit et la délivrance et le maintien des certificats au fabricant relèvent de la seule responsabilité de l'organisme notifié et non des sous-traitants ou personnels auxquels celui-ci est autorisé à recourir dans les conditions prévues par la directive 93/42/CEE ; qu'en jugeant que la société TRF avait engagé sa responsabilité à l'égard des demanderesses personnes physiques, cliniques et distributeurs, au motif inopérant qu'elle aurait « participé » aux opérations et qu'elle se serait contractuellement « engagée à effectuer une mission de contrôle, d'inspection et de service dans le cadre des opérations de certification », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et des articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ en outre qu'en relevant que la société TRF s'était « engagée contractuellement à effectuer une mission de contrôle, d'inspection et de service dans le cadre des opérations de certification », quand il ne résultait d'aucune des mentions des contrats conclus entre les sociétés PIP, TRLP et TRF que cette dernière se serait contractuellement engagée à effectuer de telles missions ou qu'elle se serait engagée à assumer la mission d'organisme notifié, la cour d'appel a dénaturé l'« agreement » et l' « Acknowledgement » conclus entre TÜV Rheinland et PIP les 15 et 21 octobre 1997 ainsi que le « General agreement » conclu entre TÜV Rheinland et PIP les 13 et 20 juin 2001, en violation de l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

18. Conformément au point 2 de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et à l'article R. 5211-56, du même code, successivement applicables, d'une part, un organisme habilité peut confier à un sous-traitant des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, à condition de s'assurer préalablement que les dispositions du livre V bis du code précité, dans sa rédaction applicable en la cause, et, en particulier, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47, laquelle fixe les critères minimaux pour la désignation des organismes habilités, soient respectées par le sous-traitant, d'autre part, le personnel chargé du contrôle doit exécuter les opérations d'évaluation et de vérification avec la plus grande compétence requise dans le secteur des dispositifs médicaux.

19. La cour d'appel a retenu qu'en application d'un contrat conclu le 21 octobre 1997 entre les sociétés PIP, TRLP et TRF, la société TRF avait, en qualité de sous-traitante, participé conjointement avec la société TRLP aux opérations de vérification ayant permis à la société PIP d'obtenir le certificat CE le 15 mars 2004 et aux nombreux audits de surveillance entre novembre 2004 et février 2009 et qu'elle avait, comme la société TRLP, manqué à ses obligations de vigilance lors des contrôles effectués au service achats.

20. Elle a pu en déduire que la société TRF avait manqué aux engagements inhérents à l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité.

21. Inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen du pourvoi incident de Mme [R] et autres

Enoncé du moyen

22. Mme [R] et autres font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 20 janvier 2017 en ce qu'il a dit que l'intervention de TRF dans le dossier de certification avait été réalisée en fraude des dispositions de la directive 93/42 CEE, alors :

« 1°/ d'une part, qu'en vertu de l'annexe XI, point 2, de la directive 93/42/CEE, l'organisme notifié ne peut confier à un sous-traitant que « des travaux spécifiques [...] portant sur la constatation et la vérification des faits » ; qu'en se bornant à constater que la société TRF, qui avait effectué au profit de la société PIP des opérations complètes d'audit et de vérifications, avait exercé « cette activité en qualité de sous-traitant de la société TRLP » au sens de l'article R. 4211-56 du code de la santé publique, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société TRF n'était pas intervenue dans le processus de certification au-delà des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, de sorte qu'elle ne pouvait pas être qualifiée de sous-traitant au sens de l'annexe XI de la directive et l'article R. 4256-11 du code de la santé publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;

2°/ d'autre part, que l'annexe XI de la directive 93/42/CEE impose à l'organisme notifié qui confie des tâches à un sous-traitant dans l'exercice de sa mission de certification de s'assurer que ce sous-traitant satisfait lui-même aux exigences de compétence et d'indépendance du personnel en charge des contrôles fixées par la directive ; qu'en se bornant à constater que la société TRF, qui avait effectué au profit de la société PIP des opérations complexes d'audit et de vérifications, avait exercé « cette activité en qualité de sous-traitant de la société TRLP » au sens de l'article R. 4211-56 du code de la santé publique (page 320 de l'arrêt), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée si la société TRF, qui n'était pas un organisme notifié au sens de la directive 93/42/CEE, disposait des compétences, de la documentation et de l'indépendance requises pour s'acquitter des tâches qui lui étaient confiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'Annexe XI de la directive 93/42/CEE et de l'article R. 5211-56 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

23. En retenant que la société TRF avait exercé l'activité de sous-traitant prévue à l'article R. 5211-56 code de la santé publique, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise alléguée par la première branche et n'était dès lors pas tenue de procéder à celle invoquée par la seconde branche que ses constatations rendaient inopérante.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

25. Les sociétés TRLP et TRF font le même grief à l'arrêt, alors « que, en jugeant que le défaut de vigilance allégué des sociétés TRLP et TRF avait eu pour conséquence de permettre à la société PIP d'apposer la certification CE sur les implants IMGHC dès avril 2001, quand il résultait de ses constatations que les incohérences que les sociétés TRLP et TRF auraient prétendument dû déceler dataient de 2004 voire de 2002 et que l'utilisation frauduleuse d'un gel de remplissage non homologué avait débuté à la fin de l'année 2002, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

26. La recevabilité du moyen est contestée en défense. Il est soutenu que le moyen est nouveau et mélangé de fait.

27. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.

28. Il est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

29. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

La contradiction entre les motifs équivaut à une absence de motifs.

30. Pour condamner les sociétés TRLP et TRF à réparer l'ensemble des préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires PIP, l'arrêt retient que les manquements des sociétés TRLP et TRF ont eu pour conséquence de permettre à la société PIP d'apposer la certification CE sur les prothèses IMGHC d'avril 2001 à mars 2010.

31. En statuant ainsi, après avoir retenu que l'utilisation frauduleuse d'un gel non autorisé avait débuté à la fin de l'année 2002 et que les incohérences dans la comptabilité matière qui auraient dû être décelées lors de l'audit des 24 au 26 novembre 2004, tenant notamment à l'absence d'achat de gel Nusil cette année-là alors que la société PIP avait produit environ 20 000 prothèses IMGHC, étaient postérieures, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et les pourvois incidents de Mme [I] et autres et de Mme [N] et autres qui ne sont qu'éventuels, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, que la responsabilité professionnelle de la société TÜV Rheinland France est avérée et que l'intervention de cette société en qualité de sous-traitante de la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH est licite, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Spinosi ; SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon -

Textes visés :

Articles R. 665-1 à R. 665-47 et R.5211-56 du code de la santé publique ; directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, annexe II.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 22-11.541, Bull., (cassation partielle).

1re Civ., 25 mai 2023, n° 22-11.541, (B), FS

Cassation partielle

Dispositifs médicaux – Importation, mise en service ou utilisation – Certification de conformité – Organisme notifié – Sous-traitant – Obligation de vigilance – Applications diverses

En présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées.

Les achats de gel autorisé par le fabricant dans les bons de commande de matières premières contrôlés par les auditeurs, dès lors qu'ils ne correspondent pas aux quantités nécessaires à la fabrication d'implants mammaires, les écarts importants et récurrents, avec le système de qualité approuvé, constatés par les auditeurs concernant la stérilisation lors de la fabrication des produits, ainsi que la matériovigilance et le traitement des réclamations, constituent des indices de non-conformités qui justifient une visite inopinée des locaux de fabrication et de stockage des matières premières du fabricant.

Manque à ses engagements et engage sa responsabilité le sous-traitant de l'organisme notifié dont les auditeurs, qui effectuent ou participent aux audits de certification et de surveillance et qui sont signataires des rapports finaux, minorent l'importance des écarts qu'ils relèvent sur la capacité du fabricant à se conformer à son système de qualité et recommandent le maintien de la certification, et qui fait preuve à l'égard de celui-ci d'une proximité progressivement accrue.

Le marquage CE apposé sur des dispositifs médicaux, en ce qu'il a pour finalité d'assurer que la fabrication des produits a été soumise à des contrôles stricts notamment en termes de sécurité sanitaire, suscite la confiance des utilisateurs, y compris de ceux résidant en dehors de l'Union européenne. Le préjudice subi par les personnes physiques et les distributeurs résidant ou implantés en dehors de l'Union européenne, en lien causal avec les manquements de l'organisme notifié et de son sous-traitant ayant permis la poursuite de la commercialisation de ces produits dans les pays tiers, ouvre droit à indemnisation.

Ont subi individuellement un préjudice d'anxiété les patientes porteuses d'implants mammaires fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel figurant dans le dossier de marquage CE, à la suite des recommandations des autorités sanitaires prônant un contrôle médical systématique et régulier et, dans certains pays, leur explantation même en l'absence de signe clinique décelable, lesquelles se sont trouvées ainsi dans une situation d'incertitude et ont été exposées à des incidents plus précoces de même qu'à un risque de complications.

La révélation d'une fraude, tardivement découverte, commise dans la fabrication des implants au moyen d'un gel à usage industriel porte atteinte au droit au respect de la santé des patientes porteuses des prothèses.

Se contredit une cour d'appel qui, pour condamner l'organisme notifié et son sous-traitant à indemniser le préjudice d'un distributeur, retient que ceux-ci ne pouvaient être tenus de recourir à des visites inopinées des locaux du fabricant qui auraient permis de découvrir la fraude qu'à partir du 1er septembre 2006 alors qu'elle a constaté que, antérieurement à cette date, les volumes de gel autorisé achetés et non dissimulés dans la comptabilité à laquelle les auditeurs avaient eu accès étaient insuffisants à la production des prothèses et même nuls en 2004 et que ces volumes constituaient un indice suggérant une non-conformité aux exigences de la directive 93/42 transposée, de nature à justifier une visite inopinée.

Dispositifs médicaux – Importation, mise en service ou utilisation – Certification de conformité – Manquement au devoir de vigilance – Fraude – Découverte tardive – Lien de causalité – Préjudice d'anxiété – Indemnisation – Application diverses

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvois n° 16-19.430, n° 17-14.401, n° 15-26.093, n° 15-28.891, n° 15-28.531, n° 15-26.115 et n° 15-26.388), la société Poly implant prothèse (la société PIP), qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (la société TRLP), de procéder à l'évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu'à l'examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux, en sa qualité d'organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux.

2. Une première inspection de certification a été réalisée auprès de la société PIP, suivie d'audits visant à renouveler la première certification. Ainsi, le 22 octobre 1997, la société TRLP a rendu une décision d'approbation du système de qualité de la société PIP, qu'elle a renouvelée les 17 octobre 2002, 15 mars 2004 et 13 décembre 2007.

Le 25 février 2004, à la suite de la nouvelle classification des implants mammaires en classe III de la directive 93/42, la société PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société TRLP, qui a délivré, le 15 mars 2004, un certificat d'examen CE valable jusqu'au 14 mars 2009 et, le 27 mai 2009, saisie d'une nouvelle demande de la société PIP, un second certificat.

3. Ces audits ont été réalisés par ou avec les auditeurs de la société TÜV Rheinland France (la société TRF), également membre du groupe TÜV en application d'un contrat cadre conclu le 30 avril 1999 avec la société TRLP.

4. A la suite d'une inspection, les 16 et 17 mars 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel de marque [MAZ] qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive.

En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation.

5. Le 30 mars 2010, la société PIP a été placée en liquidation judiciaire et, par arrêt du 2 mai 2016, ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d'escroquerie et condamnés, l'enquête pénale ayant établi que la société PIP avait utilisé ce gel à compter du mois d'octobre 2002.

6. La société Allianz, assureur de la société PIP, a assigné celle-ci en annulation des contrats d'assurance par elle souscrits.

Les sociétés GF Electromedics Srl, EMI Importaçao E Distribuiçao Ltda et J & D Medicals, distributeurs d'implants mammaires, sont intervenues volontairement à l'instance pour soutenir que l'assureur devait sa garantie et ont assigné en intervention forcée les sociétés TRLP et TRF en responsabilité et indemnisation.

7. D'autres distributeurs et de nombreuses personnes physiques, porteuses d'implants de la société PIP, de nationalité française ou étrangère, sont intervenus volontairement à l'instance aux mêmes fins.

Examen des moyens

[VSD] les premier à quatrième moyens du pourvoi incident de la société J & D Medicals et autres

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer par une décision spécialement motivée ni sur le premier moyen, qui est irrecevable, ni sur les deuxième à quatrième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

[VSD] le premier moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

9. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de retenir que la société TRLP, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, de les déclarer in solidum responsables, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de leurs manquements et abstention fautifs à leurs missions et obligations dans la surveillance du système de qualité de la société PIP, de les condamner in solidum à réparer les dommages résultant du maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de les condamner, en conséquence, à verser différentes indemnités aux personnes physiques déclarées recevables et à certains distributeurs et d'ordonner une expertise à l'égard de certaines personnes physiques, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16/02/2017, Schmitt, C-219/15) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 10 octobre 2018 (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093, publié au Bulletin), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose d'entreprendre des mesures additionnelles, telles qu'une visite inopinée, qu'en présence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive ; que l'organisme notifié détermine librement les mesures pertinentes pour le contrôle de la mise en oeuvre par le fabricant du système de qualité approuvé, et ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir effectué de visite inopinée dans les locaux dudit fabricant qu'à la condition non seulement qu'aient été portés à sa connaissance des indices suggérant que les dispositifs médicaux concernés étaient susceptibles d'être non conformes aux exigences posées par la directive, mais aussi que ces indices aient, du fait de leur nature et de leur objet, spécifiquement imposé le recours à de telles visites, à l'exclusion de toute autre mesure additionnelle ; qu'en l'espèce, après avoir recensé divers événements concernant les dispositifs médicaux survenus entre 1997 et 2006 et relevé que les audits de surveillance du système de qualité de PIP effectués au cours de cette période avaient conclu à l'existence de points d'amélioration ou d'écarts par rapport au référentiel applicable, la cour d'appel a conclu, sans autre forme de motivation, qu'au 1er septembre 2006, les indices connus de TRLP auraient dû la conduire à effectuer une visite inopinée dans les locaux de la société PIP ; qu'en se prononçant de la sorte, sans identifier les indices qui, à cette date précisément, auraient imposé à l'organisme notifié TRLP, au regard des règles précitées, de procéder à une telle visite inopinée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ en toute hypothèse que le constat de l'existence d'écarts du système de qualité approuvé par rapport au référentiel applicable ne justifie le recours à une visite inopinée dans les locaux du fabricant que lorsqu'ils portent sur des circonstances suggérant des non-conformités du produit concerné aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 et imposent, au regard de leur nature et de leur consistance, une telle visite ; qu'en se fondant sur le fait que les audits réalisés par les auditeurs de TRLP entre 1997 et 2006 avaient révélé l'existence d'écarts du système de qualité approuvé sur des éléments tels que la production de l'eau déminéralisée alimentant la machine à laver des prothèses, la gestion des réclamations clients, ou le non-respect de certains aspects du processus de stérilisation, points qui, compte tenu de leur objet, ne caractérisaient pas des indices de non-conformité imposant le recours à une visite inopinée à l'exclusion de toute autre mesure, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ en outre, que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir qu'il résultait de la lecture des rapports d'audit que chaque écart, non critique, du système de qualité par rapport au référentiel applicable, avait fait l'objet de mesures correctives et/ou préventives appropriées qui avaient été mises en oeuvre par le fabricant dans des conditions garantissant le respect des exigences prévues par la directive 93/42/CEE et la bonne application du système de qualité approuvé, ce dont il résultait que le recours à une visite inopinée ne s'imposait pas à l'époque des faits ; qu'en affirmant, pour retenir que l'absence de visite inopinée engageait la responsabilité de TRLP, que les « satisfécits » figurant dans les rapports d'audit étaient « totalement inopérants », que les auditeurs auraient procédé à « une appréciation erronée de l'incidence, en termes d'indices de non conformité des écarts constatés sur la capacité de la société PIP à se conformer à son système qualité et aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE », ou encore que « les sociétés TÜV ne sauraient utilement se retrancher derrière la méthode de sondage utilisée pendant les audits, le suivi des actions correctives et la levée des déviations constatées pour nier l'accumulation de difficultés importantes et récurrentes au sein de la société PIP dont elles connaissaient la place majeure en tant que fournisseur mondial d'implants mammaires », sans rechercher si les mesures correctives et/ou préventives adoptées par le fabricant PIP n'avaient pas répondu, dans des délais appropriés, à l'ensemble des écarts relevés par l'organisme notifié, écartant ainsi l'obligation de mettre en oeuvre une quelconque mesure additionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ en outre, que les visites inopinées auxquelles procèdent les organismes notifiés ne consistent pas dans des mesures d'investigation générale ni dans des mesures de perquisition mais ont pour seul objet de procéder aux vérifications additionnelles rendues nécessaires par les indices qui les ont provoquées ; que pour dire que la visite inopinée qu'aurait dû pratiquer l'organisme notifié TRLP en l'état des écarts que la cour d'appel a pu relever aurait abouti à la révélation de la fraude, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun indice relatif à une impropriété du gel de remplissage autorisé, a relevé que « la fabrication d'implants mammaires était particulièrement importante et la découverte par l'organisme notifié des fûts et des commandes de gel industriel ne fait nul doute en l'absence de temps pour les employés pour s'organiser de quelque façon que ce soit » ; qu'en retenant ainsi qu'une visite inopinée pratiquée par TRLP sur la base des indices qu'elle relevait aurait nécessairement révélé la fraude, la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que, en se fondant encore, pour reprocher à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir procédé, en septembre 2006, à une visite inopinée dans les locaux de la société PIP, sur le fait qu'en 2000, la FDA avait adressé à PIP une lettre d'avertissement concernant des prothèses salines dont TRLP indiquait, sans être démentie par l'arrêt, n'avoir pas eu connaissance, que cette même année, la MDA avait adressé un courrier à PIP sur le devenir métabolique des implants en hydrogel, et sur le fait qu'en 2003, le TGA Australien avait relevé des « non conformités » consistant dans l'existence de trous dans le sol ou à l'ouverture simultanée de portes, circonstances également insusceptibles de constituer, par leur nature, leur date ou leur objet, des indices de non-conformité qui auraient imposé à l'organisme notifié TRLP de procéder en 2006 à une visite inopinée, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

6°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (CJUE, arrêt du 16/02/2017, Schmitt, C-219/15) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 10 octobre 2018 (Civ.1re, 10 oct. 2018, pourvoi n° 15-26.093, publié au Bulletin), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose d'entreprendre des mesures additionnelles qu'en présence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive ; que pour la vérification de l'application des processus d'achat faisant partie du système de qualité approuvé, l'organisme notifié est uniquement tenu de procéder, lors des audits périodiques, à des vérifications réalisées par sondage, c'est-à-dire par la revue de certains documents, le questionnement de certains salariés, ou le suivi de certain(s) lot(s) d'implants sélectionné(s) selon le principe du sondage, que les matières premières sont commandées, réceptionnées, contrôlées et stockées conformément au système de qualité approuvé ; qu'en retenant, pour faire grief à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir relevé l'insuffisance des achats de la matière première [MAZ] MED3-6300 par PIP pour alimenter sa production totale de prothèses IMGHC en 2004, qu'une « simple vérification des commandes » aurait révélé cette insuffisance, quand le contrôle de la suffisance des achats de matières premières effectués par PIP concernant une matière première déterminée, à savoir celle ayant précisément fait l'objet d'une fraude, ne s'imposait pas par principe à l'organisme notifié et ne se serait imposé à lui qu'en présence d'indices suggérant spécifiquement une non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE en lien avec le gel de remplissage que la cour d'appel n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

7°/ en outre que le constat de l'insuffisance d'achats par un fabricant de l'une des matières premières composant un dispositif médical suppose l'exercice d'un contrôle de cohérence qui, par sa nature et son ampleur, excède les missions ordinaires d'un organisme notifié ; que les sociétés TRLP et TRF faisaient valoir que la révélation de l'insuffisance des achats de la matière première [MAZ] MED3-6300 ne pouvait résulter du simple constat de la faiblesse ou de l'absence de commandes à un instant T de ladite matière première, mais aurait imposé, à chaque audit, de recenser les commandes correspondant spécifiquement à une matière première particulière (le gel NuSil MED3-6300) parmi les différentes matières premières commandées par PIP pour l'ensemble de sa production d'implants, y compris celles relatives aux commandes des sept autres gels de silicone produits par [MAZ] et achetés par PIP, d'isoler les quantités d'implants IMGHC produits (parmi tous les produits fabriqués par PIP) pour en déduire la quantité de matière première correspondante nécessaire, et de procéder à un rapprochement entre ces données, en tenant compte notamment, pour une période donnée, des stocks précédemment constitués ou d'éventuelles annulations de commandes, ce qui ne se serait imposé, en tant que mesure additionnelle, qu'en présence d'indices de non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE portant spécifiquement sur une impropriété du gel de remplissage utilisé ; qu'en reprochant dès lors à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir constaté qu'en 2004, la société PIP s'était suffisamment approvisionnée en gel [MAZ] MED3600 pour alimenter sa production totale de prothèses IMGHC, quand ce constat ne pouvait résulter d'« une simple vérification des commandes », mais supposait la mise en oeuvre d'une mesure additionnelle qui ne se serait imposée à l'organisme notifié qu'en présence d'indices de non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE portant sur le gel de remplissage, que la cour d'appel n'a pas caractérisés, la cour d'appel a violé derechef les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

8°/ que l'audit du système de qualité et la vérification, par l'organisme notifié, de l'application par le fabricant du système de qualité approuvé constitue une mission différente de l'analyse documentaire du dossier de conception ; que la vérification de l'application par le fabricant du système de qualité approuvé s'effectue par référence aux exigences posées par la directive 93/42/CEE, aux normes le cas échéant mises en oeuvre et au système de qualité préalablement certifié par l'organisme notifié, sans que les auditeurs ne soient tenus de prendre connaissance ou, plus encore, de détenir le dossier de conception du produit au cours de l'audit du système de qualité ; qu'en jugeant par hypothèse qu'une faute avait été commise par TRLP et/ou TRF au motif que les auditeurs n'avaient pas « détenu » le dossier de conception, que cette méconnaissance du dossier de conception serait de nature à expliquer « leur ignorance des préconisations de l'utilisation du gel [MAZ]" (présomption, durée de la garantie, et proportion de chacun des composants), et que les appelants objectaient vainement l'absence de nécessité pour les auditeurs de connaître le dossier de conception dans le cadre de l'évaluation du système de qualité, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

9°/ de même que la directive 93/42/CEE n'impose pas à l'organisme notifié de procéder à des audits selon une périodicité déterminée, et en particulier, de procéder à des audits annuels ; qu'en l'espèce, l'organisme notifié TRLP faisait précisément valoir qu'aucune obligation de cette sorte ne s'imposait à lui aux termes de la directive, et que l'absence de réalisation des audits selon un rythme annuel n'était d'ailleurs pas révélatrice d'une absence de vigilance de l'organisme notifié, treize audits ayant en l'espèce été réalisés selon une périodicité moyenne de 11,5 mois ; qu'en reprochant à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir procédé à un audit en 2005 et en relevant qu'aucune surveillance n'avait par conséquent été effectuée cette même année la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser l'existence d'une faute commise par l'organisme notifié TRLP, et a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

10°/ qu'en imputant l'absence de recours à une visite inopinée dans les locaux de PIP dès le mois de septembre 2006 à une « trop grande implication laissée à la société TRF », qui aurait méconnu son obligation objective d'indépendance dans ses rapports avec PIP, quand les éléments qu'elle relevait pour caractériser le manquement allégué de TRF à son obligation objective d'indépendance ne concernaient pas la période incriminée mais essentiellement une période postérieure à 2006, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11°/ en outre qu'en se bornant, pour caractériser un prétendu manquement de TRF à son obligation d'indépendance, à relever d'une part que deux auditeurs avaient à la fois participé aux audits et géré les relations financières relatives à la certification, d'autre part que TRF avait diffusé une publication proposant des formations effectuées par elle-même ou par l'organisme notifié TRLP sur la préparation des entreprises à une inspection de la FDA, de troisième part qu'un auditeur salarié de TRF avait participé à une formation dispensée par un expert au sein de l'entreprise PIP et que cette dernière avait de ce fait obtenu une réduction de 31 %, de quatrième part que des audits de surveillance avaient été reportés en 2009 et 2010, de cinquième part que le 26 mars 2010, M. [CA] aurait, dans un premier temps, qualifié la fraude d'écart au dossier de conception auprès de TRLP avant de se raviser, de sixième part qu'un audit avait été reporté sans explication et enfin que les relations entre TRF et PIP avaient débuté en 1997 et étaient pérennes, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un quelconque manquement des auditeurs concernés ou des sociétés TRLP et TRF à leur obligation d'indépendance et a violé les articles 2 et 3 de l'annexe XI de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article R. 5211-56 du code de la santé publique ;

12°/ que l'organisme notifié, qui détermine librement les mesures pertinentes pour le contrôle de la mise en oeuvre par le fabricant du système de qualité approuvé, ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir effectué une visite inopinée dans les locaux dudit fabricant qu'à la condition, non seulement qu'aient été portés à sa connaissance des indices suggérant que les dispositifs médicaux concernés étaient susceptibles d'être non conformes aux exigences posées par la directive, mais aussi que ces indices aient, du fait de leur nature et de leur objet, spécifiquement imposé le recours à une telle visite, à l'exclusion de toute autre mesure additionnelle ; qu'en se bornant, pour énoncer que le défaut de vigilance de TRLP aurait perduré postérieurement au 1er septembre 2006, à relever que des écarts avaient été constatés sur des éléments tenant par exemple au fait qu'il n'était pas garanti que les notices soient disponibles dans toutes les langues de l'Union européenne, que les boîtes de carton n'étaient pas suffisamment identifiées dans les zones de stockage, ou qu'en 2007, l'autorité allemande ZLG avait transmis à TRLP une interrogation sur la « lenteur » du traitement des déclarations de matériovigilance, points dont elle relevait au demeurant à nouveau qu'ils avaient tous donné lieu à des mesures correctives, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'indices qui auraient spécifiquement imposé à l'organisme notifié TRLP de procéder à une visite inopinée dans les locaux de PIP, en violation des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;

13°/ qu'en relevant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges d'une part qu'en 1995, une société américaine dénommée Dow Corning s'était rendue coupable d'une fraude, d'autre part que l'organisme notifié TRLP savait que les certificats délivrés étaient utilisés par PIP pour sa déclaration de conformité, de troisième part qu'un moratoire avait été ordonné en 2001 à l'égard de tous les fabricants de prothèses en gel de silicone avant que ces dernières ne soient à nouveau autorisées sur le marché français, et enfin qu'en décembre 2000 l'AFSSAPS avait pris une décision individuelle suspendant la mise sur le marché et l'utilisation des prothèses mammaires de marque PIP pour des motifs liés à l'absence de remise de documents avant que cette suspension ne soit levée dans les mois suivants du fait de la remise de cette documentation jugée conforme par l'autorité de santé française, la cour d'appel s'est de nouveau fondée sur des circonstances insusceptibles, par leur nature, leur objet et leur date, de constituer des indices de non-conformité des prothèses IMGHC de PIP imposant le recours à une visite inopinée, en violation des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;

14°/ qu'en relevant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges, que « des affaires judiciaires ont opposé en Grande Bretagne la SA P.I.P. à de nombreuses porteuses britanniques d'implants victimes » et que ce fait « n'a pu en aucun cas échapper à la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des « Notifiés » de la Commission de Bruxelles », sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la société TRLP aurait eu connaissance de ces plaintes, ni répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que le tribunal n'avait fait que reprendre une affirmation non étayée de certaines demanderesses selon laquelle des « centaines de plaintes » auraient été déposées au Royaume-Uni, alors qu'il résultait au contraire du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé à la suite de la révélation de la fraude que seule une vingtaine de plaintes isolées avaient au total été déposées au Royaume-Uni, sans que les autorités de santé britanniques ou européennes n'en soient informées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

15°/ qu'en affirmant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges, que « les multiples déclarations de matériovigilance concernant les produits de la SA P.I.P » n'avaient également pu échapper à « la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des « Notifiés » de la Commission de Bruxelles », sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que l'organisme notifié TRLP avait eu connaissance de ces données, alors qu'elle n'en était pas légalement destinataire et que TRLP faisait valoir qu'elles ne les lui avaient pas été retransmises, ni répondre aux conclusions d'appel par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir que tout dispositif médical génère nécessairement un taux incompressible de déclarations, que seul le constat d'une hausse subite des déclarations ou le dépassement du taux moyen est de nature à laisser présumer une non-conformité d'un dispositif médical, et que contrairement aux affirmations du jugement, il résultait du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé que sur la période allant de 2002 à 2007, le taux cumulé de rupture des implants mammaires en gel de silicone de PIP, qui oscillait autour de 0,04 %, était demeuré dans la moyenne des taux cumulés de rupture des implants mammaires en gel de silicone d'autres fabricants, qu'une augmentation de ce taux n'avait été constatée par l'AFSSAPS qu'à la fin de l'année 2009, et que dès lors, à supposer même que l'organisme notifié TRLP ait eu connaissance du taux relatif de déclarations de matériovigilance de PIP, ce qui n'était pas le cas, la connaissance de ce taux n'aurait pas même justifié le recours à des mesures additionnelles, mais aurait au contraire conforté l'organisme notifié dans l'absence d'indices de non-conformité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Aux termes de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et de l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne l'annexe II de la directive 93/42, modifiée par le règlement n° 1882/2003 du 29 septembre 2003, successivement applicables, le fabricant fournit à l'organisme habilité les informations utiles pour s'assurer du respect des obligations attachées à son système de qualité et il l'autorise à effectuer toutes les inspections nécessaires, et cet organisme procède périodiquement aux inspections et évaluations appropriées et il peut, lors de visites inopinées, réaliser ou faire réaliser des essais pour vérifier le fonctionnement du système de qualité.

11. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les dispositions de l'annexe II de la directive 93/42 telle que modifiée par le règlement n° 1882/2003, doivent être interprétées en ce sens que, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif

médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive telle que modifiée, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 16, paragraphe 6, de ladite directive et des points 3.2, 3.3, 4.1 à 4.3 et 5.1 de l'annexe II de celle-ci (CJUE, 16 février 2017, [BBF], C-219/15).

12. Il résulte de cette décision que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093).

13. En premier lieu, après avoir retenu que le contrôle des matières premières avait été effectué par les auditeurs au moyen de l'examen des bons de commande, la cour d'appel a constaté que les achats de gel [MAZ] à compter de 2002 par la société PIP ne correspondaient pas aux quantités nécessaires à la fabrication des implants mammaires et qu'aucun achat de ce gel n'avait été effectué au cours de l'année 2004.

14. En second lieu, elle a relevé qu'au cours des nombreux audits effectués exclusivement par les sociétés TRLP et TRF, dont un des 24 au 26 novembre 2004, soit huit mois après l'examen du dossier de conception, des écarts importants et récurrents avec le système de qualité approuvé avaient été constatés, lesquels concernaient, d'une part, la stérilisation lors de la fabrication des produits en raison des insuffisances du procédé employé, d'autre part, la matériovigilance et le traitement des réclamations en raison des insuffisances du système de surveillance des incidents avec des effets indésirables pour le patient et de l'impossibilité à laquelle s'étaient heurtés les auditeurs de procéder à des vérifications sur une base de données créée le 6 février 2006 et enregistrant les réclamations.

15. Elle a retenu que les sociétés TRLP et TRF ne sauraient utilement se retrancher derrière la méthode de sondage utilisée pendant les audits, le suivi des actions correctives et la levée des déviations constatées pour nier l'accumulation de difficultés importantes et récurrentes au sein de la société PIP.

16. Elle a retenu encore qu'à compter du 1er septembre 2006, les indices suggérant des non-conformités dont disposait la société TRLP justifiaient une visite inopinée des locaux de fabrication et de stockage des matières premières de la société PIP et l'examen des documents commerciaux relatifs aux produits afin de s'acquitter de ses obligations au titre de la directive 93/42 transposée, qu'à cette date, la découverte des fûts et des commandes de gel industriel ne faisait nul doute, en l'absence du temps nécessaire pour cacher les fûts ou containers de gel non autorisés et qu'aucune précaution particulière n'avait été prise pour dissimuler les commandes de produits non autorisés, hormis lors des audits, et que la société TRLP avait fait preuve d'inertie fautive en n'estimant pas utile d'approfondir ses diligences par une telle visite inopinée.

17. Elle n'a pu qu'en déduire que la société TRLP avait manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité, à tout le moins à compter du 1er septembre 2006.

18. Inopérant en ses cinquième et dixième à quinzième branches critiquant des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

[VSD] le deuxième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

19. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de déclarer la société TRF responsable, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de ses abstention et manquements fautifs à ses missions et obligations dans l'exécution de la surveillance du système qualité de la société PIP, de condamner la société TRF à réparer les dommages consécutifs au maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de la condamner, en conséquence, à verser diverses indemnités, et d'ordonner une expertise, alors :

« 1°/ qu'en relevant, pour juger la société TRF responsable, solidairement avec TRLP, des préjudices causés aux demanderesses, que les auditeurs de TRLP salariés de TRF avaient émis un avis favorable au maintien de la certification de PIP et qu'ils auraient fait preuve d'un défaut de vigilance à ce sujet en minorant la portée des écarts constatés lors des audits du système de qualité de PIP (ibid), quand l'analyse de la portée des écarts du système de qualité, la définition des éventuelles mesures additionnelles à réaliser et la reconduite de la certification relevaient de la seule responsabilité de l'organisme notifié TRLP, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'une faute commise par la société TRF, a violé les articles R. 5211-40 et R. 5211-56 du code de la santé publique, les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;

2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que la cour d'appel a elle-même relevé que la responsabilité de décider de recourir à des mesures additionnelles telle qu'une visite inopinée relevait de la responsabilité exclusive de l'organisme notifié ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de TRF était engagée au motif que les auditeurs de TRLP salariés de TRF avaient émis un avis favorable au maintien de la certification de PIP et qu'ils auraient fait preuve d'un défaut de vigilance à ce sujet en minorant la portée des écarts constatés lors des audits du système de qualité de PIP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles R. 5211-40 et R. 5211-56 du code de la santé publique, les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. »

Réponse de la Cour

20. Conformément au point 2, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et à l'article R. 5211-56, du même code, successivement applicables, d'une part, un organisme habilité peut confier à un sous-traitant des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, à condition de s'assurer préalablement que les dispositions du livre V bis du code précité, dans sa rédaction applicable en la cause, et, en particulier, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47, laquelle fixe les critères minimaux pour la désignation des organismes habilités, soient respectées par le sous-traitant, d'autre part, le personnel chargé du contrôle doit exécuter les opérations d'évaluation et de vérification avec la plus grande compétence requise dans le secteur des dispositifs médicaux et son indépendance est garantie.

21. Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

22. En premier lieu, après avoir relevé que le contrat cadre conclu le 30 avril 1999 entre les sociétés TRLP et TRF, en conformité avec les exigences de la directive 93/42 transposée, confiait à la société TRF la réalisation d'audits du système de gestion de la qualité, des contrôles du produit, des contrôles sur des aspects partiels, ainsi que la réalisation de contrôles d'efficacité et d'essais en rapport avec les produits médicaux, la cour d'appel a constaté que les audits de certification et de surveillance avaient été effectués uniquement par des auditeurs de la société TRF ou avec leur participation et que ceux-ci avaient été signataires des rapports finaux, à l'exception de celui de l'audit des 16 au 18 juillet 2002.

23. Elle a retenu que ceux-ci avaient minoré l'importance des écarts qu'ils avaient relevés sur la capacité de la société PIP à se conformer à son système de qualité et recommandé le maintien de la certification, faisant ainsi preuve d'un manque de vigilance, et que, lors des audits, leurs diligences avaient été insuffisantes quant aux indices suggérant des non-conformités.

24. En second lieu, elle a relevé que la société TRF, en relation commerciale avec la société PIP depuis 1997, avait fait preuve à son égard d'une proximité qui s'était progressivement accrue et notamment traduite par la gestion des relations commerciales de celle-ci avec la société TRLP, en particulier en fixant la rémunération de l'organisme notifié.

25. La cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la société TRF avait manqué aux engagements inhérents à sa mission et engagé ainsi sa responsabilité.

26. Le moyen n'est donc pas fondé.

[VSD] le troisième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

27. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de les déclarer in solidum responsables, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de leurs manquements et abstention fautifs à leurs missions et obligations dans la surveillance du système de qualité de la société PIP, de les condamner à réparer les dommages consécutifs au maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de les condamner, en conséquence, à régler des indemnités aux sociétés J&D Aestheticals, J&D Medicals, Emi Importaçao E D Distribuiçao Ltd, enseigne EMI, ainsi qu'à des personnes physiques, intervenantes volontaires en première instance et domiciliées à l'extérieur de l'Union européenne et d'ordonner une expertise à l'égard de telles personnes physiques, alors :

« 1°/ que le marquage CE prévu par la directive 93/42/CEE a pour objet de permettre la libre circulation du dispositif médical marqué sur le marché de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, selon les règles fixées par le législateur européen, dans l'intérêt du marché européen ; que l'apposition du marquage CE ne permet pas la commercialisation d'un dispositif médical sur les marchés en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, l'importation et la circulation d'un dispositif médical sur ces marchés dépendant exclusivement des règles de police sanitaire édictées par chaque Etat et des décisions souveraines prises par les autorités étrangères dans la mise en oeuvre de ces règles sur leur propre marché ; qu'en jugeant qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à l'organisme notifié TRLP au regard de la directive 93/42/CEE et les dommages allégués par les personnes physiques et sociétés domiciliées à l'extérieur de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, au motif que la règlementation européenne avait pour objet « de garantir un niveau de protection élevé pour la santé », qu'une confiance était attachée de fait au marquage CE, ou encore que la suspension de certificat par l'organisme notifié TRLP aurait de fait mis fin à l'exportation des prothèses IMGHC de PIP en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, cependant que l'apposition du marquage CE, qui avait pour objet de permettre la circulation du dispositif médical au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, était sans lien causal avec la commercialisation des dispositifs en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen et donc avec les préjudices subis par les parties ayant acquis ou ayant été implantées avec ces dispositifs en

dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1er de la directive 93/42/CEE ;

2°/ en outre que, en se prononçant de la sorte, quand les dommages subis par les personnes physiques et les distributeurs sur les marchés se situant en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen trouvaient leur cause directe et adéquate dans la fraude de PIP et dans les décisions souveraines prises par les autorités compétentes de leur pays, pour l'application des règles spécifiques concernant l'importation et la circulation des produits sur leurs propres marchés, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1er de la directive 93/42/CEE ;

3°/ enfin qu'en jugeant que des personnes physiques et sociétés domiciliées hors de l'Union européenne ou des pays de l'Espace économique européen étaient fondées à se prévaloir de manquements qui auraient été commis par l'organisme notifié TRLP dans l'application de la législation communautaire relative à l'apposition du marquage CE au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, quand cette législation n'avait pour objet de garantir un niveau de protection élevé pour la santé qu'en faveur des personnes domiciliées sur le marché de l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen et qu'elle n'avait ni territorialement ni matériellement pour objet de protéger les intérêts des personnes physiques ou morales intervenant sur les marchés étrangers qui étaient soumis à leur propre réglementation sanitaire, la cour d'appel a violé l'article 1er de la directive 93/42/CEE. »

Réponse de la Cour

28. Selon la CJUE, la directive 93/42 doit être interprétée en ce sens que l'intervention de l'organisme notifié dans le cadre de la procédure relative à la déclaration CE de conformité vise à protéger les destinataires finaux des dispositifs médicaux et les conditions dans lesquelles un manquement fautif de cet organisme aux obligations qui s'imposent à lui en vertu de cette directive, dans le cadre de cette procédure, peut être de nature à engager sa responsabilité à l'égard de ces destinataires, relèvent du droit national, sous réserve des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, arrêt du 16 février 2017, précité).

29. La cour d'appel a retenu, d'une part, que la réglementation européenne relative au marquage CE s'imposait au fabricant dès lors que sa fabrication était en tout ou partie destinée au territoire de l'Union européenne, que ce marquage apposé sur des dispositifs médicaux, en ce qu'il a pour finalité d'assurer que la fabrication des produits a été soumise à des contrôles stricts notamment en termes de sécurité sanitaire, suscite la confiance des utilisateurs, y compris de ceux résidant en dehors de l'Union européenne,

que, dans les contrats passés avec les distributeurs liés à la société PIP par un contrat de distribution exclusive, il constituait également une caractéristique du produit vendu, d'autre part, qu'au vu de l'alerte de l'AFSSAPS fondée sur le non-respect des exigences essentielles de la directive 93/42, les autorités sanitaires colombienne, brésilienne et mexicaine avaient diffusé des alertes sanitaires, suspendu la commercialisation sur leur territoire ou recommandé aux distributeurs son arrêt.

30. La cour d'appel a pu en déduire qu'en l'absence de manquements des sociétés TRLP et TRF ayant permis la poursuite de la commercialisation des prothèses IMGHC dans les pays tiers du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, la suspension de leur commercialisation serait intervenue à compter du 1er septembre 2006 et que le préjudice subi au cours de cette période par les personnes physiques et les distributeurs résidant ou implantés en dehors de l'Union européenne, en lien causal avec ces manquements, ouvrait droit à indemnisation.

31. Le moyen n'est donc pas fondé.

[VSD] le quatrième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF

Enoncé du moyen

32. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt d'ordonner le paiement d'une indemnité de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral, au profit des personnes physiques, intervenantes volontaires en première instance, à l'exclusion de celles dont l'action a été déclarée irrecevables et de celles dont l'intégralité des demandes a été rejetée, en y ajoutant, de condamner les sociétés TRLP et TRF à verser à certaines personnes physiques une somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral, de les condamner à verser à ces personnes une somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété, et de les condamner à verser à certaines personnes physiques la somme de 6 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices moral et d'anxiété, alors :

« 1°/ que la seule atteinte portée au droit fondamental à la santé ne présente pas le caractère d'un préjudice indemnisable, indépendamment des préjudices concrets susceptibles d'en résulter ; qu'en allouant à chacune des personnes physiques demanderesses déclarées recevables et non déboutées de leurs demandes, une indemnité de 3 000 euros au motif qu'elles avaient appris dans les suites de la découverte de la fraude PIP qu'elles étaient susceptibles d'être porteuses de prothèses mammaires remplies d'un gel non déclaré et que cette substitution leur aurait causé par elle-même « un préjudice moral dans la mesure où elle constituait une atteinte au respect qui était dû à leur droit fondamental à la santé reconnu en droit communautaire et international », la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;

2°/ en outre qu'en allouant aux demanderesses personnes physiques déclarées recevables et non déboutées de leurs demandes une indemnité provisionnelle de 3 000 euros en raison de l'atteinte portée à leur droit fondamental à la santé, quand il résultait de ses propres constatations que certaines demanderesses personnes physiques ne subiront jamais d'atteinte à la santé, puisqu'il était établi que l'utilisation du gel non déclaré ne concernait qu'une partie de la production des prothèses IMGHC de PIP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;

3°/ qu'en justifiant en outre le versement de cette indemnité provisionnelle de 3 000 euros par le fait que les porteuses concernées « avaient appris dans les suites de la découverte de la fraude PIP qu'elles étaient porteuses de prothèses mammaires remplies d'un gel non autorisé », la cour d'appel a statué par des motifs qui ne permettent pas de s'assurer qu'elle n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice, dès lors qu'elle indemnisait également pour la quasi-totalité des personnes physiques concernées un préjudice d'anxiété résultant de la crainte exprimée par les porteuses de prothèses IMGHC de PIP, compte tenu de l'aléa que cela représenterait pour leur santé, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;

4°/ enfin, que, même au stade de la provision, le demandeur qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'anxiété doit justifier de l'existence d'un préjudice qui lui est personnel par la production de pièces médicales et/ou objectives attestant d'une angoisse lui causant des troubles dans ses conditions d'existence (Ass. Plèn. 5 avril 2019, n° 18-17.442) ; qu'en allouant une provision de 3.000 euros à la quasi-totalité des demanderesses personnes physiques jugées recevables, sans rechercher, comme elle y était invitée, si chacune des personnes considérées justifiait d'un préjudice d'anxiété personnel par la production de pièces attestant personnellement d'un syndrome d'angoisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble du principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

33. En premier lieu, la cour d'appel, qui a retenu qu'à la suite des recommandations des autorités sanitaires prônant un contrôle médical systématique et régulier et dans certains pays une explantation des prothèses commercialisées par la société PIP même en l'absence de signe clinique décelable, les patientes porteuses de telles prothèses se trouvaient dans une situation d'incertitude et étaient exposées à des incidents plus précoces et à un risque de complications pouvant nécessiter une

explantation, a caractérisé le préjudice d'anxiété subi individuellement par chaque patiente qu'elle a indemnisée sans être tenue de procéder à d'autres constatations.

34. En second lieu, elle a caractérisé l'existence d'un préjudice moral distinct, tenant à la révélation d'une fraude, tardivement découverte, commise par la société PIP dans la fabrication des implants au moyen d'un gel à usage industriel et portant ainsi atteinte au droit au respect de la santé des patientes porteuses des prothèses.

35. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

[VSD] le cinquième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF, en ce qu'il concerne la société J&D Aestheticals

Enoncé du moyen

36. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de les condamner à réparer le préjudice immatériel de perte d'image de la société J&D Aestheticals et à lui payer la somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice, alors « qu'en allouant à la société J&D Aestheticals, distributeur de prothèses mammaires IMGHC de PIP, une indemnité correspondant au préjudice d'image qui résulterait de son association avec la fraude commise par l'entreprise PIP, sans expliquer en quoi ce préjudice résultait non de cette seule fraude mais également de la négligence fautive imputée à l'organisme notifié TRLP et à la société TRF, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ».

Réponse de la Cour

37. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que la société J&D Aestheticals avait subi, en vendant à compter de 2008 les prothèses mammaires de la société PIP, une détérioration de son image qui n'aurait pas été éprouvée si, en l'absence de manquements des société TRLP et TRF, la suspension de leur commercialisation était intervenue en 2006.

38. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le cinquième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident de la société J & D Medicals et autres

Enoncé du moyen

39. La société J & D Medicals fait grief à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés TRLP et TRF à lui payer, en réparation de son préjudice immatériel de perte d'image, ainsi que des préjudices relatifs à des impayés ou remises et à des frais liés à la décision de retrait des prothèses mammaires, la seule somme de 10 000 euros à valoir sur ces postes de préjudices, alors « que l'absence de cohérence entre les achats de matière première et la production d'un dispositif médical constitue un indice suggérant que le dispositif est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE, et justifiant que l'organisme notifié prenne toutes mesures nécessaires pour s'acquitter de ses obligations ; que dès lors en retenant que les sociétés TRLP et TRF ne pouvaient être tenues de recourir à des visites inopinées qu'à partir du 1er septembre 2006, après avoir constaté que dès 2002 les quantités de gel [MAZ] achetées et non dissimulées étaient tout à fait insuffisantes à la production des prothèses et que le volume des commandes de gel [MAZ] constituait un indice de nature à retenir l'attention des sociétés TRLP et TRF et à accroître leur devoir de prudence et de vigilance, circonstance qui justifiait à elle seule une obligation de contrôle renforcé et la réalisation de visites inopinées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles R. 5221 et suivants du code de la santé publique, ensemble les articles 3.2 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et l'article 1382, devenu 1340 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu le point 5.1 de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne le point 5.1 de l'annexe II de la directive 93/42, successivement applicables en la cause, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

40. Il résulte de l'arrêt rendu le 16 février 2017 par la CJUE, précité, que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées.

41. Pour limiter à la somme de 10 000 euros la condamnation in solidum des sociétés TRLP et TRF à payer à la société J&D Medicals en réparation de ses préjudices immatériels de perte d'image, d'impayés ou remises et frais liés à la décision de retrait des prothèses mammaires, l'arrêt retient que celles-ci ne pouvaient être tenues de recourir à des visites inopinées des locaux de la société PIP qui auraient permis de découvrir la fraude qu'à partir du 1er septembre 2006.

42. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, antérieurement au 1er septembre 2006, les volumes de gel [MAZ] achetés et non dissimulés dans la comptabilité à laquelle les auditeurs avaient eu accès, étaient insuffisants à la production des prothèses et même nuls en 2004 et que ces

volumes constituaient un indice suggérant une non-conformité aux exigences de la directive 93/42 transposée, de nature à justifier une visite inopinée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ni sur les pourvois incidents de Mme [N] et autres et de Mme [MXM] [SWK] et autres, qui ne sont qu'éventuels, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les sociétés TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France responsables in solidum des préjudices causés à la société J & D Medicals par le maintien des prothèses IMGHC sur le marché seulement entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Chevalier - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles R. 5211-40, R.665-1 à R. 665-47, annexe II, du code de la santé publique ; directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993, annexe II ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 21-14.843, Bull., (cassation partielle).

1re Civ., 25 mai 2023, n° 22-12.108, (B), FS

Cassation sans renvoi

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Prise en charge de la personne quelle qu'en soit la forme – Obligation d'information du patient – Décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département

Il résulte de l'article L. 3211-3, alinéa 3, du code de la santé publique que, si toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit la forme de sa prise en charge, est, dans la mesure où son état le permet, informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins ou à définir la forme de la prise en charge et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état, elle est aussi informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent.

Lutte contre les maladies et les dépendances – Lutte contre les maladies mentales – Modalités de soins psychiatriques – Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques – Prise en charge de la personne quelle qu'en soit la forme – Obligation d'information du patient – Chacune des décisions de maintien prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [C] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Paris.

Faits et procédure

2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 22 décembre 2021), le 25 décembre 2020, M. [C] a été admis en urgence en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique.

Le 8 mars 2021, le directeur a mis fin à la mesure d'hospitalisation complète et décidé d'un programme de soins.

Le 26 novembre 2021, M. [C] a sollicité la mainlevée de ce programme de soins.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [C] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande, alors « que, selon l'article L. 3211-3, alinéa 3, du code de la santé publique, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement doit être informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa de ce texte, ainsi que des raisons qui les motivent ; qu'en retenant qu'aucune disposition législative ne prévoit qu'une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, soit notifiée au patient dès lors que les dispositions de l'article L. 3211-3 alinéa 2, ont été respectées, l'ordonnance attaquée a violé les dispositions de l'article L. 3211-3, alinéa 3, ensemble les articles L. 211-2 et L. 221-8 du code des relations entre le public et les administrations, lesquelles prescrivent que ces décisions soient notifiées à la personne. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3211-3, alinéa 3, L. 3211-12 et L. 3216-1 du code de la santé publique :

4. Il résulte du premier texte que, si toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit la forme de sa prise en charge, est, dans la mesure où son état le permet, informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins ou à définir la forme de la prise en charge et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état, elle est aussi informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent.

5. Lorsque, sur le fondement du deuxième, le patient saisit le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, il peut, conformément au troisième, contester la régularité des décisions administratives relatives à cette mesure.

6. Pour rejeter la demande de mainlevée de la mesure du programme de soins, l'ordonnance retient qu'aucune disposition législative ne prévoit une notification au patient d'une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, dès lors qu'il a été informé du projet de décision et mis à même de faire valoir ses observations, et constate que les décisions mensuelles de maintien des soins ont été formalisées le jour même ou le lendemain des certificats médicaux établis par le psychiatre à la suite d'entretiens avec M. [C], au cours desquels celui-ci a été informé du maintien de la mesure.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que M. [C] n'avait pas été informé des décisions prises par le directeur d'établissement, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 3211-3, alinéa 3, L. 3211-12 et L. 3216-1 du code de la santé publique.

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