Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 5 - Mai 2023

SAISIE IMMOBILIERE

3e Civ., 25 mai 2023, n° 21-23.015, (B), FS

Rejet

Adjudication – Cahier des charges – Mentions – Nature, coût et date des améliorations – Omission – Effets – Bail rural – Bail à ferme – Améliorations – Indemnité au preneur sortant – Action en indemnisation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 17-23.777), le 17 juin 2005, M. et Mme [W] ont donné à bail rural un ensemble immobilier à la société civile d'exploitation agricole du Domaine de la Veyssière (la SCEA), dont ils étaient les seuls associés.

2. Le 26 mai 2009, au terme d'une procédure de saisie immobilière, la société Centre Pierre investissement (l'adjudicataire) a été déclarée adjudicataire de l'immeuble donné à bail.

3. Le 13 novembre 2013, la SCEA a été placée en liquidation judiciaire.

La résiliation du bail rural a été constatée par le juge-commissaire le 14 avril 2014.

4. Le 29 juillet 2014, la société [P] associés (le liquidateur), agissant en qualité de liquidateur de la SCEA, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en condamnation de l'adjudicataire à lui payer l'indemnité due au preneur sortant au titre des améliorations apportées antérieurement à l'adjudication.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. L'adjudicataire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au liquidateur une certaine somme au titre de l'indemnité due au preneur sortant, alors « que, dans le cas où les biens donnés à bail rural ont été vendus par adjudication et où le cahier des conditions de la vente de l'immeuble donné à bail rural ne fait pas mention de la nature, du coût et de la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime, le droit à indemnisation du preneur à bail rural prévu par les dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime est inopposable à l'adjudicataire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner la société Centre Pierre investissement à payer à M. [I] [P], ès qualités, la somme de 413 933,47 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, en application des dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime, que la circonstance que le cahier des charges de l'adjudication, établi sous la seule responsabilité de son rédacteur, ne portait aucune mention relative à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime devait demeurer sans incidence sur les droits du preneur à indemnité, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 411-69, L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 411-69, alinéas 1 et 4, du code rural et de la pêche maritime, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. Si la vente a eu lieu par adjudication, le cahier des charges doit mentionner la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 de ce code. Cette mention est établie par l'officier public ou ministériel chargé de la vente d'après les indications fournies par le bailleur et par le preneur ; en cas de désaccord entre les parties, elle fait état des éléments contestés.

8. Aux termes de l'article R. 322-11, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution, relatif à la saisie immobilière, le cahier des conditions de vente est élaboré sous la responsabilité du créancier poursuivant.

9. S'il résulte de ces textes que le preneur et le bailleur doivent, à la demande du rédacteur du cahier des conditions de vente, et sous leur responsabilité, fournir les indications précitées, leur défaut de mention ne peut avoir pour effet de priver le preneur de son droit de demander à l'adjudicataire, bailleur à l'expiration du bail, le paiement d'une indemnité au titre de ces améliorations.

10. La cour d'appel a donc, à bon droit, énoncé que la circonstance que le cahier des charges de l'adjudication ne porte aucune mention relative à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime doit demeurer sans incidence sur les droits du preneur à indemnité.

11. Elle en a exactement déduit que le liquidateur de la SCEA était fondé à demander à l'adjudicataire le paiement d'une indemnité au titre des travaux d'amélioration prévus par une clause du bail.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Davoine - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 411-69, alinéas 1 et 4, du code rural et de la pêche maritime ; article R. 322-11, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-16.167, (B), FRH

Rejet

Adjudication – Ordonnance d'exécution forcée – Contestation – Caractère proportionnée de la voie d'exécution – Atteinte à la vie privée – Office du juge

Le débiteur saisi disposant d'un recours juridictionnel lui permettant de contester l'ordonnance d'exécution forcée rendue sur la requête du créancier poursuivant, c'est sans méconnaître l'articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article premier du premier Protocole additionnel, qu'une cour d'appel statue, aux termes d'une procédure contradictoire conforme aux exigences du procès équitable, sans avoir à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée par le débiteur, lequel n'alléguait pas du caractère disproportionné de la mesure diligentée à son encontre tant au regard de son droit au respect de la vie privée que de son droit à la protection de la propriété.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 février 2021) et les productions, par ordonnance du 3 juin 2019, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la société Crédit foncier de France (la banque), l'exécution forcée de biens immobiliers appartenant à M. [C] et Mme [E].

2. M. [C] a formé deux pourvois immédiats, le premier afin de solliciter des délais pour vendre amiablement l'immeuble saisi, le second contre l'ordonnance du 30 janvier 2020 ayant rejeté sa demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [C] et Mme [E] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 30 janvier 2020 ayant rejeté la demande de délais de grâce formulée par M. [C], alors :

« 1°/ que la vente par adjudication de la maison d'habitation d'un débiteur constitue une ingérence dans l'exercice de son droit au respect de son domicile ; qu'il ne peut y avoir d'ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant qu'elle est prévue par la loi, qu'elle poursuit un but légitime et qu'elle est proportionnée avec l'objectif recherché ; qu'en ordonnant la vente forcée de l'immeuble appartenant à Mme [E] et M. [C] et constituant le domicile de ce dernier, sans procéder, au besoin d'office, à un examen de la proportionnalité de cette mesure, la cour d'appel a méconnu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en ce qu'elle ne permet plus au débiteur de disposer de sa maison, la vente forcée par adjudication porte atteinte à son droit au respect de ses biens ; qu'en ce qu'elle est prononcée, au terme d'une procédure n'offrant pas au débiteur des garanties procédurales suffisantes, la vente forcée des immeubles situés dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle porte une atteinte disproportionnée au droit du débiteur au respect de ses biens ; qu'en rejetant la demande de délais de grâce formulée par M. [C] sans qu'ait pu être préalablement examinée la proportionnalité de la mesure de vente forcée de sa maison prononcée à son encontre, la cour d'appel a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

5. Aux termes de l'article 8, § 2, il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

6. Selon l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

7. Si la vente aux enchères de la propriété d'un débiteur, qui constitue une ingérence dans le droit au respect des biens de celui-ci, poursuit un but légitime d'utilité publique, à savoir la satisfaction des créances pécuniaires de son créancier, cette ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

En particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété (CEDH, 5 novembre 2009, [P] [K] Axte c. Grèce, n° 44769/07, § 34 et 35).

En outre, les procédures applicables doivent aussi offrir à la personne concernée une occasion adéquate d'exposer sa cause aux autorités compétentes afin de contester effectivement les mesures portant atteinte aux droits garantis par cette disposition (CEDH, 5 novembre 2009, [P] [K] Axte c. Grèce, n° 44769/07, § 36).

8. Aux termes de l'article 145, alinéa 1er, de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, l'ordonnance d'exécution est signifiée d'office au débiteur et au tiers acquéreur et inscrite d'office au livre foncier.

Selon l'article 167 de la même loi, les décisions du tribunal de l'exécution sont susceptible d'un pourvoi immédiat.

9. Il résulte en outre des articles 141 et 143 de cette même loi que le tribunal de l'exécution doit rechercher si les demandes sont fondées.

10. Le débiteur saisi disposant ainsi d'un recours juridictionnel lui permettant de contester l'ordonnance d'exécution forcée rendue sur la requête du créancier poursuivant, c'est sans méconnaître l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article premier du premier Protocole additionnel, que la cour d'appel qui, statuant aux termes d'une procédure contradictoire conforme aux exigences du procès équitable, n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée par le débiteur, lequel n'alléguait pas du caractère disproportionné de la mesure diligentée à son encontre tant au regard de son droit au respect de la vie privée que de son droit à la protection de la propriété, a statué comme elle l'a fait.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article premier du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-19.356, (B), FRH

Rejet

Commandement – Radiation – Effets – Interruption de prescription

Le commandement de payer aux fins de saisie immobilière qui a été radié ne peut plus être déclaré caduc et emporte, dès lors, effet interruptif de prescription.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 29 juin 2021), sur le fondement d'un acte de prêt notarié, la société Banque CIC Est (la banque) a fait délivrer le 13 décembre 2016 à M. et Mme [I] un commandement aux fins de saisie immobilière.

2. Les 10 et 12 octobre 2018, un autre commandement de payer valant saisie immobilière leur a été délivré et la banque a assigné les parties à une audience d'orientation.

3. Le 27 novembre 2018, le commandement du 13 décembre 2016 a fait l'objet d'une radiation.

4. Par jugement du 7 décembre 2020, un juge de l'exécution a constaté la caducité de ce commandement pour non-respect par la banque des dispositions de l'article R. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, et dit que celui-ci n'a pas d'effet interruptif de prescription, constaté que la créance de la banque était prescrite et déclaré irrecevable la demande de la banque.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de déclarer la banque recevable en ses poursuites de saisie immobilière et en conséquence d'orienter la procédure engagée par elle vers la vente forcée, de les débouter de leur défense au fond tendant à voir prononcer la déchéance des intérêts, de fixer la créance de la banque à la somme de 514 110,85 euros avec intérêts, d'ordonner la vente forcée des biens saisis sur la mise à prix de 250 000 euros et de renvoyer le créancier poursuivant à saisir le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Belfort pour fixer la date de l'audience d'adjudication, déterminer les dates de visites du bien et désigner un huissier chargé d'assurer ces visites, alors :

« 1°/ que la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets, atteint tous les actes ultérieurs de la procédure de saisie qu'il engage et met fin à la procédure de saisie ; qu'en jugeant que le commandement de payer du 13 décembre 2016, non suivi d'effet, avait conservé son effet interruptif de prescription jusqu'à sa radiation le 27 novembre 2018 dès lors que la caducité qu'il encourait n'avait pas été antérieurement constatée, quand la caducité, même constatée postérieurement, qui était encourue par le commandement avant sa radiation, mettait fin à la procédure de saisie qu'il avait initiée et privait de ses effets les actes ultérieurs de mainlevée et de radiation dudit commandement, la cour d'appel a violé les articles R. 311-1 et R. 321-1 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article 2244 du code civil ;

2°/ que toute partie intéressée peut demander au juge de l'exécution de déclarer la caducité d'un commandement de payer valant saisie immobilière, laquelle le prive rétroactivement de son effet interruptif de prescription ; qu'à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes ; qu'en jugeant que le commandement du 13 décembre 2016, non suivi d'effets, avait interrompu la prescription jusqu'à sa radiation survenue deux ans plus tard et qu'elle ne pouvait plus en constater la caducité au motif inopérant qu'elle était saisie du recouvrement forcé de la créance sur commandement de payer distinct des 10 et 12 octobre 2018, et en refusant ainsi de statuer sur la contestation relative à la prescription de la créance poursuivie en raison de la caducité qui entachait le précédent commandement de payer avant sa radiation, la cour d'appel a violé les articles R. 311-11, R. 321-1, et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2244 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé que le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 13 décembre 2016, publié sans être suivi d'effet, avait été radié à la demande de la banque qui en avait donné mainlevée, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait plus être déclaré caduc et qu'il avait, dès lors, un effet interruptif de prescription.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SARL Le Prado - Gilbert -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 mars 2005, pourvoi n° 02-20.216, Bull. 2005, II, n° 85 (cassation).

1re Civ., 17 mai 2023, n° 22-10.193, (B), FRH

Cassation partielle

Conditions – Titre authentique et exécutoire – Créance fondant les poursuites – Vérification du montant de la créance – Commission de surendettement – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 novembre 2021) et les productions, par acte du 5 janvier 2017, publié le 7 février 2017, la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (la banque) a fait délivrer à [S] [L] et Mme [P] (les emprunteurs) un commandement de payer aux fins de saisie immobilière en exécution d'un prêt du 27 juillet 2006 garanti par hypothèque conventionnelle.

2. La banque a assigné les emprunteurs devant le juge de l'exécution aux fins de vente forcée des biens et droits immobiliers saisis. Invoquant une inexactitude du taux effectif global (TEG), ceux-ci ont demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts conventionnels. Ils ont, par ailleurs, saisi la commission de surendettement.

Par jugement du 16 octobre 2019, le juge de l'exécution statuant en matière de surendettement a fixé la créance de la banque à la somme de 13 450,32 euros.

3. M. [D] [L] est intervenu volontairement à l'instance de saisie immobilière en qualité d'ayant droit de [S] [L], décédé le [Date décès 2] 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer l'action en contestation du TEG recevable, de dire que le TEG mentionné dans le contrat de prêt est erroné, de substituer au taux conventionnellement prévu le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat et de dire qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311 2, L. 311 4 et L. 311 6 du code des procédures civiles d'exécution la procédure de vente sur saisie immobilière n'a plus de base légale, alors « que l'indication, dans un acte de prêt, d'un taux effectif global supérieur à la réalité n'appelle aucune sanction ; qu'en l'espèce, la cour a retenu que le TEG figurant dans l'acte de prêt était inexact dans la mesure où il était supérieur à celui figurant dans l'offre de prêt, qui n'était pas contesté ; qu'en se fondant sur une telle erreur, qui ne venait pourtant pas au détriment des emprunteurs, pour décider la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, et 1907 du code civil ;

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 :

6. En application de ces textes, l'erreur affectant la mention du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit n'est sanctionnée que lorsqu'elle vient au détriment de l'emprunteur.

7. Pour substituer au taux conventionnellement prévu le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat, l'arrêt retient, d'abord, que le TEG mentionné dans l'offre de prêt, qui intègre les frais de notaire, est exact et non contesté, relève, ensuite, qu'il est inférieur à celui figurant dans l'acte authentique de prêt, qui n'inclut pas ces mêmes frais, et en déduit, enfin, que ce dernier TEG est erroné.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'erreur affectant le TEG mentionné dans le contrat de prêt ne venait pas au détriment des emprunteurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311 2, L. 311 4 et L. 311 6 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de vente sur saisie immobilière n'a plus de base légale, alors « que la décision du juge du surendettement sur une demande de vérification des créances n'a pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en retenant, pour dire que la banque ne disposait plus d'aucune créance exigible et mettre fin aux opérations de saisie immobilière, qu'il n'avait pas formé de recours à l'encontre de la décision rendue par le juge du surendettement ayant fixé à 13 450,32 euros et que cette somme avait été réglée en totalité, la cour d'appel a violé l'article R. 723-7 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, et l'article 1351, devenu 1355, du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil, et R. 723-7 du code de la consommation :

10. Il résulte de ces textes que la décision par laquelle le juge de l'exécution statuant en matière de surendettement vérifie la validité et le montant des titres de créance n'a pas l'autorité de la chose jugée au principal.

11. Pour dire qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de vente sur saisie immobilière n'avait plus de base légale, l'arrêt retient que dans le cadre de la procédure de surendettement la banque a ajusté ses prétentions et sollicité finalement une somme de 13 450,32 euros à titre de solde de tout compte et qu'il n'est pas contestable que cette somme a été versée en totalité, mettant ainsi fin au plan de surendettement, de sorte qu'elle ne peut plus valablement contester le quantum des sommes qu'elle a elle-même fixé aux termes de son propre décompte.

12. En statuant ainsi, alors que la vérification du montant de la créance avait été effectuée à la demande de la commission afin de permettre à celle-ci de poursuivre sa mission, de sorte qu'elle n'avait pas l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt 27 juillet 2006 est erroné, substitue au taux conventionnellement prévu le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la conclusion du contrat et dit qu'en l'absence d'une créance exigible aux termes des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de vente sur saisie immobilière aux termes d'un commandement du 5 janvier 2017 n'a plus de base légale, l'arrêt rendu le 9 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 1351, devenu 1355, du code civil ; article R. 723-7 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 octobre 2004, pourvoi n° 00-20.515, Bull., 2004, II, n° 475 (cassation).

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-17.853, (B), FRH

Rejet

Procédure – Audience d'orientation – Jugement d'orientation – Titre exécutoire – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 mars 2021) et les productions, par acte notarié du 20 décembre 2017, la caisse de Crédit mutuel [Adresse 2] (la banque) a consenti à M. [N] des prêts immobiliers.

2. Sur des poursuites engagées par la banque aux fins de saisie immobilière, la vente forcée de l'immeuble appartenant à M. [N] a été ordonnée par jugement du 14 mars 2013, qui a retenu que le montant de la créance de la banque s'élevait à une certaine somme.

3. L'appel formé par M. [N] à l'encontre de ce jugement d'orientation a été déclaré irrecevable par ordonnance d'un conseiller de la mise en état.

4. Le 28 mai 2019, M. [N] a fait délivrer à la banque un commandement aux fins de saisie-vente sur le fondement d'un arrêt du 19 septembre 2016 lui ayant octroyé des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation d'information de la banque dans le cadre de ces prêts.

5. La banque a contesté ce commandement devant un juge de l'exécution en se prévalant de la compensation avec la créance détenue à l'encontre de M. [N] au titre du solde des prêts immobiliers demeurés impayés.

6. Par jugement du 2 mars 2020, le juge de l'exécution, a, en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, déclaré prescrite l'action en paiement de la banque, rejeté la demande de compensation formée par la banque et validé le commandement aux fins de saisie-vente.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en paiement, de rejeter sa demande de compensation et de valider le commandement aux fins de saisie-vente du 28 mai 2019, alors « que le jugement d'orientation du juge de l'exécution, qui a autorité de chose jugée au principal en ce qu'il fixe la créance du poursuivant, constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible dont l'exécution peut être poursuivie pendant dix ans ; qu'en retenant que le jugement d'orientation du 14 mars 2013, aux termes duquel le juge de l'exécution a fixé la créance de la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 2] aux sommes de 71 199,50 euros et 174 303,75 euros au titre des deux prêts consentis à M. [N], n'était pas un titre exécutoire que la banque pouvait invoquer pour obtenir le paiement du solde de la créance qu'il mentionne, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2, L. 111-3, 1°, L. 111-4, R. 121-14, R. 322-15, R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte des articles L. 111-2, L. 111-3, 1°, L. 311-2, R. 121-1, R. 322-15, alinéa 1er, et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution que le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution statuant, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière, n'a pas pour objet de constater une créance liquide et exigible, mais de vérifier que le créancier est muni d'un titre exécutoire présentant ces caractéristiques, de statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes, et de mentionner le montant retenu pour la créance du poursuivant.

Par conséquent, il ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-4 du même code.

9. Ayant relevé que, contrairement à ce que soutient la banque, le jugement d'orientation, qui ne peut être rendu que lorsque le créancier justifie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, ne peut se substituer au titre exécutoire initial afin de servir de fondement au recouvrement d'une créance ou constituer lui-même un titre exécutoire, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le créancier ne pouvait se prévaloir du délai d'exécution de dix ans prévu par l'article L. 111-4 du code précité à compter du jugement d'orientation et que par conséquent, la créance était prescrite.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Latreille - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-22.704 (cassation).

2e Civ., 17 mai 2023, n° 21-20.690, (B), FS

Cassation

Procédure – Audience d'orientation – Jugement d'orientation – Voies de recours – Appel – Procédure à jour fixe – Copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile – Défaut – Sanction (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Bear Stearns Bank, aux droits de laquelle est venu le Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par la société France titrisation, à l'encontre de M. et Mme [F], un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien.

2. M. et Mme [F] ont relevé appel de ce jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement d'orientation, la cour est valablement saisie par la remise par voie électronique au greffe de la seule assignation, sans que l'appelant soit tenu de lui remettre également la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, l'ordonnance du premier président et la déclaration d'appel, lesquels constituent des documents distincts de l'assignation ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel des époux [F], que l'assignation remise était incomplète dès lors qu'elle ne comprenait ni la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, ni l'ordonnance du premier président, ni une copie de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 922 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte du premier de ces textes que dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.

5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).

6. La question posée par le moyen est celle de savoir si l'article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d'appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l'assignation les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel.

7. En application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour.

L'ordonnance signée et datée du premier président figure au dossier de la procédure (2e Civ., 20 mai 2021, pourvois n° 19-19.258 et n° 19-19.259).

8. L'article 922 du code de procédure civile, quant à lui, a pour seul objet d'énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d'appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d'une copie de l'assignation.

9. Il en résulte que l'article 922 du code de procédure civile n'impose pas que soient jointes à la copie de l'assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l'information de l'intimé, mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile.

10. Toute autre interprétation constituerait une entrave disproportionnée à l'accès au juge en méconnaissance de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que la cour d'appel n'a pas été valablement saisie par le dépôt au greffe d'une copie complète de l'assignation faute de comprendre la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, de l'ordonnance du premier président et d'une copie de la déclaration d'appel.

12. En statuant ainsi, en déclarant l'appel irrecevable, alors, d'une part, que la cour est valablement saisie par la remise de la seule copie de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'y joindre les copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile, d'autre part, que l'absence de remise de cette assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Condamne la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages et la condamne à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Bonnet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Articles 920 et 922 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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